Canardo, T18 : La Fille Sans Visage

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Titre : Canardo, T18 : La Fille Sans Visage
Scénariste : Sokal
Dessinateur : Sokal
Parution : FĂ©vrier 2009


Je me suis rĂ©cemment offert un opus d’une de mes sĂ©ries de bandes dessinĂ©es prĂ©fĂ©rĂ©es intitulĂ©e. Elle met en Ɠuvre l’inspecteur Canardo. Cette sĂ©rie est composĂ©e d’une vingtaine d’albums. Le premier tome date de 1979. Cette sĂ©rie est Ă©crite par BenoĂźt Sokal. Il s’occupe Ă  la fois du scĂ©nario et des dessins. Mon avis d’aujourd’hui porte sur le tome dix-huit intitulĂ© « La fille sans visage ». Paru en fĂ©vrier 2009, il est Ă©ditĂ© chez Casterman dans la collection « Ligne rouge ». ComposĂ© d’une petite cinquantaine de pages, il est vendu au prix de 10,40 euros.

L’histoire commence dans un bar dans lequel erre ce cher Canardo. Preux chevalier, il dĂ©cide de raccompagner une jeune prostituĂ©e chez elle en tout bien tout honneur. Mais sur leur trajet, ils sont percutĂ©s par une voiture Ă  toute vitesse. Il en rĂ©sulte pour tous les deux de lourdes sĂ©quelles. Ils sont soignĂ©s dans une clinique de luxe. En effet, le responsable de l’accident est l’hĂ©ritier du duchĂ© de Belgambourg. Afin d’éviter tout scandale, il a dĂ©cidĂ© de s’occuper de toute la rĂ©Ă©ducation de ses victimes. Le silence sur cette affaire est d’autant plus important que ce fils de bonne famille se rĂ©vĂšle plutĂŽt instable


Tout d’abord, il faut que je dĂ©crive un petit peu la sĂ©rie pour ceux qui ne le connaissent pas. La premiĂšre particularitĂ© est le fait que les personnages sont des animaux anthropomorphes. Comme son nom l’indique, Canardo est un canard. Mais on rencontre Ă©galement des oiseaux, des chiens, des chats, des souris ou encore des cochons
 Ce choix a pour consĂ©quence de nous donner une impression directe sur chaque personnage. En effet, on a tendance Ă  adapter l’image qu’on a d’un personnage Ă  ses traits animaux.

Riche héritier et duchesse flippante.

Canardo est un inspecteur qui ne paye pas de mine. PlutĂŽt trapu, le regard vague, il ne traine jamais sans son impermĂ©able digne de Columbo. Son lieu de prĂ©dilection reste un bar mal famĂ© dans lequel il a une ardoise longue comme un jour sans pain. On y rencontre maquereau, prostituĂ©es, alcooliques, droguĂ©s et toute autre bonne frĂ©quentation. Il manque tellement de dynamisme et de charisme qu’on est toujours surpris de le voir rĂ©soudre les enquĂȘtes qu’on lui confie.

Le thĂšme de « La fille sans visage » est plutĂŽt politique. En effet, on voit une personne connue qui cherche Ă  gĂ©rer une situation de crise qui pourrait faire les choux gras dans la presse spĂ©cialisĂ©e. On dĂ©couvre donc la duchesse gĂ©rer tout cela avec une main de fer et une froideur flippante. ParallĂšlement, on dĂ©couvre les paparazzis guetter cette clinique oĂč se rend si souvent ce riche hĂ©ritier lubrique sous mĂ©dicament. On est donc curieux de savoir si la vĂ©ritĂ© va Ă©clater au grand jour et de connaĂźtre Ă©galement jusqu’oĂč la duchesse est prĂȘte Ă  aller pour protĂ©ger l’image de son duchĂ©.

L’autre dimension politique apparaĂźt dans la deuxiĂšme partie de l’histoire. Le duchĂ© qui nous intĂ©resse est voisin de la Belgique. Les soucis de rattachement et d’indĂ©pendance touchant la Flandre et la Wallonie apparaissent au cours de la narration. Cela permet Ă  l’intrigue de rebondir et ne la cantonne pas Ă  une histoire d’accident malheureux. En ce sens, l’auteur arrive Ă  nous offrir une trame assez dense qui nous captive du dĂ©but Ă  la fin. Elle cache quelques tiroirs qui suscitent notre attention. Sur ce plan, la narration est assez rĂ©ussie. Mon seul petit bĂ©mol concerne une partie de la fin que je trouve un petit peu tirĂ©e par les cheveux. NĂ©anmoins, cela ne gĂąche en rien le plaisir que j’ai pris Ă  lire cet ouvrage.

Le plaisir de la lecture rĂ©side Ă©galement dans la qualitĂ© des dessins. Je trouve le style trĂšs facile d’accĂšs. De plus, les personnages sont tels qu’ils nous parlent tous Ă  leur maniĂšre. On n’a aucun mal Ă  croire Ă  l’histoire et Ă  s’y plonger. Certains regards sont impressionnants de justesse. De plus, Sokal utilise remarquablement les couleurs. D’une part, elles personnalisent parfaitement les protagonistes et d’autre part elles habillent remarquablement l’ambiance. Les dessins crĂ©ent une atmosphĂšre prenante et captivante.

Au final, j’ai donc passĂ© un trĂšs bon moment en lisant cet opus. Il est Ă  la hauteur des prĂ©cĂ©dents de la sĂ©rie. Sur ce plan-lĂ , Sokal est un auteur trĂšs talentueux. Cela fait trente ans qu’il nous dĂ©crit les aventures de Canardo sans jamais baisser de qualitĂ©. Je ne peux que vous conseiller de vous plonger dans « La fille sans visage ». Vous passerez un bon moment de maniĂšre garantie. Bonne lecture


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note4

Litteul Kevin, T8 – Coyote

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Titre : Litteul Kevin, T8
Scénariste : Coyote
Dessinateur : Coyote
Parution : Octobre 2009


« Litteul Kevin » est une de mes sĂ©ries de bandes dessinĂ©es humoristiques prĂ©fĂ©rĂ©es. Chaque fois que je plonge dans la lecture d’un des albums, je ne cesse de rire bien que je les connaisse par cƓur. Il s’agit incontestablement d’un gage de rĂ©ussite. J’ai Ă©galement une tendresse pour son auteur, Coyote dont j’ai eu le plaisir de constater la gentillesse lors d’une rencontre au festival d’AngoulĂȘme. Cela faisait quelques annĂ©es aucun nouvel opus de sa sĂ©rie phare n’était paru. Le manque a Ă©tĂ© comblĂ© avec la sortie du huitiĂšme tome de la saga. EditĂ© chez « Le Lombard », il est vendu au prix de 10,40 euros.

Un grand changement pour la sĂ©rie : l’apparition de la couleur.

Cette sĂ©rie est construite autour du petit Kevin et de sa famille. AgĂ© d’une dizaine d’annĂ©e il est fils unique de ses parents, Chacal et Sophie. Son pĂšre est un biker Ă©mĂ©rite qui passe son temps soit dans son repĂšre avec ses potes soit en bossant dans un service de sĂ©curitĂ©. Son Ă©pouse aux formes gĂ©nĂ©reuses et Ă  la taille de guĂȘpe fait tourner la maison. Elle gĂšre son mari sympathique mais gaffeur et fait en sorte que son fils enthousiaste ne prenne pas son paternel pour modĂšle dans tous les domaines. Evidemment, on rencontre toute une galerie de personnages secondaires : la belle-mĂšre de Chacal, le groupe de copains de Kevin, sa baby-sitter dont il est amoureux et surtout les membres du fameux club du « Sli-Bar ».

L’album est composĂ© d’une dizaine de petites histoires s’étalant sur environ cinq pages chacune. C’est ainsi qu’est construit chaque opus de la saga. L’énorme diffĂ©rence du tome 8 avec les prĂ©cĂ©dents est l’apparition de la couleur. En effet, jusqu’alors les dessins Ă©taient uniquement en noir et blanc. Ce n’est ici pas le cas. Coyote s’est adjoint la compagnie d’un coloriste nommĂ© Mikl. Ca ne gĂąche rien Ă  l’ensemble, cela rend la lecture un petit peu diffĂ©rente. Par contre, je vous rassure l’humour fuse toujours autant. Et il fuse dans de nombreuses directions. D’une part l’humour de situation est prĂ©sent mais d’autres parts les textes sont remarquables. Plusieurs lectures sont nĂ©cessaires pour en retirer toutes les vannes et les jeux de mots. De plus, les personnages font que les thĂšmes sont nombreux. Cela va de la vie de couple des deux parents Ă  l’éducation de leur fils en passant Ă©videmment par les aventures du club des bikers. Tout ce beau monde s’en donne Ă  cƓur joie pour nous chatouiller les zygomatiques.

Sur le plan humoristique, cet album se montre Ă  la hauteur de ses prĂ©dĂ©cesseurs, ce qui est, Ă  mes yeux, une Ă©norme marque de qualitĂ©. Une fois celui-ci terminĂ©, je me suis empressĂ© de me plonger Ă  nouveau dans les autres opus de la saga. Les dessins sont toujours aussi rĂ©ussis. En effet, le style de Coyote m’a conquis pleinement. Le cĂŽtĂ© excessif de certains personnages et de leurs expressions participent activement Ă  la bonne humeur gĂ©nĂ©rale. Je vous assure que c’est le genre de lecture qui vous redonne la patate aprĂšs une journĂ©e difficile ! Je ne peux donc que vous conseiller de dĂ©couvrir cette sĂ©rie. Les albums peuvent se lire indĂ©pendamment les uns des autres. Mais, Ă  mon avis, Ă  peine vous en aurez un entre les mains que l’envie de dĂ©couvrir les autres vous envahira. Il ne me reste donc plus qu’à vous souhaiter une agrĂ©able lecture ! 

 

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note3

Atalante, T4 : L’Envol des BorĂ©ales – Crisse

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Titre : Atalante, T4 : L’Envol des BorĂ©ales
Scénariste : Crisse
Dessinateur : Crisse
Parution : Juin 2009


« J’aimerais m’excuser auprĂšs des lecteurs d’avoir Ă©tĂ© aussi long ». VoilĂ  une partie de la dĂ©dicace qu’écrit Crisse en prĂ©ambule du quatriĂšme opus de la sĂ©rie « Atalante » dont il est le scĂ©nariste et le dessinateur. En effet, le tome prĂ©cĂ©dent Ă©tait paru en 2003. Il a donc fallu attendre environ six ans pour voir apparaĂźtre dans nos bacs « L’Envol des BorĂ©ales ». EditĂ© chez Soleil, cet ouvrage d’une cinquantaine de pages est vendu au prix de 12,90 euros.

La sĂ©rie est construite autour de son personnage Ă©ponyme, Atalante. Elle fait partie de la mythologie grecque. Fille de roi, elle est abandonnĂ©e par son pĂšre qui espĂ©rait un fils. Elle est recueillie et Ă©levĂ©e par une ourse. DĂ©couverte par des chasseurs, elle devient une guerriĂšre exceptionnelle pourvue de capacitĂ©s uniques offertes par les Dieux. Elle est la seule femme Ă  faire partie des Argonautes qui accompagnĂšrent la quĂȘte de Jason. Le premier opus de la sĂ©rie conte cette partie de sa vie. Son abandon bĂ©bĂ©, sa vie dans la forĂȘt, son Ă©ducation par les hommes puis se conclue par son acceptation par les Argonautes et le dĂ©but de cette aventure. Les deux tomes suivants racontent deux des aventures rencontrĂ©es par les Argonautes. Ce quatriĂšme album n’échappe pas Ă  la rĂšgle.

En effet, l’histoire se dĂ©roule dans la citĂ© de Salmy. Les Argonautes s’y sont arrĂȘtĂ©s afin de faire le plein de vivres. Mais la dĂ©ception est au rendez-vous. Le dirigeant local leur apprend que ses concitoyens et lui sont victimes d’une malĂ©diction. Une horde de harpyes dĂ©truit leurs champs et saignent leurs troupeaux. Depuis, elles terrorisent les habitants Ă  chacun de leur repas afin d’affamer la citĂ©. Jason et ses amis dĂ©cident alors d’affrontent ces adversaires ailĂ©es d’apaiser le climat de la citĂ©. Au cours de l’affrontement, CalaĂŻs et ZĂ©tĂ©e, fils de BorĂ©e sont faits prisonniers. Le repĂšre des harpies Ă©tant dans la citĂ© des nuages, il faut qu’Atalante trouve un moyen de capturer des chevaux ailĂ©s afin d’atteindre la citĂ© et libĂ©rer ses amis


Dieux, légendes et magie.

Comme essaie de vous le montrer mon rĂ©sumĂ©, « Atalante » nous conte les aventures mythologiques d’une des femmes les plus cĂ©lĂšbres de cet univers. Toute la narration est construite autour de son personnage. Cette dimension « historique » avait fait partie des attraits qui m’avaient incitĂ© Ă  dĂ©couvrir cette sĂ©rie. Depuis, je guette l’apparition d’un nouvel album. Il est donc Ă©vident qu’il faut ĂȘtre sensible Ă  ce genre de thĂ©matique. Il est ici histoire de dieux, de lĂ©gendes, de magie
 Les personnes qui y sont rĂ©fractaires doivent tout de suite passer leur chemin. Par contre, les adeptes du genre qui ont toujours Ă©tĂ© captivĂ©s par les aventures d’Ulysse ou par la guerre de Troie ont trouvĂ© une sĂ©rie pour eux. Je me garderai de faire une critique sur la rigueur de la narration et sa fidĂ©litĂ© Ă  la mythologie grecque. NĂ©anmoins, j’ai pris Ă©normĂ©ment de plaisir Ă  dĂ©couvrir tous ces hĂ©ros haut en couleur.

Ce quatriĂšme opus est peu liĂ© aux prĂ©cĂ©dents. En effet, ils se dĂ©roulent sur une nouvelle Ăźle et Ă  aucun moment, les aventures prĂ©cĂ©dentes sont rĂ©ellement Ă©voquĂ©es. A priori, lorsqu’on est Argonaute on passe vite d’une quĂȘte Ă  l’autre. Le seul intĂ©rĂȘt de dĂ©couvrir les albums dans l’ordre est dans le fait qu’on maĂźtrise mieux les personnages, leurs caractĂšres, leurs passĂ©s, leurs rapports entre eux. Pour les mĂȘmes raisons, il est trĂšs utile de lire au moins le premier tome. Il montre les origines d’Atalante et explique beaucoup de choses qui sont succinctement Ă©voquĂ©s dans les tomes suivants.

Dans cet album, la trame ne perd pas de temps Ă  se mettre en place. En effet, dĂšs la premiĂšre page, le problĂšme est posĂ© : la malĂ©diction des harpies nous ait contĂ©e. DĂšs la page six, la bataille se met en place. Trois pages plus tard, les BorĂ©ades sont enlevĂ©s. On se doute alors que les rĂ©cupĂ©rer sera l’objectif de l’album. Il faut dire que le titre de l’album est un bel indice. L’histoire est construite en escalier. Pour atteindre la citĂ© des nuages, il faut capturer les chevaux ailĂ©s. Pour capturer les chevaux ailĂ©s, il faudrait convaincre Andros. Pour cela, il faut l’aide d’une chimĂšre qu’on ne pourra pas rencontrer sans l’intervention des griffons. Bref, on a parfois l’impression qu’on n’y arrivera jamais ! Heureusement, Atalante gĂšre la situation. Ne croyez pas pour autant que l’histoire est rĂ©pĂ©titive. Comme dans toutes les lĂ©gendes, chaque Ă©preuve a sa mĂ©thode et sa solution. RĂ©sultat, Ă  aucun moment, l’ennui ne guette. On se demande uniquement comment l’auteur va-t-il arriver Ă  sauver nos prisonniers en si peu de pages. La solution est simple, cet opus est conclu par un « Ă  suivre » ! EspĂ©rons qu’il ne faudra pas attendre la suite pendant plus de six ans.

Mais cet album ne se veut pas uniquement narratif. Il ne s’agit d’un extrait de « La mythologie pour les nuls ». Il s’agit avant tout d’un album de bandes dessinĂ©es particuliĂšrement rythmĂ©. Entre les poursuites, les batailles, les Ă©preuves, on ne peut pas dire qu’on s’ennuie. L’histoire est dense. On ne souffle jamais. Il faut dire que c’est rare que les hĂ©ros mythologiques connaissent un temps de pause. Crisse arrive Ă  donner un genre majestueux aux diffĂ©rents intervenants. Le cĂŽtĂ© grandiose de l’univers est bien transcrit par l’auteur. J’aime beaucoup le style de Crisse. Il est grand public, trĂšs rond. La gente masculine sera pleinement satisfait par les courbes de toutes les dames qui traversent l’histoire, la parme revenant nĂ©anmoins Ă  notre chĂšre chasseresse Atalante dont le physique est sans dĂ©faut !

Pour conclure, malgrĂ© l’attente, je n’ai pas Ă©tĂ© déçu par cet opus. J’avais trouvĂ© le troisiĂšme un peu brouillon. J’ai trouvĂ© celui-ci bien meilleur. J’ai pris Ă©normĂ©ment de plaisir Ă  le lire. AprĂšs l’avoir dĂ©vorĂ© une premiĂšre fois, je l’ai redĂ©couvert lors de ma deuxiĂšme lecture. J’ai pris le temps de m’imprĂ©gner davantage des personnages et mon plaisir en a Ă©tĂ© exacerbĂ©. C’est donc une sĂ©rie que je conseille aux adeptes de mythologie. On ressent bien cette atmosphĂšre lĂ©gendaire. Cela donne envie d’en dĂ©couvrir davantage sur les diffĂ©rents intervenants. Souvent, Ă  la fin de ma lecture d’un des albums, je me jette sur wikipedia pour en dĂ©couvrir davantage sur les diffĂ©rents intervenants. Je ne peux donc que vous incitez Ă  dĂ©couvrir cet univers. Le dĂ©paysement est garanti.

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note3

Blotch, Oeuvres ComplĂštes – Blutch

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Titre : Blotch, Oeuvres ComplĂštes
Scénariste : Blutch
Dessinateur : Blutch
Parution : Janvier 2009
Parution tome 1 : Septembre 1999
Parution tome 2 : Octobre 2000


 Je me suis offert rĂ©cemment les Ɠuvres complĂštes de « Blotch », sĂ©rie dessinĂ©e et scĂ©narisĂ©e par Blutch. Cet ouvrage comprend les deux tomes qui Ă©taient parus alors. « Blotch » est le nom du personnage principal, dessinateur dans Fluide Glacial dans le Paris des annĂ©es 30
 Oui, vous avez bien lu !

Il n’est pas rare de voir les auteurs de Fluide Glacial parler de leur rĂ©daction (tout comme on trouvait ce genre de thĂšme dans Gaston qui travaillait chez Dupuis
). Mais rarement on aura vu une telle crĂ©ativitĂ©. En transposant l’histoire dans l’entre deux guerres, Blutch impose une ambiance dĂ©suĂšte incroyable. De mĂȘme, les dessinateurs d’humour deviennent des artistes pĂ©dants, buvant dans les cafĂ©s du beau Paris. Ce dĂ©calage entre ce que l’on peut imaginer de Fluide Glacial (grosses blagues et pinard) et cette attitude pincĂ©e d’artistes arrogants est vraiment incroyable.

Un fluide glacial des annĂ©es 30…

 Blotch est le meilleur mais aussi le pire d’entre eux. Il se dit gĂ©nial (et l’est a priori), mais est aussi rampant, prĂȘt Ă  Ă©craser les autres par des manƓuvres plus fourbes les unes que les autres. Le personnage est dĂ©testable. Arrogant, prĂ©tentieux, raciste, arriviste
 Et Ă©minemment grotesque ! Ainsi, en Ă©crasant son propre alter-ego, Blutch crĂ©e une complicitĂ© avec son lecteur. 

Evidemment, tout le monde en prend pour son grade. On passera sur ses collĂšgues (on reconnaĂźtra Gaudelette, Larcenet
), le rĂ©dacteur en chef (dont l’avis dĂ©cide de tout) et les investisseurs (les pires de tous). Seules les personnes extĂ©rieures Ă  Fluide Glacial paraissent alors sympathiques, comme son concurrent de toujours, Jean Bonnot ! Le tout est construit autour de petites histoires de quelques pages entraĂźnant une chute. Ce rythme vient de la parution prĂ©alable dans le magazine Fluide Glacial. Evidemment, l’auteur dĂ©veloppe certains fils rouges (comme sa concurrence avec Jean Bonnot).

L’aspect dĂ©suet des annĂ©es 30 est parfaitement retranscrit. Les dialogues sont savoureux et adaptĂ©s Ă  l’époque. De mĂȘme, lorsque l’on voit les dessins d’humour dessinĂ©s par Blutch, ils correspondent Ă  l’humour de l’époque. Une vĂ©ritable plongĂ©e presque un siĂšcle en arriĂšre ! Qui plus est, cette utilisation de l’entre deux guerres sert vraiment les gags. Il y a une vraie exploitation de l’époque en tant que telle.

Le dessin est Ă©videmment au diapason du sujet. Le choix d’un noir et blanc Ă©lĂ©gant retranscrit parfaitement l’atmosphĂšre surannĂ©e de l’ouvrage. Le trait de Blutch est toujours aussi dynamique et expressif. A n’en pas douter, un des grands dessinateurs actuels.

Si « Blotch » tient de la parodie, la direction que prend l’ouvrage en fait un Ɠuvre Ă  part. En utilisant une caricature dĂ©calĂ©e dans le temps, Blutch crĂ©e une bande-dessinĂ©e beaucoup plus subtile et complexe. Un album dont on ne peut que se dĂ©lecter.

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Note : 19/20

ChĂąteau de sable – Frederik Peeters & Pierre-Oscar LĂ©vy

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Titre : ChĂąteau de sable
Scénariste : Pierre-Oscar Lévy
Dessinateur : Frederik Peeters
Parution : Septembre 2009


J’ai dĂ©couvert Frederik Peeters par sa sĂ©rie « Aama » oĂč il officiait seul comme scĂ©nariste et dessinateur. CharmĂ© par son dessin inventif et dynamique, j’avais envie de dĂ©couvrir d’autres ouvrages de cet auteur. C’est chose faite avec « ChĂąteau de sable », scĂ©narisĂ© par Pierre Oscar-LĂ©vy, qui part un instant du cinĂ©ma pour faire un incursion dans la bande-dessinĂ©e. Ce one-shot d’une centaine de pages est publiĂ© chez Atrabile.

On est en Ă©tĂ©. Il fait chaud. Au bord d’une petite crique, des familles viennent profiter de la mer (et accessoirement, rĂąlent de voir qu’elles ne sont pas les seules Ă  connaĂźtre cette crique !). Mais voilĂ  que l’on retrouve une jeune femme morte. Or, un AlgĂ©rien traĂźne dans les parages, sans que l’on comprenne bien ce qu’il fait ici


Des ĂȘtres humains face Ă  des questions existentielles.

ChĂąteauDeSable1Curieux livre que ce « ChĂąteau de sable ». FormĂ© autour d’un huis clos trĂšs thĂ©Ăątral, il bascule rapidement dans le fantastique. Au-delĂ  de cet aspect, c’est avant tout des ĂȘtres humains qui sont placĂ©s devant des questions existentielles. Difficile d’en rĂ©vĂ©ler plus sans gĂącher la surprise
 MalgrĂ© le nombre de personnages importants, les auteurs les dĂ©veloppent suffisamment pour enrichir le propos et amener de nombreux points de vue. Tous les Ăąges, professions et caractĂšres semblent reprĂ©sentĂ©s.

L’aspect humain est une chose, mais ce qui nous prend avant tout est le suspense. La montĂ©e en tension est remarquablement menĂ©e. On est vraiment pris dans l’histoire et on dĂ©vore les pages Ă  toute vitesse. En cela, l’album est remarquablement gĂ©rĂ©. Les rĂ©vĂ©lations sont donnĂ©es avec parcimonie. Une belle gestion du suspense !

Concernant le dessin, Frederik Peeters propose des personnages affirmĂ©s, aux traits aisĂ©ment reconnaissables. Son trait au pinceau est d’une grande beautĂ© et le noir et blanc lui rend honneur tant les cases sont pleine de matiĂšre. La reprĂ©sentation de la chaleur et de tant de personnages aux Ăąges et corpulence diffĂ©rentes force le respect. Un grand dessinateur, s’il Ă©tait encore besoin de le dire.

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« ChĂąteau de sable » est un trĂšs beau one-shot. Remarquablement dessinĂ©, dotĂ© d’une narration aux petits oignons et d’un suspense implacable, il ne vous laissera pas indiffĂ©rent.

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Note : 16/20

Like a steak machine – Fabcaro

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Titre : Like a Steak Machine
Scénariste : Fabcaro
Dessinateur : Fabcaro
Parution : Septembre 2009


Aujourd’hui, nombreux sont les auteurs Ă  se lancer dans l’autobiographie. Fabcaro n’échappe Ă  la rĂšgle. Je le connaissais alors pour « Amour, Passion et CX Diesel » (au scĂ©nario) et « Jean-Louis et son encyclopĂ©die », des ouvrages 100% humouristiques. Avec « Le steak hĂąchĂ© de DamoclĂšs » et « Droit dans le mĂ»r » (aux Ă©ditions de La CafĂ©tiĂšre), il se prĂ©sentait comme quelqu’un de complĂštement nĂ©vrosĂ©, avec des problĂšmes de communication et de sociabilitĂ© trĂšs limitĂ©e. Bref, un personnage trĂšs loin de ce que l’on peut imaginer d’un auteur humoristique. Avec « Like a steak machine », Fabcaro reprend son processus introspectif. Douloureux souvenirs


Le principe de « Like a steak machine » est dĂ©crit dĂšs la premiĂšre planche. Ici, une chanson sert de base Ă  chaque planche. Chaque morceau rappelle un Ă©vĂšnement passé : un premier concert, une nuit blanche, une rupture ou n’importe quoi d’autre. Chaque planche raconte une anecdote. Si bien que l’ouvrage est beaucoup plus orientĂ© « souvenir » qu’ « analyse ».

Des anecdotes musicales pleine d’autodĂ©rision.

Le thĂšme Ă©tant les souvenirs par la musique, on retrouve ainsi pas mal d’anecdotes musicales (notamment les concerts). Mais surtout, l’aspect introspectif est beaucoup moins fort, ce qui en fait un ouvrage plus lĂ©ger que les prĂ©cĂ©dents. L’humour est toujours fortement prĂ©sent, avec une bonne dose d’autodĂ©rision.

Il y a Ă©galement un petit cĂŽtĂ© dĂ©suet et nostalgique pas dĂ©sagrĂ©able dans cet ouvrage. Raconter des souvenirs n’apporte pas toujours cet aspect-lĂ  mais ici on reconnaĂźt l’époque sans peine. En effet, les citations de chansons, groupes et artistes sont autant de repĂšres (ou pas justement !) dissĂ©minĂ©s dans chaque page. Cet aspect marquĂ© dans une Ă©poque m’a rappelĂ© de loin « Le Petit Christian » de Blutch.

Je ne cacherais pas que cet ouvrage est moins fort que les deux prĂ©cĂ©dents. Le fait qu’il se construise sur des anecdotes de jeunesse le rend moins original. Il n’est donc pas rare de lire certains souvenirs quasiment Ă  l’identique d’autres artistes. La force de Fabcaro tient avant de sa capacitĂ© Ă  mettre de l’humour et de l’autodĂ©rision partout.

Et cet humour est fortement appuyĂ© par le trait de l’auteur. En effet, ces personnages sont trĂšs expressifs (bien que moins « cartoons » que dans d’autres de ses BDs), notamment son alter-Ă©go. Le trait relĂąchĂ©, en noir et blanc, est trĂšs agrĂ©able et lisible. Je le prĂ©fĂšre de loin Ă  son dessin « cartoon ».

Au final, « Like a steak machine » est peut-ĂȘtre l’ouvrage autobiographique de Fabcaro le moins original, mais aussi clairement le plus accessible. Moins axĂ© sur ses nĂ©vroses, le livre permet au lecteur de beaucoup plus s’identifier au personnage. Tout dĂ©pendra donc de ce que vous recherchez !

avatar_belz_jolNote : 16/20

Jean-Louis et son EncyclopĂ©die, T1 : Les Profs sont des Cons (sauf Jean-Louis) – Fabcaro

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Titre : Jean-Louis et son Encyclopédie, T1 : Les Profs sont des Cons (sauf Jean-Louis)
Scénariste : Fabcaro
Dessinateur : Fabcaro
Parution : Août 2009


Fabcaro est un auteur de bandes dessinĂ©es qui m’était inconnu jusqu’au passage rĂ©cent du PĂšre NoĂ«l dans mon foyer. En effet, j’ai eu le plaisir de dĂ©couvrir un de ses ouvrages sous le sapin. Il s’agit de « Jean-Louis (et son encyclopĂ©die) ». EditĂ© chez Drugstore, cet album est composĂ©e d’un petit peu moins de cinquante pages. Il est vendu au prix de dix euros. Chaque page est composĂ©e de trois sĂ©ries de trois cases.

L’album nous conte les aventures de Jean-Louis. Ce dernier est enseignant et la partie de sa vie qui nous est narrĂ©e est celle qui se dĂ©roule en salle des professeurs. La description faite sur la quatriĂšme de couverture est la suivante : « Et voilĂ  la sacro-sainte salle des profs oĂč vous allez passer pas mal de temps
 Je vous laisse faire connaissance avec vos collĂšgues
 Vous allez voir, ici c’est l’ambiance garantie
 ».

Au-delĂ  de son statut d’enseignant, on ne peut pas dire que Jean-Louis soit le parti idĂ©al. En effet, en plus d’un physique peu avantageux, il a la particularitĂ© d’accumuler bon nombres de dĂ©fauts. Il est entre autre Ă©goĂŻste, manipulateur, hypocrite et radin. J’en oublie sĂ»rement. On peut rĂ©sumer sa vie par : « Tout pour ma gueule ». Le problĂšme est que la finesse n’est pas sa qualitĂ© principale et bien souvent la chute de l’histoire n’est pas Ă  son avantage.

Le milieu enseignant n’est que l’univers de l’histoire.

Une des modes actuelles dans la bande dessinĂ©e est les sĂ©ries construites autour du thĂšme propre Ă  un corps de mĂ©tier : les profs, les pompiers, les CRS etc. Bien souvent, ses albums m’ont déçu. Ils sont souvent prĂ©visibles et rĂ©pĂ©titifs. Bref, on est déçu en les dĂ©couvrant et nos zygomatiques sont peu sollicitĂ©es. Le thĂ©matique de « Jean-Louis (et son encyclopĂ©die) » pourrait appartenir Ă  cette mouvance du fait du mĂ©tier de son hĂ©ros. Je vous rassure, ce n’est pas le cas. Car le thĂšme de l’album n’est pas la salle des professeurs mais Jean-Louis et ses aventures dans la salle des professeurs. Le milieu enseignant n’est que l’univers de l’histoire. Son hĂ©ros est bel et bien Jean-Louis. Bon nombre de gags ou de dialogues pourraient avoir lieu sur tous les lieux de travail. En ce sens, Jean-Louis touche tout le monde.

Comme je l’ai dit en introduction, chaque page est composĂ©e de trois sĂ©ries de trois cases. Bien souvent, chaque sĂ©rie correspond Ă  un gag. Le risque de ce genre de structure est d’alterner des chutes hilarantes avec des moments plus moyens. Ce n’est ici pas le cas. La qualitĂ© est au rendez-vous tout au long des quarante-huit pages. On rigole de Jean-Louis sans cesse. Son manque de savoir-vivre et sa maladresse ne cessent de solliciter nos zygomatiques. L’auteur arrive Ă  crĂ©er des situations trĂšs originales. Il a de plus un talent pour les dialogues qui rend chaque situation trĂšs rĂ©ussie.

Cet album se dĂ©vore. On a toujours hĂąte de dĂ©couvrir le gag suivant tant notre cher Jean-Louis ne semble avoir aucune limite. De plus, une deuxiĂšme lecture n’est pas dĂ©sagrĂ©able. On rit Ă  nouveau de bon cƓur et on savoure mĂȘme davantage certaines phrases lues trop vite la premiĂšre fois. Je pense que c’est un bouquin qu’on peut s’acheter tant chaque redĂ©couverte fera rire une nouvelle fois son lecteur.

Il est temps maintenant de vous parler de la fameuse encyclopĂ©die de Jean-Louis. En plus de toutes ses « qualitĂ©s » prĂ©cĂ©demment citĂ©es, Jean-Louis est particuliĂšrement fier de lui. Tellement fier qu’il s’est mis en tĂȘte d’écrire une encyclopĂ©die et il fait en sorte, de maniĂšre toujours discrĂšte, que ses collĂšgues soient au courant. A priori, chacun de ses lecteurs a quelques rĂ©serves sur l’intĂ©rĂȘt et le sĂ©rieux de l’ouvrage en question. On en dĂ©couvre d’ailleurs de nombreux extraits dans l’album. On dĂ©couvre donc les rĂ©ponses de Jean-Louis Ă  des questions telles que : comment naissent les proverbes, que signifie exactement « ĂȘtre rebelle », qu’est-ce que la philosophie, quelle est l’origine du naturisme etc. Bon nombre de rĂ©ponses Ă  ces questions fondamentales sont plutĂŽt rĂ©ussies et font rire Ă  dĂ©faut de briller par leur pertinence historique ou scientifique.

Il me reste Ă  vous parler des dessins. Comme dit prĂ©cĂ©demment, je dĂ©couvre Fabcaro. J’ai Ă©tĂ© tout de suite sĂ©duit par son style. Dans cet album, on n’y voit que des personnages. Il n’y aucun dĂ©cor derriĂšre. Cela donne une atmosphĂšre aĂ©rĂ©e qui nous concentre complĂštement sur les personnages et leurs dialogues. Car c’est ici que rĂ©side la richesse de cette lecture. Je trouve que les diffĂ©rents intervenants sont bien dessinĂ©es car en les regardant uniquement, on arrive Ă  s’en faire une idĂ©e assez prĂ©cise. Les couleurs sont simples est participe Ă  l’atmosphĂšre rĂ©ussie de l’album.

En conclusion, je ne peux donc que vous conseiller de dĂ©couvrir cet album et cet auteur. Il s’agit pour moi une surprise trĂšs agrĂ©able et je vais m’empresser dĂ©couvrir rapidement le reste de la bibliographie de Fabcaro. J’espĂšre rapidement pouvoir vous dĂ©crire une autre part de son univers car si elles sont toutes de cette qualitĂ©, c’est du bonheur en barre ! 

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Note : 17/20

La ClĂŽture – Fabcaro

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Titre : La ClĂŽture
Scénariste : Fabcaro
Dessinateur : Fabcaro
Parution : Avril 2009


« 6 pieds sous terre » est une maison d’édition qui cherche avant tout Ă  donner de la libertĂ© aux auteurs. Dans « La clĂŽture », Fabcaro profite de cette libertĂ© pour dĂ©livrer un rĂ©cit complĂštement absurde et expĂ©rimental. Difficile Ă  dĂ©finir ce qu’est « La clĂŽture ». Avant tout, cet ouvrage dĂ©crit la difficultĂ© pour un auteur (en l’occurrence, Fabcaro) d’écrire des scĂ©narios quand on est empĂȘtrĂ© dans le quotidien (avec notamment une clĂŽture Ă  rĂ©parer).

Pourtant dans les premiĂšres pages, point de prĂ©sence autobiographique de l’auteur. On dĂ©marre le tout sur des personnages fictionnels. TrĂšs intriguĂ© par le dĂ©but de l’histoire, le lecteur est rapidement rassurĂ© lorsque la compagne de Fabcaro dĂ©clare, en lisant ces mĂȘmes pages : « Mais
 C’est totalement incohĂ©rent
 On comprend rien du tout  ». L’auteur dĂ©clare alors qu’il est au bord de la dĂ©pression et qu’il n’arrive pas Ă  scĂ©nariser avec tout ce qu’il a Ă  faire Ă  cĂŽté 

Les scĂšnes se succĂšdent sans lien apparent entre elles.

Et justement, malgrĂ© tout cela, Fabcaro va pourtant nous scĂ©nariser une histoire entre Sonia et Pierre. La premiĂšre ne rencontre que des losers et voudrait trouver quelqu’un. Le second cherche avant tout un emploi mais semble complĂštement incompĂ©tent pour cela. Ils finiront quand bien mĂȘme par se rencontrer aprĂšs de nombreuses pĂ©ripĂ©ties. Laissant libre court Ă  son imagination, les scĂšnes se succĂšdent sans lien apparent entre elles.

lacloture1Au fur et Ă  mesure des pages, Fabcaro s’intĂšgre dans sa propre fiction, se mettant alors Ă  parler avec ses « acteurs » de ses Ă©tats d’ñme. Pendant ce temps, l’histoire continue
 Cette partie autobiographique, sous une apparence classique, est toujours agrĂ©ablement mise en scĂšne par Fabcaro. Outre le comique absurde de rĂ©pĂ©tition, on retrouve l’auteur devant ses contradictions : faire un ouvrage original au risque d’en « vendre huit ». La panne d’inspiration reste Ă©videmment le principal sujet de l’ouvrage, puisqu’il est la raison du bordel incroyable qu’est « La clĂŽture » : ne sachant qu’écrire, Fabcaro fait n’importe quoi, essayant des choses diverses et variĂ©es. Evidemment, les derniĂšres pages amĂšnent un Ă©claircissement salvateur et « La clĂŽture » prend alors tout son sens.

MalgrĂ© la confusion volontaire du rĂ©cit, on rit beaucoup dans cet ouvrage. Les dialogues, les situations absurdes, le mĂ©lange des genres
 Fabcaro maĂźtrise son humour si particulier et personnel avec maestria. Qu’importe le personnage ou le lieu, l’auteur parvient Ă  nous arracher des rires avec un sens du contre-pied incroyable.

Au niveau du dessin, j’avoue ĂȘtre trĂšs fan du trait de Fabcaro. Ses personnages aux longs cous sont trĂšs expressifs. Mention spĂ©ciale aux silences, parfaitement retranscrits graphiquement, souvent par une rĂ©pĂ©tition maĂźtrisĂ©e et intelligente de la case.

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« La ClĂŽture » est une Ɠuvre exigeante. La feuilleter dans une librairie ou une bibliothĂšque risque fort de faire hĂ©siter le lecteur. DotĂ© d’un humour efficace et d’une mise en abĂźme originale, cette bande-dessinĂ©e, trĂšs expĂ©rimentale, n’en est pas moins avant tout une vĂ©ritable histoire avec ses personnages, ses retournements de situation. Un monument de l’absurde.

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Note : 18/20

De cape et de crocs, T9 : Revers de fortune – Alain Ayroles & Jean-Luc Masbou

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Titre : De cape et de crocs, T9 : Revers de fortune
Scénariste : Alain Ayroles
Dessinateur : Jean-Luc Masbou
Parution : Novembre 2009


« Revers de fortune » est le neuviĂšme et avant-dernier acte de « De Cape et de Crocs ». On se rapproche ainsi du dĂ©nouement de la grande saga nĂ©e de l’imagination d’Alain Ayroles et de Jean-Luc Masbou. Le scĂ©nario du premier et les dessins du second nous enchantent depuis plus de quinze ans. Cet ouvrage est paru en 2009 chez Delcourt dans la collection « Terres de LĂ©gendes ». Il se compose d’une grosse quarantaine de pages et a un prix proche de quatorze euros. La couverture est dans des tons verts et sombres. On y dĂ©couvre un de nos hĂ©ros, l’arme Ă  la main et le regard haut. Au second plan, on trouve trois de ses amis l’air apparemment abattus. Au fond, apparait un moulin. Est-ce Ă  dire que la quĂȘte des hĂ©ros s’apparente Ă  celle perdue de Don Quichotte ? Il ne reste plus qu’à se plonger dans la lecture pour le savoir.

decapeetdecrocs9aLe synopsis de ce nouvel Ă©pisode proposĂ© par la quatriĂšme de couverture est le suivant : « Les lĂ©gions du sinistres Mendoza ont investi la capitale sĂ©lĂ©nite. L’infĂąme prince Jean est dĂ©sormais le maĂźtre absolu de la Lune. Pour les rares rescapĂ©s de l’armĂ©e royale, tout espoir semble anĂ©anti. Tout espoir ? Voire. Car il est une chose que Monsieur de Maupertuis et ses amis ont su conserver intacte dans le dĂ©sastre : leur panache. »

Avant d’entrer davantage dans le cƓur du sujet de cet album, je me dois de prĂ©ciser que « Revers de fortune » s’inscrit dans une grande Ă©popĂ©e. Il est indispensable d’avoir lu les huit actes prĂ©cĂ©dents pour pouvoir y plonger sans risquer de se noyer. Au moment, de commencer ma lecture, j’avais laissĂ© les hĂ©ros dans une situation bien dĂ©licate. Le combat pour protĂ©ger le roi de la Lune de son terrible frĂšre et de son horrible bras droit avait Ă©tĂ© perdu. Certains des protagonistes apparaissaient touchĂ©s au plus profond de leur chair. Tout semble perdu. En ce sens, on a avait fini notre lecture touchĂ©. J’étais donc plein d’espoir Ă  l’idĂ©e de dĂ©couvrir la suite. Il devait s’agit de la remontĂ©e. Nos hĂ©ros devaient se relever et mener un dernier combat pour sauver la Lune. Ce n’était pas rien !

Cet album est donc plein d’espoir. On voit l’obscuritĂ© dans laquelle s’était clos l’opus prĂ©cĂ©dent s’éclairer quelque peu. Les hĂ©ros construisent leur Ă©lan sur le panache qui les caractĂ©rise tant. Ainsi, ils se relĂšvent et dĂ©cident de tenter l’impossible. Cette reprise en main nous prend les tripes. On est Ă©mu de vivre ces moments. Cet instant est toujours trĂšs agrĂ©able que ce soit au cinĂ©ma ou dans la littĂ©rature. On a touchĂ© le fond, on dĂ©cide de rebondir. C’est cet aspect qui habite « Revers de fortune ». Son atmosphĂšre diffĂšre donc de celle qui envahissait le prĂ©cĂ©dent acte. L’enthousiasme nait rapidement, tout semble possible. Cela gĂ©nĂšre une ambiance enivrante et pleine de vie. L’empathie qu’on ressent Ă  l’encontre des protagonistes prend toute son ampleur et offre une lecture particuliĂšrement prenante.

Chaque scÚne est mémorable.

decapeetdecrocs9bConcernant le scĂ©nario, il est une nouvelle fois dense et habilement construit. Le premier tiers nous prĂ©sente un Ă©tat des lieux assez piteux de nos hĂ©ros. On y dĂ©couvre l’essence qui fera naitre la rĂ©bellion. Dans un second temps, plus optimiste, on voit la marche en avant de ceux qu’on croyait vaincu. La derniĂšre partie marque la bataille irrĂ©mĂ©diable pour la fin de l’oppression. Tout cela est classique dans les grandes lignes. Mais le talent d’écriture d’Ayroles fait que chaque scĂšne est mĂ©morable et que nombre de rĂ©pliques sont amenĂ©s Ă  ĂȘtre cultes. La capacitĂ© de l’auteur Ă  Ă©crire des dialogues de cette qualitĂ© est un vĂ©ritable hommage au thĂ©Ăątre qui habite chaque page de la sĂ©rie. De plus, le cĂŽtĂ© Ă©pique que gĂ©nĂšre le panache permanent des hĂ©ros font de notre voyage littĂ©raire une vĂ©ritable Ă©popĂ©e mythologique !

Les dessins de Jean-Luc Masbou accompagnent toujours aussi parfaitement les aventures de tout ce beau monde. Son style participe pleinement aux variations d’ambiance qui naissent de notre lecture. Les dĂ©buts habitĂ©s par le dĂ©sespoir sont bien transcrits par le trait de Masbou. Les pĂ©rĂ©grinations du maitre d’armes dans des forĂȘts vierges sont Ă©galement criantes de rĂ©alisme malgrĂ© la dimension fantastique de l’histoire. Je ne vous listerai pas tous les moments et les caractĂ©ristiques de chacun. Cela a peu d’intĂ©rĂȘt et vous gĂącherait la dĂ©couverte. Mais sachez que le voyage vaut le dĂ©tour.

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En conclusion, « Revers de fortune » offre une derniĂšre marche avant le dĂ©nouement des plus rĂ©ussies. Les derniĂšres pages nous font comprendre que la fin est proche. MalgrĂ© cette issue Ă  venir, les auteurs persistent Ă  offrir un ouvrage d’une rare qualitĂ© qui participera au fait que « De Cape et de Crocs » marquera l’histoire du neuviĂšme art des vingt derniĂšres annĂ©es. Je ne peux donc que vous conseiller de vous y plonger. De mon cĂŽtĂ©, il me reste Ă  dĂ©couvrir « De la Lune Ă  la Terre ». Mais cela est une autre histoire
 

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Note : 17/20

Buzz-moi – AurĂ©lia Aurita

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Titre : Buzz-moi
Scénariste : Aurélia Aurita
Dessinatrice : Aurélia Aurita
Parution : Septembre 2009


En 2006, AurĂ©lia Aurita publie « Fraise et chocolat ». L’ouvrage prĂ©sente sa vie sentimentale et sexuelle. TrĂšs explicite, l’album finit par faire un buzz plusieurs mois aprĂšs, bien au-delĂ  de la sphĂšre BD. C’est donc la presse gĂ©nĂ©raliste qui s’intĂ©resse Ă  elle. Absolument pas prĂ©parĂ©e Ă  ce dĂ©ferlement mĂ©diatique et Ă  toutes ces sollicitations, l’auteure nous explique ici comment elle a vĂ©cu les choses.

Je prĂ©cise dĂšs lors que je n’avais pas aimĂ© du tout « Fraise et chocolat ». MalgrĂ© tout, la lecture prĂ©alable de l’ouvrage est nĂ©cessaire pour pleinement saisir ce « Buzz-moi ». Dans le cas inverse, on ne comprend pas forcĂ©ment tous les tenants et les aboutissants.

BuzzMoi1L’ouvrage dĂ©veloppe plusieurs aspects. D’un cĂŽtĂ©, la relation aux journaux, aux magazines et Ă  la tĂ©lĂ©vision. La jeune femme dĂ©couvre ce monde dĂ©crit de façon pĂ©jorative. Pour simplifier, on l’interviewe sans avoir lu son livre. De l’autre cĂŽtĂ©, il y a les sĂ©ances de dĂ©dicaces et les rencontres avec les lecteurs. Clairement, cet aspect est peu intĂ©ressant car dĂ©jĂ  traitĂ© mille fois par d’autres auteurs et AurĂ©lia Aurita, malgrĂ© le cĂŽtĂ© sulfureux de son livre, n’a finalement pas grand-chose de nouveau Ă  apporter (Ă  la limite, c’est rassurant).

On dĂ©couvre donc une auteure qui a droit Ă  un portrait dans LibĂ©ration et qui est invitĂ©e au Grand Journal. L’interrogation demeure : comment ne pas ĂȘtre ridicule face Ă  ça ? De mĂȘme, AurĂ©lia Aurita semble d’autant plus sensible aux critiques. C’est plutĂŽt bien expliquĂ©. Cela commence par un article de blog, puis dans un journal, puis une pleine page, etc. Et viennent alors les adorateurs et les haineux.

Un manque de profondeur dans l’analyse

Ce qui me gĂȘne dans son livre, c’est que l’on est avant tout devant une succession d’anecdotes. Il manque une analyse, une profondeur qui donnerait du sens Ă  l’ensemble. C’est plaisant de dĂ©couvrir les coulisses, mais un peu plus de fond n’aurait pas fait de mal. L’auteure joue beaucoup de sa sensibilitĂ© pour nous Ă©mouvoir. On sent quelqu’un d’honnĂȘte et de sincĂšre. Et c’est souvent le but d’une autobiographie que de se dĂ©voiler et de crĂ©er de l’empathie. Mais vu le sujet du livre, on n’est pas loin du documentaire. Surtout que l’auteure sait bien prĂ©server sa vie privĂ©e justement.

Le dessin d’AurĂ©lia Aurita est relĂąchĂ© et nerveux, soutenu par des aplats de gris. Le trait est vif et cela correspond bien au propos. Bien que la plupart des scĂšnes soient assez statiques, l’auteure sait rendre l’ensemble vivant et finalement variĂ© dans la mise en scĂšne.

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« Buzz-moi » n’est pas dĂ©nuĂ© d’intĂ©rĂȘt. Il prĂ©sente les consĂ©quences d’un buzz sur un artiste qui ne l’a pas vu venir. Cependant, l’auteure se confine beaucoup dans les faits et laisse une part Ă  l’analyse qui me paraĂźt un peu trop tĂ©nu. On retrouvera le mĂȘme choix dans « LAP ! ». Mais si vous vous intĂ©ressez aux coulisses de la BD et des mĂ©dias, jetez un coup d’Ɠil Ă  ce « Buzz-moi » sans hĂ©siter !

avatar_belz_jol

Note : 12/20