Narcisse, T2 : Terra Nullius

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Titre : Narcisse, T2 : Terra Nullius
Scénariste : Chanouga
Dessinateur : Chanouga
Parution : Septembre 2015


Le premier tome de « Narcisse » m’avait un peu laissé sur ma fin. Malgré un dessin de haut niveau, la narration souffrait d’un rythme mal maîtrisé et d’une histoire qui ne se lançait vraiment qu’en toute fin d’album. Avec ce deuxième tome, Chanouga entre dans le cœur de son ouvrage : l’expérience d’un naufragé sur une île de cannibales. Le tout est publié chez Paquet pour soixante pages.

Narcisse, jeune mousse embarqué pour l’Australie, est échoué sur une île où sévissent des cannibales. Une expédition cherche à lui venir en aide (et à récupérer leur main d’œuvre chinoise), mais ils le considèrent comme mort. Pourtant, Narcisse va survivre et vivre parmi les autochtones pendant de nombreuses années.

Une vie parmi les cannibales.

Narcisse2aAprès un premier tome qui s’éternisait sur les premières expériences de Narcisse, on entre ici dans le vif du sujet. « Terra Nullius » s’intéresse exclusivement à la vie du jeune homme sur l’île. Ses débuts difficiles (et contestés) parmi la tribu, jusqu’à son départ. Le lieu unique permet à Chanouga de mieux maîtriser sa narration. En cela, la série s’améliore. Mais on sent l’auteur encore très attaché à ne relater que les faits dont il a connaissance. L’histoire reste parcellaire et on aborde plusieurs années en un seul tome. Là encore, certains événements restent peu traités en terme psychologique (on pense notamment au cannibalisme).

L’histoire prend un tour plus spirituel avec ce deuxième tome. C’est plutôt une réussite, Chanouga maîtrisant parfaitement ce genre de sujet et le mettant en image avec maestria. Car au-delà de l’esthétisme des pages de l’auteur, c’est son découpage qui est marquant. Ne cherchant jamais la facilité, il sait produire des planches marquantes.

Difficile de ne pas parler du dessin de Chanouga. Son choix d’absence d’encrage met en valeur son crayonné (dont on voit les traits de construction). Sa gestion des couleurs et des lumières est un modèle du genre. Son bleu-vert couplé à l’orange des cheveux de Narcisse fait des merveilles. Pleinement à l’aise avec la mer et la végétation luxuriante de l’île, on ne peut que s’extasier devant son dessin.

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Si les choix de narration et de scénario restent discutables, ce deuxième tome est plus réussi que le premier. Doté d’une unité de lieu (à défaut de temps), on reste un peu étonné de voir Narcisse si peu expressif face aux événements. Mais sans doute est-ce aussi l’originalité de cet ouvrage. Le jeune homme adopte pleinement la vie des autochtones et laisse véritablement de côté son ancienne vie. C’est cela qui perturbe le lecteur. À voir comment Chanouga clôturera cette série avec le troisième et dernier tome traitant du retour de Narcisse à la vie occidentale.

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note3

Narcisse, T1 : Mémoires d’outre-tombe

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Titre : Narcisse, T1 : Mémoires d’outre-tombe
Scénariste : Chanouga
Dessinateur : Chanouga
Parution : Avril 2014


J’avais été subjugué par le premier album de Chanouga. Son univers maritime et onirique m’avait beaucoup plus, soutenu par un graphisme personnel parfaitement adapté au sujet. Il revient cette fois avec une biographie sous forme de série, « Narcisse ». Prévue en trois tomes de 60 pages, elles font entre l’auteur dans un travail bien plus classique et réaliste. Le tout est publié chez Paquet.

Au rayon des constances, Chanouga reste dans l’univers de la mer. Il raconte l’histoire de Narcisse, un jeune garçon qui ressent l’appel de la mer. Contre l’avis de ses parents, il s’embarque comme mousse. Et de bateaux en bateaux, il finit par partir pour l’Australie. Mais c’est un naufrage qui l’attend…

Le difficile exercice de la biographie.

Narcisse1aSi la série doit avant tout parler de l’expérience de naufragé de Narcisse (vu les notes de fin d’ouvrage), ce premier tome s’attarde sur le personnage. Comment en est-il arrivé là, pourquoi veut-il naviguer… Tout cela est très classique et, honnêtement, peu passionnant. Tout va trop vite (ou pas assez, c’est selon) et la narration manque de fluidité. Quand on comprend à la fin du livre qu’on a affaire à une biographie, on comprend mieux le rythme un peu hâché du l’ouvrage. Chanouga manque un peu d’expérience pour le coup, n’arrivant pas à se détacher du sujet pour faire les coupes nécessaires dans la réalité ou, à l’inverse, pour broder et remplir les inconnues.

Malgré tout, l’histoire touche à la mer et cela ne laisse pas indifférent. Narcisse vieillit au long de l’ouvrage, devenant un jeune homme. Si les faits relatés sont suffisamment classiques, la montée en tension est réelle et la dernière partie, concernant le naufrage, ne laisse pas indifférent.

En revanche, le dessin de Chanouga, immédiatement reconnaissable, est une pure merveille. Même s’il est plus puissant dans les représentations abstraites et fantastiques que dans le réalisme pur, son trait non-encré est splendide et admirablement mis en couleur (avec un contraste de couleurs froides et chaudes maîtrisé). Certaines cases, certaines pages, sont particulièrement marquantes et nous laissent sans voix.

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Ce « Narcisse », bien plus terre-à-terre que « De profundis », nous laisse un peu sur notre faim. On a l’impression d’une narration et d’un rythme mal maîtrisé. Un peu de concision d’un côté, afin de s’attarder sur certains points ailleurs aurait été les bienvenus. Reste un graphisme enivrants qui sait nous faire oublier, un peu, ces écueils.

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note3

De profundis

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Titre : De Profundis
Scénariste : Chanouga
Dessinateur : Chanouga
Parution : Avril 2011


« Quelque part entre Ceylan et Bornéo, des pêcheurs racontent avoir autrefois ramené dans leurs filets un drôle de naufragé, une étrange créature chassé du pays des sirènes ». Voilà ce que l’on peut lire en quatrième de couverture de « De profundis », première bande-dessinée scénarisée et dessinée par Chanouga. Sous-titré « l’étrange voyage de Jonathan Melville », elle raconte l’histoire incroyable de ce marin.

Jonathan Melville est marin. Alors qu’il navigue sur une mer paisible, un typhon gigantesque et imprévisible fait son apparition. Pris en pleine tempête, il va passer par-dessus bord et se retrouver sur une île non-répertorié, sauvé par deux jeunes filles à l’air faussement innocent.

deprofundis2Ce roman graphique d’une centaine de pages est construit selon un procédé de narration bien connu : Jonathan écrit une lettre à sa belle dans laquelle il raconte ses péripéties. Le tout est donc articulé autour de flashbacks, bien que la chronologie reste respectée dans l’ensemble. On n’a aucun problème à suivre les évènements.

Une fable noire, à l’onirisme perpétuel.

« De profundis » est avant tout une fable bien noire. Son onirisme perpétuel nous plonge dans une ambiance sombre et malsaine. A force de douter du réel en permanence, on finit par se demander si, finalement, le rêve n’est pas complètement absent de ce récit fantastique. Ainsi, cet ouvrage tient avant tout par son ambiance particulière, qui la renvoie aux contes les plus glauques de notre enfance. Une forme de retour aux sources en quelque sorte.

deprofundis4L’omniprésence de la narration donne un aspect très littéraire à cette bande-dessinée. Chanouga possède une belle plume, ce qui renforce l’impression que le personnage nous écrit sa lettre. Un peu comme si nous avions trouvé une bouteille lancée à la mer et que nous découvrions son contenu. Nous nous retrouvons dans la peau de sa femme, réalisant ce qui est arrivé à son mari.

En marge des textes, la contemplation est très présente. Les dialogues restent limités et l’observation des paysages et des personnages se taille une part importante du gâteau. L’équilibre entre action, dialogues, narration et contemplation est vraiment bien dosé, et ce sur les 100 pages. Le rythme de l’ouvrage s’en retrouve très bien équilibré.

Difficile de passer à côté du travail graphique de « De Profundis ». C’est simplement magnifique. L’auteur garde son crayonné, sans l’encrer. Cela donne un aspect « dessin » à l’ensemble, d’une grande richesse. Les couleurs sont splendides et s’accordent parfaitement à cette technique. D’ailleurs,deprofundis3 la couleur participe grandement aux ambiances du livre, changeant souvent de tonalité selon les scènes. Les paysages sont parfois de véritables tableaux.

Les personnages ne sont pas en reste. Outre les deux « sirènes », aux airs faussement innocents (et terriblement sensuel !), la petite sirène est parfaitement réussie également. Sans en révéler trop sur l’histoire, le travail sur les personnages par Chanouga se révèle très subtil. Une seule particularité, dessinée sans excès, entraîne un malaise immédiat. Un peu comme si le lecteur s’apercevait d’une anomalie comme le personnage, se demandant s’il a bien vu ce qu’il a cru voir.

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Pour une première bande-dessinée, « De Profundis » est un coup de maître ! Ambiance glauque, suspense haletant, narration de haute volée, dessin splendide et personnel… Ce roman graphique est un bijou plein de poésie. Certes, cela ne plaira pas à tout le monde tant l’ambiance est particulière, mais cette fable marine mérite le coup d’œil. Et plutôt deux fois qu’une !

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note5