Titre : Ma révérence
Scénariste : Wilfrid Lupano
Dessinateur : Rodguen
Parution : Septembre 2013
Ma rĂ©vĂ©rence est un album que jâai dĂ©couvert en lisant une critique Ă son propos dans une revue. Jâavais Ă©galement lâoccasion dây dĂ©couvrir les premiĂšres planches. Sans savoir exactement oĂč je me plongeais, jâai dĂ©cidĂ© de partir Ă la dĂ©couverte de cet ouvrage nĂ© de la collaboration de Wilfrid Lupano et de Rodguen. Le premier se charge du scĂ©nario et le second du dessin. Lâhistoire se dĂ©roule sur prĂšs de cent trente pages. Il est Ă©ditĂ© chez Delcourt et son prix avoisine dix-sept euros. La couverture nous prĂ©sente deux personnages. Lâun est jeune et tient une immense peluche Ă la main. Lâautre, plus ĂągĂ©,  a le style de Dick Rivers et tient un flingue. On y voit aussi un fourgon blindĂ© amenĂ© Ă ĂȘtre central dans lâintrigue.
La quatriĂšme de couverture offre la mise en bouche suivante : « Depuis maintenant un mois, je bois mon cafĂ© tous les matins Ă la brasserie des Sports, Ă cĂŽtĂ© de Bernard. Il est convoyeur de fonds⊠Bernard, câest mon ticket pour les tropiques. Un beau jour, jâai pris la dĂ©cision ferme et dĂ©finitive de mâemparer de tout lâargent que contient son camion et de tirer ma rĂ©vĂ©rence⊠et ce jour-lĂ , ma vie a changĂ©. »
Ce bouquin est un « one shot ». Je ne connaissais donc pas ses personnages et ne devraient pas ĂȘtre amenĂ© les croiser dans une autre aventure bĂ©dĂ©phile. Je supposais donc que lâhistoire nous offrirait un dĂ©part et un dĂ©nouement, ce qui nâest pas dĂ©sagrĂ©able. Son grand nombre de pages me laissait espĂ©rer une intrigue dense et des protagonistes travaillĂ©s. Bref, câest plein dâoptimisme que je partais Ă la rencontre de Vincent et de Gaby.
La narration est subjective. Les Ă©vĂ©nements nous sont contĂ©s Ă travers le regard de Vincent. Il est un jeune trentenaire dont la vie a subi quelques sorties de route. Il sâest dĂ©cidĂ© Ă braquer un fourgon. Les raisons qui lâont amenĂ© Ă cette extrĂ©mitĂ© sont distillĂ©es tout au long de lâhistoire. Il possĂšde un cĂŽtĂ© looser qui rend son projet peu rĂ©aliste. Ce sentiment sâintensifie au moment oĂč jâai dĂ©couvert son complice alcoolique Ă la fiabilitĂ© peu convaincante. La trame se construit autour de ce duo assez rĂ©ussi de prime abord. Je me suis rapidement attachĂ© Ă Vincent. Ses cicatrices sont touchantes et font que je nâarrivais jamais vraiment Ă le voir comme un dĂ©linquant. NĂ©anmoins, il est Ă©vident que le personnage le plus haut en couleur est Gaby. Il fait partie de ces copains auxquels on sâattache autant quâon ne supporte pas lâimmaturitĂ©. Il est de ces personnes qui sont des boulets quâon se traĂźne sans jamais vouloir sâen sĂ©parer. Il est trĂšs rĂ©ussi et je regrette quâil ne prenne pas une place moins secondaire dans lâintrigue. Cela aurait permis Ă lâensemble dâĂȘtre plus drĂŽle et Ă©galement plus intĂ©ressant. En effet, Gaby possĂšde des zones dâombre que les autres choisissent de ne pas rĂ©ellement explorer. Câest un choix qui se respecte mais que je regrette.
“Une rĂ©ussite inĂ©gale.”
Lâenjeu est donc le braquage dâun fourgon. Les pages nous rapprochent donc inĂ©luctablement du moment oĂč Vincent et Gaby devront assumer un acte qui les mettra au ban de la vie quâil connaissait jusque-lĂ . A lâaide de flashbacks, les auteurs nous font vivre le terreau qui a fait germer cette idĂ©e folle. Ces ruptures chronologiques sont rĂ©guliĂšrement rĂ©parties et ont pour but apparent de relancer lâintĂ©rĂȘt du lecteur. Câest une rĂ©ussite inĂ©gale. En effet, certaines rĂ©vĂ©lations influent profondĂ©ment le regard portĂ© sur les personnages. Dâautres sont davantage des clichĂ©s sur la misĂšre sociale et sont moins intĂ©ressants en nâapportant aucune dimension supplĂ©mentaire Ă lâhistoire.
En dĂ©butant ma lecture, je lâai trouvĂ©e originale. Les personnages, lâintrigue et lâunivers me paraissaient ĂȘtre une base solide Ă un album de qualitĂ©. HĂ©las, je trouve que tous ces arguments se diluent au fur et Ă mesure que les pages dĂ©filent. Notre curiositĂ© nâest pas relancĂ©e, notre intĂ©rĂȘt nâest pas alimentĂ©. Le ton devient plus lisse. Les rebondissements sont plus prĂ©visibles. Bref, tout ne va pas dans le bon sens. Alors que le dĂ©but mâavait vraiment sĂ©duit, jâavais un sentiment bien plus mitigĂ© en refermant lâouvrage.
Concernant les dessins, jâai du mal Ă me faire un avis dĂ©finitif sur le trait de Rodguen. Certaines cases sont trĂšs rĂ©ussies. Certains visages sont dâune rĂ©alitĂ© forte. Ils dĂ©gagent une intensitĂ© qui ne laisse pas indiffĂ©rent. Par contre, Ă lâopposĂ©, je trouve dâautres planches plus banales sans rĂ©elle identitĂ© graphique. Je dirai donc que la qualitĂ© des illustrations est inĂ©gale. Pour rĂ©sumer, je ne suis pas tombĂ© sous le charme mais serait curieux de dĂ©couvrir un autre travail de ce dessinateur pour me faire une idĂ©e plus prĂ©cise de son style.
En conclusion, Ma rĂ©vĂ©rence ne mâa totalement conquis. Lâalbum nâest pas dĂ©nuĂ© dâintĂ©rĂȘt et dâidĂ©es. Mais la qualitĂ© inĂ©gale et irrĂ©guliĂšre du propos fait que jâai eu du mal Ă mâimmerger dans lâhistoire sur la durĂ©e. Je suis donc envieux dâune certaine maniĂšre des nombreux lecteurs enthousiastes Ă lâĂ©gard de cet ouvrage. En effet, cet opus possĂšde des Ă©chos trĂšs favorables sur la toile. Comme quoi, les goĂ»ts et les couleursâŠ
Note : 10/20