QuĂ©bec Land – Édouard BourrĂ©-Guilbert, Pauline Bardin & Aude Massot

QuebecLand


Titre : Québec Land
ScĂ©naristes : Édouard BourrĂ©-Guilbert & Pauline Bardin
Dessinatrice : Aude Massot
Parution : Juin 2014


 QuĂ©bec Land est un webcomics qui fut publiĂ© sur la plateforme Delitoon. Fort de son succĂšs, il a trouvĂ© preneur chez Sarbacane pour une Ă©dition papier de plus de 250 pages ! « QuĂ©bec Land » narre l’installation d’un couple de français au QuĂ©bec pour un an. On les accompagne donc dans leur dĂ©couverte du Canada francophone. Le tout est scĂ©narisĂ© par Édouard BourrĂ©-Guisbert et Pauline Bardin (le couple en question) et mis en dessin par Aude Massot.

QuĂ©bec Land est construit de façon chronologique. On assiste au dĂ©part de France, puis l’arrivĂ©e Ă  QuĂ©bec, puis l’installation, puis la recherche de travail, etc. Cette construction par chapitres Ă©tait bien pensĂ©e pour une publication web (et donc par sĂ©quences), c’est moins pertinent ici. Les auteurs ont fait le choix de prĂ©senter le tout sous forme d’assemblages d’anecdotes trĂšs gĂ©nĂ©rales. Ainsi, on ne suit jamais le quotidien du couple et le tout reste trĂšs froid. Les personnages sont tellement peu construits que ça pourrait ĂȘtre n’importe qui. Il manque une originalitĂ©. A trop vouloir ĂȘtre universel, « QuĂ©bec Land » manque de personnalitĂ©. On en vient Ă  penser Ă  toute la sĂ©rie des « Guides du  ». On a l’impression d’ĂȘtre devant un « Guide du QuĂ©bec » (le terme est d’ailleurs utilisĂ© en sous-titre). Avec tous les dĂ©fauts du genre.

Un manque d’approfondissement du contenu et des personnages.

QuebecLand2Ce manque d’empathie envers les personnages empĂȘche donc le livre d’ĂȘtre touchant. Malheureusement, les tentatives d’humour tombent un peu Ă  l’eau. C’est donc vers la dĂ©couverte du QuĂ©bec que se placent nos espoirs. HĂ©las, lĂ  aussi ce n’est pas bien palpitant. Car ce que l’on retient au final c’est qu’il y a beaucoup d’écureuil et que l’on tutoie son boulanger. Sinon, il fait froid et il y a des caribous.

La publication web a aussi son impact sur le rythme de l’ensemble. Le format A5 est petit et la forte pagination de l’ensemble cache un peu le manque d’approfondissement de l’ensemble. Car Ă  chaque fin de chapitre, on se dit : « c’est tout ? » Il manque clairement une analyse supplĂ©mentaire pour que le livre gagne en intĂ©rĂȘt. Tout cela est superficiel et malgrĂ© le nombre important de pages, cela se lit trĂšs vite. Il suffit de comparer Ă  ce que peut produire Guy Delisle de ses voyages (mĂȘme si les pays dans lesquels il a vĂ©cu sont plus Ă©loignĂ©s du notre) pour comprendre combien ce « QuĂ©bec Land » effleure son sujet.

Le travail d’Aude Massot au dessin est plutĂŽt plaisant et agrĂ©able Ă  regarder. TrĂšs moderne et bloguesque, il est percutant et sait proposer des dĂ©cors de QuĂ©bec et des environs suffisamment travaillĂ©s pour que l’on s’y croit. Dommage que la construction pour le web empĂȘche des mises en scĂšne plus poussĂ©es et que l’ensemble se limite parfois Ă  la carte postale. C’est difficile de connaĂźtre les libertĂ©s rĂ©elles qu’a eues la dessinatrice sur le projet.

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Ce « QuĂ©bec Land » prĂ©sente donc peu d’intĂ©rĂȘt. Trop froid, pas assez drĂŽle, il apporte beaucoup moins d’information qu’un guide classique qui sera plus complet et pas forcĂ©ment beaucoup moins chaleureux. IndĂ©niablement, le livre plaira Ă  ceux qui rĂȘvent du QuĂ©bec ou qui se rappelleront avec nostalgie de leur passage lĂ -bas. Pour les autres, passez votre chemin.

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Note : 6/20

Ce livre devrait me permettre de rĂ©soudre le conflit au Proche-Orient, d’avoir mon diplĂŽme, et de trouver une femme, T1 – Sylvain Mazas

CeLivreDevraitMePermettre


Titre : Ce livre devrait me permettre de rĂ©soudre le conflit au Proche-Orient, d’avoir mon diplĂŽme, et de trouver une femme, T1
Scénariste : Sylvain Mazas
Dessinateur : Sylvain Mazas
Parution : Juin 2012


Le point fort de « Ce livre devrait me permettre de rĂ©soudre le conflit au Proche-Orient, d’avoir mon diplĂŽme, et de trouver une femme » est sans conteste son titre ! ComplĂštement dĂ©lirant, il attire l’attention immĂ©diatement. Comme beaucoup de monde, j’ai donc empruntĂ© le livre, voulant savoir ce qui pouvait bien se trouver dans ce curieux objet. Le tout est Ă©crit et dessinĂ© par Sylvain Mazas et publiĂ© chez Vraoum.

Le livre a prĂ©cĂ©demment Ă©tĂ© publiĂ© en Allemagne en 2007. En effet, l’auteur habite alors Ă  Berlin, bien que français (c’est d’ailleurs le cas de son Ă©diteur qui intervient plusieurs fois dans le livre). A l’époque, il part au Liban pour avoir son diplĂŽme, trouver une femme et, donc, rĂ©soudre le conflit au Proche-Orient. Ne vous attendez pas Ă  une bande-dessinĂ©e classique ici, ce n’est pas le cas. Le livre est construit majoritairement sur du texte qui est ensuite illustrĂ© par un dessin et/ou un schĂ©ma. Car l’auteur aime les schĂ©mas. Il le dit lui-mĂȘme et les multiplie Ă  foison. Tout ça pour nous expliquer pourquoi le Proche-Orient va mal alors que ça pourrait aller beaucoup mieux.

Un ton original et personnel.

Ce livre vaut avant tout pour le ton de son auteur qui est original et personnel. Plein de naĂŻvetĂ© et de bon sens, il dĂ©crit des choses complexes avec simplicitĂ©, mĂȘme si le lecteur attentif sera un peu dubitatif devant ses descriptions. Le tout est parsemĂ© d’humour et de passages bien sentis.

DĂ©coupĂ© en chapitres, le livre finit par tourner un peu en rond. Trop de texte, trop de schĂ©mas, on finit par se demander si Sylvain Mazas a tant de choses Ă  raconter. Plus que le fond, c’est la forme qui Ă©tonne dans les premiĂšres pages. Mais au bout d’un moment, on s’en lasse, de mĂȘme que les schĂ©mas nous laissent un peu indiffĂ©rents. C’est marrant au dĂ©but, beaucoup moins aprĂšs. Le livre possĂšde une forte pagination et on sent qu’il aurait pu ĂȘtre condensĂ©.

MalgrĂ© tout, quelques bonnes idĂ©es et gags font mouche. On apprĂ©ciera les interventions de l’éditeur, la recherche de l’amour comme running-gag efficace
 Mais je reste un peu dubitatif dans le fait que ce soit un premier tome tant on a l’impression que l’auteur a fait le tour de la question.

Graphiquement, c’est minimaliste, mais les dessins appuient toujours intelligemment le texte. Il y a un rapport entre les parties texte et dessin qui rythme bien l’ensemble. Le dessin n’est jamais accessoire, il apporte toujours quelque chose Ă  ce qui vient d’ĂȘtre lu.

Je suis passĂ© un peu Ă  cĂŽtĂ© de livre. PlutĂŽt enthousiaste aux premiĂšres pages, le sourire aux lĂšvres, j’ai peu Ă  peu perdu de l’intĂ©rĂȘt pour les schĂ©mas de Sylvain Mazas. Ce qu’il raconte est souvent intĂ©ressant mais trop simpliste pour tenir dans la longueur. Car au milieu d’anecdotes libanaises trĂšs intĂ©ressantes, ses raisonnements pour trouver le bonheur tournent un peu en rond. À essayer quand mĂȘme, car l’originalitĂ© du bouquin ne peut, elle, pas ĂȘtre remise en cause.

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Note : 11/20

Anatomie de l’Ă©ponge – Guillaume Long

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Titre : Anatomie de l’Ă©ponge
Scénariste : Guillaume Long
Dessinateur : Guillaume Long
Parution : Juillet 2006


J’ai connu Guillaume Long avec « À boire et Ă  manger ». C’est ici une Ɠuvre parue bien plus tĂŽt, en 2006, dont il est question : « Anatomie de l’éponge ». C’est un recueil d’histoires courtes qui expliquent (entre autres), les influences de l’auteur. On a donc affaire Ă  une autobiographie oĂč l’autodĂ©rision est le maĂźtre mot. Le tout pĂšse 115 pages et est paru chez Vertige Graphic.

Guillaume Long nous propose une sĂ©rie d’histoires courtes aux thĂšmes variĂ©s. DĂšs la premiĂšre, on sent l’influence (l’hommage ?) Ă  Blutch. Mais c’est surtout Lewis Trondheim (sous le pseudonyme Luis TroĂ«n) qui sera au centre des attentions. AdulĂ© par l’auteur, sa passion pour l’auteur devient un running gag trĂšs efficace au fil des pages.

Un auteur qui se cherche et se trouve.

Au-delĂ  des histoires sur la bande-dessinĂ©e, Guillaume Long diverge et parle aussi de son enfance. On sent un auteur qui se cherche. Graphiquement, on voit une tentative de faire des bande-dessinĂ©es avec un dessin et le texte en-dessous, puis on tĂątonne vers un entre-deux. Cette façon dont l’auteur se cherche dans la narration (et aussi dans l’humour) est des plus intĂ©ressantes. Et on le voit progresser, puisque les derniĂšres histoires font mouche. Plus le livre avance et plus on rit. L’auteur parvient Ă  trouver un ton et un humour qui nous font beaucoup sourire et mĂȘme rire par moment. Au point qu’aprĂšs cet ouvrage, il me paraissait essentiel de m’intĂ©resser Ă  la suite de la production de l’auteur.

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HĂ©las, qui dit recueil dit souvent qualitĂ© inĂ©gale. C’est le cas ici. Certaines histoires laissent un peu froid, lĂ  oĂč d’autres nous transportent. Que dire que cette formidable histoire oĂč Guillaume Long se perd en voiture et va dormir dans un domaine perdu ? L’autodĂ©rision marche Ă  plein rĂ©gime. Si ce n’est pas forcĂ©ment original, Guillaume Long se l’approprie pleinement.

Graphiquement, Guillaume Long a un style qui se reconnaĂźt vite, mais il se cherche ici. Le noir et blanc est de rigueur, bien que parfois relevĂ© de niveaux de gris. On sent des modifications, des essais
 Et le tout est plutĂŽt rĂ©ussi. La maturitĂ© de son style se sent une nouvelle fois et sa façon de dessiner en noir et blanc hachurĂ© est dynamique et vivante. Le trait est simple, mais la gestion des noirs et des volumes est rĂ©flĂ©chie et rĂ©ussie. Bref, un dessin qui paraĂźt simple au tout venant, mais qui vaut le coup d’Ɠil.

Cette « Anatomie de l’éponge » a les dĂ©fauts du recueil. Son cĂŽtĂ© inĂ©gal gĂȘnera Ă  coup sĂ»r. Mais il y a de vraies qualitĂ© tant dans la narration que dans le dessin chez Guillaume Long qui suffisent Ă  lui donner de l’intĂ©rĂȘt. Quand on voit le nombre d’autobiographies insipides qui peuvent fleurirent sur les rayons, ce n’est pas le cas ici. Le livre montre un auteur qui se cherche et, surtout, qui se trouve !

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Note : 14/20

Une annĂ©e au lycĂ©e – Fabrice Erre

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Titre : Une année au lycée
Scénariste : Fabrice Erre
Dessinateur : Fabrice Erre
Parution : Avril 2014


Fabrice Erre est dessinateur de bande-dessinĂ©e. Mais comme nombre de ses collĂšgues, il possĂšde un « vrai » mĂ©tier lui permettant de vivre dignement : enseignant d’histoire-gĂ©ographie en lycĂ©e. ForcĂ©ment, la tentation de raconter son quotidien face aux Ă©lĂšves Ă©tait trop tentant. VoilĂ  qu’il nous propose un ouvrage autobiographique, « Une annĂ©e au lycĂ©e ». Le tout est publiĂ© chez Dargaud et pĂšse pas moins de 153 pages !

L’auteur dĂ©marre donc l’annĂ©e avec la fin des vacances et termine le tout avec le dĂ©but des vacances. On retrouve donc les premiers contacts avec la classe jusqu’au bac. Fabrice Erre a l’avantage d’avoir des secondes, des terminales (qui prĂ©parent le bac) et d’ĂȘtre professeur principal. Cela permet de balayer un large spectre de situations. DĂšs le dĂ©part, l’auteur nous prĂ©vient : oui, tout est romancĂ© (heureusement d’ailleurs). Chaque scĂšne est donc un condensĂ© de vĂ©cu, clairement concentrĂ© pour en amĂ©liorer l’aspect comique.

On sent le vécu !

Fabrice Erre joue la carte de l’autodĂ©rision dĂšs le dĂ©part. Il se dessine bien plus vieux qu’il ne l’est et n’hĂ©site pas Ă  se montrer sous un jour peu reluisant. Et c’est lĂ  oĂč la bande-dessinĂ©e est rĂ©ussie. Erre est un professeur normal : aussi bien il peut avoir des fulgurances pour adapter son cours Ă  ses Ă©lĂšves (et mĂȘme faire preuve d’ouverture dans les discussions), aussi bien il merdouille bien par moments ! L’humour fonctionne trĂšs bien et il n’est pas rare de rire devant les gags et remarques lues. C’est lĂ  oĂč « Une annĂ©e au lycĂ©e » supplante des BDs comme « Les profs ». On sent le vĂ©cu, l’absurde des remarques, les situations qui dĂ©rapent


L’auteur nous propose deux types de scĂšnes. Les premiĂšres sont classiques et montrent le prof avec ses collĂšgues ou les Ă©lĂšves. Les deuxiĂšmes sont des purs dĂ©lires oĂč Erre fait des parallĂšles entre un univers (la guerre par exemple) et l’enseignement. Elles sont globalement aussi rĂ©ussie et cela permet de rythmer l’album qui pourrait paraĂźtre rĂ©pĂ©titif si les scĂšnes de classe s’enchaĂźnaient mĂ©thodiquement.

Au niveau du dessin, c’est quand mĂȘme un peu lĂ©ger. Les dĂ©lires sont plus travaillĂ©s graphiquement mais les scĂšnes de classe sont peu ouvertes Ă  l’expĂ©rimentation graphique. L’auteur se contente de dessiner les personnages, qu’il fait trĂšs expressifs. En soit, ce choix est pertinent car l’auteur se focalise sur les rĂ©actions et les dialogues, qui font l’essence d’une classe. Le tout est colorisĂ© en bichromie (sauf des exceptions lors des dĂ©lires de l’auteur).

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« Une annĂ©e au lycĂ©e » est un ouvrage rĂ©ussi. En utilisant parfaitement les absurditĂ©s du monde du lycĂ©e, Fabrice Erre lui donne de la force par son trait. Quand on voit la tĂȘte du prof, trĂšs satisfait de voir les Ă©lĂšves grĂ©vistes ne pas arriver Ă  faire se calmer une classe, tout est dit ! Un bel ouvrage, forcĂ©ment un peu rĂ©servĂ© Ă  ceux pour qui l’éducation nationale n’est pas qu’un souvenir de jeunesse.

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Note : 16/20

Et pour poursuivre l’expĂ©rience : http://uneanneeaulycee.blog.lemonde.fr/

Et en plus il est gaucher – Ralf König

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Titre : Et en plus il est gaucher
Scénariste : Ralf König
Dessinateur : Ralf König
Parution : Septembre 2006


 Ralf König a crĂ©Ă© tout au long de sa carriĂšre une Ɠuvre majeure sur la communautĂ© homosexuelle. Parvenu Ă  la cĂ©lĂ©britĂ©, touchant mĂȘme un lectorat hĂ©tĂ©ro, il a Ă©tĂ© alors beaucoup dĂ©criĂ© aussi bien par les homos (qui l’accusent de les caricaturer, mais aussi de trahir leurs secrets) que par les femmes (qui l’accusent de misogynie aigue). Afin de rĂ©pondre aux questions que l’on peut se poser sur le personnage, il Ă©crit « Et en plus il est gaucher ».

Dans cet ouvrage, König se dessine se faisant interviewer par un certain Bernhard Seifert. Il rĂ©pond alors aux questions de l’homme, racontant aussi bien sa jeunesse que ses complexes, en passant par le milieu homo et ses fantasmes. Il paraĂźt Ă©vident que cette BD est rĂ©servĂ©e avant tout aux adeptes de l’auteur. En effet, certains passages parlent d’autres ouvrages de König et font rĂ©fĂ©rence Ă  certains personnages. De mĂȘme, son obsession pour les torses velus est un grand classique de ses personnages.

Interview et flashbacks.

Le tout est racontĂ© sous la forme d’une interview. Les deux personnages dialoguent, lançant des flashbacks ou des histoires afin d’illustrer ses propos. La derniĂšre histoire, pourtant indĂ©pendante, est ainsi lancĂ©e comme un film Ă  la fin de l’interview. König parvient ainsi Ă  Ă©viter un cĂŽtĂ© purement narratif et autobiographique par ce procĂ©dĂ©. De mĂȘme, cela lui permet d’utiliser au mieux ses talents de dialoguistes.

Loin d’ĂȘtre rĂ©barbative, cette BD est trĂšs drĂŽle. Tout est prĂ©sentĂ© avec beaucoup d’humour et König fait preuve de l’autodĂ©rision indispensable Ă  ce genre d’ouvrage. Il n’hĂ©site pas Ă  se reprĂ©senter bavant devant l’image d’un torse poilu, une Ă©norme Ă©rection sous son jean
 

Le dessin est toujours trĂšs rĂ©ussi, surtout avec le souci posĂ© par l’immobilitĂ© forcĂ©e des personnages pendant l’interview. Tout se passe dans les expressions du visage, dans un noir et blanc toujours maĂźtrisĂ©. L’importante quantitĂ© de textes n’est pas gĂȘnant Ă©tant donnĂ© la grande qualitĂ© de narration de l’auteur. 

La derniĂšre histoire, indĂ©pendante, mĂ©rite un petit mot. « 3 heures et demi » prĂ©sente deux homos amoureux qui se retrouvent pendant trois heures et demi, souhaitant s’accoupler au plus vite. Evidemment, rien ne se passe comme prĂ©vu. TrĂšs crue, cette histoire est Ă  mourir de rire. On est pris d’une vraie empathie avec les personnages que l’on voudrait aider Ă  assouvir enfin leurs envies. Le tout est bien sĂ»r rempli d’hĂ©tĂ©ros insupportables qui gĂȘnent sans cesse les deux hommes. 

« Et en plus il est gaucher » est venu d’une envie de König de s’expliquer suite aux attaques et aux demandes dont il Ă©tait assailli. En cela, le but est atteint, l’auteur n’hĂ©sitant pas Ă  nous faire part de dĂ©tails intimes qui explique beaucoup. Heureusement, le tout est toujours drĂŽle et lĂ©ger, rendant la lecture des plus agrĂ©ables. A rĂ©server aux fans de König.

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Note : 14/20

Like a steak machine – Fabcaro

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Titre : Like a Steak Machine
Scénariste : Fabcaro
Dessinateur : Fabcaro
Parution : Septembre 2009


Aujourd’hui, nombreux sont les auteurs Ă  se lancer dans l’autobiographie. Fabcaro n’échappe Ă  la rĂšgle. Je le connaissais alors pour « Amour, Passion et CX Diesel » (au scĂ©nario) et « Jean-Louis et son encyclopĂ©die », des ouvrages 100% humouristiques. Avec « Le steak hĂąchĂ© de DamoclĂšs » et « Droit dans le mĂ»r » (aux Ă©ditions de La CafĂ©tiĂšre), il se prĂ©sentait comme quelqu’un de complĂštement nĂ©vrosĂ©, avec des problĂšmes de communication et de sociabilitĂ© trĂšs limitĂ©e. Bref, un personnage trĂšs loin de ce que l’on peut imaginer d’un auteur humoristique. Avec « Like a steak machine », Fabcaro reprend son processus introspectif. Douloureux souvenirs


Le principe de « Like a steak machine » est dĂ©crit dĂšs la premiĂšre planche. Ici, une chanson sert de base Ă  chaque planche. Chaque morceau rappelle un Ă©vĂšnement passé : un premier concert, une nuit blanche, une rupture ou n’importe quoi d’autre. Chaque planche raconte une anecdote. Si bien que l’ouvrage est beaucoup plus orientĂ© « souvenir » qu’ « analyse ».

Des anecdotes musicales pleine d’autodĂ©rision.

Le thĂšme Ă©tant les souvenirs par la musique, on retrouve ainsi pas mal d’anecdotes musicales (notamment les concerts). Mais surtout, l’aspect introspectif est beaucoup moins fort, ce qui en fait un ouvrage plus lĂ©ger que les prĂ©cĂ©dents. L’humour est toujours fortement prĂ©sent, avec une bonne dose d’autodĂ©rision.

Il y a Ă©galement un petit cĂŽtĂ© dĂ©suet et nostalgique pas dĂ©sagrĂ©able dans cet ouvrage. Raconter des souvenirs n’apporte pas toujours cet aspect-lĂ  mais ici on reconnaĂźt l’époque sans peine. En effet, les citations de chansons, groupes et artistes sont autant de repĂšres (ou pas justement !) dissĂ©minĂ©s dans chaque page. Cet aspect marquĂ© dans une Ă©poque m’a rappelĂ© de loin « Le Petit Christian » de Blutch.

Je ne cacherais pas que cet ouvrage est moins fort que les deux prĂ©cĂ©dents. Le fait qu’il se construise sur des anecdotes de jeunesse le rend moins original. Il n’est donc pas rare de lire certains souvenirs quasiment Ă  l’identique d’autres artistes. La force de Fabcaro tient avant de sa capacitĂ© Ă  mettre de l’humour et de l’autodĂ©rision partout.

Et cet humour est fortement appuyĂ© par le trait de l’auteur. En effet, ces personnages sont trĂšs expressifs (bien que moins « cartoons » que dans d’autres de ses BDs), notamment son alter-Ă©go. Le trait relĂąchĂ©, en noir et blanc, est trĂšs agrĂ©able et lisible. Je le prĂ©fĂšre de loin Ă  son dessin « cartoon ».

Au final, « Like a steak machine » est peut-ĂȘtre l’ouvrage autobiographique de Fabcaro le moins original, mais aussi clairement le plus accessible. Moins axĂ© sur ses nĂ©vroses, le livre permet au lecteur de beaucoup plus s’identifier au personnage. Tout dĂ©pendra donc de ce que vous recherchez !

avatar_belz_jolNote : 16/20

L’Album de l’AnnĂ©e – Fabcaro

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Titre : L’Album de l’AnnĂ©e
Scénariste : Fabcaro
Dessinateur : Fabcaro
Parution : FĂ©vrier 2011


Il existe un exercice classique chez les auteurs de BD, c’est de rĂ©aliser un dessin par jour pendant un an. Nombreux sont ceux Ă  s’y essayer (notamment depuis l’avĂšnement des blogs BD), mais peu sont ceux qui vont au bout. Mais si faire ses 365 dessins est un but, un autre objectif est Ă©videmment de leur donner un vĂ©ritable intĂ©rĂȘt. Et pour ça, il faut un vĂ©ritable talent ! Ce talent, Fabcaro l’a sans aucun doute. Alors que vaut son ouvrage « L’album de l’annĂ©e », regroupant 365 dessins retraçant une annĂ©e de sa vie ?

Cet ouvrage, publiĂ© aux Ă©ditions de La CafetiĂšre, fait 53 pages, comme le nombre de semaines dans une annĂ©e. Intelligemment, l’ouvrage est dĂ©coupĂ© comme un agenda. On a droit au numĂ©ro de la semaine, les dates, un petit dessin de Fabcaro Ă  son bureau pour dessiner et une citation (par exemple : « Avril sous les eaux, Tintin au Congo »). VoilĂ  pour l’habillage. Mine de rien, cette prĂ©sentation a un vrai sens et augmente l’intĂ©rĂȘt de l’ouvrage. Outre les citations, les petits dessins forment Ă  eux seuls une petite histoire et mĂ©ritent une seconde lecture
 En plus de cet en-tĂȘte, on retrouve donc Ă  chaque fois sept dessins. En gros, un descriptif rapide (« je boucle mon album « Jean-Louis » sur le rotules) et un dessin qui l’illustre (Fabcaro, Ă©croulĂ© sur son bureau, essaye en vain d’ouvrir une biĂšre pour fĂȘter ça).

Des running-gags à trois mois d’intervalle

Il est Ă©vident qu’avec ce genre d’ouvrage, chaque illustration ne possĂšde pas un intĂ©rĂȘt Ă©norme et tout n’est pas drĂŽle. L’important est que l’auteur parvienne Ă  faire rire rĂ©guliĂšrement. Mission rĂ©ussie ! Fabcaro parvient rĂ©guliĂšrement Ă  nous faire sourire et rire avec son humour tout en autodĂ©rision. Or, ce n’est pas Ă©vident car Ă  certains moments, il n’a vraiment rien Ă  raconter ! Il utilise alors l’intĂ©rĂȘt d’un dessin par jour pour amener une rĂ©pĂ©tition bienvenue
 D’ailleurs, il est impressionnant de voir comme le projet est remarquablement gĂ©rĂ© sur une telle durĂ©e. Fabcaro parvient Ă  mettre des gags de rĂ©pĂ©tition Ă  trois mois d’intervalle
 Du grand art !

Evidemment, l’aspect autobiographique est essentiel ici. Les nĂ©vroses de Fabcaro sont d’autant plus visibles (il se prĂ©sente comme hypocondriaque). Cependant, ce qui change avec ses autres ouvrages autobiographiques, c’est que certains Ă©vĂšnements dramatiques arrivent pendant cette annĂ©e 2009. Au point que l’auteur se demande s’il doit continuer l’ouvrage. On le sent particuliĂšrement angoissĂ©, voire dĂ©primĂ© et on le voit lutter pour poursuivre sa bande-dessinĂ©e. Cela donne un aspect touchant, diffĂ©rent de l’autodĂ©rision habituelle.

C’est aussi l’occasion d’apprĂ©hender la vie d’un artiste auteur de bande-dessinĂ©e. Fabcaro y parle beaucoup de son travail (hĂ©sitations, nouveaux projets, angoisses, bouclages, etc). Pour ceux qui s’y intĂ©ressent un minimum, c’est trĂšs intĂ©ressant par exemple de voir que Fabcaro dĂ©clare avoir un « style de merde tout figé », ou encore qu’il dĂ©teste faire les couleurs


Graphiquement, c’est impeccable. Les dessins sont imprimĂ©s petit mais ne posent pas de problĂšme de lecture. On retrouve le trait de Fabcaro, noir et blanc et relĂąchĂ©. Evidemment, comme tout est petit, les dĂ©cors et dĂ©tails sont rares. Mais avec peu, Fabcaro sait renforcer son propos avec un dessin toujours expressif.

Si « L’album de l’annĂ©e » n’est pas l’album de l’annĂ©e, il est une preuve de plus que Fabcaro est un auteur de grand talent. Cet ouvrage se dĂ©vore de la premiĂšre Ă  la derniĂšre page sans jamais lasser. Pour les fans de l’auteur, c’est un livre Ă  ne pas manquer. Pour ceux qui ne connaissent pas encore Fabcaro, je vous conseille de dĂ©marrer par ses premiĂšres autobiographies.

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Note : 15/20

Droit dans le mĂ»r – Fabcaro

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Titre : Droit dans le mûr
Scénariste : Fabcaro
Dessinateur : Fabcaro
Parution : DĂ©cembre 2007


AprĂšs un premier ouvrage autobiographique qui mettait Ă  nu ses nĂ©vroses (« Le steak hĂąchĂ© de DamoclĂšs »), Fabcaro remet le couvert avec « Droit dans le mĂ»r ». Comme il le dit lui-mĂȘme : « Faut ĂȘtre maso ». C’est donc reparti pour une sĂ©rie d’anecdotes pleine d’autodĂ©rision sur les problĂšmes relationnels de l’auteur. On retrouve notamment son incapacitĂ© Ă  dire « non » et, de façon gĂ©nĂ©rale, Ă  s’imposer.

Si certaines anecdotes ne font qu’une page (ce sont rarement les plus intĂ©ressantes), d’autres sont un poil plus longue, amenant souvent une rĂ©flexion plus large (l’achat de la maison, le mec au walkman, etc.). Evidemment, une chute nous attend toujours Ă  la fin. Heureusement, la chute n’est pas le seul moment oĂč l’ont ri. L’humour est omniprĂ©sent. Parfois absurde, parfois touchant, Fabcaro a un humour vraiment particulier, une vraie patte. Un bonheur pour les zygomatiques.

Un bilan de l’autobiographie et un bilan autobiographique.

Le dĂ©but de l’ouvrage dĂ©marre sur le bilan de la premiĂšre autobiographie. En effet, Fabcaro expose les problĂšmes liĂ©s Ă  la publication d’un tel ouvrage
 Evidemment, c’est passionnant et le fait que l’auteur n’assume absolument pas le contenu rend le tout encore plus intĂ©ressant. Ainsi, « Droit dans le mĂ»r » et « Le steak hĂąchĂ© de DamoclĂšs » fonctionnent clairement comme un diptyque. AssemblĂ©s, ils traitent plus ou moins des mĂȘmes thĂšmes et donnent finalement plus de cohĂ©rence Ă  l’ensemble.

Comme son nom l’indique, « Droit dans le mĂ»r » s’attarde sur le vieillissement de l’auteur. Ce dernier, la trentaine passĂ©e, doit laisser certaines de ses anciennes convictions au passĂ©. Ainsi, rien ne s’arrange vraiment quand on vieillit (alors qu’il Ă©tait persuadĂ© du contraire !) et on finit par faire des choses terribles comme devenir propriĂ©taire (ce passage est d’une justesse incroyable) alors qu’on rejetait le concept de propriĂ©tĂ© Ă  20 ans. Fabcaro n’hĂ©site d’ailleurs pas Ă  se reprĂ©senter en conversation avec son alter-ego plus jeune. Si le procĂ©dĂ© n’est pas nouveau, il est ici utilisĂ© avec parcimonie, Ă©normĂ©ment d’humour et se rĂ©vĂšle finalement touchant. On a tous en nous quelque chose de Fabcaro.

Le dessin est toujours efficace avec un noir et blanc Ă©lĂ©gant et maĂźtrisĂ©. Les expressions des personnages, trĂšs travaillĂ©es et marquĂ©es, renforcent l’humour des situations. Le tout est souvent articulĂ© en planches composĂ©es de trois bandes horizontales, apportant de la cohĂ©rence Ă  l’ensemble (et un peu de rigiditĂ©, il est vrai).

AprĂšs un « Steak hĂąchĂ© de DamoclĂšs » rĂ©ussi, « Droit dans le mĂ»r » est clairement un cran au-dessus de part une certaine cohĂ©rence et une patte de l’auteur plus affirmĂ©e. Les deux ouvrages tirent un portrait hilarant de Fabcaro, plein d’autodĂ©rision. Indispensable pour tous les fans de l’auteur !

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Note : 16/20

Le steak hachĂ© de DamoclĂšs – Fabcaro

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Titre : Le steak haché de DamoclÚs
Scénariste : Fabcaro
Dessinateur : Fabcaro
Parution : Juillet 2005


Faut-il ĂȘtre nĂ©vrosĂ© pour ĂȘtre auteur de bande-dessinĂ©e ? En lisant les diffĂ©rentes autobiographies, on peut se le demander
 Ainsi, Fabcaro dĂ©marre « Le steak hachĂ© de DamoclĂšs » sur ces mots : « une bande-dessinĂ©e sur mes problĂšmes de communication ? J’ai aucune envie d’étaler mes nĂ©vroses  ». L’auteur rentre ici dans un travail d’introspection. Et qui dit introspection, dit forcĂ©ment anecdotes
 Histoire de justifier ses dires.

Le titre de l’ouvrage vient justement de la premiĂšre anecdote oĂč Fabcaro, encore enfant, doit aller acheter une baguette de pain. Il reviendra avec un steak haché  De lĂ  dĂ©marre ses problĂšmes de communication. Ceux-ci sont avant tout l’incapacitĂ© Ă  se concentrer sur ce que racontent les autres et son impossibilitĂ© Ă  dire « non ». De ces handicaps en rĂ©sultent nombre de quiproquos avec un peu tout le monde.

Comment s’assumer comme auteur de bande-dessinĂ©e ?

Cependant, rapidement les anecdotes de l’auteur font apparaĂźtre d’autres problĂšmes rĂ©currents dont la difficultĂ© Ă  assumer son statut d’auteur de bande-dessinĂ©e (il faut avouer qu’il n’est pas aidé !). Ainsi, dĂšs que la situation financiĂšre devient difficile, le spectre du « concours de prof » ressort. Ayant des enfants, Fabcaro ne peut pas se permettre la prĂ©caritĂ©. C’est un vrai sujet, traitĂ© avec beaucoup d’humour certes, mais qui doit ĂȘtre terrible pour les auteurs de BD.

Etant donnĂ© toutes les nĂ©vroses dont je viens de parler, on pourrait penser que Fabcaro s’apitoie sur son sort et se donne finalement une image pathĂ©tique. Ce n’est Ă©videmment pas le cas. Capable d’une autodĂ©rision impressionnante, l’auteur ne se cherche aucune excuse (Ă  part la lĂąchetĂ©, c’est dire !). RĂ©sultat, le tout est diablement drĂŽle. On est parfois stupĂ©fait par les situations dans lesquelles arrive Ă  se mettre l’auteur simplement parce qu’il est incapable de communiquer correctement. Ainsi, quand on l’appelle par un prĂ©nom diffĂ©rent, il n’arrive pas Ă  dire « ce n’est pas Fabien, c’est Fabrice ». Et de lĂ  dĂ©coule un problĂšme insoluble.

Cette autobiographie, centrĂ©e sur les problĂšmes de communication, est un peu bordĂ©lique quand mĂȘme. Les anecdotes sont plus ou moins pertinentes et Ă  des pĂ©riodes trĂšs diffĂ©rentes de la vie de l’auteur. Cependant, Fabcaro ouvre correctement son bouquin (en prĂ©sentant le sujet) et le referme lorsque sa copine lit l’ouvrage en question. Cela compense l’aspect un peu dĂ©cousu de l’ensemble.

Au niveau du dessin, j’ai Ă©tĂ© sĂ©duit par le travail de Fabcaro. EntiĂšrement en noir et blanc, le trait est dynamique et bien plus complexe qu’il peut paraĂźtre Ă  premiĂšre vue. L’expressivitĂ© des personnages (et notamment de l’auteur) sont en effet de grands renforts Ă  l’humour dĂ©jĂ  trĂšs drĂŽle.

Difficile de savoir si Fabcaro exagĂšre ou pas ses nĂ©vroses. Et aprĂšs tout, on s’en moque et on rit souvent devant les alĂ©as de son avatar. Il arrive Ă  gĂ©rer des gags rĂ©currents et Ă  illustrer les angoisses du personnage tant graphiquement que dans les dialogues de façon vraiment talentueuse. Une autobiographie intĂ©ressante et, parfois, hallucinante !

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Note : 14/20

Vingt-trois prostituĂ©es – Chester Brown

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Titre : Vingt-trois prostituées
Scénariste : Chester Brown
Dessinateur : Chester Brown
Parution : Septembre 2012


 Chester Brown dĂ©couvre un jour qu’il n’est plus intĂ©ressĂ© par l’amour, qu’il trouve vain et compliquĂ©. Il s’aperçoit qu’il prĂ©fĂšre ĂȘtre ami avec ses ex, afin d’éviter tous les problĂšmes de couple. HĂ©las, au bout d’un certain temps, le besoin de sexualitĂ© se prĂ©senter. Il dĂ©cide alors de se tourner vers la prostitution. C’est cette expĂ©rience de plusieurs annĂ©es que nous prĂ©sente l’auteur dans un pavĂ© de prĂšs de 300 pages. IntitulĂ© « Vingt-trois prostituĂ©es », il revient donc sur ces femmes qu’a rencontrĂ©es le dessinateur. Le tout est publiĂ© aux Ă©ditions CornĂ©lius.

23prostituĂ©es2Le livre est Ă  la fois un ouvrage autobiographique qui analyse la pensĂ©e de son auteur par rapport aux rapports humains. La prostitution n’est qu’une facette du raisonnement, qui en sera un aboutissement logique. Car Chester Brown ne nous dit pas « je suis allĂ© voir des prostituĂ©es ». Il explique pourquoi il l’a fait et pourquoi il a plus ou moins arrĂȘtĂ©. Cette analyse est essentielle, car l’auteur livre un plaidoyer en faveur de la prostitution (notamment sur le problĂšme de la dĂ©pĂ©nalisation et/ou de la lĂ©galisation. Le tout est d’ailleurs agrĂ©mentĂ© d’une introduction, d’une prĂ©face, d’une postface, d’appendices et de notes
 Comme si l’auteur considĂ©rait que ses planches ne suffisaient pas


Les dessous du milieu, sans faux-semblants.

DerriĂšre la froideur de l’ouvrage (portĂ© par l’auteur dont les raisonnements choqueront de nombreux lecteurs) se rĂ©vĂšle donc un vĂ©ritable documentaire. L’auteur nous invite Ă  dĂ©couvrir les dessous du milieu, sans faux-semblants. Si le personnage de Chester peut paraĂźtre froid, il n’en paraĂźt pas moins sincĂšre. Il est client et souhaite donc avant tout en avoir pour son argent. MalgrĂ© cela, il est avant tout respectueux des femmes qu’il rencontre. Surtout, il discute beaucoup avec elles, ce qui permet d’en savoir plus sur leurs ressentis. Mais Ă  aucun moment il ne dessine leur visage. Une façon de les protĂ©ger sans doute plus que de les dĂ©shumaniser.

Il n’est pas dit que « Vingt-trois prostituĂ©es » convaincra le lecteur que la prostitution est une bonne chose et qu’elle doit obtenir un cadre lĂ©gal. Cependant, il est indĂ©niable que l’ouvrage fait rĂ©flĂ©chir et amĂšne Ă  se poser des questions. On est loin des discours standards. Il est dommage que les appendices cherchent, eux, Ă  convaincre de façon trop Ă©vidente. On aurait prĂ©fĂ©rĂ© un livre qui parle de lui-mĂȘme, sans devoir passer par des pages de texte, façon propagande. Et pourtant, qui sait que je partage de nombreux points de vue de l’auteur.

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Concernant le dessin, il est minimaliste, en noir et blanc. Il est parfaitement maĂźtrisĂ© par l’auteur qui livre des planches d’une froideur et d’une raideur impressionnante. Cela Ă©vite tout pathos qui polluerait le propos. Car derriĂšre cette façade, le lecteur est loin d’ĂȘtre indiffĂ©rent Ă  ce qui se passe ou ce qui se dit.

« Vingt-trois prostituĂ©es » est un ouvrage riche et maĂźtrisĂ© qui ne laissera pas indiffĂ©rent. A la fois autobiographique et documentaire, il ne cherche pas forcĂ©ment Ă  Ă©tablir de vĂ©ritĂ©. Il montre le point de vue et l’expĂ©rience d’un client lambda et ses motivations. Chester Brown a des amis, n’est pas un loser, n’est pas un obsĂ©dĂ© sexuel, mais va voir des prostituĂ©es pour des raisons qui lui sont propres. Un livre fort, qui se lit d’une traite et qui, aprĂšs la lecture, reste dans vos mĂ©ninges.

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Note : 16/20