Chroniques de JĂ©rusalem

ChroniquesDeJerusalem


Titre : Chroniques de JĂ©rusalem
Scénariste : Guy Delisle
Dessinateur : Guy Delisle
Parution : Novembre 2011


Guy Delisle a imposé son style dans ses livres de voyage. Après la Chine, la Corée du Nord et la Birmanie, le voilà qui arrive en Israël, à Jérusalem. Publié comme le précédent aux éditions Delcourt, dans la collection Shampooing, l’auteur canadien a su bonifier son trait et sa narration au point que ce « Chroniques de Jérusalem » obtienne le prix du meilleur album au Festival International de Bande-Dessinée d’Angoulême en 2012 ! Alors, qu’en est-il ? Ce prix est-il mérité ?

Le terme de « chroniques » est parfaitement adapté car nous allons avoir droit ici à de nombreuses anecdotes et morceaux de vie. Pas question de créer une longue narration. Si bien que malgré le nombre de pages importants (plus de 300 !), le livre se lit très agréablement, la lecture pouvant s’arrêter à tout moment sans problème. Guy Delisle suit donc sa femme, qui travaille à Médecins Sans Frontières, en Israël. Ils s’installent à Jérusalem Est (côté arabe) et l’auteur reprend son activité de père au foyer. Pendant que sa femme s’active, il s’occupe de son enfant. L’idée est de trouver de quoi tromper l’ennui. Le jardin d’enfant est, entre autres, une des grandes quêtes du canadien.

Un regard plus affûté

Évidemment, l’aspect touristique est vite présent. Guy Delisle visite le pays (ou du moins les environs) avec sa candeur habituelle. Il évite tout jugement (même si celui-ci transparaît) et note avant tous les incohérences et ce qui le choque de visu. Ainsi, voir des fusils d’assaut régulièrement le laisse perplexe… L’appel à la prière le fait sursauter…  Tout est raconté de façon chronologique. Ainsi, dans la seconde moitié, la surprise est moins présente chez l’auteur. Le regard se fait plus affûté, bien que toujours sans présenter ses opinions.

Si Delisle avait l’habitude des pays assez fermés, ce n’est pas le cas ici. Israël est une démocratie et il est donc beaucoup plus libre de ses mouvements. Du coup, il pénètre bien plus dans l’esprit du pays que dans les autres livres. Son autonomie lui permet de toucher du doigt plus d’incohérences. Car c’est le véritable sujet du livre : Israël est présenté comme un pays complètement absurde. C’en est souvent risible, mais malheureusement aussi inquiétant. L’auteur met le doigt sur des comportements et des usages complètement improbables. Il y présente un pays où des populations vivent ensemble sans se croiser ou se parler. C’est un véritable apartheid en pleine démocratie. A cela s’ajoute les communautés religieuses les plus orthodoxes du monde… On devine alors une Jérusalem multiple, mais surtout divisée.

Au niveau du dessin, Guy Delisle a affiné son trait. C’est simple mais efficace et la narration se fait avec beaucoup de fluidité. Cette fois-ci, la couleur a plus d’importance. Le tout est souvent colorisé de façon monochrome, mais chaque couleur a un sens. Cela facilite la lecture. Quelques touches de couleurs sont ajoutés afin d’enrichir le tout (souvent en renforçant un effet, comme une explosion par exemple). Clairement, graphiquement, l’auteur progresse et propose un résultat de plus en plus abouti. 

« Chroniques de Jérusalem » est une grande réussite. Difficile d’être indifférent à ce qui y est raconté. Et en présentant le tout de façon factuel, Guy Delisle donne à son ouvrage une certaine universalité, si bien que l’on dévore le livre, allant de surprise en surprise. Un must du carnet de voyage !

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note5

Okko, T7 : Le cycle du feu, première partie

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Titre : Okko, T7 : Le Cycle du Feu, première partie
Scénario : Hub
Dessin : Hub
Parution : Octobre 2011


« Okko » est une série basé sur des cycles élémentaires composés de deux tomes chacun, scénarisée et dessinée par Hub. Après le cycle de l’eau, le cycle de la terre et le cycle de l’air, voici venir le cycle du feu. Premier tome de ce cycle et donc septième de la série, celui-ci démarre sur un mariage entre deux familles très puissantes. Devant l’ampleur du phénomène (qui pourrait amener un nouvel empereur), les familles font appel à la garde blanche, composée des cent samouraïs les plus valeureux. Auquel s’ajoute un cent-unième bien connu : Okko. Bien qu’étant déshonoré et diminué (il a perdu une main lors du cycle précédent), ce qui fait de lui un ronin, ses faits d’armes le rendent indispensables. Cependant, notre héros sait prendre du recul et évite de se mélanger avec des pairs qui le renient.

La réussite d’ « Okko » tient à plusieurs facteurs. Le japon médiéval, teinté de fantastique, est à la fois terriblement exotique et sombre. Hub crée un monde d’héroïc-fantasy japonais avec ses guerriers, ses nobles, ses monstres et ses sorciers. La balance entre l’aspect historique (et documenté) et fantastique est parfaitement dosée et accouche d’un univers crédible et cohérent.

Un Japon médiéval, exotique et sombre.

Autre facteur de réussite : les personnages. Comme dans toute saga de fantasy, « Okko » est avant tout l’histoire d’un groupe. On y trouve Okko, samouraï déchu, Noburo, guerrier géant caché derrière un masque, Noshin, moine alcoolique et Tikku, jeune apprenti du moine. La galerie est pittoresque mais moins caricaturale qu’elle n’y paraît. Les relations entre les personnages sont souvent conflictuelles et les problèmes viennent souvent de l’une des personnes du groupe. Le vrai lien est Okko, qui n’hésite pas à se mettre en danger (voire à se sacrifier) pour défendre l’un de ses compagnons. C’est une vraie force dans cette BD car Okko est parfois à la limite de l’antipathique. Aigri et agressif avec le moine, Hub ne lui fait pas non plus de cadeau. Mais son personnage préfère ses amis à son honneur. L’auteur en fait donc une version nouvelle du samouraï, très intéressante.

Comme d’habitude, l’histoire se passe sur une île. Cycle du feu oblige, elle est volcanique ! Dans ce premier tome du cycle, Hub distille son atmosphère lentement sans dévoiler les vrais tenants de l’intrigue. Et à la fin du tome, un évènement avive un suspense insoutenable. L’auteur maîtrise réellement la construction en deux tomes et c’est sans doute ce qui fait tout le charme de cette œuvre. Plutôt que d’écrire une longue épopée de 8 tomes, Hub écrit des histoires denses à l’identité fortement marquée. Résultat : on a l’impression que « Okko » s’améliore de tomes en tomes.

A force de passer les tomes, on en apprend un peu plus sur les personnages. Hub nous présente un Okko en apparence vieilli et affaibli. Bien que pouvant être lu indépendamment des autres tomes, je conseille tout de même une lecture préalable des ouvrages précédents. De même, le jeune Tikku, si timide et effrayé au départ, vieillit et prend de plus en plus d’initiatives. On a vraiment l’impression de voir évoluer les personnages. Mais comme toujours, c’est très léger et subtil. Hub ménage ses informations, ses évolutions afin de créer une œuvre des plus intéressantes.

Et que dire du dessin ? Il est simplement magnifique. Détaillé et expressif, il sait se faire dynamique dans les combats. La faune et la flore sont parfaitement retranscrits et donnent de la chaleur à ce cycle ardent. De même, tous les apparats du japon médiéval donnent vraiment l’impression d’y être, facilitant notre plongée dans l’univers. Sans en faire trop, Hub sait créer des moments forts dans ses planches. Une grande réussite comme toujours ! De plus, chaque cycle a une vraie identité, que ce soit dans les tons, les couleurs et les ambiances.

« Okko » est une vraiment une œuvre majeure de la bande-dessinée. Construite selon des cycles de deux tomes, tout y est réussi. Un dessin virtuose reconnaissable immédiatement, des intrigues teintées de fantastique, un univers original et cohérent, des personnages complexes et attachants… Je ne peux que vivement la conseiller à ceux qui ne l’auraient pas encore découverte. Chaque tome est un grand moment, simplement.

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note5

 

De profundis

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Titre : De Profundis
Scénariste : Chanouga
Dessinateur : Chanouga
Parution : Avril 2011


« Quelque part entre Ceylan et Bornéo, des pêcheurs racontent avoir autrefois ramené dans leurs filets un drôle de naufragé, une étrange créature chassé du pays des sirènes ». Voilà ce que l’on peut lire en quatrième de couverture de « De profundis », première bande-dessinée scénarisée et dessinée par Chanouga. Sous-titré « l’étrange voyage de Jonathan Melville », elle raconte l’histoire incroyable de ce marin.

Jonathan Melville est marin. Alors qu’il navigue sur une mer paisible, un typhon gigantesque et imprévisible fait son apparition. Pris en pleine tempête, il va passer par-dessus bord et se retrouver sur une île non-répertorié, sauvé par deux jeunes filles à l’air faussement innocent.

deprofundis2Ce roman graphique d’une centaine de pages est construit selon un procédé de narration bien connu : Jonathan écrit une lettre à sa belle dans laquelle il raconte ses péripéties. Le tout est donc articulé autour de flashbacks, bien que la chronologie reste respectée dans l’ensemble. On n’a aucun problème à suivre les évènements.

Une fable noire, Ă  l’onirisme perpĂ©tuel.

« De profundis » est avant tout une fable bien noire. Son onirisme perpétuel nous plonge dans une ambiance sombre et malsaine. A force de douter du réel en permanence, on finit par se demander si, finalement, le rêve n’est pas complètement absent de ce récit fantastique. Ainsi, cet ouvrage tient avant tout par son ambiance particulière, qui la renvoie aux contes les plus glauques de notre enfance. Une forme de retour aux sources en quelque sorte.

deprofundis4L’omniprésence de la narration donne un aspect très littéraire à cette bande-dessinée. Chanouga possède une belle plume, ce qui renforce l’impression que le personnage nous écrit sa lettre. Un peu comme si nous avions trouvé une bouteille lancée à la mer et que nous découvrions son contenu. Nous nous retrouvons dans la peau de sa femme, réalisant ce qui est arrivé à son mari.

En marge des textes, la contemplation est très présente. Les dialogues restent limités et l’observation des paysages et des personnages se taille une part importante du gâteau. L’équilibre entre action, dialogues, narration et contemplation est vraiment bien dosé, et ce sur les 100 pages. Le rythme de l’ouvrage s’en retrouve très bien équilibré.

Difficile de passer à côté du travail graphique de « De Profundis ». C’est simplement magnifique. L’auteur garde son crayonné, sans l’encrer. Cela donne un aspect « dessin » à l’ensemble, d’une grande richesse. Les couleurs sont splendides et s’accordent parfaitement à cette technique. D’ailleurs,deprofundis3 la couleur participe grandement aux ambiances du livre, changeant souvent de tonalité selon les scènes. Les paysages sont parfois de véritables tableaux.

Les personnages ne sont pas en reste. Outre les deux « sirènes », aux airs faussement innocents (et terriblement sensuel !), la petite sirène est parfaitement réussie également. Sans en révéler trop sur l’histoire, le travail sur les personnages par Chanouga se révèle très subtil. Une seule particularité, dessinée sans excès, entraîne un malaise immédiat. Un peu comme si le lecteur s’apercevait d’une anomalie comme le personnage, se demandant s’il a bien vu ce qu’il a cru voir.

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Pour une première bande-dessinée, « De Profundis » est un coup de maître ! Ambiance glauque, suspense haletant, narration de haute volée, dessin splendide et personnel… Ce roman graphique est un bijou plein de poésie. Certes, cela ne plaira pas à tout le monde tant l’ambiance est particulière, mais cette fable marine mérite le coup d’œil. Et plutôt deux fois qu’une !

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note5

Doomboy

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Titre : Doomboy
Scénariste : Tony Sandoval
Dessinateur : Tony Sandoval
Parution : Septembre 2011


Tony Sandoval est un auteur mexicain de bande-dessinĂ©e. Ayant vu l’une de ses expos, j’avais Ă©tĂ© marquĂ© par son graphisme particulier et par son univers très personnel. Je me suis donc procurĂ© « Doomboy », dont les critiques Ă©taient particulièrement Ă©logieuses. « Doomboy » se prĂ©sente sous la forme d’un livre A4 au format paysage. Il compte pas moins de 128 pages et est Ă©ditĂ© aux Editions Paquet. Continuer la lecture de « Doomboy »

Une vie sans Barjot

UneVieSansBarjot


Titre : Une vie sans Barjot
Scénariste : Appollo
Dessinateur : Stéphane Oiry
Parution : Mars 2011


La fin de l’adolescence et le passage à l’âge adulte est un grand classique de la bande-dessinée. À croire que les auteurs sont de grands ados qui ont toujours eu beaucoup de mal à faire leur deuil de cette époque. « Une vie sans Barjot » raconte la dernière nuit de Mathieu dans sa ville natale avant son départ pour les études à la capitale. Le tout pèse une soixantaine de pages et est paru chez Futuropolis.

La soirée commence par un concert dans un bar. Tout le monde semble plus ou moins se connaître. Bienvenue en province, symbole de la banlieue dans le livre. En effet, Mathieu vient d’avoir son bac et son passage à l’âge adulte sera la montée à la capitale. Il va donc perdre ses amis et… Noémie, la fille dont il est secrètement amoureux depuis des années.

La fin de l’adolescence en une soirĂ©e.

UneVieSansBarjot1C’est un récit sur l’adolescence qui nous est proposé. Mathieu et ses copains sont suffisamment attachants pour nous tenir en haleine, eux qui écument les fins de soirée pour retrouver Noémie. Au final, « Une vie sans Barjot » ne raconte pas grand-chose et fait fonctionner pas mal de clichés. Mais cette ambiance de déambulation nocturne ne laisse pas indifférent. La fin casse d’ailleurs un peu cette sensation de fin d’époque. Dommage.

La narration est ainsi purement chronologique et son rythme adopte celui des héros. Peu d’ellipses, tout se suit et forme un tout. Le découpage en quatre bandes des planches renforce cette impression de temporalité. On marche avec les personnages, on attend avec eux… En cela, « Une vie sans Barjot » forme un tout parfaitement cohérent avec son sujet !

Le dessin de Stéphane Oiry est vraiment adapté au récit. Je ne connaissais pas ce dessinateur, mais son trait m’a conquis. Son dessin tout en noirs est parfaitement mis en valeur par une colorisation en bichromie qui permet un découpage des scènes. Beaucoup sont bleues (pour l’extérieur) et les changements vers le jaune ou le rouge apportent un contraste intéressant.

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« Une vie sans Barjot » est une bande-dessinée sympa. Loin d’être révolutionnaire dans son propos ou dans son ambition, elle fait le travail. Elle rappellera certains souvenirs aux nostalgiques qui regrettent encore cette fille à qui ils n’ont pas su déclarer leur flamme…

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note3

Leo Loden, T20 : Lagoustines Breizhées

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Titre : Léo Loden, T20 : Langoustines Breizhées
Scénaristes : Christophe Arleston & Loïc Nicoloff
Dessinateur : Serge Carrère
Parution : Août 2011


« Leo Loden » est une série qui fait son petit bonhomme de chemin. En effet, cet été a vu la parution de son vingtième tome. Depuis le début, le scénario est l’œuvre du célèbre Christophe Arleston. Les dessins sont nés de la plume de Carrere. En cours de route, ils se sont associés à Nicoloff. Le dernier opus s’intitule « Langoustines breizhées ». Toujours édité chez Soleil, il est d’un format classique. Son prix est d’environ dix euros.

Cette série est construite autour du personnage de Leo Loden. Ancien inspecteur de la police à Marseille, il a monté son cabinet de détective privé. Il mène ses enquêtes accompagné de son oncle Loco, ancien marin haut en couleur. Leo file le parfait amour avec une splendide femme pleine de caractère qui s’avère être commissaire. La particularité de cette série est que chaque enquête nous emmène dans une région de France différente et nous permet de découvrir les spécificités locales.

Un mĂ©lange de polar et d’humour en Bretagne

Le titre de cet album est sans équivoque. Nos héros vont découvrir les charmes de la Bretagne. Nos deux détectives partent dans le Finistère rendre service à un ami qui est sur une affaire. Une journaliste a disparu. Elle enquêtait depuis des mois sur des passeurs d’hommes entre l’Afrique et l’Europe. Il apparait donc évident que tout cela est lié. Voilà donc la mission confiée à nos héros : retrouver la disparues et mettre en mal ce réseau…

Cet album, à l’image de la série, a deux objectifs. Le premier est de nous offrir une enquête rythmée et pleine de rebondissements. Le second est de nous divertir et de nous faire rire grâce à ses personnages et leurs caractères. Cela fait de cet opus une lecture légère qui s’adresse à toute la famille. Tout le monde peut théoriquement y trouver quelque chose. Néanmoins, la question qu’il restait à se poser était de savoir si ses deux finalités étaient atteintes.

Concernant l’enquête, on ne trouve rien de révolutionnaire. D’ailleurs, c’est l’évolution de la série qui va dans un sens moins travaillé dans ce domaine. En effet, concernant l’histoire, les auteurs privilégient les scènes d’action au détriment d’une intrigue plus dense et originale. Les poursuites et les bagarres sont fréquentes et laissent donc peu de place à des retournements de situation. Je trouve cela un petit peu dommage car la richesse des premiers tomes de la série réside en grande partie dans l’attrait de l’histoire en elle-même. Dans « Langoustines breizhées », elle n’est pas très épaisse et sans réelle surprise.

Côté humour, Loco nous offre encore beaucoup de bons moments de rigolade. Ce marin aux manières un petit peu rustres et à l’appétit sans limite est la vraie star de la série. Dans cet opus, il ne déçoit pas. Chacune de ses apparitions ou de ses remarques est réussie et génère une atmosphère divertissante à notre lecture. Le bémol vient des autres personnages qui apparaissent bien fades par rapport au vieux loup de mer. En effet, Leo est en retrait. Le fait de ne pas intégrer sa conjointe dans l’histoire met de côté tous les gags découlant de leurs disputes. C’est dommage. De plus, leur copain breton n’est pas assez travaillé. C’est donc parce qu’il possédait un vrai potentiel comique.

Les dessins sont de leur côté dans la lignée des tomes précédents. Ils se prêtent parfaitement à l’ambiance de l’album et à sa nature. Il est relativement arrondi et s’assimile facilement. Les couleurs sont vives. Bref, un feuilletage rapide des pages nous laissent une impression colorée et dynamique. A défaut de nous présenter des planches mémorables, Carrere nous offre un dessin agréable dans lequel on se plonge avec plaisir et aisance. L’auteur nous offre des personnages qui peuvent avoir certaines réactions et comportements assez  « cartonnesque ». Les colères peuvent être hautes en couleur !

En conclusion, « Langoustines breizhées » est un album moyen. Il est loin de faire partie des meilleurs de la série. Il nous offre quelques bons moments et manque de densité pour qu’on soit réellement captivé du début à la fin. Disons que si il s’agissait du premier opus de « Leo Loden », je ne suis pas sûr qu’après sa lecture, je me plonge rapidement dans les autres tomes. Par contre, je n’ai pas regretté de l’acheter pour compléter ma collection. J’ai pris plaisir à retrouver les personnages et me suis montré complaisant avec leurs aventures du fait de la sympathie qu’il m’inspire. Pour ceux qui ne connaissent pas cette série, je vous conseille davantage les premiers bouquins parus. Vous ne regretterez pas le voyage. Vos zygomatiques seront sollicitées.

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Canardo, T20 : Une Bavure Bien Baveuse

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Titre : Canardo, T20 : Une bavure bien baveuse
Scénariste : Sokal
Dessinateur : Sokal
Parution : Octobre 2011


Canardo est un de mes héros de bandes dessinées préférés. Je l’ai découvert il y a des années dans la bibliothèque de mes parents et ai continué à suivre ses aventures une fois le cocon familial quitté. Chaque nouvelle parution est un événement et je m’empresse bien souvent de compléter ma collection sans trop tarder. Ce mois-ci est apparue dans les bacs des librairies « Une bavure bien baveuse » édité chez Casterman. Pour les non adeptes de cette série, elle est le fruit de l’imagination et du trait de Sokal. Sur la couverture, on découvre notre héros, de face. Il est avec la clope au bec, le regard inexpressif en train de jouer aux cartes. Au second plan, on découvre une ravissante femme au décolleté qui ne laisse pas indifférent.

Pour ceux qui ne le connaissent pas encore, Canardo est un détective privé. Il a les traits d’un canard mais a toute l’apparence d’un Columbo qui abuserait un peu de la bouteille et ne fréquenterait pas régulièrement la salle de bain. Il a pour habitude de se voir confier des affaires sans grande envergure. Ses enquêtes le mènent souvent dans les bas-fonds de la ville et dans des endroits plutôt glauques.

La disparition de l’inspecteur de police ne fait pas que des malheureux…

Dans cet album, Canardo se voit confier une mission toute particulière. Le commissaire Garenni, avec trois grammes d’alcool dans le sang, est accusé d’avoir tiré sur un inspecteur de police au cours d’une fusillade. C’est une énorme bavure qui met l’accusé dans de sales draps. Il en est tellement désespéré qu’il fait appel à ce cher Canardo pour connaitre la vérité sur cette affaire. Rapidement, notre héros se rend compte que la disparition de cet inspecteur de police ne fait pas que des malheureux dans certains milieux obscurs…

Cet opus est dans la lignée des précédentes aventures de notre canard préféré. L’histoire est indépendante et ne nécessite aucun prérequis particulier. La trame utilise les codes du polar noir. L’intrigue et l’atmosphère sont travaillées. Certains moments sont légers, d’autres plus lourds. Les émotions sont variées. Les plus jeunes lecteurs n’y trouveront pas grand-chose. Par contre, les adeptes de romans policiers et de films à ambiance seront ravis du voyage.

Le scénario est construit de manière classique. Les premières pages posent les jalons. Une bavure policière lors d’une attaque de banque marque le début de notre lecture. On voit poindre l’erreur judiciaire. C’est à ce moment-là qu’apparait notre héros qui entame son enquête qui va l’amener à remuer des milieux qui ne demandaient qu’à être oubliés. La narration ne souffre pas de temps morts. Aucune case n’est inutile. Chacune apporte son information ou son changement d’angle de vue qui attise notre curiosité. Les rebondissements sont fréquents. Ils sont d’ailleurs un peu trop nombreux dans la dernière partie. Il en découle un dénouement que je trouve quelque peu brouillon.

Comme souvent, Sokal nous offre une galerie de personnages variée. Je passe rapidement sur Canardo qui est fidèle à lui-même. La moindre des choses qu’on puisse dire est qu’il ne paie pas de mine. L’autre personnage central prend les traits du commissaire Garenni. Ce looser alcoolique attire rapidement notre sympathie. A défaut d’être un policier ne serait-ce que correct, il ne mérite pas pour autant d’être un innocent condamné. La traditionnelle femme fatale de cet album prend les traits de l’inspecteur Manta. Cette mante religieuse ne laisse indifférent la gente masculine tout en dégageant un léger sentiment de malaise. A ce trio principal, s’ajoute un bon nombre de malfrats dignes de tout bon film noir. On les trouve dans des bars mal famés dont j’aurais personnellement du mal à franchir le seuil de la porte.

A mes yeux, le principal attrait de cette série est son atmosphère. Les pages de Sokal dégagement une ambiance particulière. Les deux tiers de l’album répondent à mes attentes. L’immersion de Canardo dans les arcanes glauques de son enquête dégage un vrai quelque chose. Par contre, je trouve la dernière partie de l’histoire plus confuse. Cela a eu pour conséquence de me sortir quelque peu de ma lecture. Je redeviens spectateur de Canardo alors que le début me laissait sentir que je lui emboitais le pas. Le côté brouillon du dénouement fait que l’atmosphère dégagée est moins intense. C’est dommage. 

Côté dessins, la qualité est identique à celle qui accompagnait la lecture des précédents tomes. J’ai donc une nouvelle fois apprécié le trait de l’auteur. Le fait que les personnages possèdent des traits animaliers est assez réussi et participe à l’identification de la série. Malgré un style simple et facile d’accès, les cases sont fournies et pleines de petits détails. Les décors sont travaillés et cela participe activement à la qualité de l’ambiance qui transpire des pages.

En conclusion, ma lecture s’est avérée agréable. J’ai pris beaucoup de plaisir à découvrir cette nouvelle aventure de Canardo. Le seul bémol, évoqué précédemment, concerne le dénouement que je trouve trop brouillon. Il y a trop d’événements dans les dernières pages. Cela a eu pour conséquence de me sortir un petit peu de l’histoire, la fin arrivant finalement de manière assez abrupte. Je trouve dommage que la sortie ne soit pas davantage dosée. Cela aurait fait de cet album un des bons opus de la série tant son thème et son message ne laissent pas indifférents…

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Atar Gull, ou le destin d’un esclave modèle – Fabien Nury & BrĂĽno

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Titre : Atar Gull, ou le destin d’un esclave modèle
Scénariste : Fabien Nury
Dessinateur : BrĂĽno
Parution : Octobre 2011


J’ai eu le plaisir que l’on m’offre dernièrement la bande-dessinée « Atar Gull, ou le destin d’un esclave modèle ». Non seulement le scénario est tenu par Fabien Nury, qui m’a déjà convaincu avec ses séries « Je suis légion » et « Il était une fois en France », mais le dessin est réalisé par Brüno, dont le travail m’a été loué de nombreuses fois. Avec cet ouvrage, j’espérais découvrir le travail de cet auteur en vogue. Ce livre est un one-shot d’un peu plus de 80 pages et est inspiré d’un roman d’Eugène Sue. N’ayant pas lu ce roman, j’éviterai toute comparaison entre l’œuvre originale et son interprétation en BD.

Atar Gull est fils de chef de la tribu des petits Namaquas en Afrique. La guerre avec les grands Namaquas fait rage et des hommes sont faits prisonniers. Toute la tribu pleure sauf lui. Atar Gull déclare alors que jamais il ne pleurera… La BD est articulée selon deux livres : « La traversée » et « La plantation » auxquels s’ajoutent un prologue et un épilogue. Comme on parle ici d’un esclave, il va sans dire Atar Gull va se faire capturer par les grands Namaquas. Au lieu de manger leurs prisonniers, ils ont depuis appris à les vendre aux blancs…

Aucun manichĂ©isme : chaque personnage a ses raisons d’agir.

Le propos développé ici est particulièrement sombre. L’esclavage n’est pas un sujet facile et Nury le traite ici sans manichéisme. L’armateur qui procède au commerce du bois d’ébène est animé par des intentions simples : pouvoir gagner assez d’argent pour rejoindre sa femme. C’est une des caractéristiques fortes de Fabien Nury : ses personnages ont souvent des bonnes raisons d’agir. Le tout commence donc par la traversée de l’Atlantique où les auteurs développent une vraie histoire de pirates. Le rôle d’Atar Gull est ainsi très mineur. Il est seulement la plus belle pièce de la marchandise, un « Mandingo ».

L’arrivée aux Amériques change le tout. Atar Gull est vendu et travaille dans une plantation aux ordres du maître Wil. C’est vraiment à ce moment-là que l’on perçoit toute la force du scénario. En effet, les évènements avancent, souvent terribles, et les motivations d’Atar Gull nous sont toujours inconnues. On ne le comprend pas vraiment. Cependant, derrière toute cette cruauté, présente à tous les instants, on arrive à être ému. Du grand art…

Au niveau du dessin, j’avoue que le style de Brüno m’a un peu gêné au départ. Son trait est épais, sans concession, avec des aplats noirs importants, notamment dans ses visages. D’apparence simple, son dessin se révèle bien plus complexe et intéressant une fois que l’on est habitué. « Atar Gull » est aussi une bande-dessinée marquante graphiquement. Dans les moments forts, Brüno sait donner à son dessin la construction et le style qui fera réagir le lecteur. Un très bon dosage dans l’intensité. Le tout est colorisé par aplats très simples, sans ombre. Le tout renforce le style de Brüno, très brut. Les couleurs sont bien utilisées, renforçant l’atmosphère de chaque lieu ou moment.

« Atar Gull » est clairement dans le haut du panier de la bande-dessinée actuelle. Avec un scénario original et surprenant, des personnages hauts en couleur et un dessin exigeant et marquant, on sent qu’aucune concession n’a été faite. Les auteurs accouchent d’un ouvrage avec une personnalité forte. A découvrir absolument.

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AbĂ©lard, T2 : Une Brève Histoire de Poussière et de Cendre – RĂ©gis Hautière & Renaud Dillies

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Titre : Abélard, T2 : Une brève histoire de poussière et de cendre
Scénariste : Régis Hautière
Dessinateur : Renaud Dillies
Parution : Septembre 2011


« Abélard » est un diptyque scénarisé par Régis Hautière et dessiné par Renaud Dillies. Trois mois seulement après la sortie du premier tome, voilà que se clôt déjà l’ensemble avec « Une brève histoire de poussière et de cendre ». Nous avions laissé Abélard le petit volatil en partance pour l’Amérique avec l’ours taciturne Gaston. Nous les retrouvons donc sur le chemin de la ville et du port, espérant se faire embarquer au plus vite. En effet, Abélard a entendu dire qu’il y a des machines volantes en Amérique. Il pourra ainsi décrocher la Lune pour Epilie, la jeune fille dont il est épris.

Dans le premier tome, Abélard faisait un peu office de personnage totalement innocent. N’ayant jamais connu autre chose que le marais, il en sort désormais et va aller de surprises en surprises. La mer, la ville et surtout les gens… Le petit volatil est totalement étranger à tout. C’est une âme pleine d’innocence lâchée dans un monde brutal. A la fin du premier tome déjà se dessinait cette évolution, on y entre ici de plein pied. La poésie fait rapidement place à une noirceur terrible et finalement assez inattendue. En effet, le premier tome était plutôt léger dans son propos. Le revirement est assez violent.

Un second tome pour les désillusions.

Abélard n’est en effet pas fait pour vivre dans le monde de la ville. Il n’est pas émerveillé par cet univers nouveau, il s’y retrouve en décalage total. Comment donc peut-il y trouver sa place ? Seule son amitié avec Gaston (le rayon de soleil de cet album ?) donne un peu d’espoir en l’humanité. Car sans Gaston, nul doute qu’Abélard ne serait pas allé beaucoup plus loin que les abords du marais. D’ailleurs, le personnage de Gaston est assez central ici. Au premier abord violent, intolérant voire misanthrope, son évolution lui donne le vrai premier rôle de deuxième volet. 

A la lecture de ce tome, l’intérêt du diptyque paraît évident. Alors que le premier tome traitait des illusions (sur l’extérieur, la ville, l’Amérique, Epilie…), le deuxième tome est celui des désillusions (sur les mêmes sujets). Malgré sa poésie, « Abélard » est une série au propos bien noir.

Le dessin de Dillies est une fois de plus de haute volée. L’osmose entre Hautière et Dillies est vraiment une grande réussite. L’univers entre innocence, poésie et noirceur et parfaitement rendu par le trait faussement naïf de Dillies. Son trait épais et indistinct, très dynamique, dessine des animaux à l’apparence enfantine. Cet album, plus noir, est colorisé de façon plus sombre globalement et installe par moment un vrai sentiment de malaise.

Tout ce que j’ai dit auparavant ne peut réellement résumer ce que j’ai ressenti à la lecture de cet album. J’en ai eu des frissons. Il m’a simplement transporté et m’a isolé du monde le temps d’aller de la première à la dernière page. C’est simplement un voyage dont on ne peut pas revenir indemne. Un chef d’œuvre ?

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AbĂ©lard, T1 : La Danse des Petits Papiers – RĂ©gis Hautière & Renaud Dillies

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Titre : Abélard, T1 : La Danse des Petits Papiers
Scénariste : Régis Hautière
Dessinateur : Renaud Dillies
Parution : Juin 2011


Renaud Dillies m’avait beaucoup marqué de son trait avec « Betty Blues » et « Bulles et Nacelles » où il développait un univers plein de poésie. A la suite d’une rencontre lors d’un festival, j’ai pu découvrir son nouvel ouvrage, « Abélard » (premier tome d’un diptyque) en avant-première, où il assure le dessin pendant que Régis Hautière s’occupe du scénario. Ce n’est pas la première collaboration des deux hommes, qui ont déjà signés « Mister Plumb » ensemble.

L’histoire fait intervenir Abélard, un poussin qui vit dans les marais, entre jeu de cartes et parties de pêche. Ayant toujours vécu à cet endroit, il ne peut s’empêcher de s’interroger sur l’ailleurs, si inconnu à ses yeux. Une rencontre avec une femme, Epilie, va changer sa vie. Pour elle, il va décider de voyager, jusqu’à vouloir partir en Amérique.

Un road trip sous forme d’initiation.

« Abélard », après une introduction dans les marais, ressemble fort à un road trip sous forme d’initiation. N’ayant vécu que dans les marais, Abélard a été protégé du vaste monde et est particulièrement naïf. Cette naïveté est à la fois très touchante et drôle. Sa méconnaissance du monde et des gens est vraiment amusante. Ainsi, il se retrouve à voyager avec des gitans sans même savoir qu’ils sont très mal acceptés par la population. Lui prend les gens comme ils sont, sans trop se poser de questions.

Au-delà de l’apparence parfois simple de l’histoire se dessine une trame qui paraît plus complexe. Ainsi, tout le monde semble connaître Epilie, lui donnant une image de dangerosité que l’on ne comprend pas. Nul doute que le deuxième tome explicitera tout ça, mais tout cela participe à une ambiance des plus étranges. Autre particularité d’Abélard : son chapeau lui donne chaque jour un message sous forme de proverbe ou citation. Ces messages, venus dont ne sait où vont avoir une vraie influence sur l’histoire. Une petite curiosité qui donne de la poésie à l’ensemble.

Car « Abélard » a une poésie certaine, à l’image du héros qui monte dans un arbre pour « décrocher la Lune » à sa dulcinée. Le graphisme suranné fait mouche. Le choix de la palette de couleur met parfaitement en valeur le trait de Dillies. Celui-ci est toujours aussi indistinct et naïf à la fois. Les différents personnages, tous des animaux, sont tous très réussis graphiquement. Abélard, en poussin naîf, est simplement adorable.

Dillies abandonne ici le gaufrier de six cases qu’il affectionne pour un découpage plus varié. C’est une réussite et le tout témoigne d’une grande maîtrise. Le dessinateur n’hésite pas à prendre une page pour une case (voire même deux avec cette incroyable carte de voyage pleine d’humour).

J’ai été particulièrement séduit par « Abélard » tout au long des 64 pages de ce premier tome. Il me tarde déjà d’en lire la suite. Son personnage, si naïf, est particulièrement attachant. Le scénario d’Hautière est taillé pour le style de Dillies. Une petite perle, simplement, réservée aux grands enfants. 

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