Les carnets de Cerise, T3 : Le dernier des cinq trésors

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Titre : Les carnets de Cerise, T3 : Le dernier des cinq trésors
Scénariste : Joris Chamblain
Dessinatrice : Aurélie Neyret
Parution : Novembre 2014


Depuis le temps que la sĂ©rie « Les carnets de Cerise » me fait de l’Ɠil, j’ai enfin pu mettre la main sur un exemplaire. Merci donc au CDI de mon collĂšge, qui me donne accĂšs facilement aux sĂ©ries jeunesse ! « Les carnets de Cerise » jouit d’excellents retours de lecteur et ses couvertures magnifiques sur les Ă©tals des librairies ne me laissaient pas indiffĂ©rents. Je commence donc cette sĂ©rie par le tome 3. Si des allusions aux deux prĂ©cĂ©dentes histoires (et personnages) sont faites, le tout peut se lire avec plaisir indĂ©pendamment du reste. Le tout est publiĂ© chez Soleil dans l’excellente collection MĂ©tamorphoses.

Cerise est une petite fille curieuse qui aime enquĂȘter. Tout dĂ©marre avant tout par son arrivĂ©e au collĂšge. Les auteurs ont dĂ©cidĂ© de faire grandir leur personnage. En cela, on sent que la sĂ©rie est destinĂ©e avant tout aux petites filles. C’est donc un album jeunesse trĂšs fĂ©minin auquel on a droit : les hommes sont presque absents de l’histoire et tout se passe entre filles (et femmes !). MalgrĂ© ce public visĂ©, l’album parvient Ă  toucher un public bien plus large. Une belle rĂ©ussite !

Un public de jeunes filles visés, un public bien plus large atteint.

LesCarnetsDeCerise3aCerise assiste Ă  un atelier lecture avec la relieuse de la ville. Et lors d’une visite chez elle, elles trouvent un coffre correspondant Ă  un trĂ©sor. Cinq trĂ©sors seront Ă  trouver, ravivant les blessures de jeunesse de la jeune femme


Lorsque l’on lit « Les carnets de Cerise », on sent bien l’aspect jeunesse crĂ©Ă© par la narration : c’est fluide, simple et le suspense monte lentement. Mais on est surpris, lors du dĂ©nouement, d’ĂȘtre particuliĂšrement touchĂ© par l’histoire. Le scĂ©nario, bien ficelĂ©, nous amĂšne tranquillement jusqu’à un point d’émotion bien maĂźtrisĂ©. J’ai Ă©tĂ© particuliĂšrement Ă©mu par cette histoire, toute en dĂ©licatesse et en bons sentiments.

La particularitĂ© de cette sĂ©rie est de proposer, justement, les carnets de Cerise. Ainsi, quand elle fait des gĂąteaux, elle nous livre la recette avec son Ă©criture manuscrite, ses dessins et des photos. Cet aspect-lĂ  est vraiment rĂ©ussi et permet d’intensifier le lien entre le lecteur et la bande de filles.

Concernant le dessin d’AurĂ©lie Neyret, c’est assez formidable. À la fois un peu dĂ©suet (l’histoire se passant Ă  NoĂ«l) et moderne, il possĂšde la douceur nĂ©cessaire Ă  l’histoire. La symbiose dessin/scĂ©nario est parfaite et la lecture des planches de ces « Carnets de Cerise » est un vĂ©ritable plaisir visuel. Sans compter que la construction des planches est bien pensĂ©e et ne fait jamais dans la facilitĂ©.

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« Les carnets de Cerise », pour ce tome 3 dĂ©diĂ© Ă  NoĂ«l, est particuliĂšrement touchant. C’est une preuve de plus qu’un ouvrage jeunesse peut dĂ©passer son lectorat et toucher les petits et les grands. Un grand bravo aux deux auteurs !

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note5

De profundis

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Titre : De Profundis
Scénariste : Chanouga
Dessinateur : Chanouga
Parution : Avril 2011


« Quelque part entre Ceylan et BornĂ©o, des pĂȘcheurs racontent avoir autrefois ramenĂ© dans leurs filets un drĂŽle de naufragĂ©, une Ă©trange crĂ©ature chassĂ© du pays des sirĂšnes ». VoilĂ  ce que l’on peut lire en quatriĂšme de couverture de « De profundis », premiĂšre bande-dessinĂ©e scĂ©narisĂ©e et dessinĂ©e par Chanouga. Sous-titrĂ© « l’étrange voyage de Jonathan Melville », elle raconte l’histoire incroyable de ce marin.

Jonathan Melville est marin. Alors qu’il navigue sur une mer paisible, un typhon gigantesque et imprĂ©visible fait son apparition. Pris en pleine tempĂȘte, il va passer par-dessus bord et se retrouver sur une Ăźle non-rĂ©pertoriĂ©, sauvĂ© par deux jeunes filles Ă  l’air faussement innocent.

deprofundis2Ce roman graphique d’une centaine de pages est construit selon un procĂ©dĂ© de narration bien connu : Jonathan Ă©crit une lettre Ă  sa belle dans laquelle il raconte ses pĂ©ripĂ©ties. Le tout est donc articulĂ© autour de flashbacks, bien que la chronologie reste respectĂ©e dans l’ensemble. On n’a aucun problĂšme Ă  suivre les Ă©vĂšnements.

Une fable noire, Ă  l’onirisme perpĂ©tuel.

« De profundis » est avant tout une fable bien noire. Son onirisme perpĂ©tuel nous plonge dans une ambiance sombre et malsaine. A force de douter du rĂ©el en permanence, on finit par se demander si, finalement, le rĂȘve n’est pas complĂštement absent de ce rĂ©cit fantastique. Ainsi, cet ouvrage tient avant tout par son ambiance particuliĂšre, qui la renvoie aux contes les plus glauques de notre enfance. Une forme de retour aux sources en quelque sorte.

deprofundis4L’omniprĂ©sence de la narration donne un aspect trĂšs littĂ©raire Ă  cette bande-dessinĂ©e. Chanouga possĂšde une belle plume, ce qui renforce l’impression que le personnage nous Ă©crit sa lettre. Un peu comme si nous avions trouvĂ© une bouteille lancĂ©e Ă  la mer et que nous dĂ©couvrions son contenu. Nous nous retrouvons dans la peau de sa femme, rĂ©alisant ce qui est arrivĂ© Ă  son mari.

En marge des textes, la contemplation est trĂšs prĂ©sente. Les dialogues restent limitĂ©s et l’observation des paysages et des personnages se taille une part importante du gĂąteau. L’équilibre entre action, dialogues, narration et contemplation est vraiment bien dosĂ©, et ce sur les 100 pages. Le rythme de l’ouvrage s’en retrouve trĂšs bien Ă©quilibrĂ©.

Difficile de passer Ă  cĂŽtĂ© du travail graphique de « De Profundis ». C’est simplement magnifique. L’auteur garde son crayonnĂ©, sans l’encrer. Cela donne un aspect « dessin » Ă  l’ensemble, d’une grande richesse. Les couleurs sont splendides et s’accordent parfaitement Ă  cette technique. D’ailleurs,deprofundis3 la couleur participe grandement aux ambiances du livre, changeant souvent de tonalitĂ© selon les scĂšnes. Les paysages sont parfois de vĂ©ritables tableaux.

Les personnages ne sont pas en reste. Outre les deux « sirĂšnes », aux airs faussement innocents (et terriblement sensuel !), la petite sirĂšne est parfaitement rĂ©ussie Ă©galement. Sans en rĂ©vĂ©ler trop sur l’histoire, le travail sur les personnages par Chanouga se rĂ©vĂšle trĂšs subtil. Une seule particularitĂ©, dessinĂ©e sans excĂšs, entraĂźne un malaise immĂ©diat. Un peu comme si le lecteur s’apercevait d’une anomalie comme le personnage, se demandant s’il a bien vu ce qu’il a cru voir.

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Pour une premiĂšre bande-dessinĂ©e, « De Profundis » est un coup de maĂźtre ! Ambiance glauque, suspense haletant, narration de haute volĂ©e, dessin splendide et personnel
 Ce roman graphique est un bijou plein de poĂ©sie. Certes, cela ne plaira pas Ă  tout le monde tant l’ambiance est particuliĂšre, mais cette fable marine mĂ©rite le coup d’Ɠil. Et plutĂŽt deux fois qu’une !

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note5

Tu mourras moins bĂȘte, T4 : Professeur Moustache Ă©tale sa science

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Titre : Tu mourras moins bĂȘte, T4 : Professeur Moustache Ă©tale sa science
Scénariste : Marion Montaigne
Dessinatrice : Marion Montaigne
Parution : Septembre 2015


AprĂšs avoir explosĂ© sur la blogosphĂšre, Marion Montaigne a reçu un succĂšs mĂ©ritĂ© pour « Tu mourras moins bĂȘte », ses recueils de vulgarisation scientifique. Outre l’humour omniprĂ©sent, l’auteure aime remplir ses pages de rĂ©fĂ©rences cinĂ©mas, sĂ©ries ou simplement people. Le tout est publiĂ© chez Delcourt pour 250 pages.

Depuis son changement d’éditeur, Marion Montaigne ne s’impose plus de thĂšme gĂ©nĂ©ral. On aborde donc tout et n’importe quoi, l’auteure se faisant plaisir avec ses sujets de prĂ©dilection. On retrouve donc beaucoup les explications geek (« Jurassic Park », « Le Seigneur des Anneaux », « Star Wars » ) et le pipi caca. Ainsi, on sent que Montaigne prend un plaisir infini Ă  nous parler des pets


Rire de la science par l’absurde.

TuMourrasMoinsBete4bToutes les explications dĂ©marrent par une fausse carte postale dessinĂ©e par nombre d’invitĂ©s. Chacun pose une question, Ă  laquelle rĂ©pond la dessinatrice. Si certains thĂšmes sont trĂšs gĂ©nĂ©raux, d’autres partent un peu dans tous les sens. Au final, ce n’est pas plus mal, les notes ne suivant pas non plus un schĂ©ma systĂ©matique qui ennuierait le lecteur. Car force est de constater qu’aprĂšs quatre tomes bien fournis, Marion Montaigne continue Ă  ĂȘtre aussi drĂŽle et didactique Ă  la fois. MĂȘme si ce que l’on apprend a, dans ce tome, finalement peu d’intĂ©rĂȘt. Comme un symbole, le livre se ferme sur la sexualitĂ© des dinosaures, une façon de mixer deux grands sujets traitĂ©s dans ses livres


Au niveau du dessin, on retrouve le trait particuliĂšrement relĂąchĂ© de Marion Montaigne et colorisĂ© Ă  l’aquarelle. C’est clairement ce qui peut rebuter le plus au premier abord, mais son efficacitĂ© est Ă©vidente. C’est lĂ  le plus important.

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Ce tome confirme (si besoin Ă©tait) tout le talent de Marion Montaigne pour la vulgarisation. Et plus que pour apprendre des choses, on lit avant tout « Tu mourras moins bĂȘte » pour rire avec l’auteure de la science et de tous les questionnements que cela peut apporter. Et si c’est absurde, c’est encore meilleur !

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note5

Canardo, T22 : PiĂšge de miel

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Titre : Canardo, T22 : PiĂšge de miel
Scénariste : Benoßt Sokal
Dessinateurs : BenoĂźt Sokal & Pascal Regnauld
Parution : Octobre 2012


« Canardo » est une sĂ©rie que j’apprĂ©cie Ă©normĂ©ment. Suivre les enquĂȘtes de ce dĂ©tective au physique de palmipĂšde et Ă  l’allure de Colombo procure un plaisir certain. Je suis assez admiratif de la capacitĂ© de son auteur, Sokal, Ă  conserver une qualitĂ© d’écriture toujours Ă©levĂ©e plus de trente ans aprĂšs les premiĂšres aventures de son hĂ©ros. J’étais donc confiant et impatient de me plonger dans cette nouvelle Ă©popĂ©e intitulĂ©e « PiĂšge de miel ». Sa parution date du mois de septembre dernier. Le pĂšre historique de la saga s’associe une nouvelle fois Ă  Pascal Regnauld pour faire naitre cet opus.

Comme dans une grande partie de ses histoires rĂ©centes, Canardo se trouve proche du plat pays. La Belgique est le nouveau lieu star des pĂ©rĂ©grinations du cĂ©lĂšbre enquĂȘteur. Cela permet de faire apparaitre une ambiance grise et triste. On a le sentiment que le soleil n’est jamais de sortie. On ne peut pas dire que Sokal milite pour l’office de tourisme belge. Je me garderais de toute comparaison avec la rĂ©alitĂ© sur les plans gĂ©ographiques et mĂ©tĂ©orologiques mais je tiens Ă  prĂ©ciser que j’apprĂ©cie toujours d’ĂȘtre envoutĂ© par cette atmosphĂšre. Le travail sur les couleurs participe activement Ă  la force de cette derniĂšre. Le dĂ©paysement est immĂ©diat. On ressent un vrai plaisir Ă  retrouver cet univers qui nous est familier et qui ne nous laisse pas insensible.

Une partie de Cluedo des plus passionnantes.

Le hĂ©ros Ă©tant dĂ©tective, il lui faut donc trouver une affaire pour expliquer sa charismatique prĂ©sence sur les lieux. Il est ici en mission. On apprend rapidement qu’il surveille de prĂšs un ministre au physique peu avenant. Une parentĂ© avec notre cher ancien-futur prĂ©sident de la France ne serait qu’un hasard malencontreux. Canardo arrange une rencontre entre ce ponte et une femme splendide qui s’avĂšre ĂȘtre une prostituĂ©e de luxe. Tout cela sent le guet-apens. Mais l’intrigue prend vite une tournure diffĂ©rente quand tout ce beau monde est pris par une tempĂȘte de neige. La solution de repli pour passer la nuit est une curieuse rĂ©sidence isolĂ©e et habitĂ©e par une famille noble Ă  dĂ©faut d’ĂȘtre riche.

Tout est donc rĂ©uni pour nous plonger dans une partie de Cluedo des plus passionnantes. Il n’y a pas de crime mais tous les autres ingrĂ©dients sont prĂ©sents. L’unitĂ© de lieu est imposĂ©e par la mĂ©tĂ©o. De plus, ce lieu possĂšde un charme certain. C’est un chĂąteau perdu au milieu de la forĂȘt. On retrouve une galerie de personnages importante. Chacun donne lieu Ă  des interrogations. Les secrets semblent nombreux et les cadavres doivent inonder les placards. Notre ami palmipĂšde semble vouer Ă  arbitrer tout ce petit monde et les diffĂ©rentes interactions qui vont lier les uns avec les autres. Cet Ă©tat des lieux attise donc notre curiositĂ© et fait que notre immersion est immĂ©diate. DĂšs les premiĂšres pages, par les dĂ©cors, les personnages et l’atmosphĂšre, on est conquis.

Notre plaisir ne diminuera jamais au fur et Ă  mesure que les pages dĂ©filent. A aucun moment, notre attention et notre attrait ne s’attĂ©nuera. La narration ne souffre d’aucun temps mort. Bien au contraire, l’intensitĂ© ne cesse d’augmenter. Chaque personnage, par son apparition dans l’intrigue, relance la trame. Le dĂ©nouement est Ă  la hauteur du chemin qui y mĂšne. Il n’y a aucune dĂ©ception. La derniĂšre page est un modĂšle de conclusion tant sur le plan graphique que du texte. Ce nouvel opus ravira les adeptes du cĂ©lĂšbre dĂ©tective. Ils y retrouveront tous les ingrĂ©dients qu’ils ont l’habitude de savourer. Pour ceux qui n’ont encore jamais rencontrĂ© Canardo, je ne peux que vous conseiller de dĂ©couvrir « PiĂšge de miel ». Il s’agit d’un excellent cru pour un premier rendez-vous avec le cĂ©lĂšbre palmipĂšde


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Atar Gull, ou le destin d’un esclave modĂšle – Fabien Nury & BrĂŒno

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Titre : Atar Gull, ou le destin d’un esclave modĂšle
Scénariste : Fabien Nury
Dessinateur : BrĂŒno
Parution : Octobre 2011


J’ai eu le plaisir que l’on m’offre derniĂšrement la bande-dessinĂ©e « Atar Gull, ou le destin d’un esclave modĂšle ». Non seulement le scĂ©nario est tenu par Fabien Nury, qui m’a dĂ©jĂ  convaincu avec ses sĂ©ries « Je suis lĂ©gion » et « Il Ă©tait une fois en France », mais le dessin est rĂ©alisĂ© par BrĂŒno, dont le travail m’a Ă©tĂ© louĂ© de nombreuses fois. Avec cet ouvrage, j’espĂ©rais dĂ©couvrir le travail de cet auteur en vogue. Ce livre est un one-shot d’un peu plus de 80 pages et est inspirĂ© d’un roman d’EugĂšne Sue. N’ayant pas lu ce roman, j’éviterai toute comparaison entre l’Ɠuvre originale et son interprĂ©tation en BD.

Atar Gull est fils de chef de la tribu des petits Namaquas en Afrique. La guerre avec les grands Namaquas fait rage et des hommes sont faits prisonniers. Toute la tribu pleure sauf lui. Atar Gull dĂ©clare alors que jamais il ne pleurera
 La BD est articulĂ©e selon deux livres : « La traversĂ©e » et « La plantation » auxquels s’ajoutent un prologue et un Ă©pilogue. Comme on parle ici d’un esclave, il va sans dire Atar Gull va se faire capturer par les grands Namaquas. Au lieu de manger leurs prisonniers, ils ont depuis appris Ă  les vendre aux blancs


Aucun manichĂ©isme : chaque personnage a ses raisons d’agir.

Le propos dĂ©veloppĂ© ici est particuliĂšrement sombre. L’esclavage n’est pas un sujet facile et Nury le traite ici sans manichĂ©isme. L’armateur qui procĂšde au commerce du bois d’ébĂšne est animĂ© par des intentions simples : pouvoir gagner assez d’argent pour rejoindre sa femme. C’est une des caractĂ©ristiques fortes de Fabien Nury : ses personnages ont souvent des bonnes raisons d’agir. Le tout commence donc par la traversĂ©e de l’Atlantique oĂč les auteurs dĂ©veloppent une vraie histoire de pirates. Le rĂŽle d’Atar Gull est ainsi trĂšs mineur. Il est seulement la plus belle piĂšce de la marchandise, un « Mandingo ».

L’arrivĂ©e aux AmĂ©riques change le tout. Atar Gull est vendu et travaille dans une plantation aux ordres du maĂźtre Wil. C’est vraiment Ă  ce moment-lĂ  que l’on perçoit toute la force du scĂ©nario. En effet, les Ă©vĂšnements avancent, souvent terribles, et les motivations d’Atar Gull nous sont toujours inconnues. On ne le comprend pas vraiment. Cependant, derriĂšre toute cette cruautĂ©, prĂ©sente Ă  tous les instants, on arrive Ă  ĂȘtre Ă©mu. Du grand art


Au niveau du dessin, j’avoue que le style de BrĂŒno m’a un peu gĂȘnĂ© au dĂ©part. Son trait est Ă©pais, sans concession, avec des aplats noirs importants, notamment dans ses visages. D’apparence simple, son dessin se rĂ©vĂšle bien plus complexe et intĂ©ressant une fois que l’on est habituĂ©. « Atar Gull » est aussi une bande-dessinĂ©e marquante graphiquement. Dans les moments forts, BrĂŒno sait donner Ă  son dessin la construction et le style qui fera rĂ©agir le lecteur. Un trĂšs bon dosage dans l’intensitĂ©. Le tout est colorisĂ© par aplats trĂšs simples, sans ombre. Le tout renforce le style de BrĂŒno, trĂšs brut. Les couleurs sont bien utilisĂ©es, renforçant l’atmosphĂšre de chaque lieu ou moment.

« Atar Gull » est clairement dans le haut du panier de la bande-dessinĂ©e actuelle. Avec un scĂ©nario original et surprenant, des personnages hauts en couleur et un dessin exigeant et marquant, on sent qu’aucune concession n’a Ă©tĂ© faite. Les auteurs accouchent d’un ouvrage avec une personnalitĂ© forte. A dĂ©couvrir absolument.

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Tyler Cross, T2 : Angola – Fabien Nury & BrĂŒno

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Titre : Tyler Cross, T2 : Angola
Scénariste : Fabien Nury
Dessinateur : BrĂŒno
Parution : Août 2015


Avec deux one shots exceptionnels (« Tyler Cross » et « Atar Gull »), Fabien Nury et BrĂŒno se sont imposĂ©s comme une des doublettes les plus talentueuses de la bande-dessinĂ©e. Et c’est avec plaisir que l’on les voit rempiler avec un deuxiĂšme tome de « Tyler Cross », intitulĂ© « Angola ». Le tout pĂšse 100 pages et est publiĂ© c’est Dargaud. MĂȘme s’il serait dommage de ne pas avoir lu le premier tome, ils sont parfaitement indĂ©pendants.

« Angola » est le nom d’une prison. Tyler Cross y est enfermĂ© suite Ă  un coup foireux. Évidemment, il va tenter d’en sortir. Le premier tome Ă©tait un polar teintĂ© de western. Ici, on prend les rĂ©fĂ©rences en plein univers carcĂ©ral des annĂ©es 50 : mafia sicilienne, esclavage des prisonniers, chasse Ă  l’homme, corruption… Du petit lait pour Tyler !

Un hĂ©ros froid, violent et dotĂ© d’une morale minimale.

TylerCross2bLa force de cette sĂ©rie est de prĂ©senter un hĂ©ros particuliĂšrement froid et violent, dotĂ© d’une morale minimale. Pourtant, notre empathie pour lui est bien rĂ©elle puisqu’on espĂšre qu’il s’en sortira. La violence est omniprĂ©sente, portĂ©e par une narration parfaitement maĂźtrisĂ©e. C’était dĂ©jĂ  un des points forts du premier album, on le retrouve ici. Les textes sont un vĂ©ritable plaisir de lecture, sublimĂ©s par la mise en image. Les cases longues et grandes donnent une vraie dimension cinĂ©matographique Ă  l’ensemble. Mais qu’on ne s’y trompe pas : « Tyler Cross » s’inspire du cinĂ©ma, mais utilise au mieux les codes de la bande-dessinĂ©e.

Les cent pages de l’ouvrage permettent aux auteurs de dĂ©velopper leur propos. Car l’histoire n’est pas uniquement centrĂ©e sur Tyler Cross. Les autres personnages ont droit aussi Ă  leurs chapitres qui dĂ©veloppent leur histoire. Et Ă  la fin, Tyler est souvent lĂ  pour les accueillir
 Cette narration multiple, parfaitement maĂźtrisĂ©e, est au cƓur du plaisir de lecture.

Le trait de BrĂŒno, tout en noirs, et sa mise en scĂšne sont assez incroyables. Non seulement il possĂšde un dessin assez unique, mais il est parfaitement au service de l’histoire. Les deux auteurs sont au diapason. Les couleurs enrichissent les ambiances, jouant sur les teintes avec beaucoup d’intelligence. La pluie, la nuit, la douleur, la violence
 BrĂŒno parvient Ă  tout exprimer avec beaucoup d’économie dans son trait et c’est assez remarquable. Quant au dĂ©coupage, il est un vĂ©ritable modĂšle du genre. Quelle maĂźtrise !

« Tyler Cross » s’impose une nouvelle fois comme une bande-dessinĂ©e majeure. En quittant les atmosphĂšres western du premier tome, les auteurs proposent un ouvrage Ă  l’ambiance diffĂ©rente. Le fond reste le mĂȘme : violence, immoralitĂ© et rĂ©fĂ©rences cinĂ©matographiques. Mais dans sa narration et son dessin, « Tyler Cross » reste une sĂ©rie assez unique, autant dans son genre que par sa qualitĂ© exceptionnelle.

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Tyler Cross – Fabien Nury & BrĂŒno

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Titre : Tyler Cross
Scénariste : Fabien Nury
Dessinateur : BrĂŒno
Parution : Août 2013


Tyler Cross est, Ă  mes yeux, un des Ă©vĂ©nements de cette annĂ©e bĂ©dĂ©phile. Le simple fait d’ĂȘtre le fruit d’une nouvelle collaboration de Fabien Nury et de BrĂŒno est suffisant pour attirer tout afficionado du neuviĂšme art. Leur prĂ©cĂ©dent travail, Atar Gull ou le destin d’un esclave modĂšle, est un vĂ©ritable bijou. Ce nouvel opus est un grand format Ă©ditĂ© chez Dargaud. Sa couverture fascine. Elle est dĂ©coupĂ©e et nous prĂ©sente un homme un fusil  la main, une voiture qui file dans le dĂ©sert, un inquiĂ©tant serpent et une femme qui crie. Tout cela est accompagnĂ© des mots suivants : « Un jour, Tyler Cross paiera pour ses crimes. En attendant, il en commet d’autres. » Le programme est allĂ©chant


La quatriĂšme de couverture voit un homme marchĂ© dans le dĂ©sert. Le ciel rouge sang dĂ©coupe sa silhouette. Il est accompagnĂ© des mots suivants : « Tyler Cross transporte 17 kilos de came, d’une valeur d’un demi-million Ă  la revente au dĂ©tail. Et il a exactement 21 dollars et 81 cents en poche. Il note l’ironie de la chose et se met en marche. »

Un polar aride…

Cet ouvrage de quatre-vingt-dix pages est un polar aride. Son Ă©poque pourrait ĂȘtre celle des annĂ©es cinquante. Il s’adresse incontestablement aux adeptes du genre. Le propos est dur. Certaines scĂšnes sont rudes. Les lecteurs sensibles Ă  l’immoralitĂ© risquent de vivre quelques moments difficiles. NĂ©anmoins, certaines apprĂ©hensions ne doivent empĂȘcher personne de se plonger dans cette histoire Ă  l’atmosphĂšre envoutante, Ă  l’intrigue dense et aux personnages qui ne laissent pas indiffĂ©rents.

Tyler Cross est avant tout une ambiance. Elle m’a envahi dĂšs que j’ai tenu l’objet dans les mains. La couverture et la quatriĂšme de couverture transpire le thriller noir haut de gamme. Je ressentais quasiment la sueur qui habite les zones dĂ©sertiques du continent amĂ©ricain. DĂšs les premiĂšres pages, le voyage dans cet univers est immĂ©diat et intense. J’ai eu le sentiment d’avoir Ă©tĂ© tirĂ© par le col et plongĂ© au cĂŽtĂ© de ce braqueur au sang froid. Je n’ai pu reprendre mon souffle qu’une fois l’album refermĂ© et posĂ© sur ma table de nuit. L’action se centre autour d’une ville perdue au milieu de nulle part rĂ©gie par une famille tyrannisant la population locale. Le dessin de BrĂŒno gĂ©nĂšre une atmosphĂšre malsaine et oppressante qui m’a procurĂ© un vrai plaisir de lecteur. Je ne vous en dĂ©voilerai pas davantage sur ce plan mais sachez que la tension ne diminue jamais.

Cet univers habite une intrigue haut de gamme. Initialement Tyler est embauchĂ© pour faire foirer un deal de drogue. Il doit rĂ©cupĂ©rer la came. L’opĂ©ration Ă©choue et amĂšne donc Tyler Ă  se retrouver dans un trou du Texas avec la dope et pas un sou en poche. Il n’a plus de voiture et les autochtones n’aiment pas trop les Ă©trangers. Les jalons sont posĂ©s pour un enchainement d’évĂ©nements tous liĂ©s plus ou moins directement au tueur. Je n’ai pas l’intention de vous rĂ©vĂ©ler les nombreux rebondissements qui agrĂ©mentent l’histoire. A la maniĂšre de Tyler, le lecteur n’a jamais le temps de se reposer. A chaque que tout semble s’arranger, un grain de sable enraye la machine fragile qu’est le quotidien de Cross. Le sang, la mort, la drogue, le sexe
 Tous les ingrĂ©dients sont de sortie pour offrir un polar prenant.

Une ambiance ensorcelante et une trame captivante Ă©taient dĂ©jĂ  deux arguments de poids pour vous inciter Ă  dĂ©couvrir Tyler Cross. Mais les Ă©loges ne s’arrĂȘtent pas ici. Le scĂ©nario met en scĂšne une galerie de personnages aux personnalitĂ©s variĂ©es et travaillĂ©es. Tout d’abord le personnage principal est splendide. C’est un braqueur qui tue de sang froid. Il apparaĂźt amoral. Et malgrĂ© cela, il m’a fascinĂ©. A tout moment, j’étais Ă  ses cĂŽtĂ©s souhaitant de tout cƓur qu’il s’en sorte. Le cĂŽtĂ© monolithique du hĂ©ros participe Ă  son aura. Le travail graphique de BrĂŒno fait de chacune de ses apparitions un moment fort. Toutes les rencontres qu’il fait au cours de ses pĂ©rĂ©grinations sont Ă©galement hautes en couleur. Il me semble inutile de vous en faire le listing. Par contre, je peux vous dire que j’ai Ă©tĂ© tour Ă  tour touchĂ©, apeurĂ©, dĂ©goutĂ©. Certains protagonistes m’ont fait pitiĂ© d’autres m’ont fait froid dans le dos. Le spectre des Ă©motions est large et cela rend la lecture particuliĂšrement intense.

Au final, Tyler Cross est le chef d’Ɠuvre que j’espĂ©rai. Le travail d’écriture des dialogues de Nury ajoute la cerise sur un gĂąteau dĂ©jĂ  bien appĂ©tissant. Je ne peux que le conseiller Ă  tous les lecteurs adeptes du genre ou plus gĂ©nĂ©ralement sensibles Ă  l’univers du neuviĂšme art. Vous ne regretterez pas le voyage !

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La famille Passiflore, T3 : La chasse au trésor

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Titre : La famille Passiflore, T3 : La chasse au trésor
Scénariste : Michel Plessix
Dessinateur : LoĂŻc Jouannigot
Parution : Juin 2014


Ma critique d’aujourd’hui porte sur un album de jeunesse intitulĂ© « La chasse au trĂ©sor ». C’est le nom de son dessinateur qui m’a orientĂ© vers lui. Il s’agit de Michel Plessix dont le trait m’a charmĂ© dans « Le vent dans les saules ». De plus, j’avais eu l’occasion de lire une critique Ă©logieuse Ă  l’égard de cette troisiĂšme aventure de la famille Passiflore. Cette sympathique bande de lapins m’était inconnue jusqu’alors. La couverture est attirante. Elle nous prĂ©sente une bande de jeunes lapereaux bien dĂ©cidĂ©s au milieu d’une prairie verdoyante. Un danger rode dans l’ombre : ils sont observĂ©s par quelqu’un qui ne semble pas leur vouloir que du bien
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Templiers, T2 : Le Graal – Jordan Mechner, LuUyen Pham & Alex Puvilland

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Titre : Templiers, T2 : Le Graal
Scénariste : Jordan Mechner
Dessinateurs : LuUyen Pham & Alex Puvilland
Parution : Avril 2014


« Templiers » est un diptyque nĂ© des plumes conjointes de Jordan Mechner, LeUyen Pham et Alex Puvilland. La parution du second tome date d’il y a presque un an. EditĂ© chez Akileos, il s’intitule « Le Graal ». L’histoire se dĂ©roule plus prĂšs de deux cent cinquante pages. Le format de l’ouvrage est plus proche de celui des comics que des albums franco-belges classiques. La couverture est la mĂȘme que celle du premier opus. En second plan, se trouvent les ombres de maisons Ă  colombages devant lesquelles combattent des soldats. Le premier plan est occupĂ© par une croix rouge brisĂ©e symbolisant la chute du cĂ©lĂšbre ordre religieux Ă©ponyme.

La quatriĂšme de couverture pose les enjeux de la trame : « Les Chevaliers du Temple. VĂ©nĂ©rĂ©s pour leur noblesse, leur fĂ©rocitĂ© dans la bataille, et leur dĂ©votion religieuse, les Templiers Ă©taient des chevaliers de Dieu, exempts de tout pĂ©chĂ© et Ă  l’ñme pure. Du moins la plupart d’entre eux. Martin n’est pas exactement le plus opiniĂątre ou le plus pieux des chevaliers, mais il parvient Ă  s’échapper quand le roi de France dĂ©cide d’abattre l’Ordre des Templiers afin de mettre la main sur leur lĂ©gendaire trĂ©sor. AprĂšs un temps de souffrance et d’errance, il retrouve d’anciens compagnons et met au point un plan des plus audacieux
 voler le plus grand trĂ©sor du monde au nez du roi. »

Une chasse au trésor captivante.

J’avais Ă©tĂ© conquis par le dĂ©but de l’intrigue. « La Chute » offrait une introduction captivante. On y dĂ©couvrait des personnages attachants. Leurs faiblesses et leurs mĂ©saventures nous lient tout de suite Ă  leurs destins. La trame se construit essentiellement autour de Martin. Il est passĂ© du statut de chevalier Ă  celui de hors la loi vagabond. Cette chute Ă©tait habilement contĂ©e dans le premier tome. Cette descente aux enfers trouvait son dĂ©nouement avec le projet improbable qu’il partage avec deux compagnons d’infortune : mettre la main sur le lĂ©gendaire trĂ©sor des Templiers. Ce second album devait nous raconter cette quĂȘte.

Les premiĂšres pages nous plongent tout de suite dans les arcanes de leur stratĂ©gie. Tout au long de la lecture, j’ai senti montĂ© un suspense fort. Au fur et Ă  mesure qu’ils se rapprochent de leur but, la tension augmente. Ma curiositĂ© est attisĂ©e en permanence. L’envie de faire dĂ©filer les pages est puissante. Je suis obligĂ© de me retenir de dĂ©vorer les planches pour savourer la richesse de chacune d’entre elles. La construction scĂ©naristique est un modĂšle du genre. L’aventure est au rendez-vous !

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« Templiers » ne se contente pas de nous offrir une chasse au trĂ©sor. La qualitĂ© d’écriture des diffĂ©rents protagonistes participe au bonheur de la dĂ©couverte. Les Ă©vĂ©nements ne sont pas prĂ©visibles. La sympathie des hĂ©ros ne fait qu’accentuer l’inquiĂ©tude qu’on ressent Ă  leur Ă©gard Ă  chaque Ă©tape de leurs pĂ©rĂ©grinations. Les auteurs arrivent Ă  greffer toute une sĂ©rie d’intrigues secondaires au fil conducteur, densifiant ainsi le propos. Le travail sur le script est remarquable. En refermant le bouquin, je ressentais encore le parfum de l’aventure. Je pense que je prendrais beaucoup de plaisir Ă  relire cette histoire et Ă  retrouver les pas de Martin et ses acolytes.

Le travail graphique alimente la qualitĂ© de l’ensemble. Le trait possĂšde une belle personnalitĂ©. LeUyen Pham offre des dĂ©cors trĂšs rĂ©ussis. L’immersion dans cette sociĂ©tĂ© mĂ©diĂ©vale est splendide. Je ne peux donc que vous conseiller la dĂ©couverte de cette sĂ©rie. Elle ravira les adeptes d’aventure et d’époque chevaleresque. La lĂ©gende des Templiers est un support classique de narration Ă©pique, elle est ici habilement exploitĂ©e. Il ne vous reste plus qu’à rejoindre cette quĂȘte mythique


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AbĂ©lard, T2 : Une BrĂšve Histoire de PoussiĂšre et de Cendre – RĂ©gis HautiĂšre & Renaud Dillies

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Titre : Abélard, T2 : Une brÚve histoire de poussiÚre et de cendre
Scénariste : Régis HautiÚre
Dessinateur : Renaud Dillies
Parution : Septembre 2011


« AbĂ©lard » est un diptyque scĂ©narisĂ© par RĂ©gis HautiĂšre et dessinĂ© par Renaud Dillies. Trois mois seulement aprĂšs la sortie du premier tome, voilĂ  que se clĂŽt dĂ©jĂ  l’ensemble avec « Une brĂšve histoire de poussiĂšre et de cendre ». Nous avions laissĂ© AbĂ©lard le petit volatil en partance pour l’AmĂ©rique avec l’ours taciturne Gaston. Nous les retrouvons donc sur le chemin de la ville et du port, espĂ©rant se faire embarquer au plus vite. En effet, AbĂ©lard a entendu dire qu’il y a des machines volantes en AmĂ©rique. Il pourra ainsi dĂ©crocher la Lune pour Epilie, la jeune fille dont il est Ă©pris.

Dans le premier tome, AbĂ©lard faisait un peu office de personnage totalement innocent. N’ayant jamais connu autre chose que le marais, il en sort dĂ©sormais et va aller de surprises en surprises. La mer, la ville et surtout les gens
 Le petit volatil est totalement Ă©tranger Ă  tout. C’est une Ăąme pleine d’innocence lĂąchĂ©e dans un monde brutal. A la fin du premier tome dĂ©jĂ  se dessinait cette Ă©volution, on y entre ici de plein pied. La poĂ©sie fait rapidement place Ă  une noirceur terrible et finalement assez inattendue. En effet, le premier tome Ă©tait plutĂŽt lĂ©ger dans son propos. Le revirement est assez violent.

Un second tome pour les désillusions.

AbĂ©lard n’est en effet pas fait pour vivre dans le monde de la ville. Il n’est pas Ă©merveillĂ© par cet univers nouveau, il s’y retrouve en dĂ©calage total. Comment donc peut-il y trouver sa place ? Seule son amitiĂ© avec Gaston (le rayon de soleil de cet album ?) donne un peu d’espoir en l’humanitĂ©. Car sans Gaston, nul doute qu’AbĂ©lard ne serait pas allĂ© beaucoup plus loin que les abords du marais. D’ailleurs, le personnage de Gaston est assez central ici. Au premier abord violent, intolĂ©rant voire misanthrope, son Ă©volution lui donne le vrai premier rĂŽle de deuxiĂšme volet. 

A la lecture de ce tome, l’intĂ©rĂȘt du diptyque paraĂźt Ă©vident. Alors que le premier tome traitait des illusions (sur l’extĂ©rieur, la ville, l’AmĂ©rique, Epilie
), le deuxiĂšme tome est celui des dĂ©sillusions (sur les mĂȘmes sujets). MalgrĂ© sa poĂ©sie, « AbĂ©lard » est une sĂ©rie au propos bien noir.

Le dessin de Dillies est une fois de plus de haute volĂ©e. L’osmose entre HautiĂšre et Dillies est vraiment une grande rĂ©ussite. L’univers entre innocence, poĂ©sie et noirceur et parfaitement rendu par le trait faussement naĂŻf de Dillies. Son trait Ă©pais et indistinct, trĂšs dynamique, dessine des animaux Ă  l’apparence enfantine. Cet album, plus noir, est colorisĂ© de façon plus sombre globalement et installe par moment un vrai sentiment de malaise.

Tout ce que j’ai dit auparavant ne peut rĂ©ellement rĂ©sumer ce que j’ai ressenti Ă  la lecture de cet album. J’en ai eu des frissons. Il m’a simplement transportĂ© et m’a isolĂ© du monde le temps d’aller de la premiĂšre Ă  la derniĂšre page. C’est simplement un voyage dont on ne peut pas revenir indemne. Un chef d’Ɠuvre ?

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