L’arabe du futur, T1 : Une jeunesse au Moyen-Orient (1978-1984)

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Titre : L’arabe du futur, T1 : Une jeunesse au Moyen-Orient (1978-1984)
Scénariste : Riad Sattouf
Dessinateur : Riad Sattouf
Parution : Mai 2014


Riad Sattouf a commencĂ© sa carriĂšre de bĂ©dĂ©aste en racontant ses jeunes annĂ©es. Que ce soit son adolescence avec « Le manuel du puceau » ou son enfance avec « Ma circoncision », on a senti dĂšs le dĂ©part un besoin de raconter sa jeunesse. Il faut dire que celle-ci est assez particuliĂšre, l’auteur ayant vĂ©cu en Lybie et en Syrie ses premiĂšres annĂ©es
 Dix ans aprĂšs « Ma circoncision », Riad Sattouf revient au sujet, fort de son expĂ©rience pour nous narrer cette vie plus en dĂ©tail. Le premier tome de « L’arabe du futur » se concentrer sur les annĂ©es 1978 Ă  1984, ce qui correspond aux premiers souvenirs du petit Riad. Le livre pĂšse 160 pages et est publiĂ© chez Allary Éditions.

Riad Sattouf est nĂ© d’une mĂšre bretonne et d’un pĂšre syrien. Ce dernier, grand adepte du panarabisme, va trimballer sa famille en Lybie, sous Khadafi, puis en retourner au pays en Syrie (sous El Assad). Son admiration pour les dictateurs arabes est Ă©vidente et sa vision de la politique, mouvante et contradictoire, est le centre de l’ouvrage. Car ne nous y trompons pas, ce livre parle avant tout du pĂšre de Riad, Abdel-Razak.

On peut dire que dans ce livre, Riad tue le pĂšre ! Non seulement, il en fait un portrait fait de paradoxes politiques, de machisme et surtout de lĂąchetĂ©. Mais en plus, il pointe le reproche de lui avoir fait vivre une enfance peu reluisante. En vieillissant, Riad vit de plus en plus mal son quotidien. Entre les cousins qui le martyrisent car il a les cheveux blonds (il doit donc ĂȘtre juif, forcĂ©ment !) et les appartements vides dans des villages pauvres au fin fond de la Syrie
 Surtout que l’homme ment rĂ©guliĂšrement, annonçant chercher du travail en France, mais n’en cherchant qu’au Moyen-Orient. La figure de la mĂšre est tout autant coupable, Ă©tant totalement absente et soumise.

Un portrait sans concession pour tout le monde

Riad Sattouf fait un portrait sans concession et trĂšs dur de partout oĂč il passe : Libye, Syrie et Bretagne. Le tout est bien Ă©videmment teintĂ© d’humour. Si beaucoup font la parallĂšle avec PersĂ©polis, il faut bien prendre en compte que les ouvrages sont trĂšs diffĂ©rents dans leur approche. Riad a vĂ©cu en France et est venu s’installer dans sa famille syrienne plus tard dans un village trĂšs pauvre. Satrapi est nĂ©e en Iran dans une famille d’intellectuels. Bref, il ne faut chercher Ă  trouver la mĂȘme analyse. Peu sensible Ă  l’humour de Satrapi, je le suis beaucoup plus Ă  celui de Sattouf par exemple.

Le dessin simple de Sattouf est parfaitement adaptĂ© Ă  l’ouvrage. Il est efficace et fait parfaitement passer les Ă©motions et les expressions des personnages. Le tout est colorisĂ© en monochrome, une couleur par pays. C’est efficace et joli Ă  regarder.

J’ai dĂ©vorĂ© cet ouvrage et ait y trouvĂ© beaucoup d’intĂ©rĂȘt. C’est une belle autobiographie que nous propose Riad Sattouf. Dur avec un peu tout le monde, il n’épargne personne. A la fermeture de l’ouvrage, on n’attend qu’une seule chose : lire la suite ! 

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Note : 16/20

La cicatrice – Gilles Rochier

LaCicatrice


Titre : La cicatrice
Scénariste : Gilles Rochier
Dessinateur : Gilles Rochier
Parution : Mars 2014


Je me rappelle avoir rencontrĂ© Gilles Rochier au Festival d’AngoulĂȘme alors qu’il soutenait « TMLP ». AurĂ©olĂ© d’un prix, le voilĂ  de retour avec « La cicatrice ». Son prĂ©cĂ©dent livre Ă©tait puissant et teintĂ© d’autobiographie. « La cicatrice » est une fiction sous forme de chronique sociale. On retrouve Denis, un cadre moyen, sur le point de signer un gros contrat. Tout semble aller pour le mieux. Mais Denis se dĂ©couvre une cicatrice. Et impossible de savoir pourquoi il a cette cicatrice
 Le tout est paru chez 6 pieds sous terre.

En utilisant le fil conducteur de cette cicatrice, Gilles Rochier met le doigt sur le malaise de la classe moyenne. On refait la salle de bain, on signe des contrats, on reçoit la belle-famille, on Ă©coute les plaintes de sa mĂšre
 C’est surtout un homme entourĂ© mais trĂšs seul qui nous est dĂ©crit. Car Denis tente de parler de son problĂšme Ă  tout son entourage, mais personne ne l’écoute rĂ©ellement. L’homme s’enferme alors de plus en plus. Et le pire, c’est que les autres lui reprochent de ne pas s’épancher plus fortement


Un malaise grandissant

Le thĂšme n’est pas nouveau bien Ă©videmment, mais Gilles Rochier parvient Ă  mettre une vraie dose de suspense dans cette histoire. La montĂ©e en tension est trĂšs rĂ©ussie et on ressent pleinement le malaise grandissant du personnage principal. Clairement, « TMLP » proposait un univers plus fort car il se passait dans une citĂ©. Dans le milieu des classes moyennes, « La cicatrice » est un livre moins puissant, car les drames y sont moins exotiques.

C’est donc la narration qui prĂ©vaut ici. Gilles Rochier maĂźtrise son tempo et l’impose au lecteur avec minutie. Denis passe son temps Ă  se toucher la cicatrice dĂšs qu’il est seul. Cette obsession est parfaitement rendue et parlera Ă  tous ceux qui ont dĂ©jĂ  eu des phĂ©nomĂšnes soudains et stressants sur leur corps. Cela ressemble Ă  un homme hypocondriaque, mais c’est bien plus que ça, c’est rĂ©vĂ©lateur d’un malaise avant tout psychique. Pour ma part, ce rapport entre la tĂȘte qui ne va pas et le corps qui en est le rĂ©vĂ©lateur m’a parlĂ©.

Concernant le dessin, le trait nerveux et imprĂ©cis de l’auteur ne plaira clairement pas Ă  tout le monde. Mais il est trĂšs efficace et au service de la narration. Si les parties muettes parlent d’elles-mĂȘmes, les parties dialoguĂ©es font la part belle aux phylactĂšres. Ces derniers envahissent l’espace, la case, les visages
 Plus qu’une façon de dessiner, cela montre aussi le poids de la parole, et surtout le flot continu de stress qui en dĂ©coule.

Moins puissant de par son sujet que « TMLP », « La cicatrice » demande au lecteur de faire abstraction du prĂ©cĂ©dent ouvrage de Gilles Rochier pour ĂȘtre pleinement apprĂ©ciĂ©. MalgrĂ© un thĂšme dĂ©jĂ  souvent traitĂ©, l’auteur y apporte sa touche personnelle avec notamment une montĂ©e de tension trĂšs rĂ©ussie. Gilles Rochier confirme ici les espoirs placĂ©s en lui.

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Note : 14/20

Top BD des blogueurs – Septembre 2014

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Le Top BD des blogueurs est un collectif rassemblant des blogs de critiques de bande-dessinĂ©es. DĂšs qu’un titre possĂšde au moins trois notes, il entre dans le top. Vous pouvez dĂ©couvrir chaque mois les cinquante titres les mieux notĂ©s.

Jiro Taniguchi, Casterman
2- (=) Asterios Polyp     18.65
David Mazzuchelli, Casterman
3- (=) Persépolis    18.64
Marjanne Satrapi, L’Association
4- (N) Ceux qui me restent  18.63
Damien Marie, Laurent Bonneau, Bamboo
5- (=) Le loup des mers 18.55
Riff Reb, Soleil
6- (=) Idées Noires       18.5
Franquin, Fluide Glacial
7- (=) NonNonBù         18.5
Shigeru Mizuki, Cornélius
8- (=) Maus        18.49
Art Spiegelmann, Flammarion
9- (=) Le pouvoir des Innocents Cycle 2- Car l’enfer est ici   18.41
10- (=) Tout seul            18.38
Christophe ChaboutĂ©, Vents d’Ouest
11- (+) Les vieux fourneaux tome 1   18.35
Wilfrid Lupano, Paul Cauuet, Dargaud
12- (=) Le sommet des dieux       18.33
Yumemuka Bura, JirĂŽ Taniguchi, Casterman
Tome 1,Tome 2,Tome 3, Tome 4, Tome 5.
Emmanuel Lepage, Futuropolis
14- (=) Daytripper           18.27
Fabio Moon, Gabriel Ba, Urban Comics
15- (=) V pour Vendetta  18.22
Alan Moore, David Lloyd, Delcourt
16- (=) Le Grand pouvoir du Chninkel   18.19
Van Hamme, Rosinski, Casterman
17- (-) Universal War One   18.14
Denis Bajram, Soleil
BenoĂźt Zidrou, Roger, Dargaud
19- (=) Les ombres     18.1
Zabus, Hippolyte, Phébus
20- (=) Abélard     18.04
RĂ©gis HautiĂšre, Renaud Dillies, Dargaud
21- (=) Universal War Two tome 1    18
Denis Bajram, Casterman
Jérémy Bastian, Editions de la Cerise
23- (=) Le muret    18
Pierre Bailly, CĂ©line Fraipont, Casterman
24- (=) Il était une fois en France    17.98
Fabien Nury, Sylvain Vallée, Glénat
25- (=) Habibi       17.95
Craig Thompson, Casterman
26- (-) Herakles    17.92
Edouard Cour, Akileos
27- (=) Les derniers jours d’un immortel     17.92
Fabien Vehlmann, Gwen de Bonneval, Futuropolis
28- (=) Gaza 1956     17.92
Joe Sacco, Futuropolis
29- (=) Scalped            17.86
Jason Aaron, R.M. Guerra, Urban Comics
30- (=) Manabé Shima 17.83
Florent Chavouet, Editions Philippe Picquier
31- (+) Urban              17.79
Luc Brunschwig, Roberto Ricci, Futuropolis
Tome 1, Tome 2, Tome 3,
32- (=) Trois Ombres       17.78
Cyril Pedrosa, Delcourt
L. Seksik, G. Sorel, Casterman
34- (=) Anjin-san    17.75
Georges Akiyama, Le LĂ©zard Noir
35- (=) Joker                17.75
Brian Azzarello, Lee Bermejo, Urban Comics
36- (=) Mon arbre     17.75
SĂ©verine Gauthier, Thomas labourot, Delcourt
37- (=) L’histoire des trois Adolf,              17.75
Osamu Tezuka, Tonkam
38- (=) Blankets  17.73
Craig Thompson, Casterman
L. Brunschwig, L. Hirn, Futuropolis
40- (=) Holmes               17.7
Luc Brunschwig, Cecil, Futuropolis
41- (=) Calvin et Hobbes,              17.7
Bill Watterson, Hors Collection
42- (=) Les seigneurs de Bagdad  17.7
Brian K. Vaughan, Niko Henrichon, Urban Comics
43- (=) Washita     17.69
Tome 1, Tome 2, Tome 3, Tome 4, Tome 5.
44- (=) Lorenzaccio              17.67
RĂ©gis Peynet, 12 Bis
45- (=) Match!   17.67
Grégory Panaccione, Editions Delcourt
46- (=) Tokyo Home  17.67
Thierry Gloris, Cyrielle, Kana
47- (=) Les Carnets de Cerise
Joris Chamblain, Aurélie Neyret, Soleil
48- (=) L’Orchestre des doigts      17.65
Osamu Yamamoto, Editions Milan
49- (=)Melvile     17.64
Romain Renard, Le Lombard
50- (=) Les ignorants             17.63
Etienne Davodeau, Futuropolis

LĂ©gendes de la Garde, T3 : La hache noire – David Petersen

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Titre : LĂ©gendes de la garde, T3 : La hache noire
Scénariste : David Petersen
Dessinateur : David Petersen
Parution : Janvier 2014


« LĂ©gendes de la Garde » est un recueil nous contant les aventures de souris. En effet, l’auteur, David Petersen, nous fait dĂ©couvrir le quotidien de la sociĂ©tĂ© des cĂ©lĂšbres rongeurs. Il nous immerge donc dans un monde forestier dans lequel existent des citĂ©s habitĂ©es par ces petits animaux. Le milieu est hostile et donc la survie de tout ce petit monde nĂ©cessite une protection. C’est pour cela qu’est nĂ©e la Garde et ce sont dans les aventures de ses membres que nous plonge chaque tome de cette sĂ©rie. « La Hache Noire » est le troisiĂšme et dernier en date de ces Ă©pisodes. Il est paru en France en janvier dernier. Il est Ă©ditĂ© chez Gallimard. Il est d’un format peu classique. De forme carrĂ©e, il se compose de cent cinquante-cinq planches. La couverture nous prĂ©sente un trio de souris dont celle du centre tient fiĂšrement une arme qui doit ĂȘtre la fameuse Hache Noire Ă©voquĂ©e dans le titre.

Le site www.fnac.com propose le rĂ©sumĂ© suivant : « Au printemps 1115, le jeune Celanawe se voit investi d’une mission : escorter Em, sa derniĂšre parente, pour retrouver la Hache noire. Cette arme mythique, qui passe de main en main depuis la nuit des temps, a Ă©tĂ© forgĂ©e par un mystĂ©rieux ancĂȘtre, et quiconque la porte doit veiller secrĂštement sur le peuple des souris. Une quĂȘte qui entraine Celanawe au-delĂ  du danger, vers les mers inconnues et les contrĂ©es lointaines
 L’épopĂ©e fondatrice des LĂ©gendes de la Garde ! » 

LegendesDeLaGarde3b1Les Ă©vĂ©nements de ce troisiĂšme tome sont antĂ©rieurs de ceux des deux prĂ©cĂ©dents de plusieurs dizaines d’annĂ©es. La consĂ©quence logique est que la lecture de cet album peut se faire sans avoir lu les deux Ă©pisodes suivants. MalgrĂ© tout, une connaissance grossiĂšre de la sociĂ©tĂ© des souris permet une immersion plus aisĂ©e et plus profonde. De plus, la lecture de cet ouvrage peut convenir Ă  un public trĂšs large. Les plus jeunes prendront plaisir Ă  suivre les pĂ©rĂ©grinations de ces petits hĂ©ros, les plus ĂągĂ©s savoureront les arcanes du monde qui abritent tous ces personnages.

La datation indique clairement que l’intrigue s’inscrit dans un univers mĂ©diĂ©val. Par contre, l’auteur a fait le choix de ne pas s’orienter vers la fantasy. On ne trouve ni magie, ni crĂ©atures fantastiques ou imaginaires. Les adeptes du Moyen-Âge retrouveront donc avec plaisir des combats Ă  l’épĂ©e, des soldats avec une cape, des villes fortifiĂ©es, des altesses royales. Tous les protagonistes sont des animaux. Par contre, ils ne sont pas tous des souris. Il y a des furets, des lapins, des corbeaux et j’en passe
 L’architecture s’approche de celle qu’on imagine ayant abritĂ© nos trĂšs lointains ancĂȘtres. Le travail sur les dĂ©cors de la part de l’auteur est assez remarquable. Avec un style particulier, il arrive Ă  offrir beaucoup de dĂ©tails aux lieux et aux seconds plans. Cela permet au lecteur de voyager aisĂ©ment dans les artĂšres de ce monde Ă  la fois hostile et fabuleux.

La narration se dĂ©compose en neuf parties : un prologue, six chapitres, un Ă©pilogue et des annexes. Cela s’explique par le fait que la premiĂšre parution de l’histoire s’est faite en petit fascicule indĂ©pendant. Chaque chapitre offre donc une page de rĂ©sumĂ© des Ă©pisodes prĂ©cĂ©dents. Il remet ainsi en perspective les enjeux en cours. Ce dĂ©coupage est une excellente chose. Cela rend la trame dense. Chaque partie apporte son lot d’évĂ©nements et de rĂ©vĂ©lations. MalgrĂ© la longueur globale de l’ouvrage, Ă  aucun moment, l’intensitĂ© ne diminue. Les pages se lisent avec plaisir et dĂ©filent sans mal. La quĂȘte menĂ©e par les hĂ©ros est relativement prenante. Je n’ai eu aucun mal Ă  emboiter leurs pas. On pourra toujours regretter que l’intrigue ne soit pas plus originale et se montre un petit peu moins classique. A contrario, il est toujours agrĂ©able qu’une histoire se dĂ©roule au douziĂšme siĂšcle utilise les codes de son Ă©poque.

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La qualitĂ© du travail graphique de David Petersen est Ă  signaler. Mon contact avec son trait dans le premier tome n’avait Ă©tĂ© un coup de foudre. Mais au fur et Ă  mesure de mon immersion dans son univers, j’ai appris Ă  l’apprĂ©hender son style et ce troisiĂšme opus m’a offert un vrai plaisir pour les yeux. Que ce soit les dĂ©cors ou les personnages, ils sont superbes et subliment l’épopĂ©e des protagonistes. Les couleurs sont Ă©galement habilement choisies et ajoutent davantage de personnalitĂ© Ă  l’ensemble.

Pour conclure, ce tome s’inscrit dans la lignĂ©e des deux prĂ©cĂ©dents. J’aurais d’ailleurs tendance Ă  dire que chacun Ă©pisode est meilleur que le prĂ©cĂ©dent. Cela attise donc ma curiositĂ© en pensant Ă  la parution du prochain opus. Mais en attendant, je vous conseille de partir Ă  la dĂ©couverte de ces petits rongeurs dont les aventures ne vous laisseront pas insensibles


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Note : 14/20

Maggy Garrison, T1 : Fais un sourire, Maggy – Lewis Trondheim & StĂ©phane Oiry

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Titre : Maggy Garrison, T1 : Fais un sourire, Maggy
Scénariste : Lewis Trondheim
Dessinateur : Stéphane Oiry
Parution : Mars 2014


« Maggy Garrisson » a attisĂ© la curiositĂ© des adeptes du neuviĂšme art lors de sa sortie le six mars dernier. En effet, c’était l’occasion de voir Lewis Trondheim scĂ©nariser une histoire dans un monde dĂ©nuĂ© de fantastique et qui n’utilisait graphiquement aucun mĂ©canisme anthropomorphe. D’ailleurs, il confie les dessins Ă  StĂ©phane Oiry que je dĂ©couvre Ă  l’occasion de cet album. « Maggy Garrisson » semble vouĂ©e Ă  devenir une sĂ©rie. En effet, cet ouvrage intitulĂ© « Fais un sourire, Maggy » est numĂ©rotĂ©e. Il s’agit donc du tome initial des aventures d’une nouvelle hĂ©roĂŻne. Le bouquin de format classique est Ă©ditĂ© chez Dupuis dans la collection Grand Public. La couverture nous fait dĂ©couvrir Maggy sous un parapluie en train de s’allumer une cigarette dans une rue pluvieuse londonienne.

La quatriĂšme de couverture nous prĂ©sente la porte d’entrĂ©e suivante : « C’est son premier job depuis deux ans
 Il faudrait qu’elle fasse un effort. Sauf que son patron a l’air d’un parfait incapable. Et qu’il n’y a pas mal de fric Ă  gratter en parallĂšle. » Le ton posĂ©. Il n’y avait plus qu’à espĂ©rer que la rĂ©alitĂ© soit Ă  la hauteur des attentes suscitĂ©es.

Bien que m’étant offert ce bouquin peu de temps aprĂšs son apparition dans les rayons de librairie, j’ai attendu quelques semaines avant de m’y plonger. J’ai donc eu l’occasion de lire sur le net ou dans la presse spĂ©cialisĂ©e bon nombre de critiques et d’avis Ă  propos de cette nouvelle hĂ©roĂŻne. Elles Ă©taient dans leur grande majoritĂ© Ă©logieuses et enthousiastes. Elles tressaient des louanges Ă  ce personnage fĂ©minin Ă  la personnalitĂ© marquĂ©e et au caractĂšre fort. Elles louaient les auteurs d’avoir immergĂ© leur intrigue dans la capitale britannique.

DĂ©couvrir le Londres contemporain

Je dois avouer que ce dernier aspect m’attirait. En effet, j’ai rarement eu l’occasion de dĂ©couvrir le Londres contemporain dans un album de bandes dessinĂ©es. Bien souvent, les relations entre le neuviĂšme art et « Smoke » se dĂ©roulent Ă  la fin du dix-neuviĂšme siĂšcle, Ă©poque ayant vu naĂźtre Jack l’éventreur ou Sherlock Holmes. Les calĂšches dans les rues sombres bravant le brouillard lĂ©gendaire permettait de gĂ©nĂ©rer des atmosphĂšres envoutantes. NĂ©anmoins, la richesse naĂźt de la diversitĂ© et j’étais curieux de savoir comment les auteurs allaient exploiter les lieux et l’ambiance de la ville anglaise. Certaines scĂšnes extĂ©rieures n’ont aucun Ă  nous persuader que nous sommes outre-Manche. De plus, la mĂ©tĂ©o grise ou les pubs locaux participent Ă  cette immersion. MalgrĂ© tout, les Ă©vĂ©nements, les personnages et le fait que les Ă©changes soient en français ont tendance parfois Ă  nous faire penser que les personnages pourraient se trouver dans n’importe quelle autre grande ville europĂ©enne. Peut-ĂȘtre qu’en intĂ©grant quelques expressions anglaises dans les dialogues Ă  la maniĂšre de « Blake et Mortimer » cela aurait facilitĂ© la crĂ©dibilitĂ© gĂ©ographique de l’ensemble.

maggygarrison1aMaggy nous est jusqu’alors inconnue. Les auteurs doivent donc nous la prĂ©senter. La premiĂšre impression est toujours importante. Les premiers mots sont en voix off. Ils permettent de se faire une idĂ©e de cette femme. Elle donne le sentiment de ne pas aimer ĂȘtre embĂȘtĂ©e. En peu de termes, Trondheim nous offre l’identitĂ© de son hĂ©roĂŻne. Les pages suivantes confirment notre perception. Elle apparaĂźt dĂ©brouillarde. Son sens de l’éthique atteint rapidement ses limites quand quelques menus billets sont disponibles. Mais on ne lui en veut pas. Son cĂŽtĂ© futĂ© semble l’emporter sur son cĂŽtĂ© magouilleur.

La neuviĂšme planche marque le vrai dĂ©but de l’intrigue. Les prĂ©sentations sont faites. Il s’agit de rentrer dans le vif du sujet. La trame pose des jalons intĂ©ressants et sollicitent activement notre curiositĂ©. Les zones d’ombre sont nombreuses et on ne demande qu’à suivre les pĂ©rĂ©grinations de Maggy pour dĂ©nouer la pelote emberlificotĂ©e autour de son peu charismatique patron. HĂ©las, l’intensitĂ© narrative a tendance Ă  diminuer au fur et Ă  mesure que les pages dĂ©filent. Il se passe davantage de choses dans le premier tiers de l’album que dans les deux autres rĂ©unis. L’histoire donne lieu Ă  des moments sympathiques et bien Ă©crits mais le fil conducteur est faiblard et n’a pas arrivĂ© Ă  rĂ©ellement m’intĂ©resser. Au final, je me suis dĂ©tournĂ© de l’enquĂȘte menĂ©e par l’hĂ©roĂŻne. Son dĂ©nouement m’a laissĂ© quasiment insensible.

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Ce sentiment est regrettable car Maggy possĂšde un vrai potentiel scĂ©naristique. De plus, les auteurs font exister des personnages secondaires intĂ©ressants qui auraient pu donner une autre ampleur Ă  l’ensemble s’ils avaient Ă©tĂ© mieux ou plus exploitĂ©s. Je me demande mĂȘme si la lecture n’aurait pas Ă©tĂ© plus agrĂ©able si le fil conducteur des recherches de la jeune femme avait Ă©tĂ© plus en retrait. Cela aurait laissĂ© davantage de place aux diffĂ©rents Ă©changes de Maggy avec ses rencontres. En effet, ces moments sont les meilleurs de l’album. Ce premier tome a donc ses qualitĂ©s et ses dĂ©fauts. Les premiĂšres m’inciteront Ă  jeter un coup d’Ɠil sur le prochain opus lors de sa future sortie. Mais cela est une autre histoire


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Note : 11/20

Pascal Brutal, T4 : Le roi des hommes – Riad Sattouf

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Titre : Pascal Brutal, T4 : Le roi des hommes
Scénariste : Riad Sattouf
Dessinateur : Riad Sattouf
Parution : Septembre 2014


Si Riad Sattouf fait beaucoup parler de lui ces derniĂšres semaines avec son livre « L’arabe du futur », c’est bien la sortie du quatriĂšme tome de « Pascal Brutal » qui me mettait dans tous mes Ă©tats. RĂ©compensĂ©e Ă  AngoulĂȘme pour son troisiĂšme tome, cette sĂ©rie est un must-have d’humour. Ce nouvel opus, intitulĂ© « Le roi des hommes », nous permet de dĂ©couvrir un peu plus la vie de Pascal, l’homme le plus viril du monde. Le tout est publiĂ© chez Fluide Glacial.

Le monde de Pascal Brutal est assez original
 AprĂšs l’accession d’Alain Madelin au pouvoir, la France dĂ©cline et sombre dans un chaos intellectuel et social. Riad Sattouf crĂ©e une vision de notre future trĂšs pessimiste et pourtant si proche de notre sociĂ©tĂ© actuelle. C’est la complĂšte dĂ©cadence : violence, sexe et QI nĂ©gatif s’y cĂŽtoient en permanence. Et au milieu de tout cela, Pascal Brutal


Ce bon vieux Pascal, c’est la virilitĂ© Ă  l’état pur : des gros muscles, une grosses motos et des femmes qui le veulent tout de suite et maintenant. Mais surtout, c’est une homosexualitĂ© refoulĂ©e qui ressort rĂ©guliĂšrement


La voix off, point fort de la série

Ainsi, tour Ă  tour, Pascal va essayer de pĂ©cho dans la ville des gays, ĂȘtre star du rap, joueur de foot, etc. Riad Sattouf s’amuse Ă  intĂ©grer l’Homme dans toutes les situations possibles, mais toujours dans sa France façon Madelin. C’est d’ailleurs la description de cet univers ultralibĂ©rale, par la voix off, qui fait tout le sel de cette bande-dessinĂ©e. Au-delĂ  des situations, Riad Sattouf s’amuse Ă  dĂ©crire un monde improbable. Cerise sur le gĂąteau : un certain Riad Sattouf a permis au monde arabe de devenir la sociĂ©tĂ© la plus avancĂ©e et la plus progressiste (dans le tome 3). Nous retrouvons ainsi un stade Riad Sattouf construit Ă  base de sacs plastiques recyclĂ©s


Si on sourit souvent devant la vie de Pascal, on rit aussi. Cette sĂ©rie possĂšde une telle identitĂ© et une telle densitĂ© que l’on a du mal Ă  rester indiffĂ©rent. Le lien avec « La vie secrĂšte des jeunes » est Ă©vident. Riad Sattouf sait observer ses contemporains et projettent le tout dans l’avenir. Et ce n’est pas rose…

 Le dessin, simple en apparence, est parfaitement adapté. Les expressions du visage de Pascal sont complexes et participent à notre hilarité. Bref, du lourd.

Avec son quatriĂšme opus, « Pascal Brutal » ne faiblit pas. L’univers et le personnage crĂ©Ă©s par Riad Sattouf possĂšdent une vĂ©ritable originalitĂ© et l’auteur sait les utiliser sans se rĂ©pĂ©ter. Une des grandes bande-dessinĂ©es d’humour de ces derniĂšres annĂ©es, dans la plus pure tradition Fluide Glacial !

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17/20

Ralph Azham, T6 : L’ennemi de mon ennemi – Lewis Trondheim

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Titre : Ralph Azham, T6 : L’ennemi de mon ennemi
Scénariste : Lewis Trondheim
Dessinateur : Lewis Trondheim
Parution : FĂ©vrier 2014


Lors de sa naissance, « Ralph Azham » s’est vu reprochĂ© d’ĂȘtre un sous-« Donjon ». En effet, le fait que Lewis Trondheim crĂ©e une sĂ©rie humoristique inscrite dans un univers de fantasy incitait naturellement Ă  faire un parallĂšle avec la saga tentaculaire « Donjon ». Cette derniĂšre possĂšde une place particuliĂšre dans le neuviĂšme art des deux derniĂšres dĂ©cennies. Ces afficionados dont je fais partie lui vouent une affection certaine. Les premiĂšres aventures de ce nouvel hĂ©ros prĂ©nommĂ© Ralph donnaient l’impression d’utiliser les mĂȘmes ficelles que celles de ces prĂ©dĂ©cesseurs Herbert et Marvin sans atteindre leurs auras. NĂ©anmoins, au fur et Ă  mesure que les annĂ©es passent, les tomes paraissent et permettent Ă  cette nouvelle sĂ©rie de voir sa propre identitĂ© prendre de l’épaisseur. La rarĂ©faction des parutions d’épisodes de « Donjon » facilite la chose. « Ralph Azham » se compose maintenant de six tomes dont le dernier est paru le six fĂ©vrier dernier chez Dupuis. Vendu au prix de douze euros, il nous offre une couverture nous immergeant au beau milieu d’une bataille de grande ampleur dans laquelle notre hĂ©ros n’a pas l’air au mieux. Il ne restait plus qu’à s’y plonger pour en savoir davantage


Le site BDGest’ propose le rĂ©sumĂ© suivant des enjeux de cet opus : « Les oracles, ça ne raconte pas de bobards : conformĂ©ment Ă  leurs prĂ©dictions, Ralph a bel et bien dĂ©capitĂ© le terrible Vom Syrus. Ou plutĂŽt son sosie empaillĂ©, utilisĂ© par le roi pour entretenir la lĂ©gende
 PrivĂ© de l’alliance qu’il voulait nouer avec cet homme de paille et de retour sur les terres d’Astolia, Ralph va devoir trouver son pĂšre, une nouvelle stratĂ©gie, et un pantalon agrĂ©able ! Car l’aventure ne s’arrĂȘte pas pour la petite bande qui va dĂ©couvrir que les ennemis de nos ennemis ne sont souvent que d’autres
 ennemis ! »

Jouer avec humour des codes de la fantasy

Je dĂ©conseille Ă  tout lecteur de dĂ©couvrir cet album sans avoir lu les cinq prĂ©cĂ©dents de la sĂ©rie. Les tomes s’enchainent comme les chapitres d’un roman. Nous sommes bien loin de notre rencontre avec le hĂ©ros quand il Ă©tait un paria dans son propre village, perdu au milieu de nulle part. Depuis, il a fait bien des rencontres et a vu sa cĂ©lĂ©britĂ© grandir au grĂ© des Ă©vĂ©nements. « Ralph Azham » s’adresse Ă  un public large. L’auteur joue avec humour des codes de la fantasy.

Le cinquiĂšme tome s’est conclu par une vraie rĂ©vĂ©lation imprĂ©vue. Elle remettait en cause beaucoup des enjeux et des repĂšres jusqu’alors mis en place. Le grand mĂ©chant Von Syrus n’existait pas. Le roi semblait avoir crĂ©Ă© un mĂ©chant de toute piĂšce. C’est donc pour cela que nous assistons au retour de notre petit groupe vers leur lĂ©gendaire ennemi pour obtenir des explications. Sur ce plan-lĂ , le lecteur s’interroge tout autant. Notre curiositĂ© est mĂ©caniquement attisĂ©e tant cette dĂ©couverte scĂ©naristique. La trame du tome se dĂ©compose grossiĂšrement en deux parties. La premiĂšre dĂ©crit le retour Ă  Astolia, la seconde s’avĂšrera ĂȘtre une grande bataille avec Ralph dans le rĂŽle principal.

ralphazham6bCette intrigue ne s’avĂšre pas trĂšs intense. Le trajet vers la capitale n’est qu’une succession de rencontres et d’évĂ©nements sans grand intĂ©rĂȘt. Certes, ils sont autant d’occasion pour l’auteur de distiller une ou deux vannes bien senties. Je ne vous dis que je n’ai pas souri quelques fois au cours des pĂ©rĂ©grinations de Ralph et ses amis. NĂ©anmoins, l’ensemble manque de rythme et a un cĂŽtĂ© presque « encroĂ»tĂ© ». Trondheim a beau donnĂ© une place intĂ©ressante au pĂšre du hĂ©ros et son projet de rĂ©sistance, il n’arrive rĂ©ellement Ă  gĂ©nĂ©rer une montĂ©e en puissance vers le combat final. C’est dommage.

Comme je l’évoque prĂ©cĂ©demment, Ă  la maniĂšre de bon nombre de blockbuster, cet opus se termine sur une grande guerre. Je n’ai rien contre ce choix. Par contre, dans le sens oĂč cette scĂšne finale s’étale sur une vingtaine de pages, il est indispensable qu’elle soit originale, cadencĂ©e et spectaculaire. Je ne trouve pas que cela soit le cas dans « L’ennemi de mon ennemi ». MalgrĂ© tout l’affection que j’ai pour lui, je ne trouve pas que Trondheim arrive Ă  structurer sa scĂšne d’action finale. Les combats ne rebondissent pas, l’enchainement des diffĂ©rents duels ou assauts est brouillon. Bref, j’ai Ă©tĂ© assez déçu. Alors que cet album avait les ingrĂ©dients pour se conclure sur un feu d’artifice plein d’espoir pour la suite, il se conclue sur un sentiment mitigĂ©. J’avais l’impression que les vingt derniĂšres pages auraient pu ĂȘtre synthĂ©tisĂ©es en moins de dix, ce qui aurait permis de construire davantage le dĂ©nouement.

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Pour conclure, ce tome est loin d’ĂȘtre mon prĂ©fĂ©rĂ© de la sĂ©rie. Je trouve qu’il ne laisse pas beaucoup de place Ă  l’humour tant dans les situations que dans les dialogues. ParallĂšlement, l’intrigue n’avance pas non plus Ă  un rythme effrĂ©nĂ©. L’ensemble apparaĂźt brouillon et diluĂ©. L’attrait est prĂ©servĂ© par l’empathie pour les personnages et par quelques moments trĂšs rĂ©ussis, fruits du talent de son auteur. De plus, les dessins de Trondheim sont simples et sympathiques et rendent ainsi aisĂ© et agrĂ©able la lecture. Le travail sur les couleurs de Brigitte Findakly n’est pas rĂ©volutionnaire mais participe Ă  l’atmosphĂšre graphique de l’ensemble. Je pense donc que « L’ennemi de mon ennemi » n’est pas l’épisode le plus marquant de la saga. Mais cette lĂ©gĂšre dĂ©ception ne m’empĂȘchera pas d’attendre la parution du prochain tome. Je reste toujours curieux de savoir vers oĂč tout cela nous mĂšne


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Note : 11/20

Donjon CrĂ©puscule, T111 : La fin du donjon – Lewis Trondheim, Joann Sfar & Mazan

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Titre : Donjon crépuscule, T111 : La fin du donjon
Scénaristes : Lewis Trondheim & Joann Sfar
Dessinateur : Mazan
Parution : Mars 2014


 « La Fin du Donjon »  Le titre du tome 111 de « Donjon CrĂ©puscule » est sans Ă©quivoque : c’est la fin ! La grande aventure nĂ©e de l’imagination de Lewis Trondheim et Joann Sfar allait vivre Ă  son dĂ©nouement. La lecture du tome prĂ©cĂ©dent « Haut Septentrion » nous prĂ©sentait un premier angle de vue sur le combat final qui concluait la saga. Mais « La Fin du Donjon » conte les Ă©vĂ©nements perçus Ă  travers Marvin et Herbert, les deux hĂ©ros lĂ©gendaires. Les deux auteurs ont confiĂ© les dessins Ă  Mazan, dĂ©jĂ  vu sur le premier Ă©pisode de « Donjon Monsters ». Sorti chez Delcourt, en mars dernier, l’album Ă©tait prĂ©sentĂ© par une trĂšs jolie couverture. On y dĂ©couvrait les ruines du Donjon dans lesquelles la nature reprenait le dessus. J’ai trouvĂ© cette illustration trĂšs rĂ©ussie. J’espĂ©rais que le reste de la lecture serait Ă  la hauteur et offrirait Ă  « Donjon » une conclusion brillante.

« Plus les Ăźlots de Terra Amata montent, moins il y a d’oxygĂšne. Tandis que Marvin Rouge et Zakutu tentent de protĂ©ger les objets du Destin, Herbert et le Roi PoussiĂšre sont obligĂ©s de faire allĂ©geance Ă  l’EntitĂ© noire afin d’obtenir le prĂ©cieux oxygĂšne. La fin du Donjon n’a jamais Ă©tĂ© aussi proche ! Mais la rĂ©sistance est en marche. » VoilĂ  le rĂ©sumĂ© offert par le site BD Gest’. A mes yeux, il prĂ©sente clairement les enjeux pour tout lecteur rĂ©gulier de la sĂ©rie.

Il est Ă©vident qu’essayer de lire cet album sans connaĂźtre les Ă©pisodes prĂ©cĂ©dents est une mission impossible. Il n’y a pas de piqĂ»re de rappel. Les auteurs plongent immĂ©diatement dans le dur. L’histoire peut ĂȘtre perçue comme un spin off de « Haut Septentrion ». Il faut au moins avoir entiĂšrement lu le cycle « Donjon CrĂ©puscule » qui relate la fin du Donjon. Il se compose actuellement d’une dizaine d’ouvrages.

Un rythme effréné

Un des dĂ©fauts que ne possĂšde pas cet album est le fait de ne pas ĂȘtre habitĂ© par des temps morts. Le rythme est effrĂ©nĂ©. Les Ă©vĂ©nements s’enchainent. L’action est de sortie. Mazan a un gros travail d’illustration Ă  faire pour faire ressentir le mouvement perpĂ©tuel qui accompagne les pĂ©rĂ©grinations d’Herbert et Marvin. Ils n’arrĂȘtent pas de courir aux quatre coins de Terra Amata. Le trait de l’auteur traduit assez bien cette sensation de course permanente contre la montre. Le lecteur n’a jamais le temps de souffler. NĂ©anmoins, j’apporterais un bĂ©mol. L’ensemble m’apparait brouillon. J’ai parfois eu la sensation que scĂ©nario Ă©tait un cousin du diable de Tasmanie. Ce n’est pas dĂ©sagrĂ©able dans l’ensemble mais cela m’a essoufflĂ© par moment.

Le dĂ©nouement est connu dans les grandes lignes avant mĂȘme la dĂ©couverte de la premiĂšre page. Le fait d’avoir lu le tome 110 de « Donjon CrĂ©puscule » donne beaucoup d’informations Ă  ce propos. Cela fait que j’ai eu du mal Ă  me passionner pour les rebondissements qui jalonnent le trajet d’Herbert tout au long de l’histoire. Par contre, j’étais attentif Ă  tous les moments partagĂ©s entre le palmipĂšde et son ami dragon. Ils forment le duo central de la saga. Il Ă©tait donc important de savourer les derniers temps passĂ©s Ă  leurs cĂŽtĂ©s. J’ai regrettĂ© que cet aspect nostalgique et Ă©motionnel soit en retrait par rapport Ă  l’action pure. Je ne le reproche pas aux auteurs. C’est leur choix et leur Ɠuvre. NĂ©anmoins, je regrette que le « au revoir » soit finalement aussi brutal. Seules les trois derniĂšres pages sont apaisĂ©es et closent l’aventure avec poĂ©sie. Parsemer le reste de l’album de ce type de pensĂ©es ou de phrases ne m’aurait pas dĂ©plu. Dans un genre trĂšs diffĂ©rent, je trouvais la fin de « Lapinot » bien plus intense et mieux amenĂ©e.

Pour conclure, j’ai passĂ© un bon moment Ă  assister Ă  la fin du Donjon. Le plaisir que j’ai eu Ă  retrouver Herbert et Marvin ensemble m’a fait oublier les quelques dĂ©fauts que dĂ©gageait par moment la lecture. Il est indispensable pour tout adepte de la saga de s’y plonger pour boucler la boucle. Il ne me reste plus qu’à espĂ©rer qu’un jour les auteurs trouveront le temps de combler quelques trous que possĂšde la grande Histoire du Donjon. L’espoir n’a jamais tuĂ© personne


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Note : 12/20

Donjon Crépuscule, T110 : Haut Septentrion

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Titre : Donjon crépuscule, T110 : Haut Septentrion
Scénaristes : Lewis Trondheim & Joann Sfar
Dessinateur : Alfred
Parution : Mars 2014


« Donjon » est une sĂ©rie qui a marquĂ© le neuviĂšme art. Lors de sa naissance, le projet de Lewis Trondheim et Joann Sfar paraissait irrĂ©aliste. Il souhaitait conter l’histoire des habitants d’un Donjon au cours de trois Ă©poques diffĂ©rentes. « Donjon Potron-Minet » devait suivre la construction du Donjon, « Donjon ZĂ©nith » son apogĂ©e et « Donjon CrĂ©puscule » sa chute. D’autres sĂ©ries telles que « Donjon Monsters » ou « Donjon Parade » agrĂ©mentaient Ă©galement cet univers. Depuis de nombreuses annĂ©es, les tomes paraissent Ă  un rythme effrĂ©nĂ© pour le plus grand plaisir des lecteurs. La fantasy et l’humour sont les deux caractĂ©ristiques de cette grande Ă©popĂ©e. Chaque cycle possĂšde sa propre identitĂ© tout en respectant la cohĂ©rence narrative. Mais ces derniĂšres annĂ©es, les nouveaux Ă©pisodes ont Ă©tĂ© plus rares. En mars dernier, sont apparus dans les rayons Ă  ma grande surprise deux nouveaux tomes. J’eus la dĂ©sagrĂ©able surprise de voir qu’ils marquaient la fin de l’aventure. Ces opus marquaient-ils la derniĂšre touche des auteurs Ă  leur crĂ©ation ou pensaient-ils un jour combler les nombreuses zones d’ombre que leur chronologie possĂšde encore ? C’est sans rĂ©ponse Ă  ses interrogations que je me suis plongĂ© dans « Haut Septentrion », tome 110 de « Donjon CrĂ©puscule ».

Le site BDGest’ propose le rĂ©sumĂ© suivant des enjeux de cet album : « Tremblement sur Terra Amata. Alors que tous les Ăźlots s’éloignent du noyau de magma et de l’atmosphĂšre respirable, le Roi PoussiĂšre pense qu’il est temps pour lui de mourir de façon hĂ©roĂŻque. Marvin Rouge s’accroche toujours, bon grĂ©, mal grĂ© et va devoir le sauver de cette idĂ©e fixe tout en trouvant un moyen de respirer. »

Des scÚnes de combat et de batailles. 

Trondheim et Sfar n’en sont pas Ă  une fantaisie prĂšs. En effet, cet ouvrage doit ĂȘtre lu en parallĂšle du tome 111 intitulĂ© « La fin du Donjon ». Chacun dĂ©crit les Ă©vĂ©nements qui mĂšnent au dĂ©nouement de l’intrigue en axant sa narration sur des angles et des personnages diffĂ©rents. Ma critique porte sur « Haut Septentrion » qui se centre sur le duo formĂ© de Marvin Rouge et Zakutu. Le premier est un guerrier hystĂ©rique assoiffĂ© de sang ou de sexe au grĂ© de ses humeurs. La seconde est une princesse hĂ©ritiĂšre au caractĂšre trempĂ©. Les alĂ©as de leurs parcours respectifs les mĂšnent au centre d’un combat dont l’issue sera dĂ©finitive pour le Monde. Je me dois rapidement prĂ©ciser qu’il est indispensable d’avoir une connaissance minimale des enjeux et des protagonistes de la sĂ©rie pour se plonger dans cette lecture. Dans le cas cadre contraire, il me semble impossible d’y comprendre quoi que ce soit.

La nature mĂȘme de l’histoire fait que la majoritĂ© des planches sont des scĂšnes de combat et de batailles. Je ne suis pas trop fan de ce type de construction parce que bien souvent certaines planches sont du remplissage. Occuper trois planches Ă  dessiner des explosions et des duels Ă  l’épĂ©e Ă©vite trop frĂ©quemment de construire une intrigue et de rĂ©diger des dialogues travaillĂ©s. Mais les deux auteurs ne tombent pas dans cette facilitĂ©. Chaque page est agrĂ©mentĂ©e de plusieurs vannes bien senties que ce soit entre les hĂ©ros ou envers leurs ennemis. Le cĂŽtĂ© testostĂ©rone des derniers opus de « Donjon CrĂ©puscule » est une nouvelle fois bien transcrit. On pourrait regretter un dĂ©but un petit peu brouillon. Le fait que la sĂ©rie ait sautĂ© deux ou trois tomes a pour consĂ©quence de nĂ©cessiter pour le lecteur un temps d’adaptation Ă  la nouvelle situation Ă  Terra Amata. La mise en route manque un petit peu de clartĂ© et de finesse. NĂ©anmoins, l’affection ressentie Ă  l’égard de cette sĂ©rie fait rapidement oubliĂ© ce dĂ©faut au dĂ©marrage une fois que les deux tourtereaux au sang chaud se retrouvent en amoureux pour sauver le monde.

La relation entre Marvin et Zakutu est un des points forts de ce cycle. Les deux personnages sont individuellement trĂšs rĂ©ussis et ils prennent une ampleur explosive quand ils sont mis en contact. Ce tome accentue ce phĂ©nomĂšne dans le sens oĂč ils ne sont que tous les deux lors de leurs pĂ©rĂ©grinations. Personne ne leur fait de l’ombre et cela leur permet de ne fixer aucune limite Ă  leurs excĂšs. Cela offre des moments trĂšs drĂŽles et surtout aucun temps mort. Une fois la machine narrative enclenchĂ©e, elle ne cesse pas de s’emballer sans jamais ralentir. MĂȘme la derniĂšre planche est rĂ©ussie sur ce plan-lĂ  alors que l’issue laissait la porte ouverte Ă  quelque chose de plus classique et traditionnel.

Les auteurs ont pris l’habitude de changer bien souvent de dessinateurs d’un album Ă  l’autre. C’est Alfred qui se voyait confier l’illustration de ce combat final. Il s’en sort correctement et reste globalement fidĂšle Ă  l’identitĂ© graphique de la saga. MalgrĂ© tout, il ne s’agit pas de l’artiste dont j’ai prĂ©fĂ©rĂ© le travail sur la sĂ©rie. Son trait manque de finesse et de prĂ©cision Ă  mes yeux. C’est dommage car les scĂšnes sont rythmĂ©es et denses. Il m’apparaĂźt donc important de se montrer soignĂ© et appliquĂ© pour permettre au lecteur Ă  la fois de s’immerger dans des dĂ©cors en changement permanent tout en comprenant dans les moindres dĂ©tails les Ă©vĂ©nements qui s’y dĂ©roulent. Par contre, je n’ai rien Ă  dire sur le travail des couleurs qui correspondent parfaitement aux attentes gĂ©nĂ©rĂ©es.

Pour conclure, cet opus conclut honorablement le cycle. C’est d’ailleurs plus dans l’évolution des deux personnages principaux que dans l’issue du combat final que rĂ©side l’attrait de la lecture. Il est Ă©vident que certains moments concernant Herbert sont nĂ©buleux dans cet album. Mais je ne doute pas que « La fin du Donjon » Ă©claircira tout cela. Mais c’est une autre histoire


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Note : 14/20


 

Top BD des blogueurs – AoĂ»t 2014

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Le Top BD des blogueurs est un collectif rassemblant des blogs de critiques de bande-dessinĂ©es. DĂšs qu’un titre possĂšde au moins trois notes, il entre dans le top. Vous pouvez dĂ©couvrir chaque mois les cinquante titres les mieux notĂ©s.

1- (=) Le journal de mon pÚre 18.67
Jiro Taniguchi, Casterman

2- (=) Asterios Polyp     18.65
David Mazzuchelli, Casterman

3- (=) Persépolis    18.64
Marjanne Satrapi, L’Association

4- (=) Le loup des mers 18.55
Riff Reb, Soleil

5- (=) Idées Noires       18.5
Franquin, Fluide Glacial

6- (=) NonNonBù         18.5
Shigeru Mizuki, Cornélius

7- (=) Maus        18.49
Art Spiegelmann, Flammarion

8- (=) Le pouvoir des Innocents Cycle 2- Car l’enfer est ici   18.41
Tome 1, Tome 2,

9- (=) Tout seul            18.38
Christophe ChaboutĂ©, Vents d’Ouest

10- (=) Le sommet des dieux       18.33
Yumemuka Bura, JirĂŽ Taniguchi, Casterman
Tome 1,Tome 2,Tome 3, Tome 4, Tome 5.

11- (=) Universal War One   18.33
Denis Bajram, Soleil
 Tome 1, Tome 2, Tome 3, Tome 4, Tome 5, Tome 6.

12- (-) Un printemps à Tchernobyl  18.28
Emmanuel Lepage, Futuropolis

13- (+) Les vieux fourneaux tome 1   18.28
Wilfrid Lupano, Paul Cauuet, Dargaud

14- (=) Daytripper           18.27
Fabio Moon, Gabriel Ba, Urban Comics

15- (=) V pour Vendetta  18.22
Alan Moore, David Lloyd, Delcourt

16- (=) Le Grand pouvoir du Chninkel   18.19
Van Hamme, Rosinski, Casterman

17- (=) Pendant que le roi de Prusse faisait la guerre, qui donc lui reprisait ses chaussettes?  18.13
BenoĂźt Zidrou, Roger, Dargaud

18- (=) Les derniers jours de Stefan Zweig   18.06
L. Seksik, G. Sorel, Casterman

19- (=) Herakles   18.05
Tome 1, Tome 2,
Edouard Cour, Akiléos

20- (=) Abélard     18.04
RĂ©gis HautiĂšre, Renaud Dillies, Dargaud
Tome 1, Tome 2.

21- (=) Universal War Two tome 1    18
Denis Bajram, Casterman

22- (=) La fille maudite du capitaine pirate  18
Jérémy Bastian, Editions de la Cerise

23- (N) Le muret    18
Pierre Bailly, CĂ©line Fraipont, Casterman

24- (=) Il était une fois en France    17.98
Fabien Nury, Sylvain Vallée, Glénat
Tome 1, Tome 2, Tome 3, Tome 4, Tome 5,Tome 6.

25- (=) Habibi       17.95
Craig Thompson, Casterman

26- (=) Les derniers jours d’un immortel     17.92
Fabien Vehlmann, Gwen de Bonneval, Futuropolis

27- (=) Gaza 1956     17.92
Joe Sacco, Futuropolis

28- (=) Les ombres     17.88
Zabus, Hippolyte, Phébus

29- (=) Scalped            17.86
Jason Aaron, R.M. Guerra, Urban Comics
Tome 1, Tome 2, Tome 3, Tome 4, Tome 5, Tome 6, Tome 7,

30- (=) Manabé Shima 17.83
Florent Chavouet, Editions Philippe Picquier

31- (=) Trois Ombres       17.78
Cyril Pedrosa, Delcourt

32- (=) Anjin-san    17.75
Georges Akiyama, Le LĂ©zard Noir

33- (=) Joker                17.75
Brian Azzarello, Lee Bermejo, Urban Comics

34- (=) Mon arbre     17.75
SĂ©verine Gauthier, Thomas labourot, Delcourt

35- (=) L’histoire des trois Adolf,              17.75
Osamu Tezuka, Tonkam

36- (=) Blankets  17.73
Craig Thompson, Casterman

37- (=) Le pouvoir des innocents Cycle 3- Les enfants de Jessica tome 1  17.73
L. Brunschwig, L. Hirn, Futuropolis

38- (=) Holmes               17.7
Luc Brunschwig, Cecil, Futuropolis
Tome 1, Tome 2, Tome 3.

39- (=) Calvin et Hobbes,              17.7
Bill Watterson, Hors Collection
Tome 1, Tome 2, Tome 15, tome 17,

40- (=) Les seigneurs de Bagdad  17.7
Brian K. Vaughan, Niko Henrichon, Urban Comics

41- (=) Urban              17.69
Luc Brunschwig, Roberto Ricci, Futuropolis
Tome 1, Tome 2,

42- (=) Washita     17.69
Tome 1, Tome 2, Tome 3, Tome 4, Tome 5.

43- (=) Lorenzaccio              17.67
RĂ©gis Peynet, 12 Bis

44- (=) Match!   17.67
Grégory Panaccione, Editions Delcourt

45- (=) Tokyo Home  17.67
Thierry Gloris, Cyrielle, Kana

46- (=) Les Carnets de Cerise
Joris Chamblain, Aurélie Neyret, Soleil
Tome 1, Tome 2,

47- (=) L’Orchestre des doigts      17.65
Osamu Yamamoto, Editions Milan
Tome 1, Tome 2, Tome 3, Tome 4.

48- (=)Melvile     17.64
Romain Renard, Le Lombard

49- (=) Les ignorants             17.63
Etienne Davodeau, Futuropolis

50- (=) Rouge Tagada   17.63
Charlotte Bousquet, Stéphanie Rubini, Gulf Stream Editeur