Magasin général, T9 : Notre Dame des Lacs – Régis Loisel & Jean-Louis Tripp

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Titre : Magasin général, T9 : Notre Dame des Lacs
Scénaristes : Régis Loisel & Jean-Louis Tripp
Dessinateurs : Régis Loisel & Jean-Louis Tripp
Parution : Octobre 2014


« Magasin Général » est une série qui accompagne le monde du neuvième art ces dix dernières années. Le bébé de Régis Loisel et Jean-Louis Tripp possède un ton et une ambiance assez uniques : une chronique sociale d’un petit village québécois dans les années vingt. Cette aventure se conclue avec la parution de son dernier acte en octobre dernier. « Notre-Dame-des-Lacs » est le neuvième chapitre du quotidien de la charmante Marie et de la communauté qui l’accompagne.

« Te rends-tu compte, Serge ? Du chambardement qu’il y a eu à Notre-Dame depuis un an ? On est rendu un village pas d’maire… Presque pas d’curé avec un restaurant de Paris pis une veuve qui a tombé en amour avec un p’tit cordonnier. – Ha ! Ha ! Tu oublies les coureurs des bois qui ont coupé leur barbe pour séduire une autre veuve… – Je l’sais bien… Pis moi qui pensais jamais avoir d’enfant, me v’là en famille pas d’père ! »

MagasinGeneral9cCet échange entre Marie et Serge, les deux principaux acteurs de l’histoire, résume assez bien les événements partagés durant les huit tomes précédents. Ce nouvel album a pour mission de conclure avec talent et subtilité la tranche de vie partagée avec ce petit monde. Il s’agit ici de soigner le « au revoir ». Cet aspect n’est pas décevant bien au contraire. Une certaine nostalgie accompagne les pages et les auteurs atténuent la rupture en offrant une trentaine de pages représentant des moments de joie ou de peine des habitants du village. Cela offre une seconde fin à l’album.

Tourner la page avec tendresse.

L’atmosphère de cet opus est particulière. Elle agrémente la lecture d’une mélancolie attendrissante. Comme dans chacun de ses chapitres, la saga nous propose tour à tour des moments de joie et d’autres plus tristes. Cette richesse émotionnelle nous implique et ne nous laisse pas indifférent quant aux péripéties qui font la vie du hameau. Depuis huit ans, nous nous sommes attachés à Marie, Serge, Gaëtan, le curé, Noël et tous les autres… Nous avons partagé les mariages, les deuils, les bonheurs, les drames… Il est maintenant temps de tourner la page et nous le faisons ici avec tendresse.

Mon point de vue global sur la série est positif. J’avais été enthousiasmé par les premiers tomes. Par la suite, j’ai trouvé que la narration se diluait quelque peu. Un ronronnement s’installait. C’était peut-être dû à la thématique de l’ouvrage. Une chronique sociale ne peut pas être un concentré d’énergie et de rebondissements. Malgré tout, j’ai toujours pris beaucoup de plaisir à découvrir les nouvelles pérégrinations de Marie et ses amis. J’ai toujours été heureux avec eux ou partagé leurs peines. C’est une lecture qui s’avère finalement assez sensorielle.

Les dessins conjoints de Loisel et Tripp participent à rendre réaliste les lieux et les décors qui abritent la vie de la communauté. L’immersion dans cet univers tant sur le plan géographique que temporel est une belle réussite. Le trait des deux auteurs fait naître des planches précises et attrayantes. Le travail graphique est remarquable. Le dernier ingrédient à nous ravir est le dépaysement résultant des dialogues. Le travail de Jimmy Beaulieu sur les textes donne des expressions hilarantes de nos cousins québécois. Je ne présente pas de florilèges des meilleurs mots et vous incitent plutôt à les découvrir.

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Au final, « Notre-Dame-des-Lacs » conclue très correctement « Magasin Général ». Cette tranche de vie aura gardé un attrait certain de sa première à sa dernière page. Je conseille cette lecture à tout adepte des petites aventures du quotidien et en quête de fraternité, d’amour et de solidarité…

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Note : 13/20

Manuel de la jungle – Nicoby & Joub

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Titre : Manuel de la jungle
Scénaristes : Nicoby & Joub
Dessinateurs : Nicoby & Joub
Parution : Mai 2015


Joub et Nicoby avait plutôt bien réussi leur biographie « Dans l’atelier de Fournier ». Ils s’y présentaient, interviewant l’auteur sur son passé. Cela est en train de devenir une de leur spécialité. Au point qu’ils partent réaliser un livre sur la jungle, en Guyane. Joub vivant à Cayenne, ils ont l’idée de retrouver deux instituteurs baroudeurs et de partir quelques jours dans l’Enfer vert afin de voir combien ce terme est galvaudé. Le tout est donc scénarisé par Nicoby et Joub. Le premier dessine, le second colorise le tout. C’est paru chez Dupuis pour 140 pages de bande-dessinées au prix de 19 euros.

ManuelDeLaJungle1Le récit présente donc deux citadins emportés par deux baroudeurs. Évidemment, les premiers ont très peur des bestioles : serpent, araignées, crocodiles, etc. Même si cette menace n’est pas la plus importante… Le livre démarre donc par un véritable manuel, les expérimentés expliquant aux nouveaux le fonctionnement de la survie dans ce milieu, entre chasse et binouze.

Un titre trompeur.

Mais l’histoire finit par tourner vers autre chose : la dénonciation des orpailleurs clandestins. Du coup, le livre est un peu scindé en deux et manque de cohérence. De même, les anecdotes nombreuses abondent dans le livre et coupent le rythme. On sent une forme de fourre-tout, intéressant certes, mais qui manque de travail de fond pour en faire un bouquin en tant que tel. Ainsi, le titre « Manuel de la jungle » est trompeur, mais c’est ce que devait être le livre au départ.

Malgré tout, la vie dans la jungle a un intérêt réel et on apprend beaucoup de choses. La deuxième partie, plus militante, donne aussi à réfléchir. Le tout se dévore d’une traite, l’humour est présent et on apprend énormément sur la jungle. Dommage que les auteurs se représentent toujours comme apeurés, voulant mettre fin à l’expérience au plus vite. Finalement, on se dit que ce voyage de quelques jours ne les aura pas changés. Surtout, ils paraissent encore plus terrorisés à la fin. Peut-être est-ce la réalité, mais le tout ne va pas très loin dans l’analyse. Joub et Nicoby ont choisi un récit de voyage sans trop chercher à approfondir le propos en aval.

Concernant le dessin, j’aime beaucoup le trait de Nicoby, sublimé par les aquarelles de Joub. Les ambiances sont posées, aussi bien dans la jungle, sur la pirogue, la nuit… Une vraie réussite. En revanche, on ressent relativement peu le côté « paradis des sens » vanté par la quatrième de couverture. Ce n’est pas évident avec du dessin de faire ressentir cela, mais dans les faits, la jungle est jolie mais on ne la ressent pas.

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« Manuel de la jungle » est un ouvrage qui dévie de son intention première. Hésitant entre un apprentissage par des citadins de la jungle et une dénonciation des clandestins du lac, il manque un peu de cohérence. De même, il cède à la mode actuel en présentant une pagination excessive. Ainsi, la scène du restaurant, au départ, n’a aucun intérêt et rallonge artificiellement l’ouvrage. Mais si vous êtes un amateur des livres de Joub et Nicoby, ne boudez pas votre plaisir, on retrouve l’humour des deux compères et ce trait rond qui va si bien avec.

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Note : 13/20

Uchronie(s) – New Beijing, T1 – Eric Corbeyran & Aurélien Morinière

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Titre : New Beijing, T1
Scénariste : Eric Corbeyran
Dessinateur : Aurélien Morinière
Parution : Septembre 2012


« Uchronie(s)» est une série de science-fiction particulièrement bien construite. Il s’agit de trois trilogies intitulés « New Byzance », « New York » et « New Harlem » qui contaient chacune une réalité différente qui se voyaient toutes réunies dans un dixième album. La construction narrative était remarquable et originale. Il s’agissait d’un vrai travail de scénariste qui possédait un dénouement à la hauteur de l’idée initiale. Ce n’était pas rien. C’est pourquoi j’ai été surpris lorsque j’ai vu une nouvelle trilogie construite sur le même principe. Il s’agira de « New Beijing », « New Moscow » et « New Delhi ». Ma critique d’aujourd’hui porte sur le premier acte de la première citée. Cet opus est apparu dans les librairies le vingt-six septembre dernier. Toujours édité chez Glénat, cet ouvrage se compose d’une grosse quarantaine de pages. Le format est classique et le prix avoisine quatorze euros. La couverture est dans la lignée des précédents tomes. On y découvre le personnage principal entouré de deux inconnues chinoises. Le second plan nous présente une mégalopole à l’architecture asiatique. Le ton orange de l’illustration participe au dépaysement. Le point commun avec la saga précédente est évidemment le nom de son auteur, Eric Corbeyran. Le célèbre auteur de « Le chant des stryges » s’associe ici avec un nouveau dessinateur nommé Aurélien Morinière que je découvre ici.

L’histoire se place dans la continuité de la première décalogie. Néanmoins, il doit être possible d’entamer la découverte avec cet opus. On y découvre Zack et ses deux parents apparaitre dans une nouvelle réalité : New Beijing. Ici, le monde souffre d’un oppresseur différent de celui subi dans « New Harlem ». Mais la dictature reste source de souffrance quel que soit son interprète. Suite à une utilisation de monnaie non légale, les trois personnages se voient séparés dans des camps de travail qui les verra découvrir ainsi ce nouvel univers dans lequel ils sont amenés à jouer un rôle…

Science-fiction & réalités parallèles.

Cet album s’adresse à un public adepte de science-fiction et de réalités parallèles. Les afficionados du genre seront ravis de se plonger dans cet univers. La richesse de la série réside dans le fait que chaque réalité correspond à une uchronie relativement crédible sur le plan politique. « New Harlem » marquait la domination du peuple noir sur le monde, « New Byzance » l’hégémonie du monde musulman. « New Beijing » indique d’après son nom que la Chine a pris le pouvoir. Il est donc intéressant de découvrir un fonctionnement mondial suffisamment différent pour nous intriguer et suffisamment proche pour apparaitre réaliste.

On découvre donc avec plaisir ce nouvel ordre sociétal en suivant les pas des trois personnages principaux. Ils sont familiers aux lecteurs de la première série. Cela fait que l’auteur s’épargne une nouvelle présentation et offre ainsi une mise en situation rapide. Néanmoins, ils perlent tout au long de la narration des informations qui permettent à tous de maîtriser les grandes lignes du passé du trio. Il est évident que la surprise du fait que les héros peuvent passer d’une réalité à l’autre a disparue depuis les épisodes précédents. Il s’agit d’un prérequis qui ne fait pas naitre la même curiosité que dans la découverte initiale des aventures de Zach. Malgré tout, cette absence de révolution scénaristique est compensée par le plaisir de retrouver un monde qu’on avait quitté avec regret il y a quelques temps.

La difficulté réside à faire renaitre l’enthousiasme à partir d’une recette qui a déjà été optimisée a priori. Le goût n’a pas toujours la même intensité quand il ne nous est plus inconnu. Je n’ai pas eu le sentiment de dévorer avec appétit ce « New Beijing ». Mais cela ne m’a pas empêché de ressentir un vrai attrait pour l’intrigue une fois que je m’y suis plongé. La frustration de voir l’album se clore était réelle et gage d’une certaine réussite. L’intrigue n’est pas trop diluée même on espère toujours qu’elle soit davantage dense. Les jalons posés dans cet acte sont intéressants dans le sens où ils se démarquent des tenants et aboutissants de la trame connue jusqu’alors. Il est évident que la matière noire possède un rôle central dans l’histoire mais son exploitation potentielle diffère de ce qu’on connaissait jusqu’à maintenant.

« New Beijing » marque l’arrivée d’un nouveau dessinateur dans l’univers « Uchronie(s) ». Il fait d’ailleurs une entrée remarquée puisqu’il se voit également confié l’illustration de « New Delhi ». Son trait ne révolutionne pas le genre. Néanmoins, cela n’empêche pas les planches de s’avérer dynamique. Le découpage des cases associé à une capacité à intégrer du mouvement dans ses dessins font que la narration ne s’appuie pas sur des illustrations passives et statiques. Je trouve que les scènes faisant intervenir les personnages sont très épurées. Je regrette parfois que les décors n’y trouvent pas une place plus grande. La conséquence que certaines planches de dialogues semblent fades du fait de l’absence de densité et de diversité dans les seconds plans. Concernant les couleurs, elles sont l’œuvre de Svart. Elles sont relativement simples mais génèrent malgré tout une atmosphère à la lecture.

En conclusion, j’ai pris un vrai plaisir à découvrir « New Beijing » et l’univers auquel cet opus appartient. Les risques de déception étaient nombreux mais se sont avérés sans lendemain. Il est évident que cet album n’est que la première marche d’une trame longue et complexe. Il faudra donc attendre pour se faire une idée plus précise de l’intrigue. Les premiers indices résideront dans ma lecture de « New Moscow » paru le mois dernier. Mais cela est une autre histoire…

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Note : 13/20

Les Aventures de Philip et Francis, T1 : Menace sur l’Empire – Nicolas Barral & Pierre Veys

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Titre : Les Aventures de Philip et Francis, T1 : Menace sur l’Empire
Scénariste : Pierre Veys
Dessinateur : Nicolas Barral
Parution : Mars 2005


Si je vous parle de Philip et Francis, les plus bédéphiles d’entre vous penserons tout de suite à Blake et Mortimer, les célèbres héros nés de l’imagination d’Edgard P. Jacobs. Mon avis d’aujourd’hui va parler de leurs « cousins » nés sous les plumes de Pierre Veys et Nicolas Barral. Ces derniers ont écrit chez Dargaud un tome intitulé « Menaces sur l’Empire » dans la série nommée « Les aventures de Philippe et Francis ». D’un format classique et vendu au prix de presque quatorze euros, cette saga se présente comme très librement inspirée des personnages créés par Jacobs. « Menaces sur l’empire » est le premier tome de cette série parodique qui en comporte pour l’instant deux.

La quatrième de couverture de l’ouvrage nous offre un résumé de l’intrigue particulièrement clair : « Depuis quelques semaines, d’étranges phénomènes secouent le cœur de l’empire britannique. Londres vit des heures tragiques : les femmes se rebellent et entreprennent des actions spectaculaires et délirantes pour se libérer du joug de la domination masculine… On s’aperçoit ainsi que la stabilité de la société anglaise dépend entièrement de la discipline stricte qu’elles respectaient jusqu’alors. Ce changement de comportement annonce-t-il une catastrophe sans précédent ? D’où vient cette terrible menace ? Qui a intérêt à saper les fondements de cette brillante civilisation ? » 

Il est évident que cet album prend toute son ampleur quand il est lu par des adeptes de la série dont ils s’inspirent. Une méconnaissance des deux héros et de l’esprit de leurs histoires empêche de profiter pleinement de l’humour qui accompagne notre lecture. Du fait de son aspect parodique, il est évident que le ton de la narration est léger. Néanmoins, cela n’empêche pas l’histoire d’être composée d’une trame structurée. Cet album se veut indépendant et décrit du début à la fin une aventure de nos deux héros.

Une trame construite fidèlement sur les jalons posés par Jacob.

La lecture des premières pages nous fait découvrir des personnages familiers et pourtant plein de surprises. Ce cher Mortimer est un scientifique qui ne pense qu’à manger et qui semble avoir bien du mal à se concentrer sur les problèmes du royaume. De son côté, Blake est loin d’être le membre des services secrets que nous avons l’habitude de croiser. Il est ici un homme qui habite encore chez sa mère et qui ne semble pas posséder un charisme remarquable. Néanmoins, malgré ces différences, les auteurs respectent les codes de la série. La trame est construite plutôt fidèlement aux jalons posés par Jacob. Les différents personnages y possèdent leur place habituelle. La surprise réside davantage à la manière avec laquelle ils occupent leur place. Les auteurs arrivent à manipuler avec une certaine réussite les clichés de la série. Je n’ai eu aucun mal à me plonger dans cette aventure et ai pris énormément de plaisir à voir tous ces personnages de bandes dessinées raillés et tournés en bourrique.

Côté dessins, le trait est bien moins classique que celui si célèbre de Jacob. Les traits des personnages sont plus arrondis. Leurs visages sont plus expressifs. Sur cet aspect-là, la série est moins froide. Néanmoins les couleurs, les décors sont globalement fidèles à la série de départ. En feuilletant rapidement l’ouvrage, on pourrait s’y méprendre. Cela rend d’ailleurs le pastiche d’autant plus réussi. En effet, en respectant beaucoup de codes, en laissant bon nombres de repères aux lecteurs, les auteurs lui permettent de rire d’autant plus facilement de cet ouvrage.

En conclusion, j’ai passé un moment très agréable en lisant cet opus. Je ne regrette vraiment pas de me l’être fait offrir. Il est évident que les personnes non familières de l’univers de Blake et Mortimer n’ont que peu d’intérêt à s’y plonger. Pour les autres, je vous garantis une lecture très sympathique. Je trouve que cet album répond parfaitement aux attentes qu’on place en lui. De plus, il ne baisse pas en qualité tout au long de l’avancée de l’histoire. C’est à signaler parce que trop souvent dans les ouvrages caricaturaux, le soufflet humoristique disparaît trop tôt. Ce n’est pas ici le cas. Il ne me reste donc plus qu’à vous souhaiter une agréable rencontre avec ces « cousins » de nos célèbres serviteurs de la couronne britannique…

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Note : 13/20

Les aventures de Philip et Francis, T3 : S.O.S. météo – Pierre Veys & Nicolas Barral

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Titre : Les aventures de Philip et Francis, T3 : S.O.S. météo
Scénariste : Pierre Veys
Dessinateur : Nicolas Barral
Parution : Septembre 2014


Un des indicateurs d’une série appartenant à l’Histoire du neuvième art est le fait que ses codes ont transpiré de ses albums au point de servir de support à la dérision et au pastiche. « Blake & Mortimer » possède cette caractéristique depuis la naissance il y a quelques années de sa jumelle caricaturale intitulée « Les aventures de Philip et Francis ». Elle est le fruit de la collaboration du scénariste Pierre Veys et du dessinateur Nicolas Barral. Ma critique d’aujourd’hui porte sur son troisième épisode « S.O.S. Météo » paru en septembre dernier chez Dargaud.

La quatrième de couverture nous offre la mise en bouche suivante : « Tout le monde la sait : le professeur Mortimer est gentil. Très gentil. Un peu trop, même. Ce qui fait que beaucoup de ses proches en abusent largement. Le capitaine Blake s’impose chez Mortimer avec un sans-gêne assumé. Nasir, le fidèle serviteur, tient tête à son maître, et ose même évoquer le hideux concept d’augmentation de ses gages. Les commerçants indélicats le traitent avec mépris. Les voyous du quartier le martyrisent et l’humilient depuis des années… Mais cela a assez duré ! Grâce à une terrible invention scientifique, notre charmant professeur va se transformer en une créature monstrueuse ! Prisonnier de ses instincts criminels incontrôlables, Mortimer va-t-il l’ennemi public numéro un ? »

Des références qui raviront les habitués de leurs aventures.

PhilipEtFrancis3b« S.O.S. Météo » est clairement un hommage à « S.O.S. Météore » un des plus opus les réussis de la saga. Il est d’ailleurs clairement évoqué au cours de l’histoire. La célèbre machine créée par le scientifique Miloch est présente. Les références à l’univers des célèbres héros britanniques sont fréquentes et raviront les habitués de leurs aventures. Une connaissance de la série de Jacobs me paraît indispensable pour saisir l’ensemble du spectre humoristique de l’album. Il s’agit d’un pastiche de qualité dans le sens où les codes originaux sont détournés à de nombreux moments et de nombreuses manières. L’idée de départ est originale et elle s’avère bien exploitée.

PhilipEtFrancis3cNéanmoins, l’ouvrage peut se lire comme une histoire indépendante dénuée de toute filiation prestigieuse. L’intrigue peut se découvrir comme une parodie d’enquête policière. Tous les aspects du genre sont tournés en dérision. Le travail d’écriture de Pierre Veys est suffisamment important pour offrir une quantité de gags appréciable. L’avancée est rythmée et la trame ne possède aucun temps mort. Le sourire guide la lecture du début à la fin. C’est un album qui se lit avec bonne humeur.

« S.O.S. Météo » est un vrai moment de divertissement. Le scénario n’est pas lutionnaire, les personnages ne possèdent pas une profondeur abyssale, l’atmosphère n’est pas envoutante. Malgré cela le déroulement des pages se fait avec plaisir et la curiosité est constante au fur et à mesure que les événements se révèlent. Sur le plan graphique, le trait de Nicolas Barral accompagne parfaitement la narration. Son dessin participe à l’ambiance délurée et sympathique qui transpire de chaque planche. Son style ne bouleverse pas le neuvième art mais valorise correctement le travail scénaristique.

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Pour conclure, « S.O.S. Météo » est un album de qualité. En découvrant le menu, les papilles sont éveillées. Après dégustation, je me suis dit que le plat était à la hauteur des attentes. Je pense que tout adepte de « Blake & Mortimer » gagnerait à se plonger dans cet hommage haut en couleur. Ce nouvel album confirme la qualité du travail collaboratif de Pierre Veys et Nicolas Barral et j’attends avec impatience la suite des pérégrinations de ces deux héros délurés…

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Note : 13/20

La guerre des Sambre, Maxime & Constance, T1 : Automne 1775, la fiancée de ses nuits blanches – Yslaire & Marc-Antoine Boidin

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Titre : La guerre des Sambre, Maxime & Constance, T1 : Automne 1775, la fiancée de ses nuits blanches
Scénariste : Yslaire
Dessinateur : Marc-Antoine Boidin
Parution : Septembre 2014


« Sambre » est une œuvre majeure des trente dernières années dans le neuvième art. L’œuvre d’Yslaire est assez unique dans son genre. Tant sur le plan graphique que scénaristique, elle possède une identité forte qui a su aisément me conquérir. La naissance de la saga date de 1986. Depuis, Yslaire a offert à sa trame principale des appendices qui nous éclairaient sur le passé de cette famille maudite. Ces développements narratifs prennent la forme de trilogie centrée sur une époque et un couple d’ancêtres de Bernard et Julie. « Hugo & Iris » et « Werner & Charlotte » étaient les premières à naître. « Maxime & Constance » est la dernière en date.

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C’est le premier tome de cette nouvelle histoire que ma critique traite aujourd’hui. Il s’intitule « Automne 1775 ». Malgré son insertion dans une toile scénaristique dense, cet album peut se lire sans nécessairement posséder de gros prérequis de l’univers de « Sambre ». Néanmoins, en maîtriser les arcanes permet de saisir certains moments ou certaines informations avec un angle de vue plus riche.

Une famille vouée à ne connaître que le malheur.

Les Sambre sont une famille vouée à ne connaître que le malheur. En effet, tous les membres dont j’ai eu jusqu’alors découvert les vies n’ont connu que souffrance, douleur et déchéance. Cet album ne déroge pas à la règle en offrant une introduction des plus intenses. Les révélations faites à Charlotte ne peuvent laisser personne indemnes. Le moins qu’on puisse dire est que c’est une armée de cadavres qui emplissent les armoires du passé familial.

Il est intéressant de se plonger dans une histoire qui a de grandes chances de mal se terminer. En effet, il est rare d’être résigné à une issue fatale dès la découverte des premières pages. En tant que lecteur, j’ai accepté que la malédiction qui domine cette famille soit telle que garder espoir est sans intérêt. Malgré cela, je reste curieux de rencontrer ces nouveaux jeunes membres de la saga. Maxime-Augustin est le personnage central de cette nouvelle trilogie. Nous le découvrons enfant puis le voyons grandir jusqu’à devenir un jeune adulte.

Son quotidien est rude. Les moments de bonheur sont rares et sont perçus par le lecteur comme des respirations entre deux scènes plus difficiles. Les auteurs arrivent à générer le malaise avec finesse et offre ainsi une lecture qui ne laisse pas indifférent. Les épreuves subies par le personnage principal devraient faire naître une empathie naturelle à son égard. Ce n’est pas totalement le cas tant Maxime-Augustin inquiète plus qu’il ne touche. Son développement personnel en fait quelqu’un de trouble. Sur ce point, le travail d’écriture est remarquable.

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Le bémol réside davantage dans la trame générale. Ce premier acte se contente d’être une introduction à la suite des événements. Au final, il se passe peu de choses. La narration avance à un rythme de sénateur. Certaines transitions auraient pu être traitées de manière plus courtes et densifier ainsi le propos. Une fois la lecture terminée, j’ai eu le sentiment que l’intrigue allait enfin pouvoir démarrer réellement. Je ne dis pas que cet opus est creux. C’est loin d’être le cas. Mais je pense que le fil narratif aurait pu se dérouler un petit peu plus rapidement.

Une des richesses de cette grande saga est son immersion dans l’Histoire. Le travail de reconstitution apparait sérieux. Les auteurs n’hésitent pas à intégrer de grands moments historiques dans le quotidien de ses personnages. Cette présence est moins forte dans cette trilogie que dans la précédente. Ce n’est pas dû à une fainéantise du scénario mais plutôt au changement de statut social des Sambre. Malgré tout, l’atmosphère de cette fin du dix-huitième siècle transpire de chaque page et apporte un écot à la qualité de l’ensemble.

Tout cela est sublimé par le trait de Marc-Antoine Boidin. Il était déjà à l’œuvre dans la trilogie précédente et confirme ici son talent d’illustrateur. Que ce soit les dessins ou les couleurs, tout est splendide. Il arrive à respecter le style original d’Yslaire tout en y apportant sa touche personnelle. La couverture est réussie et dès la première page, le charme agit. Chapeau !

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Pour conclure, « Maxime & Constance – Automne 1775 » présente une mise en bouche agréable au palais même si la quantité apparait un petit peu légère. Néanmoins, ce premier acte m’incite à déguster la suite avec appétit et curiosité. Ce n’est pas si mal, me semble-t-il…

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Note : 13/20

Ekhö, monde miroir, T1 : New York – Christophe Arleston & Alessandro Barbucci

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Titre : Ekhö, monde miroir, T1 : New York
Scénariste : Christophe Arleston
Dessinateur : Alessandro Barbucci
Parution : Mars 2013


Ekhö est une série née de la collaboration de Christophe Arleston et d’Alessandro Barbucci. Le premier, scénariste, est le premier auteur dont j’ai été fan. Lanfeust de Troy était vraiment une révélation vécue durant mon adolescence. J’ai également beaucoup aimé des séries comme Le chant d’Excalibur, Léo Lodenou Les Maîtres cartographes. Hélas, sa production très dense a débouché sur une grande baisse de qualité à mes yeux. Cela fait que je m’étais éloigné de ses ouvrages. C’est une critique élogieuse lue dans un magazine qui m’a incité à m’offrir New York, premier opus de cette nouvelle saga. J’espérais que cette nouvelle chance me réconcilierait avec l’écrivain de mes tendres années…

La quatrième de couverture s’avère très pédagogique : « Ekhö est un monde miroir de la Terre. On y retrouve nos villes, nos pays, mais légèrement différents : l’électricité n’existe pas, les dragons remplacent les avions de ligne, les wagons du métro sont sur le dos d’étranges mille-pattes… Mais les plus étonnants sont les Preshauns qui, sous leurs airs de peluches formalistes, semblent tenir les rênes de ce monde… Une étudiante, Fourmille, et Yuri, son voisin de siège dans le 747 qui les amène à New York se trouvent prospulsés sur Ekhö et doivent apprendre à y trouver leur place. Ce qui se complique lorsque Fourmille se retrouve habitée par l’esprit d’une vieille tante morte… »

Un New York au croisement du Moyen-Age et du vingt-et-unième siècle

L’auteur nous annonce « une aventure fantastique, drôle et décalée, qui nous entraîne dans un étrange reflet de notre société ». Le programme est ambitieux mais je ne demandais qu’à partager ce point de vue une fois l’album refermé. Le principe de ces réalités parallèles est souvent usité dans la littérature, la bande dessinée ou le cinéma. Son attrait humoristique réside souvent dans la réinterprétation des codes et des habitudes de notre société dans un contexte légèrement différent. Il s’agit d’un des fondements scénaristiques de Ekhö. Arleston a souvent su jouer avec ce type de détournements dans ses séries précédentes. Il y arrive également ici. J’ai vraiment pris beaucoup de plaisir à naviguer dans ce New York au croisement du Moyen-Age et du vingt et unième siècle. L’auteur arrive à rendre crédible et drôle beaucoup de détails par des textes et des anecdotes bien choisis. Le travail graphique de Barbucci met bien l’ensemble en valeur et fait en sorte qu’une vraie bonne humeur se dégage de la lecture.

L’intrigue en elle-même est classique. Des personnages se trouvent projeter dans un monde inconnu dont ils maitrisent très partiellement les us et coutumes. Leur présence n’étant pas aléatoire, ils doivent donc s’adapter à une société nouvelle tout en menant à bien une mission dont ils connaissent bien peu de choses. L’évolution de la trame est assez linéaire. Elle n’est pas particulièrement dense mais est se déroule de manière régulière et solide. L’histoire ne souffre d’aucun temps mort et le dénouement n’est pas particulièrement abracadabrant. Aucune planche n’est inutile ou bâclée. Bref, Ekhö offre une lecture intéressante dont on n’attend la fin avec une réelle curiosité.

La belle réussite de ce tome est la qualité de ces personnages. Graphiquement tout d’abord, ils sont très réussis. Chaque nouveau protagoniste ne nous laisse pas indifférent grâce son apparence créée par le trait de Barbucci. Il possède un style assez réussi qui ravira tous les publics. Ensuite, l’histoire laisse une grande part à ses héros. Que ce soit Fourmille ou Yuri, ils sont très attachants et drôles. Leur binôme fonctionne bien. Ils sont très différents, ne s’apprécient pas mais sont indispensables à l’autre pour s’en sortir. La recette n’est pas originale mais elle est bien exécutée.

En conclusion, Ekhö m’a réconcilié avec le travail d’Arleston. Je n’ai plus besoin de me plonger dans ses vieux albums pour retrouver sa capacité à écrire des histoires dynamiques, drôle et prenantes. Je suis donc curieux de savoir comment évoluera cette série. Restera-t-on dans ce monde miroir ou voyagera-t-on ailleurs ? Les personnages principaux resteront-ils les mêmes ou non ? Pour cela il faut attendre la suite. Mais cela est une autre histoire…

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Note : 13/20

Jeanne et le jouet formidable – Zelba

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Titre : Jeanne et le jouet formidable
Scénariste : Zelba
Dessinatrice : Zelba
Parution : Mai 2010


Zelba est une jeune auteure de bande-dessinée. Publiant des livres pour enfants, je l’ai connu par l’intermédiaire de son blog. Aux éditions de « L’atelier du poisson soluble », elle publie « Jeanne et le jouet formidable », dans la collection « poisson dissolu » réservée aux adultes. Le titre laisse présager la suite : Jeanne va découvrir les joies du sex toy ! Cet ouvrage fait une trentaine de pages et est publié sous un format à l’italienne. C’est donc une histoire relativement courte à laquelle on a affaire.

Un sex toy qui parle !

Jeanne est jeune, célibataire et tout le monde l’embête là-dessus, que ce soit sa mère ou ses amies. Buvant son verre de vin seule chez elle, casanière, tout le monde désespère à la voir se caser. Elle le dit elle-même : « les mecs, ça ne me réussit pas. » Finalement, elle se traînera à une soirée sex toy et repartira avec un objet, sans grand enthousiasme. Evidemment, maintenant qu’il est là, autant le tester… Et surprise : le sex toy parle !

Cet ouvrage ne se prend pas du tout au sérieux et c’est tant mieux. Les personnages sont excessifs, les situations vues et revues… Mais « Jeanne et le jouet formidable » ressemble avant tout à un conte, mais pas vraiment pour les enfants… L’aspect coquin est parfaitement assumé jusqu’au bout. Alors certes, étant donné le format du livre, l’histoire est relativement simple, question de place. Il ne faut pas attendre de miracle pour ça. Mais il faut bien avouer qu’on sourit souvent dans cette bande-dessinée. Et une fois n’est pas coutume, la fin est réussie. C’est toujours bon à signaler.

Le format à l’italienne n’est pas le moyen le plus évident à exploiter pour l’auteur de BD. Zelba s’en sort très bien, variant le découpage constamment. L’histoire alterne pages muettes et pages dialoguées avec rythme, évitant à l’ouvrage de devenir trop bavard.

Au niveau du dessin, Zelba alterne les cases fermées et ouvertes. De façon générale, le tout est très libre et dense, mais la lecture est toujours aisée. C’est du beau travail. Zelba possède un trait personnel et c’est tant mieux. Les couleurs sont particulièrement réussies. C’est clairement un des points forts du livre.

Au final, « Jeanne et le jouet formidable » est un ouvrage sympathique et coquin, sans prétention. S’il y aurait à redire sur certains détails, il serait dommage de bouder son plaisir. Force est de constater qu’après la lecture, on garde le sourire aux lèvres. N’est-ce pas l’essentiel après tout ? 

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Note : 13/20

Block 109, S.H.A.R.K. – Vincent Brugeas & Ryan Lovelock

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Titre : Block 109, S.H.A.R.K.
Scénariste : Vincent Brugeas
Dessinateur : Ryan Lovelock
Parution : Février 2012


Ronan Toulhoat et Vincent Brugeas sont les auteurs d’une uchronie particulièrement réussie : « Block 109 ». Ce roman graphique paru il y a plus de quatre ans prend ses libertés avec l’Histoire en faisant assassiner Adolf Hitler le 22 mars 1941. Suite à son succès, la série a fait des petits. Cinq spin-off sont nés depuis. Le dernier en date, édité cette année chez Akileos, s’intitule « S.H.A.R.K. ». C’est sur cet album que se porte ma critique.

La quatrième de couverture évoque le contexte de l’histoire : «  Novembre 1946, le prisonnier Worth, membre du S.H.A.R.K., un parti politique raciste australien, est transféré au centre de détention de Rabbit Flat, le plus grand camp de prisonniers d’Australie regroupant près de 4000 détenus de guerre allemands, dont une majorité de SS, ainsi que des activistes du S.H.A.R.K. » 

À chaque opus son identité.

Block109Shark1Chaque nouvel opus de la saga s’insère dans des contextes géographiques et politiques différents. Chacun possède une identité propre et la plupart du temps emballante. Le dernier épisode en date n’échappe à la règle en immergeant le lecteur en Australie au milieu d’une prison perdue au milieu de nulle part. Je dois vous avouer que le décor m’attirait beaucoup. La perspective d’être enfermée dans un huis clos carcéral semblait être un terreau fertile à une atmosphère oppressante et envoûtante. Il s’agit d’une recette scénaristique classique mais qui, bien exécutée, peut offrir une savoureuse dégustation.

La narration début par l’apparition d’un nouveau « locataire ». Worth est amené à jouer un rôle central au cours des événements qui nous sont contés. Sa présence sur la couverture confirme ce statut à venir. Il s’agit d’une tête brûlée qui a des rapports conflictuels avec l’autorité. Ce n’est pas original mais toujours efficace. A peine arrivé, il envisage déjà de se faire la malle. Pour cela, il doit entrer en contact avec Otto, un ancien de la SS, qui s’avère être le patron officieux des lieux.

L’intrigue se construit donc autour de la mise en place d’un putsch. Evidemment, tout cela n’est pas un long fleuve tranquille. Otto et Worth doivent apprendre à se connaître et doser leurs confiances respectives. Il y a aussi le montage pratique de leur tentative de prise de pouvoir. Les auteurs font exister un grand nombre de personnages secondaires plutôt réussis. Ils participent à la crédibilité de cet univers. Néanmoins, l’atmosphère n’atteint jamais la densité que le pitch laissait espérer. Rien n’est bâclé, loin s’en faut. Le travail est sérieux et appliqué. Mais la sauce ne prend jamais autant que découverte de la trame le présageait. L’histoire se déroule avec plaisir mais sans être aussi dense que d’autres épisodes de la saga.

Ce nouveau tome se démarquait des précédents par un changement de dessinateur. Très occupé par « Chaos Team », Ronan Toulhoat passait son tour pour illustrer ce « S.H.A.R.K ». Le travail est donc ici confié à Ryan Lovelock dont je découvre le trait à cette occasion. La transition se fait sans mal tant le style du nouveau est dans la ligné de celui de son prédécesseur. Que ce soit les personnages ou les décors, tout est réussi. Que ce soit les gros plans ou les visions larges, ils sont remarquables. De plus, les dessins participent activement à la nervosité qui habite les planches.

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Pour conclure, « S.H.A.R.K. » est un acte intéressant de la grande pièce qu’est « Block 109 ». Malgré tout, je n’y ai pas retrouvé l’intensité et la force de « Opération Soleil de Plomb » ou « New York 1947 ». Il satisfera les adeptes de la série et rassurera les lecteurs qui appréhendaient l’absence de Ronan Toulhoat aux dessins. Ryan Lovelock est aisément adoubé après sa performance graphique dans cet album. « Block 109 » confirme son statut d’uchronie de qualité. Il ne me reste plus qu’à espérer que les prochains tomes confirmeront cet état de fait. Mais cela est une autre histoire…

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Note : 13/20

Châteaux Bordeaux, T3 : L’amateur – Eric Corbeyran & Espé

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Titre : Châteaux Bordeaux, T3 : L’amateur
Scénariste : Eric Corbeyran
Dessinateur : Espé
Parution : Mars 2013


« Châteaux Bordeaux » est une série née il y a deux ans de la collaboration d’Eric Corbeyran et Espé. Son objectif était de faire naître une histoire dans l’univers du vin et de ses vignobles. Le premier tome m’avait plu. La dimension familiale de l’intrigue couplée à son immersion dans un milieu qui m’était inconnu avait fini de me conquérir. Ma critique d’aujourd’hui évoque le dernier épisode en date. Paru chez Glénat le treize mars dernier, « L’amateur » est le troisième opus de la saga. Sa couverture nous présente son héroïne, Alexandra, dans une cave habitée de nombreuses bouteilles qu’on suppose pleines de secrets.

La quatrième de couverture de l’album présente plutôt bien les enjeux de la trame : « Suite à la mort de son père, Alexandra Baudricourt est déterminée à reprendre en main le « Chêne Courbe », vaste propriété viti-vinicole que sa famille possède au cœur du Médoc. La belle héritière avait bien conscience de l’humilité dont il lui faudrait faire preuve pour apprendre le métier de vigneron, car la fabrication d’un grand cru ne s’improvise pas, mais elle n’imaginait pas que son domaine allait faire tant de convoitises, de jeu de dupes et de manipulations… »

L’intrigue fait du surplace.

Le premier tome nous présentait la situation. Les lieux et les personnages nous étaient décrits. La construction était rigoureuse, la curiosité attisée. Le deuxième se centrait davantage encore sur le personnage d’Alexandra qui se lançait pleinement dans son aventure entrepreneuriale. On suivait ses pas avec plaisir. Le dénouement faisait attendre avec impatience le troisième volet. J’étais donc optimiste en découvrant les premières pages de « L’amateur ».

ChateauxBordeaux3bL’histoire démarre par l’apparition d’un nouveau personnage. Il prend les traits d’un américain prénommé Logan. Il se présente comme étant photographe et rencontre l’héroïne au cours de son travail artistique. Il est intrigant. On se doute que le Bostonien ne nous dit pas tout et possède quelques secrets. Cet apport est attrayant et amène une nouvelle corde à l’arc narratif. Le nouveau venu apparaît tout au long de l’album et s’avère être un fil conducteur des pérégrinations d’Alexandra.

Si on met de côté l’arrivée de ce protagoniste, l’intrigue a tendance à faire du surplace. Le scénario distille beaucoup d’informations mais de manière, à mes yeux, trop brouillonne. On a droit à des flashbacks historiques, à des discussions familiales, à des problèmes techniques ou encore à des cadavres dans les placards. Bref, les ingrédients sont nombreux. Mais l’assaisonnement est mal dosé. C’est dommage. Au final, quand j’ai refermé le bouquin, j’ai pensé très fort : « Tout ça pour ça ! ». La conclusion de cet acte aurait pu arriver bien plus tôt dans l’histoire et cela aurait offert une lecture plus dense et prenante.

L’histoire se déroule dans le vignoble bordelais. Le fait d’être inscrit dans une réalité impose une certaine rigueur dans le travail de documentation. Le travail d’Espé sur les décors est sérieux. On n’a aucun mal à se sentir dans les rues bordelaises ou dans les vignes locales. Le dépaysement n’est pas envoutant mais il existe. Ce n’est déjà pas si mal. Les personnages sont dessinés avec précision. Je ne peux pas dire qu’ils soient attachants graphiquement mais je n’ai aucun à les différencier et me les approprier malgré leur nombre important.

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En conclusion, mon impression est un petit peu mitigée. Ce troisième tome est de mon point de vue le moins abouti de la série. Je n’irai pas jusqu’à dire qu’il est mauvais. Ce n’est pas le cas. Par contre, je n’ai pas retrouvé l’attrait qui se dégageait de la lecture des deux premiers opus. Cela ne m’empêchera pas d’attendre la suite avec curiosité en espérant que l’intrigue trouvera un second souffle et offrira une lecture pleine de plaisir…

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Note : 13/20