Tyler Cross – Fabien Nury & Brüno

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Titre : Tyler Cross
Scénariste : Fabien Nury
Dessinateur : Brüno
Parution : Août 2013


Tyler Cross est, à mes yeux, un des événements de cette année bédéphile. Le simple fait d’être le fruit d’une nouvelle collaboration de Fabien Nury et de Brüno est suffisant pour attirer tout afficionado du neuvième art. Leur précédent travail, Atar Gull ou le destin d’un esclave modèle, est un véritable bijou. Ce nouvel opus est un grand format édité chez Dargaud. Sa couverture fascine. Elle est découpée et nous présente un homme un fusil  la main, une voiture qui file dans le désert, un inquiétant serpent et une femme qui crie. Tout cela est accompagné des mots suivants : « Un jour, Tyler Cross paiera pour ses crimes. En attendant, il en commet d’autres. » Le programme est alléchant…

La quatrième de couverture voit un homme marché dans le désert. Le ciel rouge sang découpe sa silhouette. Il est accompagné des mots suivants : « Tyler Cross transporte 17 kilos de came, d’une valeur d’un demi-million à la revente au détail. Et il a exactement 21 dollars et 81 cents en poche. Il note l’ironie de la chose et se met en marche. »

Un polar aride…

Cet ouvrage de quatre-vingt-dix pages est un polar aride. Son époque pourrait être celle des années cinquante. Il s’adresse incontestablement aux adeptes du genre. Le propos est dur. Certaines scènes sont rudes. Les lecteurs sensibles à l’immoralité risquent de vivre quelques moments difficiles. Néanmoins, certaines appréhensions ne doivent empêcher personne de se plonger dans cette histoire à l’atmosphère envoutante, à l’intrigue dense et aux personnages qui ne laissent pas indifférents.

Tyler Cross est avant tout une ambiance. Elle m’a envahi dès que j’ai tenu l’objet dans les mains. La couverture et la quatrième de couverture transpire le thriller noir haut de gamme. Je ressentais quasiment la sueur qui habite les zones désertiques du continent américain. Dès les premières pages, le voyage dans cet univers est immédiat et intense. J’ai eu le sentiment d’avoir été tiré par le col et plongé au côté de ce braqueur au sang froid. Je n’ai pu reprendre mon souffle qu’une fois l’album refermé et posé sur ma table de nuit. L’action se centre autour d’une ville perdue au milieu de nulle part régie par une famille tyrannisant la population locale. Le dessin de Brüno génère une atmosphère malsaine et oppressante qui m’a procuré un vrai plaisir de lecteur. Je ne vous en dévoilerai pas davantage sur ce plan mais sachez que la tension ne diminue jamais.

Cet univers habite une intrigue haut de gamme. Initialement Tyler est embauché pour faire foirer un deal de drogue. Il doit récupérer la came. L’opération échoue et amène donc Tyler à se retrouver dans un trou du Texas avec la dope et pas un sou en poche. Il n’a plus de voiture et les autochtones n’aiment pas trop les étrangers. Les jalons sont posés pour un enchainement d’événements tous liés plus ou moins directement au tueur. Je n’ai pas l’intention de vous révéler les nombreux rebondissements qui agrémentent l’histoire. A la manière de Tyler, le lecteur n’a jamais le temps de se reposer. A chaque que tout semble s’arranger, un grain de sable enraye la machine fragile qu’est le quotidien de Cross. Le sang, la mort, la drogue, le sexe… Tous les ingrédients sont de sortie pour offrir un polar prenant.

Une ambiance ensorcelante et une trame captivante étaient déjà deux arguments de poids pour vous inciter à découvrir Tyler Cross. Mais les éloges ne s’arrêtent pas ici. Le scénario met en scène une galerie de personnages aux personnalités variées et travaillées. Tout d’abord le personnage principal est splendide. C’est un braqueur qui tue de sang froid. Il apparaît amoral. Et malgré cela, il m’a fasciné. A tout moment, j’étais à ses côtés souhaitant de tout cœur qu’il s’en sorte. Le côté monolithique du héros participe à son aura. Le travail graphique de Brüno fait de chacune de ses apparitions un moment fort. Toutes les rencontres qu’il fait au cours de ses pérégrinations sont également hautes en couleur. Il me semble inutile de vous en faire le listing. Par contre, je peux vous dire que j’ai été tour à tour touché, apeuré, dégouté. Certains protagonistes m’ont fait pitié d’autres m’ont fait froid dans le dos. Le spectre des émotions est large et cela rend la lecture particulièrement intense.

Au final, Tyler Cross est le chef d’œuvre que j’espérai. Le travail d’écriture des dialogues de Nury ajoute la cerise sur un gâteau déjà bien appétissant. Je ne peux que le conseiller à tous les lecteurs adeptes du genre ou plus généralement sensibles à l’univers du neuvième art. Vous ne regretterez pas le voyage !

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note5

Mort au tsar, T1 : Le gouverneur – Fabien Nury & Thierry Robin

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Titre : Mort au tsar, T1 : Le gouverneur
Scénariste : Fabien Nury
Dessinateur : Thierry Robin
Parution : Août 2014


Fabien Nury est un de mes scénaristes préférés. J’ai été conquis par chacun de ses travaux que j’ai eu le plaisir de dévorer. Une de ses spécialités est de jouer avec les grands événements de l’Histoire. Il a offert une vision passionnante de la période de l’Occupation avec « Il était une fois en France ». Il s’est immergé dans la France de la Première Guerre Mondiale dans « Silas Corey ». Enfin, sa première plongée dans l’univers russe a eu lieu lors du diptyque « La mort de Staline ». Son aventure slave connaît un nouveau chapitre avec la sortie l’été dernier du premier tome de « Mort au Tsar » intitulé « Le Gouverneur ».

Je dois vous avouer que je me suis offert cet album sur la seule présence de Nury sur la couverture. En découvrant la quatrième de couverture, j’ai appris qu’il s’agissait d’une histoire en deux tomes. Cette structure de parution est décidément très à la mode actuellement. Les dessins sont l’œuvre de Thierry Robin dont j’avais apprécié le style dans « La mort de Staline ». Il possède une réelle identité graphique et participe fortement à l’atmosphère que dégage la lecture.

Une marche inévitable vers un destin tragique.

MortAuTsar1bLa trame nous fait partager les derniers jours du Grand-Duc Sergueï Alexandrovitch avant l’attentat dont il a été victime. L’issue fatale est annoncée dans un prologue. Cela influence évidemment la lecture puisque chaque parole du personnage principal ou chaque événement qu’il vit sont perçus par un prisme particulier. La montée en tension est savamment dosée. La marche inévitable vers son destin tragique ne laisse pas le lecteur indifférent. Le Grand-Duc accepte son sort irrémédiable avec un fatalisme marquant.

L’intensité ne fait qu’augmenter au fur et à mesure que les pages défilent. Le fait de voir cet homme allait vers la mort avec nonchalance met presque mal à l’aise. Une chose est sûre, notre intérêt ne cesse de croître. Le scénario monte en puissance sans changement de vitesse brutal. Cette finesse dans l’accélération dramatique est la preuve d’un talent narratif certain. Le suspense atteint un paroxysme lors de la dernière planche qui offre une perspective passionnante pour le prochain tome.

L’histoire se bâtit intégralement autour de son protagoniste principal. Les personnages secondaires n’existent pas réellement. Leurs présences se justifient uniquement par leurs interactions avec le gouverneur moscovite. Cela n’est pas une faiblesse. C’est un choix scénaristique pleinement assumé et qui se défend parfaitement. L’intrigue veut nous plonger dans le quotidien et dans l’intimité de cet homme blessé en route vers l’échafaud. Nury a développé une humanité touchante chez le Grand-Duc alors qu’on peut objectivement affirmer que les dirigeants russes ne sont pas réputés pour leur grandeur d’âme et leur altruisme. La dimension politique est mise de côté et cela donne un ton particulier à la narration.

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Pour conclure, « Le gouverneur » est un album réussi. Je l’ai lu avec beaucoup de plaisir. Je me suis très vite passionné pour le Grand-Duc. Mon intérêt n’a cessé de grandir au cours de ma lecture. Chaque planche m’a captivé. Je trouve que c’est une performance d’entretenir un suspense alors que le dénouement est annoncé avant que ne débute les événements. Tout cela est bien enrobé par le style de Thierry Robin. Je vous conseille donc cette découverte. De mon côté, j’attends la suite…

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note4