Blast, T4 : Pourvu que les bouddhistes se trompent – Manu Larcenet

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Titre : Blast, T4 : Pourvu que les bouddhistes se trompent
Scénariste : Manu Larcenet
Dessinateur : Manu Larcenet
Parution : Mars 2014


« Blast » est un OVNI du neuvième art. Depuis la sortie de son premier tome il y a presque quatre ans, cette série est amenée à marquer profondément ses lecteurs. Ce roman graphique né de l’imagination et de la plume de Manu Larcenet est un uppercut permanent. Cette saga est une tétralogie. Le sept mars dernier est apparu l’épisode ultime du parcours de Polza Mancini, ce personnage pas comme les autres. Ce dernier opus s’intitule « Pourvu que les bouddhistes se trompent ». Edité chez Dargaud, cet ouvrage se compose de cent quatre-vingt-quinze pages. Il coûte vingt-trois euros. La couverture se partage en deux plans. Le premier nous présente Polza, revenu à l’état sauvage. Le second nous présente Carole assise un révolver dans la main. Le dénouement approche et nous pouvons légitimement l’appréhender.

La quatrième de couverture fait parler Mancini qui s’adresse à nous : « Un vent lourd, puant suie et cadavre, gronde sur la route et me glace. L’orage approche. Je ne cherche aucun abri, il n’en existe pas à ma taille. Je claudique au bord du chemin, ivre comme toujours, dans l’espoir que la distance entre nous se réduise que nos peaux se touchent enfin. Sali, battu, hagard, je repousse le moment où, le souffle court et les pieds meurtris par de mauvaises chaussures, je devrai m’arrêter. Serai-je encore assez vivant pour repartir ? »

Tour Ă  tour Ă©mu, touchĂ©, Ă©nervĂ©, choquĂ©, compatissant, dĂ©goĂ»tĂ©, horrifiĂ©…

Polza Mancini est un personnage riche qui ne peut pas laisser indifférent. Pire que cela, il arrive à générer tous les spectres des sentiments possibles. Tour à tour j’ai été ému, touché, énervé, choqué, compatissant, dégoûté, horrifié et j’en passe. D’une page à l’autre, nos émotions sont chamboulées. La vie de Polza est celle d’un clochard comme il l’affirme. Elle alterne donc entre des moments de poésie dans la forêt ou près d’une rivière avec des moments durs inhérents à la vie dehors. Tous les marginaux ne sont pas stables et bienveillants, loin s’en faut. D’ailleurs le Mancini n’est pas dénué de défaut : il est alcoolique, drogué, instable, sale. A cela s’ajoute un physique difforme qui incite à détourner le regard. Bref, il fait partie des gens qu’on n’oublie mais qu’on ne souhaite pas croiser à nouveau.

Mais Polza ne nous conte pas son histoire au coin du feu. Il est en garde à vue. Il est accusé du meurtre de Carole, une jeune femme que les premiers tomes ont petit à petit fait apparaître dans la vie de Mancini. L’album précédent se concluait par une rude révélation : Carole aurait tué son propre père. C’est donc ici que reprend la trame pour ce dernier acte.

A la suite de son évasion de l’hôpital, Polza est hébergé chez un des anciens pensionnaires prénommé Roland. Ce dernier vit dans une ferme reculée avec sa fille Carole. Mancini ne quittera plus cette ferme jusqu’à son interpellation par la police. Pour la première fois, Polza est sédentaire. Bien qu’il affirme être irrémédiablement attiré par un départ dans la forêt, il ne franchit jamais le pas. Il semble attaché à sa nouvelle famille. L’équilibre qui régit la vie de cette petite communauté est remarquable décrit par Larcenet. Alors qu’on pourrait y voir une fille aimante et dévouée qui s’occupe de son père malade et qui accueille un sans-abri en quête d’affection. Mais tout cela est bien plus compliqué, malsain et inquiétant. Chaque rayon de soleil précède une longue période sombre sans lumière. L’issue nous est connue. Elle est triste et fatale. Le moins que nous puissions dire est que le chemin qui y mène n’est pas plus joyeux.

Côté dessin, le voyage est intense. Le travail graphique de Larcenet est impressionnant. Son œuvre est quasiment entièrement en noir et blanc. Il fait naître une grande galerie d’atmosphère. Que les scènes soient intimes ou que ce soient des paysages, que les moments soient légers ou horribles, tout nous pénètre profondément. Je n’ai pas le vocabulaire suffisamment riche pour vous transcrire les sentiments ressentis devant les planches ou les termes précis et techniques qui permettraient d’expliquer la qualité du travail. Je ne peux donc que vous inciter à ouvrir aux hasards ce tome et en lire quelques pages. Ce sera la meilleure manière de vous imprégner et de savourer les remarquables illustrations qui accompagnent cette histoire qui l’est tout autant.

« Pourvu que les bouddhistes se trompent » conclue avec maestria cette grande saga. La dernière partie de l’ouvrage est une invitation à la redécouvrir avec un regard neuf. Cette série est une œuvre majeure de ma bibliothèque. Je pense que je m’y plongerai régulièrement quitte à prendre du plaisir de lecteur à souffrir. « Blast », c’est une expérience qui ne laisse pas indemne…

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Note : 19/20

MĂ©tronom’, T4 : Virus psychique – Éric Corbeyran & Grun

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Titre : Metronom’, T4 : Virus psychique
Scénariste : Éric Corbeyran
Dessinateur : Grun
Parution : Janvier 2014


 « Metronom’ » est une série née il y a quatre ans. Elle est le fruit du scénariste Eric Corbeyran et du dessinateur Grun. Le premier est un auteur qui m’est familier et le second une découverte pour moi. C’est donc le nom de Corbeyran qui m’a attiré vers le premier épisode de cette nouvelle aventure. En feuilletant quelques pages, j’ai été intrigué par les enjeux posés et l’univers dans lequel s’inscrivait la trame. Sans révolutionner le neuvième art, les trois premiers actes montraient une intrigue solide qui se laissait découvrir avec plaisir. C’est donc avec joie que j’ai accueilli le quatrième tome « Virus psychique » dans les librairies en janvier dernier.

La quatrième de couverture nous expose le résumé suivant : « Dans un avenir proche, au sein d’une société totalitaire qui écrase l’individu au profit de la toute-puissance et du mensonge étatiques, une femme mène un combat pour découvrir les raisons de la disparition mystérieuse de son mari parti en mission spatiale… »

Une société totalitaire, des invidualités vouées à disparaître

Ce qui m’a attiré en premier dans cette saga, est la société qu’elle décrit. Elle apparait totalitaire. Les individualités sont vouées à disparaitre. La description qui en est faite est relativement fine. Il n’y a pas de grands exposés pour magistraux pour présenter les codes politiques, sociaux et économiques. Au fur et à mesure que la pelote narrative se déroule, les informations se succèdent et densifient notre connaissance de la situation. Ce nouveau tome n’échappe à la règle et participe activement à notre maîtrise de l’univers de la série.

L’histoire se construit autour d’un personnage central prénommé Lynn. Tout est construit autour de son destin et de son parcours. Le personnage est plutôt bien construit. On s’y attache rapidement. Les épreuves qu’elle subit couplées à son caractère fort et déterminé forment un cocktail classique et efficace. Son identité graphique la démarque également du reste du casting. Bref, l’héroïne n’est pas un modèle d’originalité mais possède suffisamment de qualités pour rendre la lecture interactive. En effet, on peut aisément s’identifier à elle et s’approprier ses craintes et ses interrogations.

Concernant l’intrigue en elle-même, elle avance à un rythme régulier. Les auteurs ne tombent pas dans le défaut de beaucoup de séries qu’est une trop grande dilution des événements. Ce nouvel opus conserve cette qualité en faisant évoluer de manière relativement importante les aventures de Lynn et des autres protagonistes. Le scénario donne autant de réponses qu’il fait naître de questions. Bref, tout cela est plutôt bien rythmé. Je ne peux pas vous dire que je sois complètement enthousiasmé et possédé quand je vois les pages défiler. Par contre, je n’ai aucun mal à affirmer que je découvre tout cela avec une vraie curiosité.

Un des attraits de cette série concerne ses dessins. Le trait de Grun et son travail très intéressant sur les couleurs offre une vraie particularité à l’univers de la série. Même si je suis moins fan de leurs émotions graphiques, je trouve que les protagonistes possèdent suffisamment d’épaisseur pour être aisément identifiés et appropriés. Mais le gros point fort concerne les décors que je trouve superbes qu’ils soient urbains ou désertiques. De plus, les tons chromatiques gris, bleus et marron dégagent une atmosphère très réussie.

Pour conclure, ce quatrième tome est dans la lignée des trois précédents. Il possède les mêmes qualités et les mêmes défauts. La trame reste globalement assez classique mais sa construction narrative est suffisamment rigoureuse pour permettre une lecture agréable et divertissante. Je m’offrirai donc avec plaisir le prochain opus. Les aventures de Lynn ne sont pas terminées et je suis curieux d’en connaitre la suite…

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Note : 13/20

Top BD des blogueurs – Juillet 2014

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Le Top BD des blogueurs est un collectif rassemblant des blogs de critiques de bande-dessinĂ©es. Dès qu’un titre possède au moins trois notes, il entre dans le top. Vous pouvez dĂ©couvrir chaque mois les cinquante titres les mieux notĂ©s.

1- (=) Le journal de mon père 18.67
Jiro Taniguchi, Casterman

2- (+) Asterios Polyp     18.65
David Mazzuchelli, Casterman

3- (=) Persépolis    18.64
Marjanne Satrapi, L’Association

4- (=) Le loup des mers 18.55
Riff Reb, Soleil

5- (=) Idées Noires       18.5
Franquin, Fluide Glacial

6- (=) NonNonBâ         18.5
Shigeru Mizuki, Cornélius

7- (=) Maus        18.49
Art Spiegelmann, Flammarion

8- (-) Un printemps à Tchernobyl  18.45
Emmanuel Lepage, Futuropolis

9- (=) Le pouvoir des Innocents Cycle 2- Car l’enfer est ici   18.41
Tome 1, Tome 2,

10- (=) Tout seul            18.38
Christophe ChaboutĂ©, Vents d’Ouest

11- (=) Le sommet des dieux       18.33
Yumemuka Bura, JirĂ´ Taniguchi, Casterman
Tome 1,Tome 2,Tome 3, Tome 4, Tome 5.

12- (=) Universal War One   18.33
Denis Bajram, Soleil Tome 1, Tome 2, Tome 3, Tome 4, Tome 5, Tome 6.

13- (=) Daytripper           18.27
Fabio Moon, Gabriel Ba, Urban Comics

14- (=) V pour Vendetta  18.22
Alan Moore, David Lloyd, Delcourt

15- (=) Le Grand pouvoir du Chninkel   18.19
Van Hamme, Rosinski, Casterman

16- (-) Les vieux fourneaux tome 1   18.19
Wilfrid Lupano, Paul Cauuet, Dargaud

17- (=) Pendant que le roi de Prusse faisait la guerre, qui donc lui reprisait ses chaussettes?  18.13
Benoît Zidrou, Roger, Dargaud

18- (-) Les derniers jours de Stefan Zweig   18.06
L. Seksik, G. Sorel, Casterman

19- (+) Herakles   18.05
Tome 1, Tome 2, Edouard Cour, Akiléos

20- (=) Abélard     18.04
Régis Hautière, Renaud Dillies, Dargaud
Tome 1, Tome 2.

21- (=) Universal War Two tome 1    18
Denis Bajram, Casterman

22- (N) La fille maudite du capitaine pirate  18
Jérémy Bastian, Editions de la Cerise

23- (=) Il était une fois en France    17.98
Fabien Nury, Sylvain Vallée, Glénat

Tome 1, Tome 2, Tome 3, Tome 4, Tome 5,Tome 6.

24- (=) Habibi       17.95
Craig Thompson, Casterman

25- (=) Les derniers jours d’un immortel     17.92
Fabien Vehlmann, Gwen de Bonneval, Futuropolis

26- (=) Gaza 1956     17.92
Joe Sacco, Futuropolis

27- (=) Les ombres     17.88
Zabus, Hippolyte, Phébus

28- (=) Scalped            17.86
Jason Aaron, R.M. Guerra, Urban Comics
Tome 1, Tome 2, Tome 3, Tome 4, Tome 5, Tome 6, Tome 7,

29- (=) Manabé Shima 17.83
Florent Chavouet, Editions Philippe Picquier

30- (-) Trois Ombres       17.78
Cyril Pedrosa, Delcourt

31- (=) Anjin-san    17.75
Georges Akiyama, Le LĂ©zard Noir

32- (=) Joker                17.75
Brian Azzarello, Lee Bermejo, Urban Comics

33- (=) Mon arbre     17.75
SĂ©verine Gauthier, Thomas labourot, Delcourt

34- (=) L’histoire des trois Adolf,              17.75
Osamu Tezuka, Tonkam

35- (=) Blankets  17.73
Craig Thompson, Casterman

36- (=) Le pouvoir des innocents Cycle 3- Les enfants de Jessica tome 1  17.73
L. Brunschwig, L. Hirn, Futuropolis

37- (+) Holmes               17.7
Luc Brunschwig, Cecil, Futuropolis
Tome 1, Tome 2, Tome 3.

38- (=) Calvin et Hobbes,              17.7
Bill Watterson, Hors Collection
Tome 1, Tome 2, Tome 15, tome 17,

39- (=) Les seigneurs de Bagdad  17.7
Brian K. Vaughan, Niko Henrichon, Urban Comics

40- (=) Urban              17.69
Luc Brunschwig, Roberto Ricci, Futuropolis
Tome 1, Tome 2,

41- (=) Washita     17.69
Tome 1, Tome 2, Tome 3, Tome 4, Tome 5.

42- (=) Lorenzaccio              17.67
RĂ©gis Peynet, 12 Bis

43- (N) Match!   17.67
Grégory Panaccione, Editions Delcourt

44- (=) Tokyo Home  17.67
Thierry Gloris, Cyrielle, Kana

45- (=) Les Carnets de Cerise
Joris Chamblain, Aurélie Neyret, Soleil
Tome 1, Tome 2,

46- (=) L’Orchestre des doigts      17.65
Osamu Yamamoto, Editions Milan
Tome 1, Tome 2, Tome 3, Tome 4.

47- (+)Melville     17.64
Romain Renard, Le Lombard

48- (+) Les ignorants             17.63
Etienne Davodeau, Futuropolis

49- (-) Rouge Tagada   17.63
Charlotte Bousquet, Stéphanie Rubini, Gulf Stream Editeur

50- (=) Une métamorphose iranienne   17.6
Maya Mayestani, Editions Ca et lĂ 

Whaligöe, T2 – Yann & Virginie Augustin

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Titre : Whaligöe, T2
Scénariste : Yann
Dessinatrice : Virginie Augustin
Parution : Janvier 2014


 « Whaligoë » est un diptyque créé par le scénariste Yann et la dessinatrice Virginie Augustin. Les couleurs sont confiées à Fabien Alquier. La première partie était parue il y a un petit peu plus d’un an. La conclusion, sujet de ma critique d’aujourd’hui, est apparue dans les rayons de librairie le quinze janvier dernier. Cet ouvrage de format classique est vendu chez Casterman au prix de 13,50 euros. La couverture nous immerge au beau milieu d’un duel à l’épée. La foule qui encadre est nombreuse à encadrer les deux protagonistes à la lumière de torches embrasées. L’heure semble être au règlement de compte. Le programme est ainsi clairement annoncé.

La quatrième de couverture nous offre la présentation suivante : « Ecosse, début du XIXe siècle. Leur cocher égorgé, notre couple sur le déclin ne peut désormais plus refuser l’affrontement final avec Branwell, la brute qui tient sous sa coupe le village de Whaligoë… Mais pour connaître l’identité du mystérieux écrivain Ellis Bell, tous les coups bas sont permis, du duel à la claymore aux morsures littéraires empoisonnées… Et si la vérité ne se trouvait pas à la surface des choses ? … Si elle se dissimulait dans des profondes et inquiétantes ténèbres sous la lande tourbeuse de Whaligoë ? »

Le concept du diptyque est souvent utilisé ses dernières années dans la bande dessinée. Il n’est pas dépourvu d’attraits. En effet, il n’a pas les inconvénients des séries au long cours qui voient bien souvent leur qualité décliner au fur et à mesure que naissent les différents épisodes. De plus, il peut présenter une histoire plus dense et travaillée qu’un simple album d’une petite cinquantaine de page. Malgré le genre possède des risques. Le principal est de générer un univers complexe, des personnages mystérieux, des enjeux forts dans l’introduction et de voir la conclusion de ne pas répondre aux attentes enthousiastes et exigeantes du lecteur après la découverte du premier acte. « Whaligoë » avait offert un tome initial assez réussi. Sur bon nombre de points, il s’agissait d’un bon cru. J’espérais que cette suite allait le confirmer.

“Une atmosphère riche”

La première richesse que j’ai retenue de ma rencontre avec « Whaligoë » est son atmosphère. L’arrivée dans ce village perdu au beau milieu des landes était superbement retranscrite par le trait de Virginie Augustin. Que ce soit au contact d’autochtones parfois patibulaires ou au centre d’étendues désertiques et inquiétantes, la dessinatrice arrivait à dégager de ses planches un vrai envoûtement pour le lecteur. De plus, le fait que bon nombre d’événement se déroule la nuit ajoutait encore une dimension à cette sensation oppressante d’être enfermé au milieu de nulle part. Malgré un léger changement de ton narratif dans ce second opus, cette qualité sensorielle des pages existe toujours. C’est un vrai plaisir. Les auteurs ont accordé de l’importance à construire un univers et des lieux avant d’y insérer des personnages et une histoire. Je leur en suis gré car le voyage à Whaligoë ne laisse ainsi pas indemne.

Le deuxième aspect qui m’avait beaucoup plu était la construction des personnages. Le couple principal était assez unique dans son genre. Lui est un auteur qui a depuis longtemps perdu toute inspiration. Elle est sa Muse qui n’est plus aussi splendide qu’elle a été. Ils sont présentés comme des « has been » qui se reprochent réciproquement d’être la cause de leur déchéance tout en ne se quittant pas, faute d’autre proposition. Leurs échanges fielleux sont des petits bijoux de méchanceté. Chaque dialogue est écrit, rien n’est bâclé. J’ai retrouvé cette patte dans cette suite et en ai savouré les fruits avec gourmandise. Mais les auteurs ne se contentent pas d’offrir un mano a mano entre les deux tourtereaux, ils font également exister leurs personnages secondaires. Je me garderai de les lister. Cela n’a pas grand intérêt et gâcherait en partie la lecture. Néanmoins, il faut savoir qu’aucun protagoniste n’est neutre tant pour l’ambiance que pour la trame.

Concernant la trame, elle est plutôt prenante. Quelques doses mystérieuses sont régulièrement parsemées. Le héros se trouve un adversaire local. Les sentiments amoureux et les secrets de famille sont de sortie. Bref, les ingrédients sont classiques mais solides. La sauce prend plutôt bien sans révolutionner le genre. Le scénariste offre une conclusion à la hauteur des espoirs nés dans son introduction. Ce n’est déjà pas si mal. Ce second album n’est pas une succession de combats ou de poursuites. Les dialogues et les intrigues ne sont pas négligés malgré une place légitime plus importante donnée aux scènes d’action. Le diptyque peut vraiment être perçu comme une entité unique. C’est agréable car ce n’est pas toujours le cas.

Je vous ai déjà tressé les lauriers du travail graphique de Virginie Augustin sur les décors. Je peux en faire tout autant concernant sa capacité à créer des personnages. Il possède chacun une vraie personnalité et dégage énormément de choses par leurs traits, leurs visages ou leurs postures. Bref, la forme est à la hauteur du fond. Pour conclure, « Whaligoë » est une saga plutôt réussie dans laquelle j’ai pris beaucoup de plaisir à me plonger. La lecture est prenante et je me suis laissé porter sans mal. Certes, je n’en garde pas d’immenses souvenirs une fois le bouquin terminé, mais est-ce si grave si la dégustation fut agréable ?

gravatar_ericNote : 14/20

Kraa, T3 : La colère blanche de l’orage – BenoĂ®t Sokal

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Titre : Kraa, T3 : La colère blanche de l’orage
Scénariste : Benoît Sokal
Dessinateur : Benoît Sokal
Parution : Janvier 2014


« Kraa » est le titre d’un triptyque imaginé, scénarisé et dessiné par Benoît Sokal. C’est le nom du créateur de « Canardo » qui avait attiré mon regard sur la couverture du premier acte de cette nouvelle aventure il y a presque quatre ans. Je n’ai pas regretté le voyage dans la lecture des deux premiers épisodes s’est montrée intense et envoutante. En janvier dernier, est sorti le dernier tome intitulé « La colère blanche de l’orage ». L’ouvrage nous accueille avec le visage inquiétant d’un grand aigle accompagné d’un ciel orageux illuminé par des éclairs. Edité chez Casterman, cet album se compose de soixante-sept planches et se conclue par deux pages consacrées au chamanisme, thème central de la trame.

Le site BDGest’ propose le résumé suivant : « Dans l’un des hôpitaux de la ville de Klowtown, au début des années soixante, une femme médecin qui n’est plus toute jeune, Emily, se souvient de l’époque enfuie de sa jeunesse… Flash-back : en ces temps lointains, au cœur de la vallée sauvage menacée par la poussée urbaine de Klowtown en plein essor, la jeune Emily a appris à vivre en autarcie avec Yuma, l’indien mutique, et son inquiétant compagnon ailé, l’aigle Kraa, avec lequel s’est instauré un lien d’essence chamanique. Au prix de bien des souffrances, paix et tranquillité semblent enfin régner. Hélas, ce n’est qu’un leurre. Les travaux de construction du futur barrage viennent juste de commencer ; une menace directe et immédiate pour le paradis jusqu’alors inaccessible d’Emily, Yuma et Kraa. Il est temps pour le rapace et son compagnon de reprendre l’offensive contre les envahisseurs. Et tous les coups sont permis… »

Une marche vers l’industrialisation

Cet ouvrage n’est pas une ode au chamanisme. Ce n’est pas non plus un documentaire sur cette pratique. Le lien entre Yuma et Kraa est pleinement intégré dans une intrigue aux enjeux bien plus variés et complexes. Le propos dénonce le progrès à tout prix. La construction du barrage n’est vu par certains que comme une marche vers l’industrialisation et les profits générés. Le fait que cela détruise la nature environnante et la communauté humaine et animale qui y vit ne rentre pas du tout en ligne de compte. Néanmoins, je n’ai pas perçu ce discours écologique ni trop radical ni trop idéologique. En tout cas, cette revendication ne m’a pas dérangé.

La narration est vécue dans les pas de Yuma. Par voie de conséquence, Kraa est également très présent. En effet, le concept chamanique veut qu’il ne fasse qu’un et l’auteur arrive particulièrement à transmettre cette dimension fusionnelle. Le deuxième tome avait introduit Emily et le duo était devenu trio avec toutes les complications qui peuvent naître. Ce nouvel album marque une rupture avec les deux premiers. Nous le vivons à travers le regard et les mots d’Emily qui apparaît donc omnisciente quant au déroulement des événements. Elle est maintenant au crépuscule de sa vie et se retourne sur un passé qui l’a marquée à jamais. Je ne suis pas contre une variation de ton mais je trouve que l’histoire y perd en intensité. D’une part, ces allers retours entre deux époques ne permettent pas une immersion complète dans l’univers de Yuma. D’autre part, le fait de voir les événements contés par un personnage a tendance à éloigner le lecteur du héros. La force dramatique qui envahissait chaque page a tendance à être moindre dans « La colère blanche de l’orage ». Bien que tout cela soit mené avec talent, je trouve dommage d’atténuer l’atmosphère qui était incontestablement la plus grande qualité de la série.

Le scénario est toujours aussi bien écrit. L’auteur arrive à faire cohabiter les événements liés à la construction du barrage et la révolution en marche à l’échelle de la région avec le développement de ses personnages principaux. Des moments d’action et de suspense côtoient des scènes plus spirituelles et sensibles. Le dosage n’est pas simple mais habilement géré par Benoît Sokal. Sur ce plan-là, la saga fait preuve d’une constante qualitative assez rare et qui se doit d’être signalée.

Sur le plan graphique, les planches sont de petits bijoux. La capacité de l’auteur à créer cette ville de Klowtown à la frontière de cette nature sauvage dans les années vingt. Que ce soit les moments passés avec Yuma, Kraa et Emily au beau milieu des forêts et des montagnes ou les scènes se déroulant dans cette cité boueuse et sombre, tout transpire la sueur et la dureté. Les choix de couleur sont particulièrement bien adaptés pour dégager des pages une ambiance qui absorbe le lecteur par tous les pores de sa peau. Le travail sur les personnages est également remarquable. Aucun protagoniste ne laisse indifférent. Certains nous touchent, d’autres nous apeurent ou nous dégoûtent. Une chose est sûre, les temps sont durs et la loi du plus fort semble être la règle locale.

« La colère blanche de l’orage » conclue merveilleusement ce triptyque qui est amené à être une œuvre importante du neuvième art. Cette série possède une identité forte qui la démarque de bon nombre de western du vingtième siècle. Je ne peux que vous conseiller de vous offrir cette saga. Le tome coûte seize euros. Je vous assure à ce prix-là c’est cadeau…

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Note : 14/20