Kick Ass, T1 : Le Premier Vrai Super-HĂ©ros – Mark Millar & John Romita Jr

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Titre : Kick Ass, T1 : Le Premier Vrai Super HĂ©ros
Scénariste : Mark Millar
Dessinateur : John Romita Jr.
Parution : Mars 2010


En 2010 sortait le film « Kick Ass ». A force d’entendre des critiques Ă©logieuses sur le film, puis sur le comics, j’ai dĂ©cidĂ© de lire l’Ɠuvre de Mark Millar et John Romita Jr. Kick-Ass est le « premier vrai super hĂ©ros » au sens oĂč il pourrait vraiment exister. Pas de super pouvoir, de batmobile ou autre gadgets. Alors Ă©videmment, quand on est un « vrai » super-hĂ©ros, ça fait mal


Dave est un ado trĂšs ordinaire. Si ce n’est la mort de sa mĂšre quand il avait 14 ans. Mais cette mort n’est mĂȘme pas due Ă  un baron du crime, mais Ă  des raisons mĂ©dicales. Pendant les premiĂšres pages, on apprend finalement que Dave est tellement normal qu’il n’a aucune raison d’ĂȘtre un super hĂ©ros. Mais il va quand bien mĂȘme dĂ©cider de s’habiller d’une combinaison de plongĂ©e et d’arpenter les rues la nuit pour combattre le crime


« Kick-Ass » se base sur le fait que Dave n’étant pas extraordinaire, il souffre Ă©normĂ©ment de ses blessures. MĂȘme psychologiquement, il a peur de se retrouver enfermĂ© en prison pour meurtres. A chacune de ses sorties, il se convainc donc de ne plus recommencer, mais l’appel de la rue est plus fort. Si bien que pour bien appuyer son propos, « Kick-Ass » est particuliĂšrement violent et gore. La premiĂšre scĂšne oĂč apparaĂźt Dave, il est soumis Ă  la gĂ©gĂšne. Des gerbes de sang Ă©claboussent toutes les scĂšnes d’action. Cette surabondance de gore est assez impressionnante, mĂȘme pour un comics. Il y en a tant que ça en devient presque complaisant.

Un super-héros sans pouvoir.

Le thĂšme de dĂ©part est plutĂŽt intĂ©ressant : que serait un super-hĂ©ros sans pouvoir ? Cependant, rapidement, une fois le constat de dĂ©part posĂ©, on tourne un peu en rond. Sans surprise, il faut l’arrivĂ©e d’autres personnages (Hit Girl et Big Daddy, beaucoup plus efficaces que Kick-Ass) pour relancer l’intĂ©rĂȘt de l’histoire et donner envie de lire le deuxiĂšme tome.

Au niveau du dessin, il n’y a pas grand chose Ă  redire. Le trait est dynamique, fluide et trĂšs lisible. Les cases sont souvent trĂšs grandes, si bien que le tout se lit assez vite. Le sang est rapidement omniprĂ©sent dans les scĂšnes d’action et la violence trĂšs visible (un homme se voit couper le crĂąne dans le sens de la longueur, un autre est broyĂ© dans sa voiture
). Le dessin est vraiment dans son Ă©poque : on ne suggĂšre pas, on montre.

J’ai Ă©tĂ© trĂšs gĂȘnĂ© sur un point de « Kick Ass » : la façon dont les auteurs appuient sur la banalitĂ© de Dave au dĂ©but m’ont vraiment fait tiquer. Ils s’arrangent pour le rendre le plus « normal » possible. Il dĂ©clare mĂȘme qu’il n’a « rien de particulier ». L’ajout ensuite de rĂ©fĂ©rences qui parleront aux ados (il regarde Scrubs, Heroes, Ă©coute Stereophonics
) me font penser que les auteurs ont voulu vraiment pousser le processus d’identification Ă  fond pour cette tranche d’ñge. Le fait que Dave « pirate les sĂ©ries sur internet et regarde des sites porno » vont Ă©galement dans ce sens. N’étant pas dans la cible, j’ai eu l’impression de ne pas ĂȘtre prĂ©vu pour ce comics.

J’ai Ă©tĂ© assez déçu par cette BD. Elle a tout selon moi du pĂ©tard mouillé : une bonne idĂ©e de base qui tombe bien dans de la violence gratuite et dĂ©monstrative. Je pense qu’il y avait matiĂšre Ă  faire mieux. Kick-Ass se lit donc plutĂŽt bien mais il lui manque peut-ĂȘtre un peu plus d’humour (ou de noirceur) pour passer au niveau supĂ©rieur.

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Note : 10/20

Smart monkey – Winshluss

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Titre : Smart monkey
Scénariste : Winshluss
Dessinateur : Winshluss
Parution : Avril 2004


L’évolution est un curieux chemin dĂ©voilĂ© par Darwin. Alors quand Winshluss dĂ©cide de s’y attaquer, on sait que l’on va forcĂ©ment s’éloigner des sentiers battus. « Smart monkey » est l’histoire d’un singe, plus malin qu’intelligent, qui tente de survivre dans une jungle palĂ©olithique sans pitiĂ©. En effet, aprĂšs avoir copulĂ© avec une femelle, il a Ă©tĂ© exclu de son groupe, s’étant rebellĂ© sans avoir la force physique qui aurait pu lui permettre de rivaliser. Cette histoire est paru aux Éditions CornĂ©lius, elle pĂšse prĂšs de 100 pages et est dessinĂ©e entiĂšrement en noir et blanc.

Un exercice de style ?

smartmonkey1Le sujet de l’ouvrage pousse presque le livre dans l’exercice de style. L’ensemble est muet puisque l’on a affaire qu’à des animaux. Tout est donc dans l’action. Le livre est donc dans la veine de « Nid des Marsupilamis » de Franquin ou plus rĂ©cemment de la sĂ©rie « Love » par BrrĂ©maud et Bertolucci. Le propos se veut cruel, mĂȘme si le petit singe finit toujours par sans sortir, souvent aidĂ© par de grosses bestioles bien plus dangereuses que le tigre Ă  dents de sabre qui le harcĂšle.

L’histoire alterne les passages d’actions, d’humour et de tristesse avec pertinence, sans chercher Ă  trop appuyer chaque Ă©motion. L’humour n’est donc pas omniprĂ©sent. La chute permet de donner un sens au livre, traitant du rapport entre force et intelligence dans l’évolution. L’épilogue, faisant intervenir des humains bien plus tard, est rĂ©ussi mais finalement anecdotique. Son intĂ©rĂȘt est finalement assez limitĂ©.

Pour faire fonctionner un livre muet, il faut que le dessin soit expressif. C’est le cas. Winshluss possĂšde un trait un peu crado, mais trĂšs riche. Certaines pleines pages sont simplement splendides. La narration est maĂźtrisĂ©e et permet au lecteur de suivre sans peine l’histoire. Cependant, certaines cases manquent un peu de lisibilitĂ© par moment. Il est nĂ©cessaire de ne pas chercher Ă  lire le livre trop vite, mais d’adopter un rythme de croisiĂšre tranquille pour pleinement profiter des dessins de l’auteur.

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Avec cet ouvrage, Winshluss parvient Ă  nous tenir en haleine sans un mot. DotĂ© d’un dessin personnel, fouillĂ© et inventif, il se relit avec plaisir afin de mieux saisir les nuances de l’épopĂ©e de ce « Smart monkey ». Une rĂ©ussite !

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Note : 16/20

Vitesse Moderne – Blutch

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Titre : Vitesse Moderne
Scénariste : Blutch
Dessinateur : Blutch
Parution : Octobre 2008


 « Vitesse moderne » est un one-shot de 80 pages dessinĂ© et scĂ©narisĂ© par Blutch. J’ai dĂ©couvert cet auteur par « Le Petit Christian » tout d’abord, puis par « Peplum ». « Vitesse moderne » marque avant tout par sa couleur omniprĂ©sente qui rend l’ouvrage beaucoup moins noir que « Peplum », du moins au premier abord.

Quand Lola sort de son cours de danse, elle est abordĂ©e par RenĂ©e, qui se dit Ă©crivain. Cette derniĂšre lui propose de la suivre et d’écrire sur sa vie. En effet, RenĂ©e est fascinĂ©e par Lola qu’elle observe danser par la fenĂȘtre de son appartement. On devine tout de suite que cette relation va vite poser des soucis, car les deux jeunes femmes ne se connaissent pas.

Une plongĂ©e dans les angoisses et les fantasmes de l’ĂȘtre humain moderne.

Alors que l’on croit lire une bande-dessinĂ©e tout Ă  fait classique, l’ensemble est finalement onirique (voire mĂȘme plutĂŽt cauchemardesque). C’est une plongĂ©e dans les angoisses et les fantasmes de l’ĂȘtre humain moderne. L’homme est d’ailleurs source d’angoisse permanent pour Lola, que ce soit son voisin amoureux ou son pĂšre version vieux pervers. Lola semble ĂȘtre une bĂȘte traquĂ©e en permanence, essayant de donner de la consistance et de la rĂ©alitĂ© Ă  ce qui n’est finalement qu’un rĂȘve. En cela, l’ouvrage a un cĂŽtĂ© kafkaĂŻen, Lola semblant ĂȘtre piĂ©gĂ© dans un monde apparemment logique qu’elle ne comprend pas.

Blutch prend un malin plaisir Ă  nous dĂ©router dans cet ouvrage. On ne sait jamais trop oĂč l’on est. L’histoire devient rĂ©elle, puis bascule dans une forme de cauchemar par moments, redevient plus rĂ©aliste
 De nombreuses incohĂ©rences temporelles et spatiales s’accumulent, parfois mĂȘme expliquĂ©es (le pĂšre a une garçonniĂšre en face de l’appartement de RenĂ©e par exemple). Tout cela dĂ©route le lecteur sans jamais le perdre pour autant. En cela, Blutch manie son rĂ©cit avec maestria. A aucun moment, on ne perd le fil et les incohĂ©rences inhĂ©rentes au rĂȘve sont traitĂ©es sans excĂšs.

Au niveau du dessin, Blutch manie un trait tout en hachures. Cependant, l’emploi de couleurs a tendance Ă  rendre son dessin moins expressif et fort que dans le passĂ©. Cela le rend par contre beaucoup plus accessible Ă  mon sens. En revanche, la couleur est maniĂ©e avec talent et participe fortement Ă  l’ambiance particuliĂšre de ce « Vitesse moderne » (notamment la robe rouge de Lola qui dĂ©note avec l’ensemble dans nombre de pages).

Une attention toute particuliĂšre a Ă©tĂ© apportĂ©e au dessin des corps. C’est d’autant plus flagrant lorsque l’on voit danser Lola dans les premiĂšres pages. Ils sont remarquablement bien rendus. De mĂȘme, Lola a une expression sans cesse apeurĂ©e qui participe Ă  l’ambiance du livre.

Au final ce « Vitesse Moderne » est une bande-dessinĂ©e des plus rĂ©ussie. Le trait assurĂ© de Blutch transporte le lecteur dans une histoire torturĂ©e et intrigante, mais toujours passionnante. L’utilisation de la couleur est pertinente et renforce la sensualitĂ© du propos, entre angoisse et fantasmes. A lire.

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Note : 18/20

Le Petit Christian, T2 – Blutch

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Titre : Le Petit Christian, T2
Scénariste : Blutch
Dessinateur : Blutch
Parution : Octobre 2008


AprĂšs avoir relatĂ© son enfance dans le premier tome de « Le Petit Christian », Blutch remet le couvert pour aborder le thĂšme de l’adolescence. Plus prĂ©cisĂ©ment, on dĂ©marre ici avec l’entrĂ©e en 6Ăšme de Christian jusqu’à son passage en 3Ăšme. On a va ainsi le voir Ă©voluer du petit garçon qu’il Ă©tait jusqu’à un grand ado tĂ©nĂ©breux et rĂąleur. Comme il part dans un collĂšge privĂ© de Strasbourg, on ne retrouvera pas les personnages rĂ©currents du premier tome.

Le fil rouge de cette BD s’appelle Catie Borie. C’est la fille d’amis de la famille et elle a le mĂȘme Ăąge que Christian. Il en est fou amoureux, mais 1000 km les sĂ©pare. En s’intĂ©ressant Ă  une fille, Christian renie certains principes de son enfance (« quand on est un desperado, on se garde des femmes.») et glisse inexorablement vers d’autres prĂ©occupations bien lĂ©gitimes.

Inventivité et sensibilité

Ce nouveau tome aborde avec beaucoup de sensibilitĂ© et d’inventivitĂ© le thĂšme d’un amour a mi-chemin entre les amours d’enfance (Christian restant trĂšs naĂŻf) et des amours plus adultes. L’éveil des sens du narrateur est bien sĂ»r prĂ©sent, liĂ© Ă  un romantisme extrĂȘme qui le torture jusqu’au dĂ©nouement imprĂ©visible. TĂ©moin, cette scĂšne de traversĂ©e du dĂ©sert oĂč le narrateur se voit pris dans une tempĂȘte de sable reprĂ©sentant les autres filles du collĂšge qui essaient de le dĂ©tourner de sa Catie
 Et Christian ne vit que pour les lettres qu’il reçoit de sa bien-aimĂ©e


Une nouvelle fois, l’intervention de personnages de fiction apporte beaucoup Ă  l’ensemble. Christian a un dieu : Steve Mac Queen, qu’il prie avant les contrĂŽles
 De mĂȘme, les rĂ©fĂ©rences Ă  la BD ou au cinĂ©ma sont lĂ©gions. La traversĂ©e du dĂ©sert est une rĂ©fĂ©rence Ă©vidente Ă  « Tintin au pays de l’or noir ». De mĂȘme les stars du cinĂ©ma ont encore une place importante et toujours en situation (« Oh ! Marlon Brando dans un tango Ă  Paris.»). Petite nouveautĂ©, Christian parle aussi Ă  son double enfant, dĂ©guisĂ© en cowboy. Le dialogue avec son double montre la premiĂšre mutation de Christian, de par l’apparition de son amour pour Catie Borie. Son dialogue avec Marlon Brando en fin d’ouvrage montre sa deuxiĂšme mutation (je vous laisse dĂ©couvrir pourquoi). Les apparitions de ces personnages et les rĂ©fĂ©rences constantes aux mondes du cinĂ©ma et de la bande-dessinĂ©e sont clairement le pivot de cet ouvrage. Il montre combien ils ont une influence majeure sur l’imagination des enfants et des adolescents et combien ils forgent la personnalitĂ© par leurs propos.

On retrouve le dessin de Blutch tout en hachures. Petite nouveauté : de la couleur a Ă©tĂ© ajoutĂ©e. En effet, l’auteur ajoute des touches de rouge et de rose afin de densifier son dessin. Le tout est assez rĂ©ussi, mĂȘme si ça a un coĂ»t : le deuxiĂšme tome de « Le Petit Christian » est 4 euros plus cher.

Sous un aspect faussement naĂŻf (le personnage de Christian a un dessin assez simple), Blutch marque une fois de plus de son talent cet ouvrage. Ainsi, le dessin trĂšs rĂ©aliste des personnages cĂ©lĂšbres marque un contraste toujours intĂ©ressant avec le reste des personnages. De mĂȘme, la scĂšne oĂč Christian part pour la premiĂšre fois au collĂšge est saisissante. S’imaginant dans une prison, l’auteur applique un style noir et inquiĂ©tant qui tranche avec le reste de l’ouvrage.

J’ai une nouvelle fois Ă©tĂ© saisi par le talent de Blutch dans la suite de son autobiographie. Son inventivitĂ© pour raconter ces moments de la jeunesse est incroyable. En utilisant de nombreuses rĂ©fĂ©rences extĂ©rieures, il parvient Ă  crĂ©er une connivence avec le lecteur. La scĂšne du dĂ©sert est simplement Ă  mourir de rire, mais est Ă©galement pleine de vĂ©ritĂ© sur l’adolescence. En dĂ©tournant les codes propres Ă  ce genre de rĂ©cit (les premiers amours, les dĂ©buts au collĂšge
), Blutch parvient Ă  nous surprendre sur un sujet pourtant maintes fois abordĂ©s. Une rĂ©fĂ©rence !

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Note : 19/20

Le Petit Christian – Blutch

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Titre : Le Petit Christian
Scénariste : Blutch
Dessinateur : Blutch
Parution : Mars 2003


 AprĂšs avoir marquĂ© de son empreinte la bande-dessinĂ©e avec des Ɠuvres telles que « Blotch » ou « Peplum », Blutch s’attaque Ă  l’autobiographie avec « Le Petit Christian ». Ou plutĂŽt, c’est ce que l’on est en droit de croire. Car Blutch nie l’aspect autobiographique de cet ouvrage bien que le personnage ait le mĂȘme prĂ©nom et soit alsacien
 Quoiqu’il en soit, on suit Christian, un jeune garçon, dans sa vie d’enfant.

La BD enfantine n’est pas nouvelle. On peut citer « Le petit Spirou »,« CĂ©dric », « Boule et Bill » ou plus rĂ©cemment « Titeuf » pour s’en convaincre. Difficile alors de se dĂ©marquer. Blutch le fait sans peine en adoptant un ton rĂ©solument rĂ©tro qui ne pourra simplement pas parler Ă  des enfants. En s’adressant clairement Ă  des adultes (ne serait-ce que par l’absence de couleurs), Blutch Ă©vite l’écueil de faire une nouvelle BD de plus sur l’enfance.

Télévision & bande-dessinée

La vision de l’enfance de Blutch est toujours liĂ© Ă  deux mĂ©dias essentiels Ă  l’époque : la tĂ©lĂ©vision et la bande-dessinĂ©e. Le tout se passant il y a quelques dĂ©cennies en arriĂšre (on retrouve des rĂ©fĂ©rences Ă  Steve Mac Queen, Rahan ou Placid et Muzo !), ces deux Ă©lĂ©ments sont traitĂ©s de façon complĂštement diffĂ©rents et contribue Ă  la nostalgie du lecteur (ou l’étonnement pour les plus jeunes d’entre nous). En effet, on parle d’une Ă©poque oĂč les enfants sont obligĂ©s d’aller se coucher tĂŽt (sans regarder la tĂ©lé !), ou les BD paraissaient avant tout sur magazine et Ă©taient censurĂ©es par les parents. Ainsi, son personnage passe son temps Ă  se projeter sur ses personnages. La plupart du temps, il se transforme en eux, soit il converse avec eux. Si le procĂ©dĂ© n’est pas nouveau, il est trĂšs rĂ©ussi ici.

La grande rĂ©ussite de Blutch est sans conteste l’écart qu’il crĂ©e entre les adultes et les enfants. Quand les enfants parlent entre eux, ils sont enthousiastes, bavards, ça gueule, ça crie
 Mais dans leurs rapports aux adultes, c’est trĂšs diffĂ©rents. Les parents, les profs, le curĂ© sont tout puissants, souvent durs et sĂ©vĂšres et font partie d’un autre monde. Ce temps est clairement rĂ©volu car de nous jours l’enfant est roi. En cela, l’ouvrage prend d’autant plus de sens. Cette distanciation est accentuĂ©e par le dessin. LĂ  oĂč les adultes sont reprĂ©sentĂ©s de façon rĂ©aliste (et grave), les enfants sont dessinĂ©es dans un style naĂŻf. L’écart paraĂźt ainsi encore plus grand. Le dessin est tout en hachures et en noir et blanc. Le dessin des acteurs est particuliĂšrement soignĂ© et toujours en situation (John Wayne en militaire, Steve Mac Queen en cowboy
), ce qui ajoute au cĂŽtĂ© dĂ©calĂ© de l’enfance.

« Le Petit Christian » est une ode Ă  l’enfance et Ă  son imaginaire. Son cĂŽtĂ© dĂ©suet renforce d’autant plus son propos. A cette Ă©poque, lire « Rahan » Ă©tait interdit par les parents (parce qu’il y a des morts et des amazones peu habillĂ©es). On est bien loin de la pornographie et des images violentes auxquelles sont tĂ©moins les enfants aujourd’hui. En adoptant clairement une vision adulte et tendre de l’enfance, Blutch tape juste. A lire d’urgence !

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Note : 17/20

Blotch, Oeuvres ComplĂštes – Blutch

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Titre : Blotch, Oeuvres ComplĂštes
Scénariste : Blutch
Dessinateur : Blutch
Parution : Janvier 2009
Parution tome 1 : Septembre 1999
Parution tome 2 : Octobre 2000


 Je me suis offert rĂ©cemment les Ɠuvres complĂštes de « Blotch », sĂ©rie dessinĂ©e et scĂ©narisĂ©e par Blutch. Cet ouvrage comprend les deux tomes qui Ă©taient parus alors. « Blotch » est le nom du personnage principal, dessinateur dans Fluide Glacial dans le Paris des annĂ©es 30
 Oui, vous avez bien lu !

Il n’est pas rare de voir les auteurs de Fluide Glacial parler de leur rĂ©daction (tout comme on trouvait ce genre de thĂšme dans Gaston qui travaillait chez Dupuis
). Mais rarement on aura vu une telle crĂ©ativitĂ©. En transposant l’histoire dans l’entre deux guerres, Blutch impose une ambiance dĂ©suĂšte incroyable. De mĂȘme, les dessinateurs d’humour deviennent des artistes pĂ©dants, buvant dans les cafĂ©s du beau Paris. Ce dĂ©calage entre ce que l’on peut imaginer de Fluide Glacial (grosses blagues et pinard) et cette attitude pincĂ©e d’artistes arrogants est vraiment incroyable.

Un fluide glacial des annĂ©es 30…

 Blotch est le meilleur mais aussi le pire d’entre eux. Il se dit gĂ©nial (et l’est a priori), mais est aussi rampant, prĂȘt Ă  Ă©craser les autres par des manƓuvres plus fourbes les unes que les autres. Le personnage est dĂ©testable. Arrogant, prĂ©tentieux, raciste, arriviste
 Et Ă©minemment grotesque ! Ainsi, en Ă©crasant son propre alter-ego, Blutch crĂ©e une complicitĂ© avec son lecteur. 

Evidemment, tout le monde en prend pour son grade. On passera sur ses collĂšgues (on reconnaĂźtra Gaudelette, Larcenet
), le rĂ©dacteur en chef (dont l’avis dĂ©cide de tout) et les investisseurs (les pires de tous). Seules les personnes extĂ©rieures Ă  Fluide Glacial paraissent alors sympathiques, comme son concurrent de toujours, Jean Bonnot ! Le tout est construit autour de petites histoires de quelques pages entraĂźnant une chute. Ce rythme vient de la parution prĂ©alable dans le magazine Fluide Glacial. Evidemment, l’auteur dĂ©veloppe certains fils rouges (comme sa concurrence avec Jean Bonnot).

L’aspect dĂ©suet des annĂ©es 30 est parfaitement retranscrit. Les dialogues sont savoureux et adaptĂ©s Ă  l’époque. De mĂȘme, lorsque l’on voit les dessins d’humour dessinĂ©s par Blutch, ils correspondent Ă  l’humour de l’époque. Une vĂ©ritable plongĂ©e presque un siĂšcle en arriĂšre ! Qui plus est, cette utilisation de l’entre deux guerres sert vraiment les gags. Il y a une vraie exploitation de l’époque en tant que telle.

Le dessin est Ă©videmment au diapason du sujet. Le choix d’un noir et blanc Ă©lĂ©gant retranscrit parfaitement l’atmosphĂšre surannĂ©e de l’ouvrage. Le trait de Blutch est toujours aussi dynamique et expressif. A n’en pas douter, un des grands dessinateurs actuels.

Si « Blotch » tient de la parodie, la direction que prend l’ouvrage en fait un Ɠuvre Ă  part. En utilisant une caricature dĂ©calĂ©e dans le temps, Blutch crĂ©e une bande-dessinĂ©e beaucoup plus subtile et complexe. Un album dont on ne peut que se dĂ©lecter.

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Note : 19/20

Lune l’envers – Blutch

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Titre : Lune l’envers
Scénariste : Blutch
Dessinateur : Blutch
Parution : Janvier 2014


Blutch reste l’un des auteurs de bande-dessinĂ©e que j’admire le plus. La variĂ©tĂ© des moyens avec lesquels il a pu me toucher en tant que lecteur m’étonne toujours. De ses histoires d’enfance (« Le petit Christian »), Ă  l’humour grinçant (« Blotch ») en passant par le dĂ©stabilisant « Vitesse moderne », j’ai eu droit Ă  tous les sentiments. Cependant, cette force dans la variĂ©tĂ© a fait que je suis Ă©galement passĂ© Ă  cĂŽtĂ© de certains ouvrages
 « Lune l’envers » est un nouveau one-shot publiĂ© par l’auteur chez Dargaud. Le livre se prĂ©sente sous la forme d’un album classique d’une cinquantaine de pages.

LuneLenvers2Quel est le rĂ©el sujet de « Lune l’envers » ? Difficile de le dire. ProfondĂ©ment narcissique (plusieurs personnes sont Blutch), on peut y voir une sorte de fable surrĂ©aliste sur le milieu de la bande-dessinĂ©e (et de l’art en gĂ©nĂ©ral). Mais les critiques sur le monde du travail sont Ă©galement bien prĂ©sentes. L’auteur nous montre notre sociĂ©tĂ©, façon futur dystopique. C’est affreux, sans aucune morale et les mĂ©chants gagnent Ă  la fin. Et devant le cĂŽtĂ© absurde de certaines situations, il va falloir s’accrocher.

Combattre l’aseptisation

Un peu abrupte dans son dĂ©but, l’ouvrage s’éclaircit au fur et Ă  mesure des pages. Les tenants et les aboutissants se dĂ©voilent et le puzzle se constitue. De façon gĂ©nĂ©rale, l’ouvrage s’attaque Ă  l’aspect aseptisĂ© et bien pensant qui s’installe dans notre monde. Ainsi, un jeune Ă©diteur (qui porte le nom
 BlĂŒtch !) dĂ©clare : « votre projet est conventionnel, poussif, sans Ă©lan
 Parfaitement inoffensif
 Bravo, mon vieux. On va vous prĂ©parer un contrat. » C’est le message qui dĂ©coule de l’histoire.

ForcĂ©ment, en crachant dans la soupe et en flinguant tout le monde (de l’auteur indĂ© Ă  l’auteur mainsteam, en passant par l’éditeur), Blutch se devait d’ĂȘtre cohĂ©rent. C’est le cas ! Son rĂ©cit est complexe et riche, son graphisme excellent. J’ai depuis longtemps Ă©tĂ© sĂ©duit par le trait de l’auteur, mais il adopte ici une esthĂ©tique qui rappelle les annĂ©es 70, impression renforcĂ©e par des couleurs originales et marquantes.

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Critiquer l’univers de la BD est facile, le faire avec une telle crĂ©ativitĂ© est une autre paire de manches. Blutch confirme ici, si besoin Ă©tait, son grand talent et sa virtuositĂ©. « Lune l’envers » est un ouvrage corrosif et riche. Une belle Ă©popĂ©e surrĂ©aliste dans le monde d’édition de bande-dessinĂ©e !

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Note : 16/20

Top BD des blogueurs – Mars 2015

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FÉVRIER 2015

Le Top BD des blogueurs est un collectif rassemblant des blogs de critiques de bande-dessinĂ©es. DĂšs qu’un titre possĂšde au moins trois notes, il entre dans le top. Vous pouvez dĂ©couvrir chaque mois les cinquante titres les mieux notĂ©s.

1- (=) Yossel, 19 avril 1943       19
Joe Kubert, Delcourt

2- (=) Les Ogres-dieux tome 1- Petit    18.83
Hubert, Bertrang Gatignol, Soleil

3- (=) Le journal de mon pĂšre 18.67
Jiro Taniguchi, Casterman

4- (=) Asterios Polyp     18.65
David Mazzuchelli, Casterman

5- (=) Persépolis    18.64
Marjanne Satrapi, L’Association

6- (N) Le Sculpteur  18.53
Scott McCloud, Rue de SĂšvres

7- (=) NonNonBù         18.5
Shigeru Mizuki, Cornélius

8- (=) Maus        18.49
Art Spiegelmann, Flammarion

9- (=) Le pouvoir des Innocents Cycle 2- Car l’enfer est ici   18.39
Tome 1, Tome 2, Tome 3

10- (=) Tout seul            18.38
Christophe ChaboutĂ©, Vents d’Ouest

Pour voir la suite du top, je vous invite Ă  visiter le blog de Yaneck : Chroniques de l’invisible

GisĂšle & BĂ©atrice – BenoĂźt Feroumont

GiseleEtBeatrice


Titre : GisĂšle & BĂ©atrice
Scénariste : Benoßt Feroumont
Dessinateur : BenoĂźt Feroumont
Parution : Septembre 2013


Actuellement, je suis trĂšs attirĂ© par la bande-dessinĂ©e Ă©rotique. Cela tombe bien, « GisĂšle & BĂ©atrice », autoproclamĂ© « contenu coquin pour adultes coquins » a reçu de nombreuses Ă©loges chez les critiques de BD ce mois-ci. Du coup, une fois acquis, je me plongeais dans la bĂȘte rĂ©alisĂ©e par BenoĂźt Feroumont. Le tout, publiĂ© chez Dupuis dans la collection Aire Libre (assez logiquement), pĂšse pas moins de 112 pages.

Le pitch de dĂ©part est posĂ© dĂšs les premiĂšres pages. BĂ©atrice est mal considĂ©rĂ©e dans son boulot et harcelĂ©e sexuellement par son boss. ExcĂ©dĂ©e, elle finit par cĂ©der Ă  ses avances. Mais au moment de passer Ă  l’acte, voilĂ  que son patron se transforme en femme
 La nouvelle GisĂšle, immigrĂ©e et sans papier, devient le jouet sexuel de BĂ©atrice et, accessoirement, sa femme de mĂ©nage


Un conte érotique et féministe

C’est un conte Ă©rotique et fĂ©ministe que nous propose lĂ  BenoĂźt Feroumont. En renversant les rĂŽles, il permet au personnage de GisĂšle de comprendre ce qu’endurent les femmes. PassĂ© de patron macho Ă  immigrĂ© harcelĂ© par
 un peu tout le monde, elle vit le quotidien de certaines femmes. Ainsi, elle se plaint que BĂ©atrice veuille des rapports sexuels tous les soirs


L’histoire de « GisĂšle & BĂ©atrice » est pourtant pleine de subtilitĂ© malgrĂ© un pitch qui peut paraĂźtre excessif. Car si l’auteur n’hĂ©site pas Ă  faire dans l’excĂšs, avec beaucoup d’humour, le traitement des personnages est particuliĂšrement rĂ©ussi. Son Ă©volution d’homme Ă  femme se fait difficilement, de mĂȘme que sa dĂ©couverte du plaisir fĂ©minin. Et que dire de sa relation avec son bourreau BĂ©atrice ?

BenoĂźt Feroumont trouve ici un trĂšs bel Ă©quilibre entre l’histoire et son suspense rĂ©el, l’humour et le sexe. Ce dernier est explicite, mais pas vulgaire. L’auteur prend soin de ne pas ĂȘtre exhibitionniste. Ce qui est reprĂ©sentĂ© a toujours un intĂ©rĂȘt et on nage plus en terre d’érotisme que de pornographie. Le tout Ă©moustille quand mĂȘme le lecteur, pour son plus grand plaisir !

Au niveau du dessin, l’aspect cartoon est trĂšs agrĂ©able Ă  lire, convenant parfaitement aux nombreux passages dĂ©calĂ©s et humoristiques. Ce graphisme sait aussi ĂȘtre affriolant, BenoĂźt Feroumont sachant parfaitement jouer des courbes de ses deux personnages. Le tout est expressif et parfaitement mis en valeur par une colorisation adaptĂ©e. Un vrai plaisir pour les yeux. VoilĂ  typiquement un trait qui est au service de son scĂ©nario.

Au final, j’ai Ă©tĂ© particuliĂšrement sĂ©duit par « GisĂšle & BĂ©atrice ». L’histoire ne lit avec plaisir, l’humour est rĂ©ussi et l’aspect coquin donne un sel supplĂ©mentaire Ă  l’ensemble Comme quoi, le marketing avait bien raison : si vous ĂȘtes un adulte coquin, nul doute que ce livre saura vous conquĂ©rir !

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Note : 16/20

Les chroniques d’un maladroit sentimental, T1 : Petit bĂ©guin & gros pĂ©pins – Vincent Zabus & Daniel Casanave

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Titre : Les chroniques d’un maladroit sentimental, T1 : Petit bĂ©guin & gros pĂ©pins
Scénariste : Vincent Zabus
Dessinateur : Daniel Casanave
Parution : Janvier 2013


Le profil du cĂ©libataire trentenaire soumis Ă  des crises d’angoisse et Ă  une timiditĂ© maladive est devenu ces derniĂšres annĂ©es un grand classique. Lorsque Vincent Zabus (au scĂ©nario) et Daniel Casanave (au dessin) s’attaque au sujet dans « Les chroniques d’un maladroit sentimental », il va falloir qu’ils sortent du lot. Mais comment, sur un sujet aussi banal et rĂ©current, se dĂ©marquer ? PubliĂ© chez Vent d’ouest, ce premier tome intitulĂ© « Petit bĂ©guin & gros pĂ©pins », est prĂ©sentĂ© sous le format album classique. C’est la prĂ©sence de Casanave au dessin qui m’a convaincu de m’approprier le livre.

Tout commence par un rendez-vous. GĂ©rard Latuile a rencard avec une certaine Florence. Il nous explique alors que d’habitude il est trĂšs maladroit, qu’il a ratĂ© ses autres relations. GĂ©rard n’hĂ©site pas Ă  parler directement au lecteur, donnant le ton de la BD. De mĂȘme, de nombreux personnages n’hĂ©sitent pas Ă  intervenir dans l’histoire de façon complĂštement absurde comme la mĂšre dans la salle de bain pendant une crise d’angoisse ou alors GĂ©rard plus vieux. Ce mĂ©lange entre l’histoire en elle-mĂȘme et toutes ces apparitions/interventions qui la « parasitent » donnent un ensemble original, un peu bordĂ©lique, mais surtout trĂšs attachant. Et c’est lĂ  que se trouve tout l’intĂ©rĂȘt de l’ouvrage.

Une comédie romantique.

« Les chroniques d’un maladroit sentimental » est avant tout une comĂ©die romantique. Le ton est toujours lĂ©ger, GĂ©rard Ă©tant une sorte d’ingĂ©nu sacrĂ©ment romantique. Ainsi, l’humour distillĂ© est trĂšs rĂ©ussi. On verra GĂ©rard trĂšs Ă©tonnĂ© d’ĂȘtre attirĂ© par Florence car elle a une petite poitrine alors qu’il a toujours Ă©tĂ© attirĂ© par les femmes Ă  forte poitrine. « Elle me plaĂźt quand mĂȘme, c’est dingue » se dit-il ! Mais surtout, l’homme fantasme Ă©normĂ©ment son idylle, se projetant beaucoup trop. Clairement, il n’a pas les pieds sur terre, comme le montre parfaitement la couverture !

Je tiens Ă  prĂ©ciser que ce premier tome pourrait presque ĂȘtre un one-shot. MĂȘme s’il reste des pistes Ă  explorer, il se suffit Ă  lui-mĂȘme. C’est assez rare pour ĂȘtre signalé !

Concernant le dessin, une fois encore Daniel Casanave m’a sĂ©duit. Son trait dynamique, Ă  la fois simple et expressif est parfaitement adaptĂ© au propos. Il possĂšde toute la lĂ©gĂšretĂ© nĂ©cessaire Ă  l’ouvrage, tout en Ă©tant capable de faire passer les Ă©motions quand il le faut. La mise en couleur, par Patrice Larcenet, est toute en simplicitĂ©. Elle met en valeur le trait de Casanave tout en proposant des ambiances bien diffĂ©renciĂ©es. Un travail discret mais efficace.

Ces « Chroniques d’un maladroit sentimental » portent trĂšs bien leur nom. Plein de romantisme et de lĂ©gĂšretĂ©, cet ouvrage nous propose un personnage de GĂ©rard Latuile trĂšs attachant. La narration est bien menĂ©e, Ă©vitant l’écueil d’une trop grande simplicitĂ©. On espĂšre finalement une suite, histoire de voir si GĂ©rard va enfin arriver Ă  passer un repas sans faire une crise d’angoisse aux toilettes.

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Note : 15/20