Les Aventures de Philip et Francis, T1 : Menace sur l’Empire – Nicolas Barral & Pierre Veys

PhilipEtFrancis1


Titre : Les Aventures de Philip et Francis, T1 : Menace sur l’Empire
Scénariste : Pierre Veys
Dessinateur : Nicolas Barral
Parution : Mars 2005


Si je vous parle de Philip et Francis, les plus bédéphiles d’entre vous penserons tout de suite à Blake et Mortimer, les célèbres héros nés de l’imagination d’Edgard P. Jacobs. Mon avis d’aujourd’hui va parler de leurs « cousins » nés sous les plumes de Pierre Veys et Nicolas Barral. Ces derniers ont écrit chez Dargaud un tome intitulé « Menaces sur l’Empire » dans la série nommée « Les aventures de Philippe et Francis ». D’un format classique et vendu au prix de presque quatorze euros, cette saga se présente comme très librement inspirée des personnages créés par Jacobs. « Menaces sur l’empire » est le premier tome de cette série parodique qui en comporte pour l’instant deux.

La quatrième de couverture de l’ouvrage nous offre un résumé de l’intrigue particulièrement clair : « Depuis quelques semaines, d’étranges phénomènes secouent le cœur de l’empire britannique. Londres vit des heures tragiques : les femmes se rebellent et entreprennent des actions spectaculaires et délirantes pour se libérer du joug de la domination masculine… On s’aperçoit ainsi que la stabilité de la société anglaise dépend entièrement de la discipline stricte qu’elles respectaient jusqu’alors. Ce changement de comportement annonce-t-il une catastrophe sans précédent ? D’où vient cette terrible menace ? Qui a intérêt à saper les fondements de cette brillante civilisation ? » 

Il est évident que cet album prend toute son ampleur quand il est lu par des adeptes de la série dont ils s’inspirent. Une méconnaissance des deux héros et de l’esprit de leurs histoires empêche de profiter pleinement de l’humour qui accompagne notre lecture. Du fait de son aspect parodique, il est évident que le ton de la narration est léger. Néanmoins, cela n’empêche pas l’histoire d’être composée d’une trame structurée. Cet album se veut indépendant et décrit du début à la fin une aventure de nos deux héros.

Une trame construite fidèlement sur les jalons posés par Jacob.

La lecture des premières pages nous fait découvrir des personnages familiers et pourtant plein de surprises. Ce cher Mortimer est un scientifique qui ne pense qu’à manger et qui semble avoir bien du mal à se concentrer sur les problèmes du royaume. De son côté, Blake est loin d’être le membre des services secrets que nous avons l’habitude de croiser. Il est ici un homme qui habite encore chez sa mère et qui ne semble pas posséder un charisme remarquable. Néanmoins, malgré ces différences, les auteurs respectent les codes de la série. La trame est construite plutôt fidèlement aux jalons posés par Jacob. Les différents personnages y possèdent leur place habituelle. La surprise réside davantage à la manière avec laquelle ils occupent leur place. Les auteurs arrivent à manipuler avec une certaine réussite les clichés de la série. Je n’ai eu aucun mal à me plonger dans cette aventure et ai pris énormément de plaisir à voir tous ces personnages de bandes dessinées raillés et tournés en bourrique.

Côté dessins, le trait est bien moins classique que celui si célèbre de Jacob. Les traits des personnages sont plus arrondis. Leurs visages sont plus expressifs. Sur cet aspect-là, la série est moins froide. Néanmoins les couleurs, les décors sont globalement fidèles à la série de départ. En feuilletant rapidement l’ouvrage, on pourrait s’y méprendre. Cela rend d’ailleurs le pastiche d’autant plus réussi. En effet, en respectant beaucoup de codes, en laissant bon nombres de repères aux lecteurs, les auteurs lui permettent de rire d’autant plus facilement de cet ouvrage.

En conclusion, j’ai passé un moment très agréable en lisant cet opus. Je ne regrette vraiment pas de me l’être fait offrir. Il est évident que les personnes non familières de l’univers de Blake et Mortimer n’ont que peu d’intérêt à s’y plonger. Pour les autres, je vous garantis une lecture très sympathique. Je trouve que cet album répond parfaitement aux attentes qu’on place en lui. De plus, il ne baisse pas en qualité tout au long de l’avancée de l’histoire. C’est à signaler parce que trop souvent dans les ouvrages caricaturaux, le soufflet humoristique disparaît trop tôt. Ce n’est pas ici le cas. Il ne me reste donc plus qu’à vous souhaiter une agréable rencontre avec ces « cousins » de nos célèbres serviteurs de la couronne britannique…

gravatar_eric

Note : 13/20

Les aventures de Philip et Francis, T3 : S.O.S. mĂ©tĂ©o – Pierre Veys & Nicolas Barral

PhilipEtFrancis3


Titre : Les aventures de Philip et Francis, T3 : S.O.S. météo
Scénariste : Pierre Veys
Dessinateur : Nicolas Barral
Parution : Septembre 2014


Un des indicateurs d’une série appartenant à l’Histoire du neuvième art est le fait que ses codes ont transpiré de ses albums au point de servir de support à la dérision et au pastiche. « Blake & Mortimer » possède cette caractéristique depuis la naissance il y a quelques années de sa jumelle caricaturale intitulée « Les aventures de Philip et Francis ». Elle est le fruit de la collaboration du scénariste Pierre Veys et du dessinateur Nicolas Barral. Ma critique d’aujourd’hui porte sur son troisième épisode « S.O.S. Météo » paru en septembre dernier chez Dargaud.

La quatrième de couverture nous offre la mise en bouche suivante : « Tout le monde la sait : le professeur Mortimer est gentil. Très gentil. Un peu trop, même. Ce qui fait que beaucoup de ses proches en abusent largement. Le capitaine Blake s’impose chez Mortimer avec un sans-gêne assumé. Nasir, le fidèle serviteur, tient tête à son maître, et ose même évoquer le hideux concept d’augmentation de ses gages. Les commerçants indélicats le traitent avec mépris. Les voyous du quartier le martyrisent et l’humilient depuis des années… Mais cela a assez duré ! Grâce à une terrible invention scientifique, notre charmant professeur va se transformer en une créature monstrueuse ! Prisonnier de ses instincts criminels incontrôlables, Mortimer va-t-il l’ennemi public numéro un ? »

Des références qui raviront les habitués de leurs aventures.

PhilipEtFrancis3b« S.O.S. Météo » est clairement un hommage à « S.O.S. Météore » un des plus opus les réussis de la saga. Il est d’ailleurs clairement évoqué au cours de l’histoire. La célèbre machine créée par le scientifique Miloch est présente. Les références à l’univers des célèbres héros britanniques sont fréquentes et raviront les habitués de leurs aventures. Une connaissance de la série de Jacobs me paraît indispensable pour saisir l’ensemble du spectre humoristique de l’album. Il s’agit d’un pastiche de qualité dans le sens où les codes originaux sont détournés à de nombreux moments et de nombreuses manières. L’idée de départ est originale et elle s’avère bien exploitée.

PhilipEtFrancis3cNéanmoins, l’ouvrage peut se lire comme une histoire indépendante dénuée de toute filiation prestigieuse. L’intrigue peut se découvrir comme une parodie d’enquête policière. Tous les aspects du genre sont tournés en dérision. Le travail d’écriture de Pierre Veys est suffisamment important pour offrir une quantité de gags appréciable. L’avancée est rythmée et la trame ne possède aucun temps mort. Le sourire guide la lecture du début à la fin. C’est un album qui se lit avec bonne humeur.

« S.O.S. Météo » est un vrai moment de divertissement. Le scénario n’est pas lutionnaire, les personnages ne possèdent pas une profondeur abyssale, l’atmosphère n’est pas envoutante. Malgré cela le déroulement des pages se fait avec plaisir et la curiosité est constante au fur et à mesure que les événements se révèlent. Sur le plan graphique, le trait de Nicolas Barral accompagne parfaitement la narration. Son dessin participe à l’ambiance délurée et sympathique qui transpire de chaque planche. Son style ne bouleverse pas le neuvième art mais valorise correctement le travail scénaristique.

PhilipEtFrancis3a

Pour conclure, « S.O.S. Météo » est un album de qualité. En découvrant le menu, les papilles sont éveillées. Après dégustation, je me suis dit que le plat était à la hauteur des attentes. Je pense que tout adepte de « Blake & Mortimer » gagnerait à se plonger dans cet hommage haut en couleur. Ce nouvel album confirme la qualité du travail collaboratif de Pierre Veys et Nicolas Barral et j’attends avec impatience la suite des pérégrinations de ces deux héros délurés…

gravatar_eric

Note : 13/20

Magasin sexuel, T1 – Turf

MagasinSexuel


Titre : Magasin sexuel, T1
Scénariste : Turf
Dessinateur : Turf
Parution : Mars 2011


Lorsque l’on nomme son livre « Magasin sexuel » (francisation du fameux sex shop), on génère forcément des attentes chez le lecteur. Celui-ci s’attend à un contenu coquin, voire sulfureux… Turf cherche ici le décalage. Dans une petite bourgade de campagne, un sex shop ambulant s’installe à la foire une fois par semaine. De quoi bousculer la vie de ses habitants ? Le tout est construit en diptyque chez Delcourt au format classique d’un 48 pages.

L’ouvrage fait dans l’opposition de style. Il y a d’abord le maire, Orloff, sorti tout droit des aventures de Spirou tant il ressemble au maire de Champignac graphiquement. C’en est gênant. Il est donc réac comme pas possible et assez bête. Mais il va s’éprendre de la jolie Amandine qui tient le sex shop. Mais elle n’est pas pour autant très coquine. Seuls ses vêtements courts suggèrent une libération sexuelle, mais cela ne va pas plus loin. Ses motivations pour le métier sont floues (elle préfère vendre des godemichés plutôt que des bottes en caoutchouc… Soit !).

Pas de réel enjeu malgré le thème.

MagasinSexuel1aCe premier tome pose des jalons mais n’avance pas beaucoup. Le passé de la jeune fille se dévoile mais sans vraiment nous toucher. Il n’y a pas de réel enjeu et la description de la campagne, qui se veut humoristique, manque cruellement de sel. Si bien que l’humour tombe à plat systématiquement. Que dire de ce bistrot vide où va boire le maire ? On y imagine déjà des scènes vivantes avec des habitués, mais rien ici. Le thème est effleuré et le pitch de départ reste inexploité. Dommage, car il y aurait de la matière à aller plus loin.

Au niveau du dessin, Turf possède un style particulier qui m’a peu séduit au final. C’est très (trop ?) coloré, plein de rose et de couleurs saturées. On voit par contre qu’il a plaisir de dessiner Amandine, dont il brosse les jambes avec délice. Malgré tout, Turf propose un ensemble cohérent avec son sujet, qu’il traite avec légèreté.

MagasinSexuel1b

J’ai été très déçu par ce « Magasin sexuel ». Trop léger et dilué, il finit comme une description caricatural de la campagne. Mais il aurait fallu en mettre une couche de plus pour en faire un ouvrage plus percutant. L’humour ne touche pas, les émotions sont rares… Le tout se lit sans forcément s’ennuyer mais on se demande un peu l’intérêt de tout cela en fin de tome. Peut-être que le deuxième opus apportera des réponses à cette interrogation ?

avatar_belz_jol

Note : 8/20

Blotch, Oeuvres Complètes – Blutch

blotch


Titre : Blotch, Oeuvres Complètes
Scénariste : Blutch
Dessinateur : Blutch
Parution : Janvier 2009
Parution tome 1 : Septembre 1999
Parution tome 2 : Octobre 2000


 Je me suis offert récemment les œuvres complètes de « Blotch », série dessinée et scénarisée par Blutch. Cet ouvrage comprend les deux tomes qui étaient parus alors. « Blotch » est le nom du personnage principal, dessinateur dans Fluide Glacial dans le Paris des années 30… Oui, vous avez bien lu !

Il n’est pas rare de voir les auteurs de Fluide Glacial parler de leur rédaction (tout comme on trouvait ce genre de thème dans Gaston qui travaillait chez Dupuis…). Mais rarement on aura vu une telle créativité. En transposant l’histoire dans l’entre deux guerres, Blutch impose une ambiance désuète incroyable. De même, les dessinateurs d’humour deviennent des artistes pédants, buvant dans les cafés du beau Paris. Ce décalage entre ce que l’on peut imaginer de Fluide Glacial (grosses blagues et pinard) et cette attitude pincée d’artistes arrogants est vraiment incroyable.

Un fluide glacial des annĂ©es 30…

 Blotch est le meilleur mais aussi le pire d’entre eux. Il se dit génial (et l’est a priori), mais est aussi rampant, prêt à écraser les autres par des manœuvres plus fourbes les unes que les autres. Le personnage est détestable. Arrogant, prétentieux, raciste, arriviste… Et éminemment grotesque ! Ainsi, en écrasant son propre alter-ego, Blutch crée une complicité avec son lecteur. 

Evidemment, tout le monde en prend pour son grade. On passera sur ses collègues (on reconnaîtra Gaudelette, Larcenet…), le rédacteur en chef (dont l’avis décide de tout) et les investisseurs (les pires de tous). Seules les personnes extérieures à Fluide Glacial paraissent alors sympathiques, comme son concurrent de toujours, Jean Bonnot ! Le tout est construit autour de petites histoires de quelques pages entraînant une chute. Ce rythme vient de la parution préalable dans le magazine Fluide Glacial. Evidemment, l’auteur développe certains fils rouges (comme sa concurrence avec Jean Bonnot).

L’aspect désuet des années 30 est parfaitement retranscrit. Les dialogues sont savoureux et adaptés à l’époque. De même, lorsque l’on voit les dessins d’humour dessinés par Blutch, ils correspondent à l’humour de l’époque. Une véritable plongée presque un siècle en arrière ! Qui plus est, cette utilisation de l’entre deux guerres sert vraiment les gags. Il y a une vraie exploitation de l’époque en tant que telle.

Le dessin est évidemment au diapason du sujet. Le choix d’un noir et blanc élégant retranscrit parfaitement l’atmosphère surannée de l’ouvrage. Le trait de Blutch est toujours aussi dynamique et expressif. A n’en pas douter, un des grands dessinateurs actuels.

Si « Blotch » tient de la parodie, la direction que prend l’ouvrage en fait un œuvre à part. En utilisant une caricature décalée dans le temps, Blutch crée une bande-dessinée beaucoup plus subtile et complexe. Un album dont on ne peut que se délecter.

coupdecoeur_new

Note : 19/20

L’atelier mastodonte, T2 : Alfred, Guillaume Bianco, BenoĂ®t Feroumont, Keramidas, Julien Neel, Nob, Tebo, Lewis Trondheim & Yoann

L'atelierMastodonte2


Titre : L’atelier Mastodonte, T2
Scénaristes : Alfred, Guillaume Bianco, Benoît Feroumont, Keramidas, Julien Neel, Nob, Tebo, Lewis Trondheim & Yoann
Dessinateurs : Alfred, Guillaume Bianco, Benoît Feroumont, Keramidas, Julien Neel, Nob, Tebo, Lewis Trondheim & Yoann
Parution : Juin 2014


« L’atelier Mastodonte » est un projet original né dans les pages de Spirou. Il est l’œuvre conjointe de neuf auteurs : Alfred, Bianco, Feroumont, Keramidas, Neel, Nob, Tebo, Trondheim et Yoann. Certains me sont familiers depuis longtemps, d’autres sont entrés récemment dans mon univers. Chaque planche de cet ouvrage au format à l’italienne est dessiné avec un trait différent, le tout format un ensemble cohérent et drôle.

Une diversité des personnalités.

L'atelierMastodonte2bLe bouquin se compose de cent vingt-six planches. Chacune peut être lue indépendamment tout en étant liée à la précédente ou à la suivante. L’originalité de la structure du propos possède un réel potentiel. La diversité des personnalités doit relancer en permanence l’attrait du lecteur. De plus, le principe du strip booste l’intensité de la lecture. A l’opposé, il faut veiller à ne pas diffuser une impression de fouillis brouillon.

Le point de départ de l’histoire est le suivant : Trondheim crée un atelier regroupant ses collègues précédemment cités. Cet album nous plonge dans le quotidien créatif de cette troupe de joyeux lurons. La dimension despotique de Lewis est moins mise en avant que dans le premier tome. Malgré tout, cela reste un fil conducteur efficace sur le plan humoristique. Chaque apparition du chef  fait sourire sans difficulté ! Certains lecteurs reprochaient à l’opus précédent les blagues trop systématiquement scatologiques mettant en scène Tebo. Cet aspect est toujours présent mais peut-être disséminé avec davantage de parcimonie.

Mais cette suite ne se résume pas à une redondance des mécanismes comiques déjà utilisés. Les protagonistes décident de déplacer leur lieu de travail dans un superbe château. Cela donne lieu à des histoires de chevaliers, de fantômes et de siestes en forêt. Cela offre un second souffle intéressant à l’histoire et chatouille aisément les zygomatiques. Les auteurs alternent ces vacances studieuses à la campagne avec d’autres scènes dans l’atelier parisien. Elles mettent en scène deux auteurs qui se font passer pour Trondheim. Cela permet à la narration de ne pas ronronner.

La grande diversité d’auteurs est une force narrative importante. Chacun possède son trait, son ton et sa corde humoristique. L’ensemble s’harmonise plutôt bien et offre une lecture pleine de surprises et de rebondissements. Je connaissais la majorité d’entre eux de noms mais j’ai pris plaisir à découvrir leur style et une petite partie de leur univers. Tous réunis opèrent sur un spectre suffisamment large pour attiser notre curiosité de manière constante.

L'atelierMastodonte2a

Le bilan est très positif. Ce second opus donne la banane. Il peut se lire d’une traite dans son lit ou se feuilleter dans les transports en commun. Sa construction scénaristique couplée à sa petite taille en fait un compagnon en toute circonstance. Le dénouement laisse croire qu’il n’y aura pas de suite. J’espère l’avoir mal compris et m’être trompé car je regretterai de ne pas suivre les nouvelles aventures de ces joyeux lurons…

gravatar_eric

Note : 14/20

L’atelier Mastodonte – Lewis Trondheim, Yoann, Cyril Pedrosa, Alfred, Julien Neel, TĂ©bo & Guillaume Bianco

L-AtelierMastodonte


Titre : L’atelier Mastodonte
Scénaristes : Alfred, Guillaume Bianco, Julien Neel, Cyril Pedrosa, Tebo, Lewis Trondheim & Yoann
Dessinateurs : Alfred, Guillaume Bianco, Julien Neel, Cyril Pedrosa, Tebo, Lewis Trondheim & Yoann
Parution : Juin 2013


Lorsque je tombe sur un ouvrage de Lewis Trondheim, je suis bien incapable de résister à la pulsion de l’achat. Alors lorsqu’il s’associe à d’autres auteurs que j’apprécie (Neel, Bianco, Yoann, Alfred…), il m’est impossible de ne pas passer à la caisse… « L’atelier Mastodonte » raconte le quotidien de quelques auteurs de bande-dessinée réunis en atelier. Ils dessinent tous des strips sur les anecdotes de l’atelier. Ainsi, il n’est pas rare qu’ils se répondent… Publiés dans le journal de Spirou, ceux-ci se voient regroupés dans un ouvrage au format paysage de belle facture. L’écrin est même dessiné par Bilal… Mais alors que donne cet ouvrage réunissant une véritable dream team de la BD ?

Tout démarre par la volonté de Trondheim d’ouvrir un atelier. Les premiers strips font donc part de cette envie et nous présente les auteurs. Ainsi, Guillaume Bianco est intimidé par Lewis Trondheim, Julien Neel se balade avec une marionnette, Cyril Pedrosa souhaite que les auteurs se syndiquent… Et rapidement s’instaure ce qui fera la force de l’ouvrage : la réponse du berger à la bergère ! Ainsi, lorsqu’un auteur se moque d’un autre dans son strip, celui-ci lui répond dans le strip suivant. Cela instaure une vraie dynamique. Il me semble d’ailleurs que dans le journal de Spirou, les strips étaient publiés par deux sur une page. Ceux-ci font chacun une demi-page de huit cases.

Une vraie diversité dans les humours.

La diversité des humours fait la force de l’ouvrage. Même si chacun sera plus ou moins sensible à tel ou tel auteur, globalement il y a une ligne directrice qui se dégage. Comme les auteurs se répondent, on reste souvent dans les mêmes humours au final. Et après des débuts plus classiques, les délires se développent et chaque personnage prend une ampleur intéressante, car son caractère est vu par différents auteurs. Et l’atelier parvient à dégager de vrais délires collectifs (on pense au collectionneur par exemple) qui donne l’impression d’une vraie cohésion de groupe.

L’autre intérêt est évidemment la diversité des graphismes. Tout est assez différent puisque l’on passe de dessins d’humains à de l’animalier… Là encore, c’est un plaisir de découvrir les différentes visions de chacun. Pour ma part, j’aime beaucoup les styles graphiques de beaucoup d’auteurs de cet ouvrage. On notera que de nombreux guests viennent enrichir l’ensemble et pas des moindres : Bouzard, Buchet, Delaf, Feroumont, Frantico, Keramidas, Libon, Nob, Plessix, Sapin, Stan & Vince et Vivès. Rien que ça !

Cet « Atelier Mastodonte » est une véritable réussite. Voilà un exemple à suivre en termes d’ouvrage collectif. Tout est entremêlé et c’est cela qui fait toute la force de ce livre. Plein d’humours différents, du scatologique au plus subtil, il est aussi une source de blagues sur les auteurs et leurs différences. A lire absolument.

coupdecoeur_new

avatar_belz_jol

Note : 16/20

Charly 9 – Richard GuĂ©rineau

Charly9


Titre : Charly 9
Scénariste : Richard Guérineau
Dessinateur : Richard Guérineau
Parution : Novembre 2013


 Avec « Charly 9 », Jean Teulé a écrit l’un de ses best-sellers. Relatant la culpabilité de Charles IX après avoir ordonné le massacre de la Saint Barthélémy, il permettait de découvrir un roi soumis à sa mère Catherine de Médicis qui se ne remettra jamais de sa décision. Lourde tâche donc pour Richard Guérineau de reprendre le flambeau en adaptant ce livre en bande-dessinée. Le tout est publié chez Delcourt dans la collection Mirages pour 128 pages de lecture.

Charly9aLe tout démarre par une scène qui pose le personnage. Acculé par sa mère, son frère et tous leurs conseillers, Charles IX ordonne le massacre de la Saint Barthélémy. Mais c’est avant tout pour qu’on le laisse tranquille. Car tout est fait pour le manipuler. D’abord choqué par l’idée que l’on assassine une personne, la discussion grandit et le nombre de victimes pressenties également… Lui ne veut pas, toute la cour le veut. Mais il est le Roi et il faut sa signature. Il l’appose et le voilà condamné à la culpabilité.

Des anecdotes à la pelle pour une seule année.

Le livre est construit selon des chapitres qui montrent le Roi peu à peu sombrer dans la folie. Même si l’ensemble manque un peu de fluidité, la pertinence est évidente. Car ce sont les anecdotes qui montrent Charles IX devenir fou et malade. Richard Guérineau va à l’essentiel et malgré les 128 pages, on ne s’ennuie à aucun moment. Chaque planche est nécessaire. On retrouve aussi le sel de l’ouvrage de Teulé avec beaucoup d’anecdotes historiques à ressortir en soirée : l’origine du 1er avril et du 1er mai par exemple sont un délice.

Charly9bAu-delà de l’anecdote, le livre propose une galerie de personnages des plus connus. Outre la cour royale (Catherine de Médicis, la future reine Margot, Charles IX…), on retrouve des artistes (Ronsard) ou des personnalités autres (Ambroise Paré). Il n’en est pas trop fait là-dessus. Cela permet surtout de voir quels liens avaient ces personnes avec le Roi. Plus étonnant, le langage parlé par les personnages est à la fois modernisé et conservé comme à l’époque. Le tout est pourtant très fluide et agréable.

Concernant le dessin, c’est peu de dire que le trait de Richard Guérineau m’a séduit dans cet ouvrage. Je l’avais connu dans un registre plus réaliste et son passage à un dessin plus caricatural est une vraie réussite. Les gueules sont expressives, les décors nous replongent dans la France d’antan et les choix graphiques sont pertinents. On a même droit à un hommage à « Johan et Pirlouit » de Peyo ou à « Lucky Luke » de Morris… Malgré tout, les changements de style (notamment dans la colorisation) sont un peu perturbants. S’ils sont parfois parfaitement cohérents (comme pour la scène finale), d’autres sont moins clairs dans leur intention. Visiblement, Richard Guérineau avait décidé de se faire plaisir ! Mais qu’il nous propose de nouveau des bande-dessinées réalisées dans ce style plus relâché, cela lui va très bien ! On retrouve cependant un vrai talent dans la mise en scène et le découpage. On sent qu’il y a du métier derrière !

Charly9c

« Charly 9 » est une belle adaptation. Reprenant très bien le principe des œuvres de Jean Teulé, le lecteur restera difficilement indifférent au cynisme et à la violence de l’ensemble. Et bien que Charles IX nous paraisse torturé et plus de culpabilité, il est aussi complètement inconscient et devient fou. Richard Guérineau parvient à nous dresser le portrait complet d’un homme qui mourra de culpabilité. Et pourtant, on ne ressent pas forcément d’empathie pour le personnage.

avatar_belz_jol

Note : 15/20

Anatomie de l’Ă©ponge – Guillaume Long

AnatomieDeLeponge


Titre : Anatomie de l’Ă©ponge
Scénariste : Guillaume Long
Dessinateur : Guillaume Long
Parution : Juillet 2006


J’ai connu Guillaume Long avec « À boire et à manger ». C’est ici une œuvre parue bien plus tôt, en 2006, dont il est question : « Anatomie de l’éponge ». C’est un recueil d’histoires courtes qui expliquent (entre autres), les influences de l’auteur. On a donc affaire à une autobiographie où l’autodérision est le maître mot. Le tout pèse 115 pages et est paru chez Vertige Graphic.

Guillaume Long nous propose une série d’histoires courtes aux thèmes variés. Dès la première, on sent l’influence (l’hommage ?) à Blutch. Mais c’est surtout Lewis Trondheim (sous le pseudonyme Luis Troën) qui sera au centre des attentions. Adulé par l’auteur, sa passion pour l’auteur devient un running gag très efficace au fil des pages.

Un auteur qui se cherche et se trouve.

Au-delà des histoires sur la bande-dessinée, Guillaume Long diverge et parle aussi de son enfance. On sent un auteur qui se cherche. Graphiquement, on voit une tentative de faire des bande-dessinées avec un dessin et le texte en-dessous, puis on tâtonne vers un entre-deux. Cette façon dont l’auteur se cherche dans la narration (et aussi dans l’humour) est des plus intéressantes. Et on le voit progresser, puisque les dernières histoires font mouche. Plus le livre avance et plus on rit. L’auteur parvient à trouver un ton et un humour qui nous font beaucoup sourire et même rire par moment. Au point qu’après cet ouvrage, il me paraissait essentiel de m’intéresser à la suite de la production de l’auteur.

AnatomieDeLeponge1

Hélas, qui dit recueil dit souvent qualité inégale. C’est le cas ici. Certaines histoires laissent un peu froid, là où d’autres nous transportent. Que dire que cette formidable histoire où Guillaume Long se perd en voiture et va dormir dans un domaine perdu ? L’autodérision marche à plein régime. Si ce n’est pas forcément original, Guillaume Long se l’approprie pleinement.

Graphiquement, Guillaume Long a un style qui se reconnaît vite, mais il se cherche ici. Le noir et blanc est de rigueur, bien que parfois relevé de niveaux de gris. On sent des modifications, des essais… Et le tout est plutôt réussi. La maturité de son style se sent une nouvelle fois et sa façon de dessiner en noir et blanc hachuré est dynamique et vivante. Le trait est simple, mais la gestion des noirs et des volumes est réfléchie et réussie. Bref, un dessin qui paraît simple au tout venant, mais qui vaut le coup d’œil.

Cette « Anatomie de l’éponge » a les défauts du recueil. Son côté inégal gênera à coup sûr. Mais il y a de vraies qualité tant dans la narration que dans le dessin chez Guillaume Long qui suffisent à lui donner de l’intérêt. Quand on voit le nombre d’autobiographies insipides qui peuvent fleurirent sur les rayons, ce n’est pas le cas ici. Le livre montre un auteur qui se cherche et, surtout, qui se trouve !

avatar_belz_jol

Note : 14/20

Z comme Don Diego, T1 : Coup de foudre Ă  l’hacienda – Fabcaro & Fabrice Erre

zcommedondiego


Titre : Z comme Don Diego, T1 : Coup de foudre Ă  l’hacienda
Scénariste : Fabcaro
Dessinateur : Fabrice Erre
Parution : Avril 2012


« Z comme Diego » est une nouvelle série née en avril dernier. Son premier tome s’intitule « Coup de foudre à l’hacienda ». Edité chez Dargaud, cet ouvrage se compose d’une quarantaine de pages. Son prix avoisine onze euros. Le nom de son scénariste a attiré mon regard vers cet album. Il s’agit de Fabcaro dont j’avais apprécié « Jean-Louis et son encyclopédie » ou « Steve Lumour, l’art de la winne ». J’avais trouvé ses opus très drôles. Dans « Coup de foudre à l’hacienda », il ne se charge pas des dessins. Cette tâche est confiée à Fabrice Erre dont je découvre le travail à cette occasion. Les couleurs naissent de la plume de Sandrine Greff. La couverture nous présente un Don Diego désabusé. Il est entouré de Zorro qu’on suppose être des usurpateurs. En effet, qui ne sait pas que Don Diego est à Zorro, ce qu’est Peter Parker à Spiderman…

La quatrième de couverture nous présente le synopsis suivant : « Don Diego, alias Zorro, avait déjà bien du mal à gérer sa double personnalité : l’arrivée de la belle senora Sexoualidad n’allait certainement pas arranger les choses… Une parodie avec de l’action, du rire, de l’émotion, des chevaux, des épées, des combinaisons, de la paella, de la bière et des hommes invisibles. »

zcommedondiego1bEn me plongeant dans « Coup de foudre à l’hacienda », deux sentiments contradictoires se mêlaient. J’étais curieux de découvrir cette parodie de Zorro qui est vraiment le héros de mon enfance. J’ai toujours gardé une tendresse pour la série télévisée en noir et blanc datant des années cinquante. Le petit monde de Don Diego, Bernardo, le sergent Garcia et des autres m’ont toujours passionnée et fait rire. Parallèlement, j’appréhende de ce type de série qui prétend jouer avec les codes d’un univers établi et connu. Souvent, le soufflé retombe très vite et la dimension commerciale de ce choix scénariste prend rapidement le pas sur l’imagination de l’auteur. J’étais donc curieux de voir si Fabcaro allait arriver à manipuler avec talent tous les aspects de cette célèbre communauté.

Des vannes variées à aucun moment répétitives.

L’ouvrage nous présente deux gags par page. Chacun se décompose en six cases carrées de taille identique. Cela impose à la trame de chaque scène d’être dense et bien construite parce que l’auteur n’a pas non plus trop de temps pour les digressions. Je vous avoue que les premiers gags m’apparaissent prévisibles et presque décevants. Mais rapidement une atmosphère agréable se dégage de la lecture et notre immersion dans l’univers créé par les auteurs se fait plus intense. La densité de qualité est plutôt bonne et chaque page fait naitre un sourire ou un rire franc. Fabcaro arrive à offrir des vannes variées qui ne s’avèrent à aucun moment répétitive. C’est une performance parce le défaut de la redite est souvent irrémédiable dans ce genre d’ouvrage.

Le scénariste arrive à construire sa parodie en exploitant parfaitement les codes de la série originale. Tous les personnages avec leurs caractéristiques propres sont exploités. L’aspect humoristique est l’atout principal de cet ouvrage qui chatouillent nos zygomatiques aisément. A défaut de nous faire pleurer de rire, la bonne humeur dégagée par la lecture est des plus agréables. De plus, le fait que Fabcaro utilise tous les aspects de « Zorro » m’offre une plongée en enfance que je savoure avec appétit. Je n’ai pas envie de vous donner des exemples qui vous gâcheraient la découverte. Mais sachez qu’on rigole avec plaisir des maladresses de tous les protagonistes.

zcommedondiego1a

Le dessin  de Fabrice Erre correspond parfaitement au public visé par cet ouvrage. Tous les membres de la famille peuvent trouver quelque chose dans cet opus. Néanmoins, j’ai eu du mal à être conquis par son trait au début. Je le trouvais un peu brouillon et trop excessif. Mais une fois envahi par l’atmosphère de la série, son trait quasi caricatural correspond parfaitement au propose tenu par Fabcaro. Je pense donc qu’à défaut de marquer les esprits, les illustrations nées du trait de Fabrice Erre accompagne parfaitement le moment divertissant de lecture offert par cet ouvrage.

En conclusion, « Coup de foudre à l’hacienda » est une réussite. Il s’agit d’un ouvrage de qualité qui génère de la bonne humeur. Tout n’est pas homérique et l’ensemble n’est pas un chef d’œuvre. Malgré tout, dans la thématique de la parodie, il s’agit à mes yeux d’un des meilleurs du genre. Il est difficile de s’approprier un univers et de le tourner en dérision. Fabcaro s’en sort vraiment bien. Je pense donc que je lirai avec joie le second tome qui devrait paraitre dans quelques mois. Mais cela est une autre histoire… 

gravatar_eric

Note : 13/20

Une annĂ©e au lycĂ©e – Fabrice Erre

UneAnneeAuLycee


Titre : Une année au lycée
Scénariste : Fabrice Erre
Dessinateur : Fabrice Erre
Parution : Avril 2014


Fabrice Erre est dessinateur de bande-dessinée. Mais comme nombre de ses collègues, il possède un « vrai » métier lui permettant de vivre dignement : enseignant d’histoire-géographie en lycée. Forcément, la tentation de raconter son quotidien face aux élèves était trop tentant. Voilà qu’il nous propose un ouvrage autobiographique, « Une année au lycée ». Le tout est publié chez Dargaud et pèse pas moins de 153 pages !

L’auteur démarre donc l’année avec la fin des vacances et termine le tout avec le début des vacances. On retrouve donc les premiers contacts avec la classe jusqu’au bac. Fabrice Erre a l’avantage d’avoir des secondes, des terminales (qui préparent le bac) et d’être professeur principal. Cela permet de balayer un large spectre de situations. Dès le départ, l’auteur nous prévient : oui, tout est romancé (heureusement d’ailleurs). Chaque scène est donc un condensé de vécu, clairement concentré pour en améliorer l’aspect comique.

On sent le vécu !

Fabrice Erre joue la carte de l’autodérision dès le départ. Il se dessine bien plus vieux qu’il ne l’est et n’hésite pas à se montrer sous un jour peu reluisant. Et c’est là où la bande-dessinée est réussie. Erre est un professeur normal : aussi bien il peut avoir des fulgurances pour adapter son cours à ses élèves (et même faire preuve d’ouverture dans les discussions), aussi bien il merdouille bien par moments ! L’humour fonctionne très bien et il n’est pas rare de rire devant les gags et remarques lues. C’est là où « Une année au lycée » supplante des BDs comme « Les profs ». On sent le vécu, l’absurde des remarques, les situations qui dérapent…

L’auteur nous propose deux types de scènes. Les premières sont classiques et montrent le prof avec ses collègues ou les élèves. Les deuxièmes sont des purs délires où Erre fait des parallèles entre un univers (la guerre par exemple) et l’enseignement. Elles sont globalement aussi réussie et cela permet de rythmer l’album qui pourrait paraître répétitif si les scènes de classe s’enchaînaient méthodiquement.

Au niveau du dessin, c’est quand même un peu léger. Les délires sont plus travaillés graphiquement mais les scènes de classe sont peu ouvertes à l’expérimentation graphique. L’auteur se contente de dessiner les personnages, qu’il fait très expressifs. En soit, ce choix est pertinent car l’auteur se focalise sur les réactions et les dialogues, qui font l’essence d’une classe. Le tout est colorisé en bichromie (sauf des exceptions lors des délires de l’auteur).

 UneAnneeAuLycee1

« Une année au lycée » est un ouvrage réussi. En utilisant parfaitement les absurdités du monde du lycée, Fabrice Erre lui donne de la force par son trait. Quand on voit la tête du prof, très satisfait de voir les élèves grévistes ne pas arriver à faire se calmer une classe, tout est dit ! Un bel ouvrage, forcément un peu réservé à ceux pour qui l’éducation nationale n’est pas qu’un souvenir de jeunesse.

avatar_belz_jol

Note : 16/20

Et pour poursuivre l’expĂ©rience : http://uneanneeaulycee.blog.lemonde.fr/