Maurice et Patapon, T6 : Mariage pour tous ! – Charb

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Titre : Maurice et Patapon, T6 : Mariage pour tous !
Scénariste : Charb
Dessinateur : Charb
Parution : Mai 2013


Je n’ai jamais lu Charlie Hebdo. Je ne suis pas hermétique à ce type de presse mais disons que l’occasion ne s’est jamais présentée de m’y plonger. Ce n’est donc pas par ce chemin que j’ai découvert Charb. En effet, ma rencontre avec cet auteur a eu lieu grâce un de mes anciens collègues qui m’a mis dans les mains le premier tome de Maurice et Patapon. Je suis tombé sous le charme de ses deux personnages uniques dans leur genre. Depuis, je guette la parution de chaque nouvel épisode dans les librairies. Le dernier en date s’intitule Mariage pour tous !. Edité chez Les Echappés Charlie Hebdo, il est apparu dans les rayons en mai dernier. Son prix avoisine quatorze euros. La couverture, sur fond vert, nous présente le chien et le chat en costume de mariés. Cette illustration est pleinement en accord avec le titre et l’actualité.

Notre premier contact visuel pourrait laisser croire que cet album surfe sur un sujet vendeur et dans l’air du temps. Ce n’est absolument pas le cas. De mémoire, quasiment aucun des strips n’évoque le mariage gay. Cet ouvrage se compose d’une soixantaine de pages. La majorité des planches est partagée en trois bandes de trois cases chacune. Elles sont toutes indépendantes les unes des autres. Certains gags se déroulent sur une seule page mais ils sont minoritaires. La structure de l’album incite à le feuilleter. Néanmoins, cela ne m’a pas empêché de le dévorer d’une seule traite.

Des réflexions sur la connerie humaine qui sont de vrais moments de bonheur.

On pourrait croire que Charb axe la majorité de son travail sur le dessin satirique et sur l’actualité. Ce n’est pas tout à fait le cas. L’auteur ne se concentre pas sur des événements précis pour développer son message. Ses histoires se rapprochent davantage de grande vérité sur la société et s’avèrent finalement assez intemporelles. Ces réflexions sur la connerie humaine sont de vrais moments de bonheur. Il énonce un grand nombre d’évidences avec un style brut de décoffrage qui déclenchent sans aucun mal de vrais rires francs. Il faut par contre vous prévenir que le style est loin d’être politiquement correct et pourrait choquer ou mettre mal à l’aise les lecteurs les plus sensibles.

Charb est incontestablement un des meilleurs dans le domaine de l’humour scatologique. Il n’y a quasiment pas un seul gag qui ne voit pas apparaitre les défections du chien. Ce dernier évoque ses « productions » comme une personne. Les phrases fusent et raviront les adeptes du genre. J’ai vraiment ri de bon cœur tout au long de ma lecture. Quand les « merdes » ne sont pas de sortie, le sexe fait une entrée remarquée. Le gras trouve une place de choix dans cet ouvrage ! La sodomie, la zoophilie, la fellation… Rien n’est oublié ! Je suis assez impressionné par la capacité de Charb à générer autant de strips avec finalement aussi peu d’ingrédients de départ. C’est un vrai talent. Il arrive à produire plus de cent cinquante gags de grande qualité. La densité humoristique de l’ensemble est bonne. Il n’y a vraiment pas grand-chose à jeter.

Le dessin est facilement reconnaissable. Quiconque a déjà eu l’occasion de voir une illustration de Charb n’aura aucun mal à identifier son trait. D’apparence assez simple, il s’accorde parfaitement avec le propos de l’album. Quand le contenu est aussi gras et scatologique, il est important que le graphisme n’atténue pas le ton. Les expressions de Maurice et Patapon accentuent encore le côté incorrect de l’album. Les couleurs sont minimalistes. La majorité des strips ne voit aapparaîtreque l’orange de Maurice et le jaune de Patapon. Certaines cases voient aapparaîtrele vert de l’herbe, une burqa bleue ou du sang rouge. Mais tout cela reste anecdotique.

Au final, Mariage pour tous ! a répondu à mes attentes. J’ai beaucoup ri et ai aimé être choqué ou outré par certains propos de Charb. Je ne suis pas d’accord avec tous ses excès mais cela ne m’empêche de prendre beaucoup de plaisir à le lire déblatérer ses quatre vérités. Je ne peux donc que conseiller à tout le monde de partir à la découverte de Maurice et Patapon. Vous serez peut-être conquis mais pourquoi ne pas courir le risque de trouver cela drôle ? 

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Note : 14/20

Chaos Team 2.1 – Vincent Brugeas & Ronan Toulhoat

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Titre : Chaos Team 2.1
Scénariste : Vincent Brugeas
Dessinateur : Ronan Toulhoat
Parution : Mai 2014


 J’ai découvert Vincent Brugeas et Ronan Toulhoat à travers leur travail sur « Block 109 ». J’avais été conquis par la qualité de cette uchronie tant sur le plan du scénario que du dessin. Les différents spin-off qui ont succédé à cet ouvrage ont confirmé le talent de ce duo d’auteurs. C’est avec curiosité que j’avais vu naître leur nouveau projet intitulé « Chaos Team ». Cette saga futuriste post-apocalyptique   semblait posséder un potentiel certain. Les deux premiers tomes l’ont confirmé. Le troisième épisode est apparu dans les bacs en mai dernier. J’ai pris le temps de m’y plonger la semaine dernière avec envie.

J’y ai retrouvé avec joie l’équipe de mercenaires construites autour du charismatique John Clem. L’histoire nous faisait découvrir une Terre ayant subi une attaque extra-terrestre. S’en était suivi un effondrement des gouvernements et le terreau était propice à la poussée de nouveaux mouvements extrémistes pour diriger le monde. Les derniers événements en date avaient vu les héros rejoindre les Etees, venus de l’espace. Ils les aident maintenant dans leur quête d’éradiquer de la planète les ennemis de la paix.

Un futur apocalyptique réaliste et original.

ChaosTeam21aLes adeptes de science-fiction devraient trouver leur compte de cette aventure. Le futur apocalyptique créé par les auteurs est à la fois réaliste et original. Les premiers tomes ont fait naître une atmosphère dense qui envahit le lecteur sans mal. Sans tomber dans de longs monologues, le scénario pose des jalons clairs et précis de la situation. Cette efficacité narrative se retrouve dans ce dernier épisode. Aucune phase de mise en route et d’observation n’est nécessaire pour démarrer l’intrigue. Dès les premières pages, les événements s’emballent et tout ce beau monde entre dans le vif du sujet. Les neuf mois qui séparent du dénouement du deuxième tome sont avalés sans mal.

La coalition menée par les Etees et la Chaos Team vole de victoire en victoire. La confiance envahit les protagonistes qui voient chaque mission comme une nouvelle étape de routine vers le succès. C’est le moment choisi pour qu’un nouveau méchant apparaisse. Il se fait appeler le Tsar. Ancien générale russe, il semble nostalgique de la Grande Russie. Perçu dans un premier temps comme un illuminé perdu au milieu d’un village, il s’avère bien plus dangereux que cela. Le souci est que les héros s’en sont peut-être rendu compte un petit peu trop tard. La seconde partie nous offre donc la fine équipe tombée dans un piège. C’est captivant car plein de surprise. Cela génère un nouveau souffle à l’intrigue. La force des auteurs est d’enchainer les péripéties sans jamais tomber dans la répétition.

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L’autre force de l’album est de ne pas surexploitée la dimension « extra-terrestre » de l’histoire. Elle est habilement exploitée pour donner de l’ampleur à la trame. Mais le dosage est suffisamment bon pour ne pas trop empiéter sur la place laissée aux personnages. Ce sont eux qui donnent le titre de la série et ce n’est pas pour rien. Une nouvelle fois, j’ai retrouvé avec plaisir John Clem et ses acolytes. Je me garderai de vous lister le casting. Cela n’a aucun intérêt. Je ne veux pas vous cacher les charmes de la rencontre. Il faut juste savoir qu’ils sont particulièrement « badass » : cool, charismatique et roi de la gâchette. Et parallèlement, on se laisse toucher par ses écorchés vifs que la vie n’a pas épargnés. Bref, des bons guerriers comme on les aime !

Et tout cela est mis en valeur par le trait de Ronan Toulhoat. Il m’avait séduit dans « Block 109 ». Depuis, il entretient la flamme à chaque nouvel opus. Ce « Chaos Team 2.1 » ne dément pas cet état de fait. Son coup de crayon possède une personnalité forte et appréciable. Que ce soit les visages ou les scènes de paysage, les détails sont de sortie. Il a également un talent impressionnant pour donner du rythme et de la tension aux scènes de combat. Sa capacité à dégager une lecture nerveuse de ces moments est remarquable. Il s’agit à mes yeux d’un des meilleurs dessinateurs de ces dernières années.

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Au final, cet opus de « Chaos Team » confirme la qualité constante de cette série. Sans être un monument d’originalité, sa trame est rythmée et sa narration efficace. J’attends avec impatience de connaître la suite de tout cela. La lecture est prenante et divertissante. Je vous conseille donc de partir à la découverte de cette communauté pas comme les autres…

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Note : 14/20

Le steak haché de Damoclès – Fabcaro

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Titre : Le steak haché de Damoclès
Scénariste : Fabcaro
Dessinateur : Fabcaro
Parution : Juillet 2005


Faut-il être névrosé pour être auteur de bande-dessinée ? En lisant les différentes autobiographies, on peut se le demander… Ainsi, Fabcaro démarre « Le steak haché de Damoclès » sur ces mots : « une bande-dessinée sur mes problèmes de communication ? J’ai aucune envie d’étaler mes névroses… ». L’auteur rentre ici dans un travail d’introspection. Et qui dit introspection, dit forcément anecdotes… Histoire de justifier ses dires.

Le titre de l’ouvrage vient justement de la première anecdote où Fabcaro, encore enfant, doit aller acheter une baguette de pain. Il reviendra avec un steak haché… De là démarre ses problèmes de communication. Ceux-ci sont avant tout l’incapacité à se concentrer sur ce que racontent les autres et son impossibilité à dire « non ». De ces handicaps en résultent nombre de quiproquos avec un peu tout le monde.

Comment s’assumer comme auteur de bande-dessinée ?

Cependant, rapidement les anecdotes de l’auteur font apparaître d’autres problèmes récurrents dont la difficulté à assumer son statut d’auteur de bande-dessinée (il faut avouer qu’il n’est pas aidé !). Ainsi, dès que la situation financière devient difficile, le spectre du « concours de prof » ressort. Ayant des enfants, Fabcaro ne peut pas se permettre la précarité. C’est un vrai sujet, traité avec beaucoup d’humour certes, mais qui doit être terrible pour les auteurs de BD.

Etant donné toutes les névroses dont je viens de parler, on pourrait penser que Fabcaro s’apitoie sur son sort et se donne finalement une image pathétique. Ce n’est évidemment pas le cas. Capable d’une autodérision impressionnante, l’auteur ne se cherche aucune excuse (à part la lâcheté, c’est dire !). Résultat, le tout est diablement drôle. On est parfois stupéfait par les situations dans lesquelles arrive à se mettre l’auteur simplement parce qu’il est incapable de communiquer correctement. Ainsi, quand on l’appelle par un prénom différent, il n’arrive pas à dire « ce n’est pas Fabien, c’est Fabrice ». Et de là découle un problème insoluble.

Cette autobiographie, centrée sur les problèmes de communication, est un peu bordélique quand même. Les anecdotes sont plus ou moins pertinentes et à des périodes très différentes de la vie de l’auteur. Cependant, Fabcaro ouvre correctement son bouquin (en présentant le sujet) et le referme lorsque sa copine lit l’ouvrage en question. Cela compense l’aspect un peu décousu de l’ensemble.

Au niveau du dessin, j’ai été séduit par le travail de Fabcaro. Entièrement en noir et blanc, le trait est dynamique et bien plus complexe qu’il peut paraître à première vue. L’expressivité des personnages (et notamment de l’auteur) sont en effet de grands renforts à l’humour déjà très drôle.

Difficile de savoir si Fabcaro exagère ou pas ses névroses. Et après tout, on s’en moque et on rit souvent devant les aléas de son avatar. Il arrive à gérer des gags récurrents et à illustrer les angoisses du personnage tant graphiquement que dans les dialogues de façon vraiment talentueuse. Une autobiographie intéressante et, parfois, hallucinante !

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Note : 14/20

Pierre Tombal, T30 : Questions de vie ou de mort – Raoul Cauvin & Marc Hardy

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Titre : Pierre Tombal, T30 : Questions de vie ou de mort
Scénariste : Raoul Cauvin
Dessinateur : Marc Hardy
Parution : Avril 2014


Pierre Tombal est un héros qui est né pour moi dans la bibliothèque de mes parents. J’ai lu et relu la petite quinzaine d’album du célèbre fossoyeur qui agrémentait les étagères familiales. Les années passant, je n’ai jamais coupé le lien avec ce héros assez unique dans son genre. Je m’offre régulièrement un recueil de ses aventures comme on s’autoriserait une jolie pâtisserie au détour d’une rue. Le dernier des épisodes que je me suis offert est le trentième de la série. Il s’intitule « Questions de vie et de mort ». Sorti en avril dernier, il est l’œuvre conjointe du scénariste Raoul Cauvin et du dessinateur Marc Hardy. Les couleurs sont confiées au Studio Cerise.

Le site BD Gest’ (www.bdgest.com) présente l’album avec les mots suivants : « Qui a dit qu’avec la mort, tout s’arrête ? Certainement pas Pierre Tombal, qui gère au quotidien ses pensionnaires du cimetière avec leurs hauts, leurs bas, leurs doutes et leurs chamailleries. Perpétuellement taquinée par la Vie, Mme la Mort n’entend pas céder un pouce de terrain aux effronteries des uns et des autres. Œil pour œil, dent pour dent, telle est sa devise ! Et ce n’est pas toujours de tout repos… » 

PierreTombal30aPierre Tombal est fossoyeur. Nous partageons son quotidien tout au long des quarante-cinq planches qui se découpent en gags allant chacun de une à trois pages. Les auteurs nous font visiter un cimetière tout au long de la lecture. Les rencontres sont nécessairement originales et cocasses. Je trouve l’idée inédite et habilement exploitée depuis tant d’années. J’étais confiant quant au bonheur que m’inspirerait ce nouveau tome.

Pourquoi construire une série humoristique au milieu des tombes funéraires ? Ce sont des lieux généralement associés à la douleur, la tristesse, l’abandon ou la perte. Les blagues s’appuient rarement sur cet endroit-là et les comédies naviguent peu dans ces eaux. Cela rend l’idée intrigante et intéressante. Elle attise la curiosité. Le potentiel comique du concept était nébuleux mais le jeu méritait d’être tenté. La plume de Raoul Cauvin allait valider ce choix. La première réussite est son héros. Pierre Tombal est un fossoyeur sympathique et attachant. Il se montre accueillant envers le lecteur. Ce n’est pas la moindre des qualités tant elle semble antinomique des décors qui l’abritent. Il arrive à rendre son métier passionnant et plein d’aventures.

“La Faucheuse devient la vraie star de l’histoire. “

Les premiers tomes se contenaient au monde des vivants. Au fur et à mesure de la parution des albums, d’autres protagonistes sont intervenus. Les premiers à entrer dans la danse sont les locataires des lieux : les morts. Ils interagissent avec le fossoyeur et les visiteurs et font ainsi naître une corde scénaristique riche. Enfin, les auteurs ont personnalisé la Mort et la Vie. L’idée est prenante car la Faucheuse devient même la vraie star de l’histoire.

PierreTombal30cCette diversité d’angles d’attaque permet de varier la structure des gags. A ce niveau-là, ce trentième opus est une réussite. Depuis toujours, Pierre Tombal conte aux visiteurs de son cimetière des causes ou des circonstances de décès abracadabrantesques. L’imagination de Cauvin dans le domaine n’est pas éculée. Il offre des anecdotes très drôles mettant en jeu un accident d’avion ou une manœuvre de Heimlich par exemple. Mais la vie dans ce lieu de repos éternel ne se résume à cela. La dimension professionnelle du fossoyeur est utilisée pour nous faire rire. Le vidage de l’ossuaire devient un moment très plaisant pour le lecteur.

Une société de l’au-delà identique à celle des vivants.

Mais les auteurs ne se contentent d’exploiter le lieu du côté des vivants. Les morts sont les vraies stars de cet album. Un des principes de base posé par le scénariste est que la société de l’au-delà est régie d’une manière identique que celle qui nous est familière. Il est désopilant de voir un mort refusé de voir sa tombe délocalisée, de subir les excès d’un mort interné psychiatrique ou de découvrir la manière utilisée par un défunt pour répondre à son courrier. Là encore, le terreau narratif s’avère très fertile.

Il reste un dernier axe comique à l’aura certaine : la Mort. Même si elle cohabite avec la Vie dans le quotidien de Pierre Tombal, c’est elle qui est la vraie star. Il faut dure que la découvrir sous sa capuche brune escortée de sa légendaire faux génère une plus forte personnalité que la jeune fille qui représente la Vie. Tout en conservant son pouvoir de nuisance certain, la grande faucheuse possède ici des faiblesses. Cet album l’expose dépressive, jalouse, heureuse, dans le doute, reconnaissante, méchante… Bref, l’échantillon émotionnel est large et présente une vision des plus originales de la Mort. Cet axe est parfaitement cultivé dans « Questions de vie et de mort » pour la plus grande joie du lecteur.

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Le dessin de Marc Hardy accompagne merveilleusement les gags. Son style possède une vraie identité et il se retrouve qu’elle s’accorde avec le ton de la narration. Pierre Tombal est un héros au caractère graphique certain. Les différents visiteurs qui agrémentent les histoires sont également bien construits. Enfin, j’apprécie particulièrement les expressions des morts que je trouve hilarantes. Pour conclure, « Questions de vie et de mort » est un bon cru. Il est rare de voir un album composé de gags courts être d’une qualité constante. C’était un plaisir de la lire et ce sera une joie de s’y replonger à l’occasion…

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Note : 14/20

Comme tout le monde – Rudy Spiessert, Denis Lapière & Pierre-Paul Renders

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Titre : Comme tout le monde
Scénaristes : Denis Lapière & Pierre-Paul Renders
Dessinateur : Rudy Spiessert
Parution : Octobre 2007


Au départ, il y a un scénario. De ce scénario originel accoucheront deux œuvres : la première sera un film, la seconde une bande-dessinée. « Comme tout le monde » n’a pas laissé beaucoup de souvenirs aux cinéphiles, qu’en est-il de sa version dessinée qui se veut une « version longue » de son cousin sur grand écran. L’ensemble pèse quand même 140 pages, ce qui laisse aux auteurs le temps de développer les enjeux et les personnages. Publié chez Dupuis, le livre est dessiné par Rudy Spiessert et scénarisé par Denis Lapière et Pierre-Paul Renders.

CommeToutLeMonde2Tout commence par une émission, la bien nommée « comme tout le monde ». Sur le principe de « La famille en or », les participants doivent trouver la réponse la plus souvent citée par un panel de sondés. Or, le grand champion Jalil ne se trompe jamais. Au point qu’il définit la plus pur français moyen. Une aubaine pour les marques qui peuvent l’utiliser comme panel à moindre coût. Mais à son insu…

 Voyeurisme & célébrité

« Comme tout le monde » s’intègre parfaitement dans un monde de voyeurisme et de télé-réalité. La célébrité du français moyen qui exhibe son intimité est traitée ici. Si le sujet de la bande-dessinée n’est simplement jamais crédible, on se prend au jeu de cette histoire qui sait nous dévoiler les secrets petit à petit. Quelques retournements de situation sont bien vus et surprendront le lecteur. En cela, la pagination importante est adaptée, permettant de développer pleinement tous les aspects de l’histoire.

CommeToutLeMonde1C’est peut-être au niveau des personnages que l’ensemble pêche un peu. Jalil, trop moyen, manque vraiment de charisme. C’est son personnage, certes, mais on n’a finalement que très peu de sympathie pour lui, au contraire de sa jeune compagne, à laquelle on s’attache. Mais le tout manque cruellement d’analyse. Claire accepte de se mettre en couple pour de l’argent, sans que la notion de prostitution ne soit relevée. C’est bien un livre de chez Dupuis qui reste bien gentillet. On aurait pu imaginer une critique mordante, ce ne sera pas le cas. Dommage, car le sujet est plutôt intéressant et la narration bien menée.

Au niveau du dessin, Rudy Spiessert est à lui seul un argument pour le bouquin. Clairement influencé par Dupuy et Berberian, il propose un dessin simple en apparence mais très riche, à la mise en scène soignée. Une véritable découverte et un auteur à suivre assurément.

« Comme tout le monde » est un ouvrage qui se lit d’une traite, ménageant son suspense intelligemment. Hélas, on sent qu’avec un sujet pareil, le livre aurait pu être plus intéressant en étant plus sombre ou cynique. Une sympathique découverte.

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Note : 14/20

Le Siècle des Ombres, T3 : Le Fanatique – Eric Corbeyran & Michel Suro

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Titre : Le Siècle des Ombres, T3 : Le Fanatique
Scénariste : Eric Corbeyran
Dessinateur : Michel Suro
Parution : Janvier 2012


« Le Fanatique » est le troisième tome de « Le siècle des ombres ». Cette série est scénarisée par Eric Corbeyran et dessinée par Luca Malisan. Elle s’inscrit dans l’univers des Stryges comme « Le chant des Stryges », « Le maitre de jeu » et « Le clan des chimères ». Je possède l’intégralité des tomes parus dans ce monde et guette chaque nouvelle arrivée dans les librairies. « Le Fanatique » est sorti récemment dans les bacs. Edité chez Delcourt, il est d’un format classique et l’histoire se déroule sur presque cinquante pages. La couverture nous présente le baron d’Olbach en train de fuir un navire en flamme. Pour cela il pénètre dans une espèce de sous-marin sphérique. Il restait donc à se plonger dans la lecture pour connaitre les mésaventures qui arrivent à ce cher baron…

La quatrième de couverture nous présente la série avec les mots suivants : « 1751. Quelques décennies avant la Révolution française, un vent d’idées nouvelles souffle à travers l’Europe. Un vent de progrès et de liberté… Mais au cœur de ce siècle des lumières, la découverte d’une étrange météorite à l’autre bout du monde ravive de vieux antagonismes. Au service du cardinal d’Orcières, Cylinia et Abeau de Roquebrune se lancent alors aux trousses du baron d’Holbach, philosophe et encyclopédiste éclairé, qu’ils soupçonnent d’être l’insaisissable Sandor G. Weltman. Cette traque se double d’une lutte acharnée pour la possession de cette pierre aux mystérieux pouvoirs… »

lesiecledesombres3aL’histoire se déroule au dix-huitième siècle. Il s’agissait d’un des attraits de la série car j’ai rarement lu des aventures se déroulant à cette époque-là. L’originalité est d’autant plus forte que rare est l’insertion du fantastique dans cet univers. Cet apport est savamment dosé et offre une intrigue bien construite. Il me parait assez intéressant d’avoir lu au moins « Le chant des stryges » pour maîtriser les tenants et les aboutissants de la trame. Quelques prérequis m’apparaissent nécessaires pour maîtriser les sous-entendus entre certains des personnages principaux.

“La richesse du personnage prend une réelle ampleur dans cet ouvrage.”

Les deux premiers albums se déroulaient en grande partie en Amérique du Sud. On y avait trouvé une pierre aux vertus intrigantes. Les pérégrinations des protagonistes nous avaient amené à faire des découvertes qui ne laissaient pas indifférent. A la fin du précédent opus, il était l’heure de rentrer en Europe. La conséquence est que « Le fanatique » se déroule sur le Vieux Continent. Cet opus se construit essentiellement autour du personnage du baron d’Holbach. C’est assez passionnant pour le lecteur que je suis lesiecledesombres3bpour une raison simple. D’Holbach est un personnage obscur dans « Le chant des stryges ». Il existe parce qu’il est évoqué mais on ne le voit jamais. On a été frustré de ne jamais le croiser pendant des pages et des pages. Le fait de le côtoyer aussi aisément dans « Le Siècle des ombres » fait qu’on est vraiment curieux de tout ce qu’il peut nous apprendre. La richesse du personnage prend une réelle ampleur dans ce troisième ouvrage. On le découvre en bienfaiteur des sciences vivant pour un idéal humaniste. On partage bon nombre de ses pensées et de ses réflexions. On est curieux de se sentir de son côté après l’avoir considéré comme un méchant depuis des années. Ce revirement est original et subtilement dosé.

Les illustrations de Michel Suro sont de bonne qualité. J’ai découvert ce dessinateur dans cette série et je ne le regrette pas. Les personnages sont assez classiques mais ils s’avèrent assez dynamiques. Je trouve que le trait n’est pas figé et cela correspond parfaitement à cette quête ésotérique. Les différents décors sont bien construits et on n’a aucun mal à différencier les différentes destinations que nous font découvrir ces aventures. Chaque lieu est habité d’une ambiance et d’une atmosphère et c’est toujours agréable. Les couleurs sont appliquées par Luca Malisan qui offrent une lecture agréable et divertissante.

En conclusion, « Le Fanatique » offre une suite de qualité à l’histoire qu’on suit depuis quelques temps maintenant. Le scénario n’est pas dilué. En effet, on apprend toute une série d’informations intéressantes. Cela donne une dimension plus bavarde et moins active que dans l’opus précédent. Ce changement de rythme n’est pas gênant du fait de l’attrait des discours qu’on découvre. Je suis donc curieux de connaitre la suite pour savoir jusqu’où ira le jeu du chat et la souris entre d’Holbach et ses chasseurs. Mais cela est une autre histoire…  

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Note : 14/20

Le Siècle des Ombres, T1 : La Pierre – Eric Corbeyran & Michel Suro

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Titre : Le Siècle des Ombres, T1 : La Pierre
Scénariste : Eric Corbeyran
Dessinateur : Michel Suro
Parution : Mai 2009


Mon avis d’aujourd’hui porte sur le premier opus d’une nouvelle série de bandes dessinées intitulée « Le siècle des ombres ». Le premier tome, édité chez Delcourt, se nomme « La pierre ». Il est scénarisé par Eric Corbeyran et dessiné par Michel Suro. Les couleurs sont l’œuvre de Luca Malisan. Il est vendu au prix de 12,90 euros. Mon intérêt éveillé pour cette série est né de son lien avec les l’univers des Stryges. Je m’explique. Corbeyran est à l’origine de cet univers fantastique dans lequel notre réalité se voit confrontée à des créatures ailées, angoissantes et mystérieuses. Trois séries s’y déroulent déjà. « Le clan des chimères » et « Le maitre de jeu » se sont clos à la fin de leur sixième opus. Quant à « Le chant des stryges », son douzième album est sorti. Je suis un grand adepte de ce monde. Je guette depuis des années chacune des sorties d’album y étant lié. Ceci expliquait mon agréable surprise en tombant sur « Le siècle des ombres » dans les rayons.

« Le chant des stryges » et « Le maitre de jeu » ont lieu dans notre monde contemporain. « Le clan des chimères » se déroulait au Moyen-âge. « Le siècle des ombres » coupe la poire en deux en voyant son histoire éclore en 1751 aux confins du Brésil comme l’annonce la première case de l’album. On y découvre des esclaves travailler dans une mine sous des ordres de deux officiers. Mais leur travail est interrompu par la découverte d’un énorme rocher qui semble intriguer au plus haut point l’un des deux protagonistes qui décident de rentrer immédiatement en France pour évoquer cette découverte avec qui de droit…

lesiecledesombres_1aL’intérêt d’un premier tome est de chercher à nous faire pénétrer un nouvel univers. C’est un sentiment agréable de découvrir de nouveaux personnages, de nouveaux mondes, de nouvelles questions… On est toujours plein d’espoirs en découvrant de nouvelles pages. Est-on tombé sur une nouvelle pépite ? Attendra-t-on avec impatience la suite ? Comme je vous l’ai expliqué précédemment, cette série possédait à mes yeux un a priori très favorable. Néanmoins, cet état de fait était à double tranchant. La déception pouvait n’en être que plus grande. Ce n’est pas le cas. J’ai pris énormément de plaisir à découvrir cette nouvelle histoire. Le fait qu’il se trouve à l’intersection chronologique de tout ce qui était paru avant fait qu’on essaie inconsciemment de faire le lien avec ce qu’on sait déjà. On a même un sentiment assez original. On a l’impression d’en connaître bien plus que les personnages dans le sens où un pan de leur avenir lointain nous a déjà été conté. C’est assez anachronique comme aspect mais pas inintéressant.

“Fantastique, manipulation et quête en tout genre.”

Au-delà de son côté informatif sur l’univers des Stryges, « La pierre » est avant tout un album dans lequel se mêle fantastique, manipulation et quête en tout genre. On sent que les luttes vont être nombreuses, les découvertes pleine de surprises et les combats entre les protagonistes âpres. De plus, l’époque à laquelle se déroule l’histoire ajoute un aspect intéressant et dépaysant à l’ensemble. Le dépaysement est d’ailleurs approfondi par le voyage fait par les personnages dans la forêt amazonienne pour comprendre les secrets recelés par ce fameux rocher. On a l’impression d’assister à une quête archéologique et spirituelle dont les conséquences sur le monde semble être immense. C’est un domaine littéraire qui m’a toujours beaucoup plu.

lesiecledesombres_1bDe manière volontaire, je ne cherche pas à vous dévoiler de manière trop précise la trame. En effet, la grande partie du plaisir de la lecture réside dans l’excitation de découvrir la page suivante. Néanmoins, sachez que les jalons d’une histoire passionnante sont posés. De nombreuses questions sont posées, peu de réponses sont données. Bref, l’attente du deuxième opus est intense quand vous refermez l’album. Le problème que vous pourriez appréhender et le lien de cette série avec les autres précédemment citées. Il est évident que le fait de maitriser l’univers des Stryges vous offre une double lecture sur certaines scènes ou certaines révélations. Malgré cela, je pense que « La pierre » peut être lu de manière indépendante sans vous empêcher pour autant de maitriser sa trame.

Il est temps de vous parler des dessins. Michel Suro a déjà travaillé avec Eric Corbeyran dans l’univers des Stryges. C’est en effet sa plume qui avait dessiné les planches de « Le clan des chimères ». De la même manière que lors de la lecture de cette dernière série, je n’ai eu aucun mal à m’habituer à son style. Je le trouve assez agréable et facile d’accès. De plus, l’ensemble est assez coloré et agréable au regard. L’expression des personnages est plutôt bien rendue. Quant aux mouvements lors des batailles ou des poursuites sont joliment construits. Je trouve que les dessins se mettent complètement au service d’un scénario et de la narration. Sur ce plan-là, la réussite est au rendez-vous.

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Pour conclure, j’ai pris énormément de plaisir à découvrir cet album. La joie de retrouver cet univers est un de ses attraits principal pour moi. J’attends néanmoins la suite pour savoir si la richesse scénaristiques sera à la hauteur des autres sagas. En attendant, je guette avec attention la sortie du prochain opus. Pour ceux qui voudraient connaître l’univers des Stryges sans forcément commencer par « Le siècle des ombres », je vous conseille de commencer par « Le chant des Stryges ». Il s’agit de la trame centrale de l’ensemble. Elle vous permettra d’en apprendre beaucoup sur ces créatures mystérieuses. Bonne lecture…

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Note : 14/20

Moby Dick – Olivier Jouvray & Pierre Alary

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Titre : Moby Dick
Scénariste : Olivier Jouvray
Dessinateur : Pierre Alary
Parution : Avril 2014


« Moby Dick » est un roman de l’écrivain américain Herman Melville datant du milieu du dix-neuvième siècle. Je n’ai jamais eu l’occasion de le lire mais la mythique baleine qui donne son nom au bouquin fait partie de l’imaginaire collectif. J’ai donc accueilli avec joie et curiosité l’adaptation en bande dessinée coécrite par le scénariste Olivier Jouvray et le dessinateur Pierre Alary. Je connaissais le premier à travers son travail sur « Lincoln ». Quant au second, ce sont ses illustrations sur « Silas Corey » qui me l’ont fait rencontrer. L’ouvrage qui m’intéresse aujourd’hui est un bel objet de cent vingt-quatre pages édité chez Soleil dans la collection Noctambule. La couverture est une jolie image nous présentant une immense baleine attirer vers le fond un homme qui venait de la harponner. Elle dégage déjà une atmosphère forte.

MobyDick_1Le site BD Gest’ présente l’album avec les mots suivants : « Une adaptation fougueuse d’un monument de la littérature américaine, rythmée au gré des vents et des passions humaines ! Herman Melville, qui fut marin, s’inspira de faits réels pour donner naissance à Moby Dick – un chef d’œuvre de la littérature américaine, un livre culte qui inscrivit un nouveau mythe dans la mémoire des hommes : celui de la baleine blanche. Il y raconte – sous la forme d’une parabole chargée de thèmes universels – la quête furieuse, mystique, désespérée du capitaine Achab et son dernier affrontement avec Moby Dick. » 

Comme je l’ai écrit en introduction, je n’ai pas lu le roman de Melville. Je me garderai de toute comparaison entre les deux œuvres. Je ne donnerai pas mon opinion sur la rigueur ou pas de l’adaptation. J’ai donc découvert cet opus comme une production originale. Elle s’adresse aux lecteurs adeptes de grands espaces et d’aventure.

Un conteur omniscient.

L’histoire est narrée par un des marins ayant participé à la chasse du monstre marin. Il s’agissait de sa première sortie sur un baleinier. Il travaillait dans la marine marchande et était en quête d’adrénaline et d’aventure. Il se prénomme Ishmaël et sa première apparition le présente naufragé sur une barque au milieu de nulle part. Il est recueilli par un navire et décide alors de leur relater sa terrible histoire. Le choix d’opter pour une narration a posteriori offre une omniscience au conteur. Cela autorise une analyse sur les événements que rendrait impossible une trame vécue dans le feu de l’action.

MobyDick_3L’intrigue fait exister une jolie galerie de personnages intéressants. Il y a évidemment Ishmaël. Le capitaine Achab fait peur tant il est possédé par sa haine pour la bête. Sa folie est bien rendue par les auteurs. Plus en retrait, l’indien Queequeg est charismatique et le second du bateau, Starbuck, apporte un écot intéressant. Le bémol de cette quantité de protagonistes est qu’il faut trouver de la place pour tout le monde. En passant de l’un à l’autre, les auteurs génèrent de la frustration. Chacun aurait mérité d’être central et finalement aucun ne l’est totalement. Peut-être qu’en répartissant le temps consacré à chacun de manière moins égalitaire, cela aurait intensifié certaines scènes et aurait clarifié le statut dans l’histoire des uns et des autres. Néanmoins, le travail graphique de Pierre Alary offre à chacun une identité graphique forte. Sur ce plan, chaque apparition d’Achab ne laisse pas indifférent.

Partir sur la mer en quête de cette baleine légendaire fait naître une atmosphère d’aventure. Le côté isolé au milieu de nulle part de ce baleinier parti à la chasse est bien rendu. Les peurs propres à ce genre de trajet, la cohabitation dans un espace fermé, les interrogations sur l’issue de la quête… Tout cela transpire de chacune des pages. Le trait d’Alary engendre des décors forts. Il s’en dégage une angoisse, un sentiment d’enferment qui rend la lecture intense. Les choix de couleur accentuent cette sensation pour le plus grand plaisir du lecteur.

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Concernant l’histoire en elle-même, elle suit son cours sans réelle surprise. Ce n’est pas une critique, mais la trame est classique. Elle offre des moments forts et des moments plus apaisés mais ceux-ci sont dans les grandes lignes prévisibles. Mais cela n’empêche pas la lecture d’être agréable et plutôt prenante. Je me suis laissé porter sans avoir à me forcer. Cela fait de cet ouvrage un album de qualité tant sur la forme que sur le fond. Je pense qu’en mettant Achab plus au centre de l’histoire et en intensifiant la dimension « course d’un fou vers la mort », ce bouquin serait passé de bon à excellent. Mais cela n’est qu’un léger bémol sûrement marqueur d’une trop grande exigence de ma part…

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Note : 14/20

Johnny Jungle, T1 – Jean-Christophe Deveney & Jérôme Jouvray

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Titre : Johnny Jungle, T1
Scénariste : Jean-Christophe Deveney
Dessinateur : Jérôme Jouvray
Parution : Janvier 2013


Johnny Jungle a eu une vie mouvementée. Enfant sauvage, il fut élevé par des singes avant de se retrouver en pleine civilisation et de devenir champion de natation et star d’Hollywood. Aujourd’hui, Johnny est traqué et il se rappelle de sa jeunesse… « Johnny Jungle » est la première partie d’un diptyque. Ce premier tome fait plus de 70 pages et est publié aux éditions Glénat.

Tout rapport entre la vie de Johnny Weismuller n’est évidemment que pure coïncidence. Johnny ici est donc un mix de Tarzan et de Weismuller, ces deux derniers étant bien sûr très entremêlés. Dans cette fausse biographie, l’humour est le maître mot de l’aventure. Johnny se raconte avec une part de narration non-négligeable que vient renforcer les dialogues.

Johnny découvre la civilisation et le succès… au risque de s’y perdre ?

La méthode du flashback étant uniquement un prétexte à relancer le suspense à la fin du tome, on découvre la vie de Johnny avant tout de façon chronologique. On découvre sa vie dans la jungle avec sa mère et son copain frère de liane Kinka. Un curieux missionnaire allemand lui apprend à crier comme Tarzan… Mais c’est surtout sa rencontre avec Jane qui va tout changer. Johnny découvre la civilisation et le succès… au risque de s’y perdre ?

Si l’histoire en soit ne surprendra pas le lecteur (puisque ce n’est pas le but), c’est l’humour qui donne tout le sel à l’ouvrage. Le cynisme des auteurs pour l’humanité couplé à la naïveté de Johnny fonctionne parfaitement. Les seconds rôles sont parfaitement réussis, de l’imprésario au réalisateur, en passant par le missionnaire. De plus, entre les épisodes de la vie de Johnny, il nous est donné à voir un des personnages interviewé des années après l’histoire qui nous parle  de Johnny. Ces petits moments sont très drôles et donnent d’autant plus de piquant à l’ouvrage. On peut citer également les affiches de films, régulièrement parsemées dans le livre qui jouent le même rôle d’authentifier cette biographie.

Le dessin possède un trait expressif, parfaitement adapté à l’humour de l’ouvrage. Cependant, le dessin parvient à fonctionner également dans les passages où l’émotion se fait plus forte. Il faut mentionner en particulier le travail sur les décors, qui navigue de la jungle luxuriante à Paris ou New York. Ces derniers sont enrichit par des couleurs de toute beauté, partie intégrante du dessin. Le dessin est assuré par Jérôme Jouvray, épaulé aux couleurs par Anne-Claire… Jouvray ! On comprend alors comment les couleurs sont aussi intégrées dans le dessin de l’ouvrage. Une belle réussite.

« Johnny Jungle » est une très bonne surprise. Plein d’idée, à l’humour efficace, il présente une vision de la société (et notamment du cinéma) bien cynique. Proposé en diptyque, il ne reste plus qu’à espérer que la deuxième partie transforme l’essai !

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Note : 14/20

Tu mourras moins bête, T2 : Quoi de neuf, Docteur Moustache ? – Marion Montaigne

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Titre : Tu mourras moins bête, T2 : Quoi de neuf, Docteur Moustache ?
Scénariste : Marion Montaigne
Dessinatrice : Marion Montaigne
Parution : Septembre 2012


J’ai découvert le travail de Marie Montaigne à travers son blog. Chacun de ses nouveaux billets était un condensé d’humour et de science. L’auteur montrait une vraie capacité à rendre accessible la biologie, la physique ou la chimie à tout le monde grâce à un vrai talent de vulgarisation couplé à un ton réellement décalé. C’était donc avec beaucoup de joie que j’avais découvert la transcription de son univers sur papier via la parution de « Tu mourras moins bête – La science, c’est pas du cinéma ! ». Elle y regroupait toute une série d’histoire dont le point commun était le cinéma. L’ouvrage s’avérait être de qualité et a été accompagné dans les rayons d’un honnête succès critique. En septembre dernier, est sorti le second opus des aventures du docteur Moustache intitulé « Quoi de neuf, Docteur Moustache ? ». Le professeur nous plonge maintenant dans le corps humain. Et c’est loin d’être triste !

Comme dans l’épisode précédent, l’ouvrage se décompose en une succession de petites histoires tout au long des deux cent cinquante pages. Chacune est la réponse à une question telle que « Comment le corps traque les virus ? » ou « Comment ça marche, les rêves ? ». Cela permet de ne pas lire le bouquin d’une seule traite. On peut le feuilleter à tout moment en choisissant une page au hasard. La densité des propos fait qu’il est dur de digérer tout l’album d’une traite. Pour la savourer, il me parait indispensable de le lire en plusieurs étapes. Il ne faut pas voir dans cette remarque une critique. Les dialogues sont travaillés et une lecture trop longue risque d’empêcher d’en profiter pleinement.

On peut apprendre en s’amusant.

Le fait que Marion Montaigne vulgarise la science ne l’empêche pas de s’appuyer sur des vérités scientifiques étayées. Les références bibliographiques qui concluent le livre en sont la preuve. Cet album veut donner raison à la théorie qui dit qu’on peut apprendre en s’amusant. Il est donc à la fois drôle et intéressant de découvrir les réflexions du cerveau pour reconnaitre les gens ou le quotidien d’un globule blanc traquant les bactéries étrangères. Certaines anecdotes tendent davantage vers le côté universitaire, d’autre vers un côté plus graveleux. Mais dans l’immense majorité des exposés, l’équilibre science – humour est respecté.

On trouve quasiment une trentaine d’histoires. Elles ne sont évidemment pas toutes d’un même attrait. Certaines répondent à une interrogation très décalée : « Est-ce grave d’avoir un petit zizi ? » ou « Pourquoi l’ovulation de la femme est invisible ? ». D’autres sont plus classiques médicalement : « Comment fonctionne le système immunitaire ? » ou « Comment le corps traque les virus ? ». Enfin, certaines nous plongent dans l’Histoire auprès d’Ambroise Paré ou d’Aristote. Certains pourraient trouver que beaucoup des propos sont situés sous la ceinture. Je n’ai pas eu ce sentiment. De plus, il faut se l’avouer, bon nombre des interrogations concernant notre corps sont liées de près ou de loin à cet endroit.

Les dessins ne sont pas nécessairement faciles d’accès. Le trait apparait brouillon et négligé à la manière de celui d’un Reiser. Néanmoins, on s’y habitue rapidement et la capacité de Montaigne à donner un ton caricatural à ses illustrations participe à la bonhommie de la lecture. Les textes étant denses, il est important que les dessins ne surchargent pas davantage la page. L’auteur arrive à trouver cet équilibre en faisant disparaitre tout découpage apparent des cases et en se contentant de faire apparaitre le minimum de décors utile à la cohérence du propos.

Tout cela fait que « Quoi de neuf, docteur Moustache ? » un ouvrage de qualité qui s’avère assez unique dans son genre. Après le très réussi « La science, c’est pas du cinéma ! », l’essai est transformé avec ce voyage au plus profond de chacun d’entre nous. Je ne peux donc vous en conseiller la lecture. De mon côté, il ne me reste plus qu’à attendre la parution du prochain épisode. Mais cela est une autre histoire…

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Note : 14/20