LĂ©gendes de la Garde, T2 : Hiver 1152 – David Petersen

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Titre : LĂ©gendes de la Garde, T2 : Hiver 1152
Scénariste : David Petersen
Dessinateur : David Petersen
Parution : Janvier 2011


A NoĂ«l dernier, mon frĂšre m’a offert l’ouvrage « LĂ©gendes de la Garde – Automne 1152 ». Il s’agissait d’un recueil d’histoires mettant en Ɠuvre des souris organisĂ©es en sociĂ©tĂ© pour survivre dans un univers hostile. J’avais Ă©tĂ© plutĂŽt sĂ©duit par l’univers crĂ©Ă© par l’auteur nommĂ© David Petersen. J’ai donc dĂ©cidĂ© de m’offrir la suite des aventures de ces rongeurs intitulĂ©s logiquement « LĂ©gendes de la Garde – Hiver 1152 ». EditĂ© chez Gallimard dans un ravissant ouvrage Ă  la forme presque carrĂ©e, cet album se compose de plus de cent cinquante pages. La parution du bouquin date du dĂ©but de l’annĂ©e deux mille onze. Son prix avoisine vingt euros. La couverture nous prĂ©sente une souris au pelage gris. Elle fume la pipe. Elle a le dos chargĂ© et affronte une tempĂȘte de neige. L’atmosphĂšre hivernale nous envahit immĂ©diatement. Il ne reste plus qu’à s’y plonger immĂ©diatement en attaquant notre lecture.

La quatriĂšme de couverture ne nous offre qu’une illustration nous prĂ©sentant quatre souris en train de lutter dans cette tempĂȘte de neige. C’est en dĂ©couvrant l’avant-propos qui prĂ©cĂšde l’histoire qu’on peut dĂ©couvrir un rĂ©sumĂ© de la trame : « La saison des glaces s’est installĂ©e sur les territoires. La Garde est Ă  court de vivres et de mĂ©dicaments. La petite Ă©quipe d’aventuriers doit se sĂ©parer et se rĂ©soudre Ă  de terribles choix. Toutes les grandes sociĂ©tĂ©s savent relevĂ©s les dĂ©fis qui se prĂ©sentent, et la Garde ne fait pas exception. Avec abnĂ©gation, ses membres rĂ©sistent au temps et bravent les prĂ©dateurs. Face aux Ă©preuves de l’hiver, leur hĂ©roĂŻsme paraĂźt plus Ă©clatant encore. »

Des codes proches de la fantasy

Cet ouvrage est relativement grand public. Il utilise des codes finalement proches de la fantasy. En effet, le fonctionnement de la sociĂ©tĂ© prĂ©sentĂ©e se rapproche de nos repĂšres mĂ©diĂ©vaux. La Garde qui se compose donc de souris dont la mission est de protĂ©ger voit ses membres ĂȘtre armĂ©s d’épĂ©e et habillĂ©s d’une cape. On utilise une nouvelle fois des repĂšres chevaleresques. Sur ce plan-lĂ , les adeptes du genre verront leur intĂ©rĂȘt chatouillĂ©. La narration se dĂ©compose en six chapitres. Chacun est prĂ©cĂ©dĂ© d’une page faisant le point sur l’état de l’intrigue. Cela permet Ă  l’histoire de voir ses Ă©tapes bien marquĂ©s et son cheminement marquĂ©. Cela participe Ă  l’atmosphĂšre particuliĂšre qui accompagne notre lecture.

Le fil conducteur est relativement simple. L’hiver est rude et les rĂ©serves viennent Ă  manquer. Les meilleurs Ă©lĂ©ments de la Garde se voient confier la mission d’assurer l’approvisionnement. On suit donc un groupe de souris qui ne nous sont pas inconnues. En effet, elles Ă©taient dĂ©jĂ  au centre de l’histoire dans l’opus prĂ©cĂ©dent. Au-delĂ  de la mĂ©tĂ©o compliquĂ©e, de nombreuses Ă©preuves vont se trouver sur leur chemin et attiser ainsi notre curiositĂ©. La richesse de l’histoire va donc rĂ©sider dans la variĂ©tĂ© des Ă©preuves qui vont ĂȘtre soumises Ă  nos hĂ©ros. Dans le premier ouvrage de la sĂ©rie, mon regret avait Ă©tĂ© que la richesse animaliĂšre qui habite dans l’univers des souris Ă©tait sous-exploitĂ©e. On avait le sentiment que les rongeurs vivaient seuls dans la forĂȘt. Dans ce nouvel album, l’auteur exploite davantage les prĂ©dateurs, adversaires ou acolytes des souris. Cela offre davantage d’originalitĂ© Ă  l’histoire et permet des surprises et des scĂšnes plus variĂ©es. C’est une agrĂ©able Ă©volution.

Du cĂŽtĂ© des dessins, on retrouve le trait de David Petersen que j’avais dĂ©couvert dans l’ouvrage prĂ©cĂ©dent. Je le trouve plutĂŽt rĂ©ussi dans le sens oĂč on n’a aucun mal Ă  reconnaitre chaque souris malgrĂ© leur forte ressemblance apparente. Il arrive Ă  leur gĂ©nĂ©rer une rĂ©elle identitĂ© graphique. C’est une rĂ©elle performance. De plus, je trouve que les paysages hivernaux prennent une ampleur que l’automne ne possĂ©dait pas. Je trouve qu’il se dĂ©gage une atmosphĂšre prenante et rĂ©aliste qui habite intensĂ©ment notre lecture. L’usage des couleurs est subtile et participe activement Ă  cette rĂ©ussite.

En conclusion, je ne regrette pas de m’ĂȘtre offert ce bouquin. J’ai passĂ© un vrai bon moment de lecture. Mon intĂ©rĂȘt n’a cessĂ© de croĂźtre tout au long des cent cinquante pages qui composent cette histoire. Je trouve cet ouvrage de meilleure qualitĂ© que le prĂ©cĂ©dent que j’avais pourtant trouvĂ© agrĂ©able. Je suis donc curieux de savoir si David Petersen a l’intention de donner une suite aux lĂ©gendes de la Garde. Une chose est certaine : si c’est le cas, je partirais Ă  leur rencontre avec joie. Mais cela est une autre histoire
 

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Note : 14/20

Ralph Azham, T2 : La mort au dĂ©but du chemin – Lewis Trondheim

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Titre : Ralph Azham, T2 : La Mort au DĂ©but du Chemin
Scénariste : Lewis Trondheim
Dessinateur : Lewis Trondheim
Parution : Août 2011


« Ralph Azham » est une sĂ©rie de fantasy crĂ©Ă©e par Lewis Trondheim sur le mode de « Donjon ». L’univers est quasi-identique. Il est Ă©tonnant de voir Trondheim se lancer dans une sĂ©rie si proche de celle qu’il avait initiĂ©e avec Sfar. La publication chez Dupuis (et en prĂ©publication chez Spirou Magazine) explique peut-ĂȘtre cela.

Le tome 2, « La mort au dĂ©but du chemin », fait suite Ă  l’introduction. On suit toujours l’histoire de Ralph, un Ă©lu puisque ses cheveux devenus bleus. On le retrouve en voyage avec ses autres jeunes acolytes. Evidemment, les problĂšmes vont se succĂ©der Ă  une vitesse vertigineuse ! Il faut dire que Ralph fait tout pour les attirer. Son personnage, sorte de double d’Herbert (dans Donjon) est cynique et blasĂ©. Peut-ĂȘtre plus courageux et plus Ă  mĂȘme Ă  rĂ©agir aux Ă©vĂšnements.

Une comparaison avec “Donjon” cruelle mais inĂ©vitable

La magie devient rĂ©ellement un fondamental de « Ralph Azham » dans ce tome. Ralph rencontre d’autres magiciens et les pouvoirs des uns et des autres s’étoffent, prennent de l’ampleur. Les combats sont plus impressionnants. Clairement, l’histoire dĂ©marre rĂ©ellement ici mĂȘme si les tenants et les aboutissants sont encore trĂšs flous. Ce qui empĂȘche quelque peu de se lancer pleinement dans la lecture. On ressent une forme de recul sur l’histoire. Les deux premiers tomes paraissent presque indĂ©pendants et Ă  la fin de celui-ci, on a l’impression que ce sera pareil pour le suivant. Il faut dire que les personnages du premier tome ne sont pas (encore ?) rĂ©utilisĂ©s. On dĂ©marre donc sur de nouvelles bases.

Certes la comparaison avec « Donjon » est peut-ĂȘtre cruelle mais elle est inĂ©vitable. Si on retrouve la qualitĂ© d’écriture de Trondheim un peu comme on retrouve un vieil ami, il n’y a cependant pas la densitĂ© et le charisme des personnages de « Donjon ». Les trouvailles sont toujours originales, bien pensĂ©es et exploitĂ©es, les dialogues toujours aussi dĂ©calĂ©s et force est de constater qu’on lit la BD d’une traite. Mais Trondheim nous a tellement habituĂ©s Ă  l’excellence que c’est difficile d’accepter de se retrouver avec « seulement » une bonne BD dans les mains !

Au niveau du dessin, on retrouve le style reconnaissable de l’auteur. Brigitte Findakly, sa femme, s’occupe des couleurs. Il faut avouer que les teintes de l’ensemble tirent vers les couleurs froides donnant par moment une ambiance particuliĂšre Ă  l’ensemble. « Donjon » Ă©tait trĂšs chaud dans ses couleurs. Ici, c’est moins le cas.

Mon avis peut paraĂźtre un peu dur et je l’attĂ©nue quelque peu. Lors de ma premiĂšre relecture, j’ai apprĂ©ciĂ© beaucoup plus l’univers de ce « Ralph Azham ». Les dialogues sont bien tournĂ©s, les idĂ©es foisonnent et l’histoire regorge de nombreux dĂ©tails. Peut-ĂȘtre que cette sĂ©rie est moins typĂ© humoristique que « Donjon ». Il s’en dĂ©gage une certaine mĂ©lancolie (notamment chez Ralph) qui peut expliquer une premiĂšre impression peu flatteuse. Cependant, aprĂšs deux tomes, on ne sait pas vraiment oĂč Trondheim veut nous emmener. Attention Ă  ne pas trop nous faire attendre !

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Note : 13/20

Ralph Azham, T1 : Est-ce qu’on ment aux gens qu’on aime ? – Lewis Trondheim

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Titre : Ralph Azham, T1 : Est-ce qu’on ment aux gens qu’on aime ?
Scénariste : Lewis Trondheim
Dessinateur : Lewis Trondheim
Parution : Mars 2011


« Ralph Azham » est une nouvelle sĂ©rie nĂ©e de l’imagination du cĂ©lĂšbre et talentueux Lewis Trondheim. Le premier tome intitulĂ© « Est-ce qu’on ment aux gens qu’on aime ? » est sorti le mois dernier. EditĂ© chez Dupuis, cet opus de format classique est composĂ© d’une grosse quarantaine de pages. Sur un fond blanc, la couverture nous prĂ©sente une galerie de personnages originaux tournant autour d’un jeune homme aux cheveux bleus et dont les mains sont attachĂ©es Ă  un poteau. Le prix de l’ouvrage est un petit peu infĂ©rieur Ă  douze euros.

Ralph Azham vit dans un village dans lequel il possĂšde le statut de souffre-douleur. Toutes les occasions sont bonnes pour le punir, le torturer ou le frapper. Il faut dire que ce cher Ralph possĂšde un pouvoir bien particulier. Il peut voir les morts et les naissances. Bref, pour lui, le quotidien est rarement rose et bien trop souvent noir et dur. Mais dĂ©jĂ  que la vie n’est pas facile, voilĂ  que le village va ĂȘtre attaquĂ© par la Horde, une troupe sanguinaire qui pris l’habitude de terroriser les habitants


Il faut savoir que je suis un grand fan de Lewis Trondheim. Je possĂšde une grande partie de ses productions. Et rares sont les lectures de l’une d’entre elles qui ne m’ont pas enthousiasmĂ©. Cela fait que la seule prĂ©sence de son nom sur une couverture de bandes dessinĂ©es fait que je m’offre l’album en question. La couverture laissait sous-entendre une nouvelle immersion de l’auteur dans l’univers de « l’HĂ©roĂŻc Fantasy ». C’était plutĂŽt une bonne nouvelle car son premier voyage dans le domaine a donnĂ© naissance Ă  la grande saga « Donjon » qui est une des Ɠuvres majeures de la derniĂšre dĂ©cennie dans le neuviĂšme art français. J’avais donc hĂąte de dĂ©couvrir ce cher Ralph. Pour ceux qui n’auraient pas encore la chance de connaĂźtre la magie de Trondheim, sachez qu’elle s’adresse Ă  tous les publics. Cet album rĂ©pond Ă©galement Ă  cette rĂšgle.

On frĂŽle parfois l’indigestion.

Cet album marque le dĂ©but d’une nouvelle sĂ©rie. Les personnages nous sont donc inconnus tout autant d’ailleurs que l’univers dans lequel ils vivent ou que les rĂšgles qui rĂ©gulent leur monde. C’est un attrait toujours certain des premiers opus de sĂ©ries de « Fantasy ». On est toujours Ă  la recherche de la petite originalitĂ© qui va nous rendre ce monde si sympathique. On ne peut pas dire que cet album se dĂ©marque vraiment des habitudes du genre. L’attrait rĂ©side davantage dans le fait que Trondheim veuille jouer avec les codes du genre. Le bĂ©mol est que j’ai trouvĂ© la trame trĂšs brouillonne. On a parfois l’impression que cela part dans tous les sens. Les informations sont nombreuses, les chemins variĂ©s. Mais au final, on frĂŽle parfois l’indigestion. J’ai en effet eu du mal Ă  me plonger dans le quotidien de Ralph Azham. Je suis restĂ© spectateur parce que la porte d’entrĂ©e Ă©tait peut-ĂȘtre un petit peu trop obstruĂ©e.

CĂŽtĂ© personnages, Trondheim nous en offre une galerie assez fournie. Le premier d’entre eux donne le nom Ă  la sĂ©rie. Il s’agit de Ralph Azham. On ressent un petit peu d’empathie pour lui. En effet, le fait que le village lui fasse porter tous les malheurs du monde avec un certain sadisme fait qu’on ne peut ĂȘtre que de son cĂŽtĂ©. Le fait que l’histoire se dĂ©roule dans une petite communautĂ© fait qu’on voit rapidement graviter un nombre certain de personnages identifiables. C’est une rĂ©ussite de l’ouvrage car cela nous permet quand mĂȘme de visualiser assez rapidement le fonctionnement local. Je ne vous les prĂ©sente pas tous parce qu’une partie du plaisir de la lecture rĂ©side dans la surprise et la dĂ©couverte.

CĂŽtĂ© atmosphĂšre, je ne l’ai pas trouvĂ© trĂšs prenante. Au risque de me rĂ©pĂ©ter, je trouve que la narration est trop brouillonne pour rendre notre immersion totale. Je pense que structurer davantage les informations en les allĂ©geant Ă©ventuellement aurait permis de donner davantage d’épaisseur aux personnages et ainsi de dĂ©velopper nos sentiments Ă  leurs Ă©gards. Ce n’est que mon point de vue mais c’est en tout cas ce que j’ai ressenti. C’est dommage car certaines scĂšnes sont vraiment trĂšs rĂ©ussies. Trondheim dĂ©montre une nouvelle fois son talent pour faire rire en tout occasion. Certaines rĂ©pliques sont remarquables de drĂŽlerie. NĂ©anmoins, on ne retrouve pas la densitĂ© humoristique que contiennent certains Ă©pisodes de « Donjon ».

Concernant les dessins, je les trouve remarquables. Il faut dire que je trouve le style de Trondheim trĂšs agrĂ©ables. D’apparence trĂšs simple et quasiment enfantin, ils collent parfaitement au ton de l’histoire. Ils rendent la lecture aisĂ©e pour tout type de public. Pour des raisons Ă©quivalentes, les couleurs sont bien dosĂ©es. J’en profite pour signaler la qualitĂ© du travail dans ce domaine de Brigitte Findakly qui s’en est chargĂ©e dans cet opus. Le dĂ©coupage des cases est classique. Chaque page est composĂ©e de quatre lignes dĂ©coupĂ©es chacune en une Ă  quatre cases. Sur ce plan-lĂ , la lecture ne nĂ©cessite pas de gymnastique particuliĂšre.

Au final, cet opus m’a laissĂ© un sentiment mitigĂ© une fois terminĂ©. Je ne peux pas dire qu’il ne m’a pas fait passer un moment agrĂ©able. J’ai souvent ri, j’ai Ă©galement trouvĂ© certains dialogues ou certaines scĂšnes savamment tournĂ©s. Par contre, je n’ai pas eu l’envie, comme souvent avec Trondheim, de me plonger au plus vite dans l’album tout juste terminĂ©. Peut-ĂȘtre en attendais-je trop ? MalgrĂ© tout, je n’ai pas passĂ© un moment dĂ©sagrĂ©able en le dĂ©couvrant. Mais il n’est pas Ă  la hauteur des sĂ©ries comme « Lapinot » ou « Donjon ». Cela ne m’empĂȘchera pas de m’offrir le prochain opus de cette sĂ©rie pour dĂ©couvrir les nouvelles aventures de ce pauvre Ralph Azham


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Note : 12/20

Feuille de chou, T3 : journal d’un journal – Mathieu Sapin

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Titre : Feuille de chou, T3 : Journal d’un journal
Scénariste : Mathieu Sapin
Dessinateur : Mathieu Sapin
Parution : Septembre 2011


AprĂšs avoir Ă©crit deux premiers « Feuille de chou » consacrĂ©s Ă  des tournages, c’est cette fois-ci au journal LibĂ©ration que Mathieu Sapin a dĂ©cidĂ© de s’attaquer. ImmergĂ© pendant des mois au sein de la direction, il va pouvoir croquer et nous montrer comment fonctionne ce quotidien qui alimente bien des fantasmes. Le tout pĂšse une centaine de pages et est publiĂ© chez Shampooing.

Mathieu Sapin a dĂ©cidĂ© de traiter le sujet de façon trĂšs libre, tant dans le fond que dans la forme. Le tout s’articule donc autour de saynĂštes, qui commencent par l’arrivĂ©e du dessinateur dans les locaux et ses diffĂ©rentes rencontres. Autour de ces anecdotes plus ou moins longues (et intĂ©ressantes), on retrouve aussi des “hors contexte”, Ă  savoir un dessin avec une citation (hors contexte, donc !). Le tout donne un vĂ©ritable aspect bordĂ©lique Ă  l’ensemble. Mathieu Sapin fait le choix de rester en surface et d’Ă©viter de trop analyser ce qu’il voit et entend. Bien Ă©videmment, son travail consiste notamment Ă  choisir ce qu’il montre (et comment il le fait), mais il n’y a pas vraiment de travail de construction et de synthĂšse. Dommage.

Un quotidien au quotidien

MalgrĂ© tout, la particularitĂ© de LibĂ©ration se retrouve bien dans l’ouvrage, que ce soit dans l’idĂ©ologie (“La passion de raconter l’actualitĂ© et la volontĂ© de lui donner un sens” nous dit son ancien directeur) ou mĂȘme dans ses locaux. On peut y lire Ă©galement des rĂ©flexions sur l’évolution de la presse Ă©crite (notamment quotidienne). Je dois avouer que tout n’est pas passionnant et ce que l’on retient, c’est avant tout les anecdotes (comme ce photographe qui reste des heures devant en bĂątiment pour prendre une photo d’un homme qui en sort
 Et la photo n’est pas retenue ! Tout ça pour ça ?).

Mathieu Sapin s’efforce le plus possible de retranscrire avec fidĂ©litĂ© ce qu’il voit/entend. Ainsi, les scĂšnes sont parfois confuses, mais cela donne une idĂ©e du bouillonnement qu’il doit rĂ©gner au journal. On sent une forme de fidĂ©litĂ© et d’authenticitĂ© dans le travail du dessinateur.

DĂ©faut ou qualitĂ©, l’ouvrage est ancrĂ© dans son Ă©poque. Ainsi, de vieilles histoires ressortent. Certains trouveront cela amusant de retrouver l’actu de l’époque, d’autres trouveront que cela fait vieillir le livre
 Mais comment parler d’un quotidien sans parler du quotidien ?

La façon dont illustre son livre Mathieu Sapin est des plus plaisantes. Avec un trait relĂąchĂ© et de belles couleurs Ă  l’aquarelle, l’auteur tient un style parfaitement adaptĂ©. Il est cependant dommage que certaines pages soient aussi chargĂ©es. Son personnage, petit avec une tĂȘte toute ronde, le rend encore plus candide face Ă  son sujet.

« Journal d’un journal » ne m’a pas transcendĂ©. J’y ai trouvĂ© de l’intĂ©rĂȘt, mais sans avoir l’impression de dĂ©couvrir autre chose qu’une sorte « d’esprit Libé ». Mais l’ensemble se lit bien, malgrĂ© un contenu un peu fouillis. A lire si vous aimez les documentaires dessinĂ©s.

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Note : 12/20

Blast, T2 : L’apocalypse selon Saint Jacky – Manu Larcenet

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Titre : Blast, T2 : L’Apocalypse selon Saint Jacky
Scénariste : Manu Larcenet
Dessinateur : Manu Larcenet
Parution : Avril 2011


« L’apocalypse selon Saint Jacky » est le titre du deuxiĂšme opus de la sĂ©rie de bandes dessinĂ©es « Blast ». Ecrit par Manu Larcenet, cet album est Ă©ditĂ© chez Dargaud depuis le mois d’avril dernier. Cet ouvrage est d’un format original. En effet, l’histoire s’étale sur environ deux cents pages. Le prix est Ă  peine supĂ©rieur Ă  vingt euros. La couverture est coupĂ©e en deux parties. La partie supĂ©rieure, en noir et blanc, nous prĂ©sente un homme obĂšse les yeux dans les yeux avec un Ă©lĂ©phant. L’infĂ©rieure est colorĂ©e et nous fait dĂ©couvrir un homme en train de lire, allongĂ© dans ce qui semble ĂȘtre un livre.

Ce bouquin est la suite du prĂ©cĂ©dent tome de « Blast » intitulĂ© « Grasse carcasse ». Cette nouvelle histoire reprend oĂč nous avait laissĂ©s la prĂ©cĂ©dente. C’est l’occasion de prĂ©ciser qu’il m’apparaĂźt indispensable d’avoir lu le prĂ©cĂ©dent pour profiter pleinement de cet ouvrage. On y avait rencontrĂ© Mancini. Ancien Ă©crivain, il se revendique clochard. On dĂ©couvre son choix de vie qui consiste Ă  errer et Ă  vivre oĂč le mĂšne la vie sans aucune contrainte. Il vit dans la forĂȘt, y rencontre des SDF. Et surtout il boit et se drogue. Tout cela a pour but de lui faire ressentir Ă  nouveau le blast, sensation extrĂȘme de nirvana qui lui fait quitter sa misĂ©rable existence et son horrible corps d’obĂšse dĂ©goutant. Mais le problĂšme est qu’on a dĂ©couvert Mancini en garde Ă  vue et qu’il est accusĂ© de tentative de meurtre sur une femme


« L’apocalypse selon Saint Jacky » commence par l’annonce du dĂ©cĂšs de la prĂ©sumĂ©e victime de Mancini. Les policiers refusent de l’annoncer Ă  leur suspect et continuent Ă  le faire parler. En effet, Mancini continue de leur conter le cheminement de sa vie qui l’a amenĂ© Ă  se trouver Ă  cet endroit Ă  ce moment. Le centre de sa narration va tourner autour d’un personnage prĂ©nommĂ© Jacky qui l’a accueilli un temps et qui a fait durant quelques temps de Mancini un sĂ©dentaire


Un personnage principal qui n’a rien de rĂ©ellement sympathique.

Cette sĂ©rie ne s’adresse pas Ă  tous les publics. Autant des sĂ©ries de Larcenet comme « Le retour Ă  la terre » ou « Nic Oumouk » utilisent un ton lĂ©ger et humoristique, autant « Blast » adopte une ambiance lourde et dure. Le personnage principal n’a rien de rĂ©ellement sympathique. Son statut de SDF devrait dĂ©clencher un sentiment d’empathie. Ce n’est pas vraiment le cas. Il a choisi sa situation et semble en revendiquer de la fiertĂ©. De plus, sa situation d’alcoolique et de droguĂ© assumĂ©e ne favorise pas la sympathie. La narration est rĂ©aliste. Elle prĂ©sente quelque part les codes du chemin initiatique. Mancini nous offre une rĂ©flexion sur sa vie.

Le scĂ©nario s’étale sur deux cents pages. C’est relativement rare dans la bande dessinĂ©e. Le risque Ă©tait que la trame souffre de quelques vides ou encore de quelques lenteurs. Ce n’est absolument pas le cas. La lecture est intense. J’ai dĂ©vorĂ© cet opus d’une seule traite. On est rĂ©ellement transportĂ© dans l’univers de Mancini. On est fascinĂ© par le parcours de cet homme qui se met sciemment Ă  l’écart de la sociĂ©tĂ© et de ses codes. Les diffĂ©rentes rencontres sont autant de rebondissements. Les moments d’introspection sont Ă©galement passionnants.

Le personnage principal possĂšde une emprise Ă©norme sur le rĂ©cit. D’une part, il en est le narrateur et d’autre part ils occupent quasiment toutes les cases de l’ouvrage. Les deux policiers qui l’interrogent ont un rĂŽle trĂšs secondaire et ont pour unique utilitĂ© de relancer la trame. Ce deuxiĂšme tome nous fait rencontrer un nouveau protagoniste qui prend une place trĂšs importante. PrĂ©nommĂ© Jacky, il s’agit d’un homme, dealer, vivant dehors et fanatique de littĂ©rature qui va hĂ©berger Mancini pendant quelques temps. On pourrait qu’ils deviennent amis. Leur cohabitation nous est contĂ©e durant une grande majoritĂ© des pages. J’ai trouvĂ© cet aspect passionnant et savamment narrĂ©. Cette rencontre entre deux auto-exclus de la sociĂ©tĂ© ne laisse pas indiffĂ©rent.

Mais la richesse de cet album ne rĂ©side uniquement dans sa narration. L’atmosphĂšre de la lecture est intense. De temps en temps touchant, trĂšs souvent mettant mal Ă  l’aise, l’ambiance ne nous laisse jamais indiffĂ©rent ni insensible. Et pour aboutir Ă  ce rĂ©sultat, les dessins jouent un rĂŽle prĂ©pondĂ©rant. Manu Larcenet nous offre une Ɠuvre de grande qualitĂ© sur le plan graphique. Les dessins sont en noir et blanc. Il nous offre une grande variĂ©tĂ© de point de vue. D’une part, les paysages sont remarquables. Que ce soit la forĂȘt ou des immeubles de banlieue. D’autre les personnages sont Ă©galement trĂšs bien nĂ©s. Certains visages sont splendides. Ils possĂšdent une rĂ©elle profondeur.

Je ne peux donc que vous conseiller la lecture de cet album. Je le trouve trĂšs rĂ©ussi. De plus, il s’avĂšre ĂȘtre original, ce qui ne gĂąche rien. Pour ceux qui avaient dĂ©jĂ  dĂ©couvert le premier opus de la sĂ©rie, ce nouveau tome est Ă  la hauteur de son prĂ©dĂ©cesseur. Quant Ă  ceux pour qui « Blast » Ă©tait un univers inconnu, n’hĂ©sitez pas Ă  vous y plonger en commençant par « Grasse carcasse ». Bonne lecture


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Note : 17/20