Ekhö, monde miroir, T3 : Hollywood boulevard – Christophe Arleston & Alessandro Barbucci

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Titre : Ekhö, monde miroir, T3 : Hollywood boulevard
Scénariste : Arleston
Dessinateur : Alessandro Barbucci
Parution : Novembre 2014


 La publication du premier tome de « Ekhö » avait redonnĂ© un peu des lettres de noblesse Ă  Christophe Arleston. Le scĂ©nariste, qui s’était essoufflĂ© depuis bien longtemps, avait crĂ©Ă© un monde parallĂšle au nĂŽtre, mais oĂč l’électricitĂ© n’existait pas et oĂč les dragons servaient de transport en commun. AidĂ© par le dessin virtuose d’Alessandro Barbucci, les critiques avaient Ă©tĂ© trĂšs positives (peut-ĂȘtre un peu excessives d’ailleurs). Maintenant que le tome 3 est de sortie, oĂč en est cette sĂ©rie de fantasy si proche de notre propre univers ?

ekho3aA chaque tome sa ville et son intrigue. AprĂšs New York et Paris, voilĂ  Hollywood. MalgrĂ© tout, mieux vaut avoir lu les prĂ©cĂ©dents tomes pour profiter pleinement de l’ouvrage. Mais le parallĂšle entre les deux univers est surtout construit autour des personnages de Fourmille et Yuri, qui sont obligĂ©s de rester groupĂ© aprĂšs avoir perturbĂ© l’équilibre entre les deux mondes. Force est de constater qu’au troisiĂšme tome, ils sont dĂ©jĂ  intĂ©grĂ© au monde et rien ne semble plus les Ă©tonner. Le dĂ©calage entre notre univers et celui de fantasy est digĂ©rĂ©. Dommage.

Un tome, une ville.

Un peu comme un cheveu sur la soupe, il arrive que Fourmille soit habitĂ©e par des fantĂŽmes et elle doit rĂ©soudre leurs problĂšmes afin de ne plus ĂȘtre habitĂ©e. Quand c’est le cas, sa coiffure change. Ce systĂšme est un peu Ă©trange et semble conçu avant tout pour crĂ©er des scĂšnes cocasses oĂč Fourmille ne rĂ©agit plus normalement, mais comme d’autres personnes, souvent hautes en couleur.

ekho3bLe principe du monde miroir permet Ă  Arleston de s’adonner Ă  son jeu prĂ©fĂ©ré : jouer avec les rĂ©fĂ©rences. HĂ©las, tout est trĂšs appuyĂ©. Alors que dans les tomes prĂ©cĂ©dents, il dĂ©tournait certains lieux (le central park sauvage, la tour Eiffel comme palais
), ici on a surtout l’impression de revoir l’histoire entre Marilyn et JFK. Et au final, le fil rouge gĂ©nĂ©ral disparaĂźt complĂštement. On n’avance pas du tout sur les mystĂ©rieux Preshauns par exemple. AprĂšs trois tomes, c’est un peu inquiĂ©tant. Arleston a trouvĂ© un bac Ă  sable oĂč il peut donner libre cours Ă  ses envies, mais il manque du coup du fond pour pouvoir nous emballer pleinement. Surtout que l’aspect « fantasy » et monde parallĂšle est peu fourni dans ce tome, comme si tout avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© Ă©puisĂ©.

Au niveau du dessin, Barbucci fait des merveilles. On sent un dessinateur au sommet de son art, tant dans le dessin des personnages (surtout des femmes !), des dĂ©cors, du dynamisme, de la mise en scĂšne
 Bref, c’est du trĂšs lourd. HĂ©las, sa Marilyn (enfin, Norma Jean) ressemble beaucoup Ă  Fourmille et les changements de coiffure ne rendent pas ça trĂšs flagrant. De mĂȘme, sa propension Ă  tout dessiner pour faire des femmes nues ou des dĂ©colletĂ©s plongeants en permanence finit par lasser. Mais force est de constater que c’est un formidable dessinateur de pin-ups.

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J’ai Ă©tĂ© déçu par cet ouvrage. MalgrĂ© une belle idĂ©e de dĂ©part et un dessin de haute volĂ©e, difficile de se passionner par cet amoncellement de rĂ©fĂ©rences sans rĂ©elle histoire, ni dans le tome, ni dans la sĂ©rie. Le systĂšme « un tome, une ville » semble atteindre ses limites ici. Dommage.

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Note : 10/20

États dame – Zelba

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Titre : États dame
Scénariste : Zelba
Dessinatrice : Zelba
Parution : Octobre 2013


Zelba est une auteure de bande-dessinĂ©e allemande. Son blog BD est rĂ©guliĂšrement adaptĂ© au format papier aux Ă©ditions Jarjille, le tout Ă©tant assorti pour moitiĂ© d’inĂ©dits. « États dame » est donc une sĂ©rie d’histoires autobiographiques, le troisiĂšme paru Ă  ce jour. Le tout pĂšse prĂšs de 130 pages pour le prix de 15€.

La particularitĂ© des rĂ©cits autobiographiques de Zelba, c’est qu’ils sont constituĂ©s Ă  la fois d’anecdotes contemporaines comme de souvenirs d’enfance. Ils peuvent durer une seule page ou plus d’une dizaine de pages. Souvent, les rĂ©cits trĂšs courts concernent ses deux enfants qui, comme tous enfants qui se respectent, sortent parfois des remarques trĂšs drĂŽles. Les souvenirs d’enfance sont souvent plus tristes, faisant appel Ă  ses rapports avec sa mĂšre et sa grand-mĂšre notamment, qui sont dĂ©cĂ©dĂ©es. L’aspect nostalgique y est bien plus fort et le rire moins frĂ©quent.

Un Ă©quilibre entre humour et nostalgie.

La particularitĂ© de l’autobiographie version Zelba est donc un Ă©quilibre entre tendresse, humour, nostalgie et tristesse. Le tout est parfaitement illustrĂ© par la couverture, montrant son personnage divisĂ© en trois. Cet Ă©quilibre est bien gĂ©rĂ©. En premiĂšre lecture, il m’a semblĂ© que l’ouvrage Ă©tait moins drĂŽle que les prĂ©cĂ©dents et bien plus nostalgique. En relecture, ce n’est pas le cas finalement. Il faut dire que les enfants vieillissent et leurs petites phrases dĂ©calĂ©es se font plus rares !

EtatsDame2Les rĂ©cits longs se basent aussi sur des pĂ©riodes plus longues (plusieurs mois ou plusieurs semaines). Ce sont aussi les plus intĂ©ressants. Il est Ă©tonnant de voir que Zelba a encore des choses incroyables Ă  raconter et on se demande comment elle a pu ne pas en parler avant ! Je pense notamment Ă  cette histoire de fracture de la mĂąchoire qui ne laissera personne indiffĂ©rent. Ou encore la naissance de l’un de ses enfants.

La grande capacitĂ© de Zelba, c’est qu’elle prĂ©sente un personnage attachant, avec ses dĂ©fauts et ses qualitĂ©s. L’autodĂ©rision est bien prĂ©sente, mais contrairement Ă  d’autres rĂ©cits, mais elle n’est pas au centre des histoires, loin de lĂ . Ce cĂŽtĂ© « vrai » fait que l’on est d’autant plus touchĂ© par les rĂ©cits qu’elle nous propose.

Au niveau du dessin, Zelba adopte des planches construites façon blog. Pas de dĂ©limitations de case et un trait relĂąchĂ© parfaitement adaptĂ©. Le tout est maĂźtrisĂ© et n’est pas avare en dĂ©cors lorsque c’est nĂ©cessaire. Mais l’ouvrage est beaucoup centrĂ© sur l’humain, et cela se retrouve dans les planches. Les dialogues sont Ă©crits en noir et la narration en gris, facilitant la lecture sans alourdir les pages. Enfin, la colorisation en niveaux de gris est trĂšs rĂ©ussi et donne de la matiĂšre Ă  l’ouvrage.

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Si beaucoup de dessinateurs (et notamment blogueurs BD) font des autobiographies sans vraiment s’ouvrir, on ne pourra pas reprocher ça Ă  Zelba. Ses histoires nous touchent, car elles savent aborder des sujets graves, voire tabous, comme la maladie et la mort. Sans sentimentalisme excessif, sachant apporter des touches d’humour qui Ă©quilibrent toujours parfaitement le tout, on dĂ©vore le tout et Ă  la fermeture du livre, on ne peut qu’avoir de la sympathie pour l’auteure. Un beau travail qui continue Ă  toucher le lecteur au fur et Ă  mesure des ouvrages.

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Note : 15/20

Jeanne et le jouet formidable – Zelba

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Titre : Jeanne et le jouet formidable
Scénariste : Zelba
Dessinatrice : Zelba
Parution : Mai 2010


Zelba est une jeune auteure de bande-dessinĂ©e. Publiant des livres pour enfants, je l’ai connu par l’intermĂ©diaire de son blog. Aux Ă©ditions de « L’atelier du poisson soluble », elle publie « Jeanne et le jouet formidable », dans la collection « poisson dissolu » rĂ©servĂ©e aux adultes. Le titre laisse prĂ©sager la suite : Jeanne va dĂ©couvrir les joies du sex toy ! Cet ouvrage fait une trentaine de pages et est publiĂ© sous un format Ă  l’italienne. C’est donc une histoire relativement courte Ă  laquelle on a affaire.

Un sex toy qui parle !

Jeanne est jeune, cĂ©libataire et tout le monde l’embĂȘte lĂ -dessus, que ce soit sa mĂšre ou ses amies. Buvant son verre de vin seule chez elle, casaniĂšre, tout le monde dĂ©sespĂšre Ă  la voir se caser. Elle le dit elle-mĂȘme : « les mecs, ça ne me rĂ©ussit pas. » Finalement, elle se traĂźnera Ă  une soirĂ©e sex toy et repartira avec un objet, sans grand enthousiasme. Evidemment, maintenant qu’il est lĂ , autant le tester
 Et surprise : le sex toy parle !

Cet ouvrage ne se prend pas du tout au sĂ©rieux et c’est tant mieux. Les personnages sont excessifs, les situations vues et revues
 Mais « Jeanne et le jouet formidable » ressemble avant tout Ă  un conte, mais pas vraiment pour les enfants
 L’aspect coquin est parfaitement assumĂ© jusqu’au bout. Alors certes, Ă©tant donnĂ© le format du livre, l’histoire est relativement simple, question de place. Il ne faut pas attendre de miracle pour ça. Mais il faut bien avouer qu’on sourit souvent dans cette bande-dessinĂ©e. Et une fois n’est pas coutume, la fin est rĂ©ussie. C’est toujours bon Ă  signaler.

Le format Ă  l’italienne n’est pas le moyen le plus Ă©vident Ă  exploiter pour l’auteur de BD. Zelba s’en sort trĂšs bien, variant le dĂ©coupage constamment. L’histoire alterne pages muettes et pages dialoguĂ©es avec rythme, Ă©vitant Ă  l’ouvrage de devenir trop bavard.

Au niveau du dessin, Zelba alterne les cases fermĂ©es et ouvertes. De façon gĂ©nĂ©rale, le tout est trĂšs libre et dense, mais la lecture est toujours aisĂ©e. C’est du beau travail. Zelba possĂšde un trait personnel et c’est tant mieux. Les couleurs sont particuliĂšrement rĂ©ussies. C’est clairement un des points forts du livre.

Au final, « Jeanne et le jouet formidable » est un ouvrage sympathique et coquin, sans prĂ©tention. S’il y aurait Ă  redire sur certains dĂ©tails, il serait dommage de bouder son plaisir. Force est de constater qu’aprĂšs la lecture, on garde le sourire aux lĂšvres. N’est-ce pas l’essentiel aprĂšs tout ? 

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Note : 13/20

C’est du propre ! – Zelba

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Titre : C’est du propre !
Scénariste : Zelba
Dessinatrice : Zelba
Parution : Juin 2011


Zelba est une illustratrice allemande qui s’est lancĂ©e dans la bande-dessinĂ©e. « C’est du propre » est un ouvrage autobiographique narrant de multiples anecdotes de l’auteure, qu’elles soient actuelles ou passĂ©es. Le tout est publiĂ© aux Editions Jarjilles et pĂšse 160 pages.

Ce qui marque tout de suite Ă  la lecture de l’ouvrage, c’est la part trĂšs importante donnĂ©e Ă  la narration. La quantitĂ© de texte est importante, expliquant les faits dans les dĂ©tails, l’image servant avant tout Ă  l’illustrer le propos et Ă  intĂ©grer les dialogues. Ainsi, on a parfois l’impression de lire une histoire dessinĂ©e, ce qui n’est pas dĂ©sagrĂ©able en soit. On se rapproche donc du roman graphique.

Dans l’intimitĂ© de l’auteure.

Les anecdotes sont trĂšs souvent fouillĂ©es et s’étalent sur plusieurs mois. Zelba ne laisse rien au hasard dans sa narration, comme si elle avait peur que le lecteur n’ait pas tous les Ă©lĂ©ments en mains pour comprendre. Cela densifie le propos et implique d’autant le lecteur qui a l’impression de vraiment toucher Ă  l’intimitĂ© de l’auteure. En effet, Zelba parvient Ă  crĂ©er un lien spĂ©cial avec son lectorat, avec Ă  la fois des histoires Ă©mouvantes et pleines de sensibilitĂ©, comme avec des traits d’humour. Cet Ă©quilibrĂ©, peu Ă©vident Ă  trouver, est le gros point fort du livre.

Outre les histoires plus longues et dĂ©taillĂ©es, riches en narration, on retrouve des anecdotes plus rapides, basĂ©es avant tout sur l’humour et sur les enfants de l’auteure. Leurs remarques drĂŽles, leurs comportements Ă©tranges suffisent Ă  nous faire sourire.

Le trait de Zelba se reconnaĂźt trĂšs vite. Il est axĂ© essentiellement sur les personnages. Les attitudes sont variĂ©es et toujours bien rendues. Le tout est rehaussĂ© de gris au crayon, ce qui va trĂšs bien avec le trait de l’auteure. Les cases ici ne sont pas fermĂ©es, une libertĂ© que Zelba exploite, variant les constructions de planches plus souvent qu’il n’y parait.

En conclusion, j’ai Ă©tĂ© sĂ©duit par cet ouvrage. L’équilibre en Ă©motion et rires est parfaitement maĂźtrisĂ©. L’auteure possĂšde une capacitĂ© Ă  crĂ©er un lien avec son lecteur qui, s’il vous prend, ne vous lĂąchera plus.

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Note : 16/20

Punk rock Jesus – Sean Murphy

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Titre : Punk rock Jesus
Scénariste : Sean Murphy
Dessinateur : Sean Murphy
Parution : Septembre 2013


J’avais lu beaucoup de bien de « Punk rock Jesus » et c’est avec joie que j’ai pu me le procurer dans ma bibliothĂšque. Il faut dire que le titre est particuliĂšrement accrocheur (voir racoleur, puisqu’il ne correspond que peu au contenu de l’album) et la couverture, toute en noir et blanc, puissante. Le tout est dessinĂ© et scĂ©narisĂ© par Sean Murphy, dans la tradition du comics indĂ©pendant. Le tout est publiĂ© chez Urban Comics pour plus de deux cents pages de lecture.

Le pitch de cet ouvrage est le suivant : une sociĂ©tĂ© de production tĂ©lĂ©visuelle crĂ©e un (supposé ?) clone de Jesus Christ Ă  partir d’ADN prĂ©levĂ© sur le Saint Suaire. Elle construit une Ă©mission de tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ©, baptisĂ© J2, autour de cette naissance et de ce nouveau messie. Ce dernier est isolĂ© sur une Ăźle en compagnie de sa mĂšre, de la scientifique qui a permis sa naissance et d’un garde du corps ancien de l’IRA.

Religion, puritanisme & punk rock

PunkRockJesus2Sean Murphy s’attaque essentiellement Ă  trois sujets : le premier est une critique de la religion et du fondamentalisme. Plus prĂ©cisĂ©ment, il attaque les Ă©vangĂ©listes amĂ©ricains. Sa deuxiĂšme victime est donc le puritanisme amĂ©ricain, que Chris (et pas Jesus !) fera exploser en chantant dans un groupe de punk rock. Enfin, le dernier thĂšme est bien Ă©videmment la tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© en tant que tel, avec isolement des personnes et toute puissance de la production sur leurs vies.

Si les sujets de ce comics sont des plus intĂ©ressants, le traitement laisse Ă  dĂ©sirer. Le tout est souvent manichĂ©en (seul le personnage Thomas possĂšde une vraie profondeur) et excessif. Ainsi, la sociĂ©tĂ© de production est isolĂ©e sur une Ăźle oĂč elle contrĂŽle tout, les fondamentalistes chrĂ©tiens font des actions commandos
 Bref, c’est une analyse proche de la crise d’adolescence que fait Chris pendant la BD. Il se rebelle et rejette tout, sans analyse vraiment poussĂ©e. Si bien qu’on est un peu déçu devant le traitement de l’histoire. Surtout, le passage de Chris dans le punk rock paraĂźt complĂštement forcĂ© et est amenĂ© par : « Thomas a laissĂ© des disques de punk, tiens je vais les Ă©couter. »

Ainsi, le message est trop appuyĂ©, soit par les discours, soit par une violence excessive. De mĂȘme, la durĂ©e du bouquin est inutile. On finit par s’ennuyer un peu devant les multiples tentatives d’évasion de la prison. Une impression de redondance s’installe et, au final, en fermant l’ouvrage, on reste sur un goĂ»t d’inachevĂ©. MalgrĂ© tout, le livre rĂ©serve son lot de surprise et de coups de thĂ©Ăątre. Dommage que cela ne soit pas amenĂ© de façon plus subtil, encore une fois. Finalement, l’ouvrage vaut pour son personne de Thomas, le garde du corps. On ouvrait d’ailleurs le livre sur lui. Son histoire nous est pleinement racontĂ©e, en commençant par son enfance et sa jeunesse Ă  l’IRA. Du coup, ses rĂ©actions sont moins prĂ©visibles et ses ressentis bien plus intĂ©ressants. Spectateur avant tout de l’expĂ©rience, il en deviendra un acteur essentiel par la force des choses.

Au niveau graphique, Sean Murphy impressionne par son dessin en noir et blanc magnifique. C’est expressif, bourrĂ© d’influences diverses et variĂ©es et c’est maĂźtrisĂ© de bout en bout. C’est vraiment le gros point fort du bouquin. Les cases sont souvent chargĂ©es, mais dans les scĂšnes d’action, les planches font preuve d’un dynamisme incroyable. Bref, c’est beau et stylisé !

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« Punk rock Jesus » m’a vraiment laissĂ© sur ma faim. Le pitch de dĂ©marre en fait immanquablement un ouvrage intĂ©ressant, mais le traitement ne m’a pas paru Ă  la hauteur. Trop centrĂ© sur les Etats-Unis d’AmĂ©rique (prĂ©sentĂ© comme LE pays chrĂ©tien par excellence), il se perd un peu Ă  enlever le caractĂšre Ă©minemment universel d’un nouveau Messie. Dommage.

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Note : 11/20

 

L’atelier Mastodonte – Lewis Trondheim, Yoann, Cyril Pedrosa, Alfred, Julien Neel, TĂ©bo & Guillaume Bianco

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Titre : L’atelier Mastodonte
Scénaristes : Alfred, Guillaume Bianco, Julien Neel, Cyril Pedrosa, Tebo, Lewis Trondheim & Yoann
Dessinateurs : Alfred, Guillaume Bianco, Julien Neel, Cyril Pedrosa, Tebo, Lewis Trondheim & Yoann
Parution : Juin 2013


Lorsque je tombe sur un ouvrage de Lewis Trondheim, je suis bien incapable de rĂ©sister Ă  la pulsion de l’achat. Alors lorsqu’il s’associe Ă  d’autres auteurs que j’apprĂ©cie (Neel, Bianco, Yoann, Alfred
), il m’est impossible de ne pas passer Ă  la caisse
 « L’atelier Mastodonte » raconte le quotidien de quelques auteurs de bande-dessinĂ©e rĂ©unis en atelier. Ils dessinent tous des strips sur les anecdotes de l’atelier. Ainsi, il n’est pas rare qu’ils se rĂ©pondent
 PubliĂ©s dans le journal de Spirou, ceux-ci se voient regroupĂ©s dans un ouvrage au format paysage de belle facture. L’écrin est mĂȘme dessinĂ© par Bilal
 Mais alors que donne cet ouvrage rĂ©unissant une vĂ©ritable dream team de la BD ?

Tout dĂ©marre par la volontĂ© de Trondheim d’ouvrir un atelier. Les premiers strips font donc part de cette envie et nous prĂ©sente les auteurs. Ainsi, Guillaume Bianco est intimidĂ© par Lewis Trondheim, Julien Neel se balade avec une marionnette, Cyril Pedrosa souhaite que les auteurs se syndiquent
 Et rapidement s’instaure ce qui fera la force de l’ouvrage : la rĂ©ponse du berger Ă  la bergĂšre ! Ainsi, lorsqu’un auteur se moque d’un autre dans son strip, celui-ci lui rĂ©pond dans le strip suivant. Cela instaure une vraie dynamique. Il me semble d’ailleurs que dans le journal de Spirou, les strips Ă©taient publiĂ©s par deux sur une page. Ceux-ci font chacun une demi-page de huit cases.

Une vraie diversité dans les humours.

La diversitĂ© des humours fait la force de l’ouvrage. MĂȘme si chacun sera plus ou moins sensible Ă  tel ou tel auteur, globalement il y a une ligne directrice qui se dĂ©gage. Comme les auteurs se rĂ©pondent, on reste souvent dans les mĂȘmes humours au final. Et aprĂšs des dĂ©buts plus classiques, les dĂ©lires se dĂ©veloppent et chaque personnage prend une ampleur intĂ©ressante, car son caractĂšre est vu par diffĂ©rents auteurs. Et l’atelier parvient Ă  dĂ©gager de vrais dĂ©lires collectifs (on pense au collectionneur par exemple) qui donne l’impression d’une vraie cohĂ©sion de groupe.

L’autre intĂ©rĂȘt est Ă©videmment la diversitĂ© des graphismes. Tout est assez diffĂ©rent puisque l’on passe de dessins d’humains Ă  de l’animalier
 LĂ  encore, c’est un plaisir de dĂ©couvrir les diffĂ©rentes visions de chacun. Pour ma part, j’aime beaucoup les styles graphiques de beaucoup d’auteurs de cet ouvrage. On notera que de nombreux guests viennent enrichir l’ensemble et pas des moindres : Bouzard, Buchet, Delaf, Feroumont, Frantico, Keramidas, Libon, Nob, Plessix, Sapin, Stan & Vince et VivĂšs. Rien que ça !

Cet « Atelier Mastodonte » est une vĂ©ritable rĂ©ussite. VoilĂ  un exemple Ă  suivre en termes d’ouvrage collectif. Tout est entremĂȘlĂ© et c’est cela qui fait toute la force de ce livre. Plein d’humours diffĂ©rents, du scatologique au plus subtil, il est aussi une source de blagues sur les auteurs et leurs diffĂ©rences. A lire absolument.

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Note : 16/20

Top BD des blogueurs – FĂ©vrier 2015

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FÉVRIER 2015

Le Top BD des blogueurs est un collectif rassemblant des blogs de critiques de bande-dessinĂ©es. DĂšs qu’un titre possĂšde au moins trois notes, il entre dans le top. Vous pouvez dĂ©couvrir chaque mois les cinquante titres les mieux notĂ©s.

1- (=) Yossel, 19 avril 1943       19
Joe Kubert, Delcourt

2- (=) Les Ogres-dieux tome 1- Petit    18.83

Hubert, Bertrang Gatignol, Soleil
Jiro Taniguchi, Casterman
4- (=) Ceux qui me restent  18.66
Damien Marie, Laurent Bonneau, Bamboo
5- (=) Asterios Polyp     18.65
David Mazzuchelli, Casterman
6- (=) Persépolis    18.64
Marjanne Satrapi, L’Association
7- (=) NonNonBù         18.5
Shigeru Mizuki, Cornélius
8- (+) Un ocĂ©an d’amour       18.5
Wilfrid Lupano, Grégory Panaccione, Delcourt
9- (=) Maus        18.49
Art Spiegelmann, Flammarion
10- (=) Le pouvoir des Innocents Cycle 2- Car l’enfer est ici   18.39
Je vous invite Ă  lire la suite sur Les Chroniques de l’invisible.

Le loup des mers – Riff Reb’s

LeLoupDesMers


Titre : Le loup des mers
ScĂ©nariste : Riff Reb’s
Dessinateur : Riff Reb’s
Parution : Novembre 2012


Les rĂ©cits de piraterie ont toujours exercĂ© une forme de fascination auprĂšs du lectorat. La rudesse des hommes, la nature impitoyable et la mer, Ă  perte de vue. Ainsi, alors que le sujet avait poussĂ© Jack London Ă  Ă©crire un roman sur le sujet, Riff Reb’s s’empare de l’histoire de ce dernier pour la mettre en images. N’ayant pas lu le roman dont il est question, je me garderai de toute comparaison. Le livre, prĂ©sentĂ© sous un format comics, pĂšse pas moins de 130 pages et est publiĂ©e dans la collection Noctambule aux Ă©ditions Soleil.

L’histoire commence alors que Humphrey Van Weyden prend le bateau pour rejoindre l’un des ses amis. L’homme est un gentleman, critique littĂ©raire de mĂ©tier. Seulement, le voyage tourne court suite Ă  une mauvais grain entraĂźnant un naufrage dramatique pour l’homme. Ce dernier est recueilli alors par Loup Larsen, un pirate qui enrĂŽle l’homme de force comme mousse.

Un lien fait de haine et de fascination.

On suit alors la survie d’Humphrey Ă  bord du navire. LĂ -dessus, rien de nouveau sous les tropiques. D’abord trop fragile, il va finir par s’aguerrir, se faire des alliĂ©s et monter dans la hiĂ©rarchie. Son cĂŽtĂ© intellectuel plaĂźt Ă  Loup Larsen qui, sous ses dehors cruels, possĂšde une culture des plus impressionnantes. Un lien se crĂ©e entre les deux hommes, fait de haine et de fascination. Clairement, c’est lĂ -dessus que le livre propose toute sa force. Le sujet est traitĂ© avec subtilitĂ©. Les changements d’attitude des personnages entre eux sont finement amenĂ©s, jusqu’au bout de l’aventure.

LeLoupDesMers2Cependant, outre les relations humaines, on est pris d’empathie pour Humphrey et le vĂ©ritable suspense de l’ouvrage est ici : pourra-t-il se soustraire de Loup Larsen ? Une quĂȘte qui paraĂźt impossible tant le capitaine possĂšde un cĂŽtĂ© surnaturel exacerbĂ© par son charisme. Si bien que le lecteur tombe aussi sous le charme de ce personnage fort et atypique.

La construction de l’ouvrage est basĂ© essentiellement sur une narration omniprĂ©sente qui cite, je le suppose, des passages du livre. On lit donc l’histoire racontĂ©e par Humphrey. Le livre est constituĂ© de dix-sept chapitres agencĂ©s chronologiquement.

Graphiquement, Riff Reb’s frappe trĂšs fort. MĂ©lange de diffĂ©rentes techniques, son graphisme est simplement splendide. Outre ses personnages, aux attitudes fortes, c’est dans la reprĂ©sentation de la mer qu’il explose littĂ©ralement. Plus les scĂšnes semblent difficiles Ă  dessiner, plus elles sont rĂ©ussies. Les tempĂȘtes sont ainsi magistralement rendues. Le tout est colorisĂ© de façon monochrome, chaque chapitre possĂ©dant sa propre couleur. Un choix payant tant l’ouvrage est fort sur ce point-lĂ . Outre la duretĂ© du propos, Riff Reb’s accentue le tout avec un dessin Ă  la fois personnel et puissant. Du grand art.

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Si le sujet du « Loup des mers » n’est pas vraiment original, il faut avouer qu’il est traitĂ© ici avec beaucoup d’intensitĂ©. DotĂ© d’une narration fluide et d’un graphisme splendide, on dĂ©vore ce livre de la premiĂšre Ă  la derniĂšre page, se prenant rĂ©guliĂšrement des claques devant le talent de l’auteur. A lire absolument !

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Note : 18/20

Hommes Ă  la mer – Riff Rebs

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Titre : Hommes Ă  la mer
ScĂ©nariste : Riff Reb’s
Dessinateur : Riff Reb’s
Parution : Octobre 2014


Riffs Reb’s a frappĂ© fort avec ses adaptations littĂ©raires maritimes « A bord de l’étoile matutine » et « Le loup des mers ». Le voilĂ  qui referme ce triptyque avec « Hommes Ă  la mer ». Ce n’est pas un roman qui est cette fois adaptĂ©, mais huit nouvelles. On y voit passer Edgar Allan Poe, Robert Louis Stevenson, Jack London, Pierre Mac Orlan
 Le tout est publiĂ© chez Soleil, dans la collection Noctambule pour plus de 100 pages.

Le fait de choisir des nouvelles d’auteurs diffĂ©rents est Ă  la fois un dĂ©faut et une qualitĂ©. Ainsi, les styles sont trĂšs diffĂ©rents, aussi bien au niveau littĂ©raire (que l’on retrouve dans les narrations) que dans les sujets (mĂȘme si la mer reste Ă©videmment le dĂ©nominateur commun). Du coup, le lecteur est un peu remuĂ© entre nouvelles fantastiques, d’humour noir ou tragiques. MĂȘme chose pour les ambiances qui nous font passer du PĂŽle Sud aux CaraĂŻbes en passant par les cĂŽtes norvĂ©giennes.

Une diversité des thÚmes maritimes.

HommesALaMer1Cette diversitĂ© permet au lecteur de profiter de diffĂ©rentes facettes du rĂ©cit de la mer. Ainsi, certaines nouvelles font la part belle aux dialogues et au vocabulaire des marins. D’autres ne sont faits que d’une narration accompagnant les dessins de l’auteur. Ainsi, immanquablement, le lecteur sera transportĂ© par certains passages et beaucoup plus indiffĂ©rent Ă  d’autres. Ce manque de cohĂ©rence (et non de qualitĂ©) est dommageable.

Au-delĂ  de ces rĂ©serves, on retrouve tout le talent de l’auteur. Graphiquement, c’est splendide. Impossible de rester indiffĂ©rent devant ces planches oĂč les Ă©lĂ©ments se dĂ©chaĂźnent. Riff Reb’s excelle aussi bien dans les dĂ©cors de cĂŽtes dĂ©chirĂ©s, dans la reprĂ©sentation de la mer en tant que tel que dans les gueules de ses marins. C’est une vĂ©ritable claque visuelle qui nous est proposĂ© avec un auteur en pleine possession de ses moyens. Les ouvrages de ce triptyque sont parmi les plus impressionnants que j’ai pu lire.

En plus du trait, c’est l’ambiance qui est formidable. Colorisant les cases en monochrome (plus rarement en bichromie), Riffs Reb’s renforce l’atmosphĂšre. Chaque nouvelle possĂšde ainsi sa couleur (comme chaque chapitre possĂ©dait sa couleur prĂ©cĂ©demment). Mais le trait derriĂšre est riche et la mise en scĂšne formidable. Riff Reb’s est bien au-delĂ  de la simple illustration, la variation des plans et la fluiditĂ© de l’ensemble sont toujours au rendez-vous.

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« Hommes Ă  la mer » conclue donc ce triptyque marin de haute volĂ©e. Moins percutant puisque basĂ© sur plusieurs nouvelles, il n’en reste pas moins intĂ©ressant de par la variĂ©tĂ© des histoires proposĂ©es. Si vous avez succombĂ© au charme et Ă  la puissance des histoires maritimes de Riff Reb’s, il n’y a pas Ă  hĂ©siter.

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Note : 15/20

 

Explicite, carnet de tournage – Olivier Milhaud & ClĂ©ment C. Fabre

Explicite


Titre : Explicite, carnet de tournage
Scénariste : Olivier Milhaud
Dessinateur : Clément C. Fabre
Parution : FĂ©vrier 2015


Olivier Milhaud est un ami de John B. Root, rĂ©alisateur de films pornographiques. Le voilĂ  un peu dubitatif devant la proposition de ce dernier : jouer dans sa future production ! Certes, ce n’est pas dans des scĂšnes de sexe, mais quand mĂȘme
 AprĂšs avoir hĂ©sitĂ© longtemps, Olivier Milhaud finit par accepter et part dans le sud pour trois jours de tournage oĂč il va dĂ©couvrir le milieu porno, ses jalousies et son langage cru. Retour de bĂąton pour John B. Root puisque suite Ă  cette expĂ©rience, Olivier Milhaud dĂ©cide d’en faire un livre, avec la collaboration de ClĂ©ment C. Fabre au dessin. Comme j’apprĂ©cie beaucoup le dessin de ce dernier, il m’était difficile de passer Ă  cĂŽtĂ© de ce livre ĂŽ combien original. Le tout est paru chez Delcourt, dans la collection Mirages pour plus de 120 pages au compteur.

Explicite2« Explicite » est donc un reportage qui n’était pas prĂ©vu comme tel. Il ne faut donc pas espĂ©rer une grande analyse de fond de comment on tourne un film pornographique. De mĂȘme, l’auteur n’assiste Ă  aucune scĂšne porno en soit. C’est avant tout la description d’un rĂ©alisateur atypique pour le milieu, John B. Root, de ses ambitions et de sa façon de travailler. On y dĂ©couvre aussi le backstage et c’est ce qui fait tout le sel de l’ouvrage. On ressent parfaitement la gĂȘne d’Olivier Milhaud dans ce milieu, Ă  la fois Ă©moustillĂ© et timide, n’osant trop rien faire ou mĂȘme regarder. Tout l’inverse des acteurs qu’il croise, dont la pudeur a souvent laissĂ© la place Ă  l’exhibitionnisme. Sans parler du langage bien plus cru que ce dont l’auteur a l’habitude.

Un candide dans le milieu pornographique.

Le livre fonctionne donc avant tout avec son personnage central de candide. Olivier Milhaud dĂ©couvre le tournage d’un film, le milieu pornographique, les caprices de stars
 Il joue donc un rĂŽle parfait pour nous qui apprenons Ă©galement de tout cela. Et le fait que la bande-dessinĂ©e s’échelonne sur trois jours, en un lieu unique, donne un aspect presque thĂ©Ăątral Ă  l’ensemble. Avec beaucoup de choses qui se passent hors champ ! Intelligemment, les auteurs placent toute l’action du point de vue d’Olivier Milhaud. On voit ce qu’il a vu, on entend ce qu’il a entendu : il n’y a aucune projection sur ce qu’il imagine.

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Le tout n’est bien sĂ»r pas dĂ©nuĂ© d’humour. Outre les clichĂ©s qui sont confirmĂ©s ou infirmĂ©s, de nombreuses situations nous paraissent complĂštement cocasses. Et que dire d’Olivier Milhaud, complĂštement en dĂ©calage par moment, comme dans cette scĂšne oĂč John B. Root lui demande « mais on dirait que tu as peur de lui ! » et oĂč l’auteur rĂ©pond « Ben, un peu quand mĂȘme. » Il faut dire qu’avoir un mec baraquĂ© et tatouĂ© en face, acteur pornographique, ça ne laisse pas indiffĂ©rent !

Au niveau du dessin, ClĂ©ment C. Fabre fait des merveilles. J’étais dĂ©jĂ  fan de son dessin et de ses couleurs et lĂ  il m’a bluffĂ©. Les cases sont dĂ©taillĂ©es, les dĂ©cors riches, le dessin dynamique. Quand Ă  sa colorisation Ă  l’aquarelle, elle retranscrit parfaitement l’ambiance du sud ! Son dessin tout en douceur permet d’attĂ©nuer aussi la cruditĂ© de certains propos et de rendre d’autant plus humain cette expĂ©rience. VoilĂ  un dessinateur que j’espĂšre retrouver au plus vite !

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« Explicite » est une bande-dessinĂ©e de reportage originale, fortement teintĂ©e d’autobiographie. Et ce cela qui fait sa force. DotĂ© d’un ton Ă  la fois cru et bon enfant, les deux auteurs sont au diapason pour parler d’un sujet peu Ă©vident avec finalement beaucoup de lĂ©gĂšretĂ©. Du beau travail.

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Note : 15/20