Titre : Pyongyang
Scénariste : Guy Delisle
Dessinateur : Guy Delisle
Parution : Mai 2003
Guy Delisle sâest spĂ©cialisĂ© dans la bande-dessinĂ©e façon carnet de voyage. En 2003, aprĂšs avoir dĂ©crit Shenzen, il sâattaque Ă la CorĂ©e du Nord dans « Pyongyang ». Son travail dâanimateur dâalors le pousse Ă aller superviser la production sur place. Câest donc parti pour plusieurs mois dans lâun des pays les plus fermĂ©s du monde. Son livre « 1984 » dâOrwell en poche, Delisle va dĂ©couvrir la vie dans la capitale de la CorĂ©e du Nord. Le tout est publiĂ© en noir et blanc Ă lâAssociation et pĂšse pas moins de 176 pages.
Cela faisait longtemps que je voulais me lancer dans la lecture des ouvrages de Guy Delisle tant on mâen a dit du bien. Et son prix Ă AngoulĂȘme pour « Chroniques de JĂ©rusalem » mâavait dâautant plus incitĂ© Ă mây intĂ©resser. Jâai donc choisi de dĂ©marrer avec le pays qui me fascine le plus, la CorĂ©e du Nord. A cette Ă©poque-lĂ , Guy Delisle est cĂ©libataire et ne part donc que quelques mois. Il arrive seul en CorĂ©e du Nord oĂč les activitĂ©s ne sont pas lĂ©gion⊠On dĂ©couvre alors son quotidien avec les autres travailleurs de lâanimation et les ONG.
Un ton léger, un sujet grave
Si lâauteur nous fait dĂ©couvrir la CorĂ©e du Nord, câest par son Ćil averti. Ainsi, les analyses profondes du rĂ©gime ne sont pas dâactualitĂ©. Ce que vit et voit Delisle suffit amplement Ă nous renseigner sur ce rĂ©gime. On dĂ©couvre une population asservie, presque robotisĂ©e et de grands espaces vides (Ă lâimage des hĂŽtels). Le rĂ©gime est Ă lâagonie. Il tente de le cacher, mais câest beaucoup trop flagrant pour passer inaperçu. Surtout que lâauteur est quelquâun de curieux qui ne mĂ©nage pas son guide (qui lâaccompagne en permanence). Il aime rentrer Ă pied et visiter⊠Et en adoptant un ton lĂ©ger, Delisle parvient Ă nous distraire en parlant dâun pays ultra-rĂ©pressifâŠÂ
Au fond, en lisant lâouvrage, on a lâimpression de revivre lâexpĂ©rience de Delisle. On dĂ©couvre ce pays comme il lâa lui-mĂȘme dĂ©couvert : les incohĂ©rences, les violences, la peur, etc. Delisle nâest pas un idĂ©ologue. A aucun moment, il ne cherche Ă nous assĂ©ner un message politique. Bien sĂ»r, cela transparait quand mĂȘme au fur et Ă mesurer de la lecture, mais lâensemble reste trĂšs factuel.
Concernant le dessin, Delisle a un trait simple, façon « nouvelle bande-dessinĂ©e ». Câest parfaitement adaptĂ© Ă lâouvrage. Le tout est rehaussĂ© dâune colorisation en niveaux de gris qui densifie un peu lâensemble. Câest lisible et trĂšs efficace.
Au final, on ressort un peu sonnĂ© de « Pyongyang ». Devant tant dâabsurditĂ©, on ne peut quâĂȘtre rĂ©voltĂ©. Mais en choisissant un ton lĂ©ger, Guy Delisle Ă©vite lâĂ©cueil dâun ouvrage trop politisĂ©Â et orientĂ©. Du coup, on sourit souvent avec un thĂšme bien grave pourtant. Du beau travail !