Une petite tentation

UnePetiteTentation


Titre : Une petite tentation
Scénariste : Jim
Dessinateur : Grelin
Parution : Mars 2013


Paru initialement sous le nom du « Sourire de la babysitter », cette sĂ©rie a connu une renaissance en paraissant sous la forme d’un copieux one-shot (plus de 150 pages quand mĂȘme). En effet, la premiĂšre mouture avait Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©e au premier tome. On ne peut donc qu’ĂȘtre un peu mĂ©fiant, mais pourquoi pas. RebaptisĂ© « Une petite tentation », cette histoire parle donc d’une babysitter et de sa copine qui se lancent le dĂ©fi de piquer le mec quadra et avec une bonne situation dont la premiĂšre garde la fille. S’engage donc un jeu de sĂ©duction avec d’un cĂŽtĂ© la timide et de l’autre la dĂ©lurĂ©. Le tout est paru chez Vents d’Ouest.

Nous avons donc affaire ici Ă  une classique histoire sentimentale. La tentation, le dĂ©sir, les sentiments
 On n’est mĂȘme plus dans un triangle amoureux, mais plutĂŽt dans un hexagone ! Cependant, trĂšs vite on s’aperçoit que les personnages sont stĂ©rĂ©otypĂ©s. Plus choquant, les femmes sont toutes des garces et les hommes des ĂȘtres humains beaucoup plus sentimentaux et fidĂšles
 Étrange parti pris !

Pour un jeune public ?

UnePetiteTentation2Des personnages caricaturaux ne sont pas forcĂ©ment un problĂšme. On pourrait se voir dans un vaudeville sympathique. HĂ©las, les situations sont tout aussi fausses. A aucun moment, on ne croit vraiment Ă  tout ça. Entre une babysitter qui s’exhibe en soutif devant trois quadras ou un ex qui se taille les veines au cutter dans le couloir d’un immeuble, tout cela laisse un peu dubitatif. De mĂȘme, les deux jeunes filles sont Ă©tudiantes ET mineures. Je n’ai pu m’empĂȘcher de tiquer sur ce genre de dĂ©tails. Plusieurs fois, j’ai eu l’impression que ce livre Ă©tait plutĂŽt destinĂ© Ă  un jeune public. Mais pourtant, vu oĂč il est Ă©ditĂ©, ça ne semble pas ĂȘtre le cas. Quant Ă  la conclusion de l’ouvrage, elle va vraiment dans le sens d’une publication pour ado et/ou jeunes adultes. 

MalgrĂ© tout, la lecture mĂ©nage son suspense et ses surprises. La fin est trop moralisatrice et casse un peu finalement la dynamique de l’ouvrage. Le trait de Grelin est dynamique et plaisant. Ses filles sont sexy et illustrent trĂšs bien la notion de tentation
 Cependant, les expressions de visage un peu manga m’ont gĂȘnĂ© par moments. Clairement, ça ne fait pas partie de mes codes graphiques ! Les couleurs Ă©galement, trĂšs modernes, ne me parlent pas. C’est clairement une question de goĂ»t. Grelin a un style moderne oĂč il mĂ©lange de nombreuses influences (franco-belge, manga, voire Disney). De mĂȘme, la colorisation fait partie de canons du genre. Je regrette cependant un choix de faire des grandes cases finalement assez avares de dĂ©cors. Cela augmente la pagination pour pas grand-chose. Mais encore une fois, ça semble ĂȘtre une tendance du moment.

UnePetiteTentation1

« Une petite tentation » est un rĂ©cit sexy oĂč les jolies filles peu vĂȘtues sont bien prĂ©sentes. Inscrit dans une mouvance qui se veut moderne, je ne suis pas sĂ»r que cet ouvrage puisse toucher rĂ©ellement autre chose qu’un lectorat bien jeune qui fermera les yeux sur les incohĂ©rences du rĂ©cit et sur les caricatures de l’ensemble. Pour ma part, j’ai pris plaisir Ă  dĂ©vorer les filles des yeux. Peut-ĂȘtre que l’idĂ©e de faire un « roman graphique » n’était pas bien pertinente. Il semblerait qu’en 60 pages, tout aurait pu ĂȘtre dit.

avatar_belz_jol

note2

Leo Loden, T22 : Tropézienne dum-dum

LeoLoden22


Titre : Leo Loden, T22 : Tropézienne dum-dum
Scénaristes : Christophe Arleston & Loïc Nicoloff
Dessinateur : Serge CarrĂšre
Parution : Août 2013


J’ai dĂ©couvert Leo Loden il y a une quinzaine d’annĂ©es. Je suis rapidement trouvĂ© sous le charme des aventures drĂŽles et rythmĂ©es de ce dĂ©tective privĂ© marseillais. Un nouvel album parait chaque annĂ©e et le voit voyager aux quatre coins de la France. Le dernier Ă©pisode en date est sorti le dix-neuf septembre dernier. EditĂ© chez Soleil, il se compose classiquement de quarante-huit pages. Son prix avoisine onze euros. Son scĂ©nariste est le cĂ©lĂšbre Christophe Arleston dont le principal fait d’arme est d’avoir fait naĂźtre Lanfeust de Troy. Il s’associe au dessinateur Serge CarrĂšre dont j’apprĂ©cie Ă©galement le travail sur  le sympathique Private Ghost. Depuis quelques tomes, LoĂŻc Nicoloff intervient sur le scĂ©nario et Cerise se charge des couleurs.

La quatriĂšme de couverture nous prĂ©sente son hĂ©ros avec les mots suivants : « Etre accusĂ© d’une bavure alors qu’on a tirĂ© en l’air, ça Ă©nerve. AprĂšs, on quitte la P.J. et on devient un privĂ©. MĂȘme si le milieu n’est plus ce qu’il Ă©tait. MĂȘme si Marseille a oubliĂ© Pagnol. MĂȘme si on a dans les pattes un tonton loufoque. Etre flic, c’est comme manger des cacahuĂštes : c’est dur d’arrĂȘter. »

Le Var pour décor

Cette sĂ©rie s’adresse Ă  un public trĂšs large. Les jeunes et les moins jeunes y trouveront leur compte. L’album peut se lire indĂ©pendamment des autres. Chaque aventure correspond Ă  une nouvelle enquĂȘte. NĂ©anmoins, il est Ă©vident que les familiers de la saga prendront plaisir Ă  suivre l’évolution des personnages que sont Leo, sa fiancĂ©e et son oncle. Chaque aventure se construit dans un lieu diffĂ©rent. Ici, le dĂ©partement du Var sert de dĂ©cors aux pĂ©rĂ©grinations du hĂ©ros et de ses acolytes. Les auteurs prennent toujours plaisir Ă  jouer avec les codes locaux selon des principes proches de AstĂ©rix. Cet album n’échappe pas Ă  la rĂšgle avec, entre autre, l’apparition dans l’histoire d’un match de rugby Ă  Mayol et du clin d’Ɠil Ă  Mourad Boudjellal, ancien patron de Soleil, qui en dĂ©coule. Cet aspect est moins dĂ©veloppĂ© que dans d’autres albums. En effet, un exil en Bretagne ou dans le Nord autorise davantage de grain Ă  moudre dans le domaine des clichĂ©s. MalgrĂ© tout, le voyage dans le dĂ©partement voisin des Bouches du RhĂŽne reste agrĂ©able et exploitĂ©.

La trame dĂ©bute par une visite d’appartement. La fiancĂ©e de LĂ©o, la volcanique lieutenant de police MarlĂšne s’est mis en tĂȘte de changer d’appartement dans le but d’agrandir la famille. Leo, comme Ă  son habitude, suit le mouvement avec fatalisme. ParallĂšlement Ă  cette quĂȘte immobiliĂšre, le hĂ©ros se voit invitĂ© par un riche russe qui souhaite monter un petit business local. Mais pour cela, il doit trouver un accord avec les « autoritĂ©s locales » : la mafia corse. Il va sans dire que tout ne va pas se dĂ©rouler comme prĂ©vu


Les jalons de dĂ©part sont intĂ©ressants. L’angoisse est toujours de savoir si la sauce va monter et offrir une histoire dont on se dĂ©lecte. La rĂ©ussite est sur ce plan inĂ©gale au grĂ© des albums. Certains sont remarquablement drĂŽles et divertissants. D’autres ont une trame plus diluĂ©e et dĂ©cevante. TropĂ©zienne Dum-Dum est un bon cru. L’accent est vraiment mis sur les dialogues et les rebondissements. La dimension « AstĂ©rix » est bien exploitĂ©e. De plus les remarques dĂ©calĂ©es de l’oncle Loco sont toutes aussi rĂ©ussies les unes que les autres. Il fait vraiment partie des personnages de bandes dessinĂ©es qui me font le plus rire.

La trame ne souffre d’aucun temps mort. L’ennui ne m’a jamais guettĂ©. Les scĂšnes d’action alternent bien avec les moments durant lesquels l’enquĂȘte avance. L’intrigue n’a rien de rĂ©volutionnaire. MalgrĂ© tout, elle se dĂ©couvre avec plaisir. La lecture s’avĂšre divertissante Ă  dĂ©faut d’ĂȘtre mĂ©morable. Les personnages secondaires sont bien exploitĂ©s et trouvent chacun un rĂŽle Ă  leur mesure. Que ce soit les beaux-parents, la mafia russe ou les corses, chacun apporte un Ă©cot Ă  l’avancĂ©e de l’histoire. Cela fait longtemps que je n’avais lu un opus de cette sĂ©rie ne souffrant d’aucun moment de remplissage.

Les dessins de CarrĂšre accompagnent parfaitement la narration. Le trait rond correspond parfaitement Ă  l’atmosphĂšre de la sĂ©rie. De plus, les expressions des personnages participent activement au divertissement de la lecture. Pour conclure, TropĂ©zienne Dum-Dum est un bon cru de Leo Loden. Il plaira aux familiers de la sĂ©rie et offrira une dĂ©couverte intĂ©ressante aux novices. Ce n’est dĂ©jĂ  pas si mal !

gravatar_eric

note3

WollodrĂŻn, T4 : Le convoi 2/2

Wollodrin4


Titre : WollodrĂŻn, T4 : Le convoi (2/2)
Scénariste : David Chauvel
Dessinateur : JĂ©rĂŽme Lereculey
Parution : Octobre 2013


WollodrĂŻn est une sĂ©rie que j’ai dĂ©couverte il y a quelques annĂ©es. J’ai pris Ă©normĂ©ment de plaisir Ă  me plonger dans ce monde fĂ©odal de fantasy. Les albums sont regroupĂ©s en diptyques. Le dernier tome paru, le quatriĂšme, clĂŽt donc l’histoire intitulĂ©e Le convoi. Cet opus est apparu en librairie le seize octobre dernier. Il est Ă©ditĂ© chez Delcourt. Il est scĂ©narisĂ© par David Chauvel et dessinĂ© par JĂ©rĂŽme Lereculey. Ce duo s’était fait remarquĂ© en faisant naĂźtre 7 voleurs dont WollodrĂŻn s’avĂšre ĂȘtre un spin-off. La couverture de ce nouveau bouquin est trĂšs rĂ©ussi et intrigante. On y dĂ©couvre deux personnages qui nous sont familiers. Ils sont au milieu de tĂ©nĂšbres habitĂ©s par des morts-vivants. La lumiĂšre semble venir d’une veille femme Ă  l’aura mystĂ©rieuse. Tout cela s’avĂšre bien intrigant.

La quatriĂšme de couverture prĂ©sente le synopsis suivant : « Onimaku et Hazngar sont pris au piĂšge de la ville d’Egron Hel, envahie par des hordes de morts revenus Ă  la vie. En compagnie de quelques habitants ayant Ă©chappĂ© au massacre, ils trouvent refuge dans les halles et cherchent un moyen de s’échapper. Parmi les survivants, une vieille femme aux allures de sorciĂšre semble ĂȘtre la seule capable de les faire sortir vivants de cette prison Ă  ciel ouvert. Mais ils devront en payer le prix
 »

Un intense survival.

Le premier plaisir que je ressens en lisant ces pages rĂ©side dans l’univers mĂ©diĂ©val et fantastique qui abrite l’histoire. Depuis tout petit, je suis fan de ces mondes qui abritent magie, orques, sorciĂšres et chevaliers. Celui crĂ©Ă© par le trait de Lereculey et par l’imagination de Chauvel est un excellent cru. Je n’ai eu aucune difficultĂ© Ă  emboiter le pas des hĂ©ros dans les rues lugubre de ce village envahi de morts vivants. Le fait que Hazngar soit un orque facilite le dĂ©paysement. Le travail graphique sur les dĂ©cors est remarquable. L’atmosphĂšre nocturne est bien rendue.

La premiĂšre partie du diptyque voyait nos deux hĂ©ros servir de guide Ă  une curieuse caravane. Rien ne pouvait laisser croire que la seconde ferait vivre au lecteur un vĂ©ritable et intense « survival ». J’ai apprĂ©ciĂ© d’ĂȘtre surpris et de me plonger dans cette lutte pour la survie. Les codes du genre sont tous utilisĂ©s. Le groupe de survivants est une communautĂ© hĂ©tĂ©roclite. Certains nous sont sympathiques, d’autres antipathiques. Nous nous interrogeons sur le devenir de chacun. Nous nous doutons que tous ne verront pas la lumiĂšre de l’aube. La densitĂ© narrative est certaine. Bien que la recette soit un classique du genre, bien exĂ©cutĂ©e, elle reste un gage de rĂ©ussite. C’est ici le cas. L’intrigue ne laisse pas le temps de souffler. C’est une sensation trĂšs agrĂ©able et envoutante.

La galerie de personnages est trĂšs rĂ©ussie. Le travail graphique de Lereculey est classique mais appliquĂ©. Je trouve d’ailleurs remarquable son sens du dĂ©tail dans les scĂšnes de bataille avec les morts vivants. Il s’agit d’un modĂšle du genre. De plus, le personnage de la vieille femme est trĂšs intĂ©ressant. Elle nous intrigue dĂšs sa premiĂšre apparition. Elle est mystĂ©rieuse. L’histoire prend du temps Ă  nous en rĂ©vĂ©ler davantage. Notre curiositĂ© n’en est que plus en plus attisĂ©e au fur Ă  mesure des interventions pertinentes et intrigante de ce curieux personnage. Je ne vous en dĂ©voilerai pas davantage pour ne pas vous gĂącher le plaisir de la dĂ©couverte.

En conclusion, Le convoi 2/2 ravira les adeptes de la sĂ©rie et de fantasy. Les codes du genre sont bien exploitĂ©s. Le classicisme du genre n’est pas Ă  regretter tant l’intrigue est bien construite. Je ne peux donc que vous conseiller de partir Ă  la dĂ©couverte de ce curieux duo que forment une jeune femme et un orque dont l’amitiĂ© est touchante. J’attends avec impatience le prochain opus tant la derniĂšre page de cet opus laisse prĂ©sager de grandes rĂ©vĂ©lations…

gravatar_eric

note4

Riche, pourquoi pas toi ?

RichePourquoiPasToi


Titre : Riche, pourquoi pas toi ?
Scénariste :
Marion Montaigne
Dessinatrice : Marion Montaigne
Parution : Octobre 2013


Marion Montaigne s’est fait connaĂźtre avec son blog « Tu mourras moins bĂȘte », qui traitait en bande-dessinĂ©e et avec humour de la science. EditĂ© sous format papier (deux tomes parus Ă  ce jour), ces ouvrages ont pleinement mĂ©ritĂ© leur succĂšs. MalgrĂ© tout, Marion Montaigne fait une pause dans la vulgarisation scientifique pour aborder ce nouveau livre : « Riche, pourquoi pas toi ? ». Plus que « comment devenir riche ? », c’est plutĂŽt une bande-dessinĂ©e qui explique pourquoi, justement, on n’est pas riche ! Deux auteurs sont associĂ©s Ă  Marion Montaigne : Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot. C’est sur les travaux de ces deux sociologues que se base ce nouveau livre. Le tout est Ă©ditĂ© chez Dargaud pour 133 pages.

Outre se baser sur les ouvrages du couple Pinçon / Pinçon-Charlot, Marion Montaigne les fait mĂȘme intervenir ! Ces derniers s’occupent d’une famille qui va alors gagner au Loto et devenir riche. De nombreuses questions sont alors abordĂ©es lors de l’ouvrage composĂ© de chapitres : qu’est-ce qu’un riche ? Comment devient-on bourgeois ? etc.

Marion Montaigne dĂ©laisse donc la vulgarisation scientifique pour la vulgarisation sociologique (mĂȘme si en soit, la sociologie est une science). C’est clairement ce qu’elle fait de mieux, puisqu’elle le fait Ă©galement pour la jeunesse (« La Vie des BĂȘtes »). Ceux qui connaissent l’auteure sont donc en terrain connu. L’humour sert ici Ă  apprendre. Comme toujours, Marion Montaigne aime garnir ses ouvrages de rĂ©fĂ©rences actuelles, au risque de voir ses ouvrages mal vieillir. La plupart des rĂ©fĂ©rences sont ici particuliĂšrement simples d’accĂšs, donc cela ne pose pas de problĂšme en lecture. Cependant, le sujet permet un peu moins de dĂ©lire que la science. Bref, n’espĂ©rez pas trouver exactement la mĂȘme chose que le blog que Marion Montaigne. Mais on n’y perd pas au change.

Une conclusion déprimante

MalgrĂ© le nombre important de pages et la densitĂ© des informations, le tout se dĂ©vore sans peine et les idĂ©es fortes font mouche. Outre l’aspect sociologique, l’aspect psychologique est trĂšs important ici. Et la conclusion assĂ©nĂ©e par l’auteure est avant tout dĂ©primante pour tout un chacun. Mais hĂ©las tellement vraie


Au niveau du dessin, le trait relĂąchĂ© de Marion Montaigne est toujours aussi dynamique et adaptĂ© Ă  sa narration. La couleur est faite de simples aplats numĂ©riques. C’est un peu dommage lorsque l’on connaĂźt les capacitĂ©s Ă  l’aquarelle de l’auteure. Sans doute fallait-il aller vite.

« Riche pourquoi pas toi » confirme si c’était encore nĂ©cessaire les capacitĂ©s didactiques de Marion Montaigne. Assorti d’une bonne dose militante (sous couvert d’études sociologiques quand mĂȘme !), cet ouvrage a donc un accent diffĂ©rent que les « Tu mourras moins bĂȘte ». Clairement, ici on rit, mais on n’est pas lĂ  que pour rire


avatar_belz_jol

note4

Canardo, T23 : Le vieux canard et la mer – BenoĂźt Sokal, Pascal Regnauld & Hugo Sokal

Canardo22


Titre : Canardo, T23 : Le vieux canard et la mer
Scénariste : Hugo Sokal
Dessinateurs : BenoĂźt Sokal & Pascal Regnauld
Parution : Octobre 2013


Canardo et moi, c’est une grande et vieille histoire d’amour. J’ai d’abord dĂ©couvert les premiers ouvrages, noirs, sales et dĂ©sabusĂ©s
 Une vraie rĂ©vĂ©lation ! Le tout a dĂ©sormais bien changĂ©, sans pour autant me dĂ©ranger. LassĂ© du dessin, Sokal a acquis l’aide de Pascal Regnauld afin de se concentrer sur le scĂ©nario. Car c’est avant tout les dialogues qui intĂ©ressent l’auteur. On a donc dĂ©sormais un Canardo trĂšs ancrĂ© dans la Belgique et une bande-dessinĂ©e qui est avant tout une satire sociale Ă  l’humour bien trempĂ©. Ici, c’est Hugo Sokal qui s’occupe du scĂ©nario. Il avait dĂ©jĂ  co-scĂ©narisĂ© les prĂ©cĂ©dents opus. Les rĂŽles sont un peu flou dans « Canardo », mĂȘme s’il semble acquis que Pascal Regnauld assure la majoritĂ© du dessin, bien que son nom ne soit crĂ©ditĂ© qu’en terme de « collaboration » dans l’ouvrage
 PassĂ©s ces considĂ©rations sur qui fait quoi, voyons si ce millĂ©sime, intitulĂ© « Le vieux canard et la mer », vaut la lecture. Le tout est toujours publiĂ© chez Casterman sous la forme d’un album tout ce qu’il y a de plus classique.

Dans cet ouvrage, l’inspecteur Canardo fait la nounou
 Sa sƓur est Ă  la clinique et il doit s’occuper de son petit neveu. Ce dernier, comme tous les petits de son Ăąge, est fan de Momo le MĂ©rou (dont le parallĂšle avec NĂ©mo est Ă©vident) dont le merchandising fonctionne Ă  plein tubes. Si bien que la pĂȘche au mĂ©rou Ă  pois rouges est dĂ©clarĂ©e interdite
 HĂ©las, le Koudouland a une Ă©conomie qui dĂ©pend entiĂšrement de cette pĂȘche. Et le Belgambourg, ancienne puissance coloniale, ne l’entend pas de cette oreille
 Elle missionne Canardo sur place.

Une grande densitĂ© de rĂ©flexions sociĂ©tales et d’humour.

Cette histoire fait la part belle au neveu de Canardo qui devient un personnage central de cette bande-dessinĂ©e. A travers lui, il critique vertement les nouvelles gĂ©nĂ©rations et les conflits inhĂ©rents Ă  la culture et consommation de masse. D’autres termes se mĂȘlent comme la cĂ©lĂ©britĂ© facile et factice dans notre univers mondialisé  La densitĂ© des rĂ©flexions et l’humour avec lequel tout cela est traitĂ© est la vraie force de l’ouvrage. J’ai trouvĂ© cette partie particuliĂšrement rĂ©ussie. On sourit beaucoup, il y a des idĂ©es Ă  foison
 Car Ă  cĂŽtĂ© de cela, on suit Ă©galement la grande duchesse, un des personnages les plus rĂ©ussis de la sĂ©rie, qui vient rendre visite Ă  son « ami » prĂ©sident. Bonjour le nĂ©ocolonialisme et tout ce qui va avec
 « Canardo » sait vraiment ici capter l’air du temps et mettre le doigt sur les dĂ©rives de nos sociĂ©tĂ©s.

Au niveau du dessin, Pascal Regnault fait le travail. On est en terrain connu. Je trouve cependant la gestion des phylactĂšres un peu hasardeuse. Ce n’est pas nouveau, mais l’aspect « photoshop » des bulles en est parfois gĂȘnant. Je trouve aussi les couleurs un peu trop criardes. Clairement, le passage Ă  l’informatique de certains aspects de la sĂ©rie n’a pas Ă©tĂ© une franche rĂ©ussite. Cependant, cela ne gĂȘne pas la lecture pour autant, loin de lĂ . L’univers animalier de Canardo est un modĂšle du genre.

J’ai Ă©tĂ© trĂšs enthousiaste Ă  la lecture de ce « Canardo ». Le cru 2013 est un bon cru, avec beaucoup d’humour et d’allusion Ă  notre monde. C’est toujours Ă©tonnant de voir qu’aprĂšs tant d’annĂ©es et d’évolutions, je puisse ĂȘtre autant heureux de lire cette sĂ©rie qui, clairement, ne se repose par sur ses lauriers. Un exemple Ă  suivre !

avatar_belz_jol

note4

Tyler Cross – Fabien Nury & BrĂŒno

TylerCross


Titre : Tyler Cross
Scénariste : Fabien Nury
Dessinateur : BrĂŒno
Parution : Août 2013


Tyler Cross est, Ă  mes yeux, un des Ă©vĂ©nements de cette annĂ©e bĂ©dĂ©phile. Le simple fait d’ĂȘtre le fruit d’une nouvelle collaboration de Fabien Nury et de BrĂŒno est suffisant pour attirer tout afficionado du neuviĂšme art. Leur prĂ©cĂ©dent travail, Atar Gull ou le destin d’un esclave modĂšle, est un vĂ©ritable bijou. Ce nouvel opus est un grand format Ă©ditĂ© chez Dargaud. Sa couverture fascine. Elle est dĂ©coupĂ©e et nous prĂ©sente un homme un fusil  la main, une voiture qui file dans le dĂ©sert, un inquiĂ©tant serpent et une femme qui crie. Tout cela est accompagnĂ© des mots suivants : « Un jour, Tyler Cross paiera pour ses crimes. En attendant, il en commet d’autres. » Le programme est allĂ©chant


La quatriĂšme de couverture voit un homme marchĂ© dans le dĂ©sert. Le ciel rouge sang dĂ©coupe sa silhouette. Il est accompagnĂ© des mots suivants : « Tyler Cross transporte 17 kilos de came, d’une valeur d’un demi-million Ă  la revente au dĂ©tail. Et il a exactement 21 dollars et 81 cents en poche. Il note l’ironie de la chose et se met en marche. »

Un polar aride…

Cet ouvrage de quatre-vingt-dix pages est un polar aride. Son Ă©poque pourrait ĂȘtre celle des annĂ©es cinquante. Il s’adresse incontestablement aux adeptes du genre. Le propos est dur. Certaines scĂšnes sont rudes. Les lecteurs sensibles Ă  l’immoralitĂ© risquent de vivre quelques moments difficiles. NĂ©anmoins, certaines apprĂ©hensions ne doivent empĂȘcher personne de se plonger dans cette histoire Ă  l’atmosphĂšre envoutante, Ă  l’intrigue dense et aux personnages qui ne laissent pas indiffĂ©rents.

Tyler Cross est avant tout une ambiance. Elle m’a envahi dĂšs que j’ai tenu l’objet dans les mains. La couverture et la quatriĂšme de couverture transpire le thriller noir haut de gamme. Je ressentais quasiment la sueur qui habite les zones dĂ©sertiques du continent amĂ©ricain. DĂšs les premiĂšres pages, le voyage dans cet univers est immĂ©diat et intense. J’ai eu le sentiment d’avoir Ă©tĂ© tirĂ© par le col et plongĂ© au cĂŽtĂ© de ce braqueur au sang froid. Je n’ai pu reprendre mon souffle qu’une fois l’album refermĂ© et posĂ© sur ma table de nuit. L’action se centre autour d’une ville perdue au milieu de nulle part rĂ©gie par une famille tyrannisant la population locale. Le dessin de BrĂŒno gĂ©nĂšre une atmosphĂšre malsaine et oppressante qui m’a procurĂ© un vrai plaisir de lecteur. Je ne vous en dĂ©voilerai pas davantage sur ce plan mais sachez que la tension ne diminue jamais.

Cet univers habite une intrigue haut de gamme. Initialement Tyler est embauchĂ© pour faire foirer un deal de drogue. Il doit rĂ©cupĂ©rer la came. L’opĂ©ration Ă©choue et amĂšne donc Tyler Ă  se retrouver dans un trou du Texas avec la dope et pas un sou en poche. Il n’a plus de voiture et les autochtones n’aiment pas trop les Ă©trangers. Les jalons sont posĂ©s pour un enchainement d’évĂ©nements tous liĂ©s plus ou moins directement au tueur. Je n’ai pas l’intention de vous rĂ©vĂ©ler les nombreux rebondissements qui agrĂ©mentent l’histoire. A la maniĂšre de Tyler, le lecteur n’a jamais le temps de se reposer. A chaque que tout semble s’arranger, un grain de sable enraye la machine fragile qu’est le quotidien de Cross. Le sang, la mort, la drogue, le sexe
 Tous les ingrĂ©dients sont de sortie pour offrir un polar prenant.

Une ambiance ensorcelante et une trame captivante Ă©taient dĂ©jĂ  deux arguments de poids pour vous inciter Ă  dĂ©couvrir Tyler Cross. Mais les Ă©loges ne s’arrĂȘtent pas ici. Le scĂ©nario met en scĂšne une galerie de personnages aux personnalitĂ©s variĂ©es et travaillĂ©es. Tout d’abord le personnage principal est splendide. C’est un braqueur qui tue de sang froid. Il apparaĂźt amoral. Et malgrĂ© cela, il m’a fascinĂ©. A tout moment, j’étais Ă  ses cĂŽtĂ©s souhaitant de tout cƓur qu’il s’en sorte. Le cĂŽtĂ© monolithique du hĂ©ros participe Ă  son aura. Le travail graphique de BrĂŒno fait de chacune de ses apparitions un moment fort. Toutes les rencontres qu’il fait au cours de ses pĂ©rĂ©grinations sont Ă©galement hautes en couleur. Il me semble inutile de vous en faire le listing. Par contre, je peux vous dire que j’ai Ă©tĂ© tour Ă  tour touchĂ©, apeurĂ©, dĂ©goutĂ©. Certains protagonistes m’ont fait pitiĂ© d’autres m’ont fait froid dans le dos. Le spectre des Ă©motions est large et cela rend la lecture particuliĂšrement intense.

Au final, Tyler Cross est le chef d’Ɠuvre que j’espĂ©rai. Le travail d’écriture des dialogues de Nury ajoute la cerise sur un gĂąteau dĂ©jĂ  bien appĂ©tissant. Je ne peux que le conseiller Ă  tous les lecteurs adeptes du genre ou plus gĂ©nĂ©ralement sensibles Ă  l’univers du neuviĂšme art. Vous ne regretterez pas le voyage !

coupdecoeur_new

gravatar_eric

note5

Pierre Tombal, T29 – Des os et des bas – Raoul Cauvin & Marc Hardy

PierreTombal29


Titre : Pierre Tombal, T29 : Des os et des bas
Scénariste : Raoul Cauvin
Dessinateur : Marc Hardy
Parution : Avril 2013


Le cinq avril dernier est apparu dans les librairies le nouvel opus des aventures de Pierre Tombal. Il s’intitule « Des os et des bas » et est le vingt-neuviĂšme acte des pĂ©rĂ©grinations du cĂ©lĂšbre fossoyeur. L’album se distingue des autres par un cahier graphique de seize pages offerts. Ce dernier marque les trente ans de la sĂ©rie. On dĂ©couvre d’ailleurs sur la couverture notre hĂ©ros, une coupe de champagne Ă  la main, s’appuyait sur une immense pile de bouquins. Toujours Ă©ditĂ© chez Dupuis, ce tome est toujours scĂ©narisĂ© par Raoul Cauvin et dessinĂ© par Marc Hardy. Les couleurs ont Ă©tĂ© confiĂ©s Ă  Studio Cerise.

Je vais commencer par présenter ce cher Pierre Tombal pour les lecteurs qui ne le connaßtrait pas encore. Il est le plus célÚbre fossoyeur du neuviÚme art. Cela fait trente que les bédéphiles suivent les aventures se déroulant dans son cimetiÚre. On y cÎtoie les vivants, les morts, la Vie, la Mort et tout ce petit monde cohabite pour le plaisir de nos muscles zygomatiques


Les auteurs arrivent encore Ă  nous surprendre et Ă  nous faire sourire.

Les auteurs n’ont jamais cherchĂ© Ă  modifier la construction de leurs productions. Les diffĂ©rents Ă©vĂ©nements vĂ©cus par le hĂ©ros nous sont contĂ©s sur un petit nombre de pages. Entre une et quatre pages sont suffisantes pour faire naĂźtre, Ă©voluer et conclure chaque gag. Le changement n’existe pas dans la forme narrative. Mais cela n’a pas empĂȘchĂ© l’univers de la sĂ©rie de se dĂ©velopper. Dans les premiers opus, les morts Ă©taient Ă©voquĂ©s mais ne s’exprimaient pas. En faisant parler les fantĂŽmes et les squelettes par la suite, Cauvin offre une nouvelle corde Ă  son arc. De plus, l’apparition par la suite de la Mort en tant que personne densifie la variĂ©tĂ© des histoires. Logiquement la Vie la rejoignit et l’aida ainsi Ă  former ainsi un duo haut en couleur.

MalgrĂ© le fait que « Des os et des bas » soit le vingt-neuviĂšme Ă©pisode de la sĂ©rie, les auteurs arrivent encore Ă  nous surprendre et Ă  nous faire sourire. En crĂ©ant de nouveaux personnages, de nouveaux enjeux ou de nouvelles thĂ©matiques, ils relancent en permanence le quotidien de Pierre Tombal. Finalement, seule l’unitĂ© de lieu perdure. En effet, une immense majoritĂ© des gags se dĂ©roulent dans un cimetiĂšre. Certes, certaines planches ressemblent Ă  des plus anciennes ou certaines astuces sont prĂ©visibles. NĂ©anmoins, l’ensemble reste sympathique. Les albums se sont diluĂ©s par rapport aux premiers de la saga. C’est apprĂ©ciable. A l’opposĂ© des sĂ©ries comme « Les Bidochon » n’ont pas gardĂ© la densitĂ© des premiers opus.

Les dessins sont d’un style assez unique. Beaucoup de sĂ©ries de ce genre comme « Les femmes en blanc » ou « Les Profs » sont construites sur des illustrations appliquĂ©es mais relativement neutres en termes d’identitĂ©. Ce n’est absolument pas le cas de « Pierre Tombal ». Le style de Hardy est moins « familial ». Je me rappelle que lorsque j’ai dĂ©couvert la sĂ©rie enfant, j’avais Ă©tĂ© gĂȘnĂ© par le dessin qui se dĂ©marquait Ă©normĂ©ment de mes habitudes. Mais rapidement j’ai apprĂ©ciĂ© ce trait qui participe au final activement Ă  l’originalitĂ© de la sĂ©rie.

En conclusion, « Des os et des bas » est un cru honnĂȘte de « Pierre Tombal ». Il est Ă©vident avec les annĂ©es qui passent, on est moins surpris et moins enthousiaste Ă  pĂ©nĂ©trer dans ce fameux cimetiĂšre. La passion n’est plus aussi intense qu’aux dĂ©buts. NĂ©anmoins, le plaisir existe toujours et chaque nouvelle parution est l’occasion de m’immerger dans cette atmosphĂšre que j’associe aux annĂ©es durant lesquelles j’allai farfouiller dans la bibliothĂšque parentale. Et cette sensation vaut largement le dĂ©tour…

gravatar_eric

note2

Une histoire d’hommes – Zep

UneHistoiredHommes


Titre : Une histoire d’hommes
Scénariste : Zep
Dessinateur : Zep
Parution : Septembre 2013


La sortie d’un album de Zep est toujours un Ă©vĂ©nement, mĂȘme lorsque ce n’est pas un nouveau « Titeuf ». Depuis des annĂ©es, l’auteur a bien rĂ©ussi a se dĂ©marquer de son hĂ©ros Ă  la mĂšche blonde avec des livres pour adultes comme « Les filles Ă©lectriques », « L’enfer des concerts » ou le best-seller « Happy Sex ». J’avoue beaucoup aimer cette partie de l’Ɠuvre de l’auteur. Mais le vĂ©ritable Ă©vĂšnement est que le nouvel album de Zep, intitulĂ© « Une histoire d’hommes » n’est pas destinĂ© (avant tout) Ă  faire rire. C’est une histoire plus sĂ©rieuse qui nous est prĂ©sentĂ©e lĂ  et avec un style de dessin plus rĂ©aliste. Un vrai dĂ©fi pour le Suisse et c’est peu de dire qu’il Ă©tait attendu au tournant. Cet ouvrage sert de lancement pour la nouvelle maison d’édition Rue de SĂšvres (on a vu pire comme mĂ©diatisation !). Ce livre fait une soixantaine de pages et coĂ»te pas moins de 18 euros.

Zep connaĂźt bien le milieu de la musique puisqu’il a lui-mĂȘme jouĂ© dans des groupes. C’est l’histoire des Tricky Fingers. Ce groupe de rock, alors en pleine ascension va exploser en plein vol. La plupart des musiciens feront leur vie loin de la musique, Ă  l’exception de Sandro qui deviendra une star. C’est ce dernier que les autres vont rejoindre, prĂšs de vingt ans aprĂšs, dans sa somptueuse villa. L’occasion de se remĂ©morer des souvenirs et de rĂ©gler des comptes


Des tensions et des non-dits

Le titre « Une histoire d’hommes » est parfaitement choisi. Tout est ici question d’hommes (et donc de femmes, forcĂ©ment !) et de leurs rapports humains. Zep nous construit donc un groupe classique : un batteur rigolo, un chanteur charismatique, un guitariste introverti mais au talent brut et un bassiste discret. Vingt ans aprĂšs, rien n’a fondamentalement changĂ© et les discussions fonctionnent presque en automatique. C’est clairement le point fort de l’album : des mecs qui ont presque vĂ©cu ensemble et qui se vannent Ă  tout va, chacun jouant son rĂŽle. Les tensions et les non-dits sont Ă©galement prĂ©sents et l’histoire finit par les dĂ©voiler au fur et Ă  mesure.

Zep construit son ouvrage selon un principe de flashbacks. On suit donc Ă  la fois les musiciens allant retrouver leur pote star que l’ascension du groupe Tricky Fingers. La narration est fluide, mĂȘme si les surprises apportĂ©es par l’histoire laissent un peu indiffĂ©rent. C’est ce qui manque ici : de l’émotion. Clairement, le but de l’album est d’émouvoir, mais je n’ai pas Ă©tĂ© touchĂ© plus que ça par le destin de ces musiciens. C’est dommage, car l’aspect humain est plutĂŽt rĂ©ussi. Un petit bilan en demi-teinte en quelque sorte.

Concernant le dessin, le passage en rĂ©aliste de Zep est une rĂ©ussite. Ce n’est pas transcendant, mais il possĂšde la vivacitĂ© nĂ©cessaire aux passages sur scĂšne, les personnages sont bien identifiĂ©s. LĂ -dessus, on ne peut qu’ĂȘtre satisfait du travail de l’auteur. Je suis plus critique sur le choix de coloriser le tout par monochromie. Chaque scĂšne possĂšde sa couleur. Cela aide la narration mais rend le tout un peu froid.

Je tiens Ă  noter que l’ouvrage est vraiment de belle facture. Le papier est trĂšs Ă©pais, presque cartonnĂ©. Le problĂšme est le prix, franchement excessif pour une bande-dessinĂ©e de 60 pages
 Visiblement, Rue de SĂšvres souhaite entrer dans les librairies avec des « beaux » livres. Mais attention Ă  l’inflation des prix des ouvrages. Pour ma part, j’ai lu le livre en bibliothĂšque et il y a peu de chance que je l’achĂšte, entre grande partie Ă  cause du prix. Dommage.

Au final, j’ai bien aimĂ© cette « Histoire d’hommes », mais elle m’a laissĂ© un goĂ»t un peu amer dans le sens oĂč je sens que l’ambition de l’auteur Ă©tait tout autre. Cependant, Zep rĂ©ussit son coup et la prochaine fois qu’il proposera un ouvrage du mĂȘme type, je le lirai certainement avec plaisir.

avatar_belz_jol

note3

Litteul Kevin, T10 – Coyote

LitteulKevin10


Titre : Litteul Kevin, T10
Scénariste : Coyote
Dessinateur : Coyote
Parution : Octobre 2013


Fin octobre dernier, j’ai eu l’agrĂ©able surprise de dĂ©couvrir qu’un nouveau tome de Litteul Kevin Ă©tait apparu dans les rayons de librairie. Toujours Ă©crit par Coyote, cet ouvrage nous prĂ©sente une couverture fidĂšle Ă  l’esprit de la sĂ©rie. Chacal et sa charmante Ă©pouse sont en trĂšs de faire des grimaces au cĂŽtĂ© de leur grosse moto pendant que leur fils les regarde avec compassion assis sur son casque agrĂ©mentĂ© d’une tĂȘte de mort. Cet opus est Ă©ditĂ© chez Le Lombard et est vendu pour douze euros.

Certains d’entre vous ne sont peut-ĂȘtre pas des familiers de la famille de Kevin. Chacal est un biker dont le boulot est d’ĂȘtre agent de sĂ©curitĂ© avec ses potes du club. Il est mariĂ© Ă  une ravissante femme dont les courbes dĂ©fient les lois de la nature et de la pesanteur. Ce couple de choc est les parents du sympathique Kevin, jeune enfant Ă  la cĂ©lĂšbre coupe au bol.

Le ton se veut lĂ©ger et drĂŽle. La vraie star est Chacal. Il s’agit d’un personnage haut en couleur qui possĂšde une gouaille fascinante. Ses rĂ©pliques cultes associĂ©es Ă  son comportement d’adolescent qui n’a jamais grandi offre de vrais moments de rigolade. Cela fait vingt ans que je guette chacune de ses rĂ©parties pour voir mes muscles zygomatiques ĂȘtre ardemment sollicitĂ©s. Pour vous donner un exemple, vous cite un dialogue entre Chacal et sa belle-mĂšre adorĂ©e : « Vous ĂȘtes sĂ»r qu’ils ne vous ont pas implantĂ© un rĂ©cepteur Rire et Chanson dans le cerveau Ă  votre derniĂšre lobotomie – Et vous, avec toutes ces vannes, c’est Ă©tonnant que vous fassiez autant de rĂ©tention d’eau !!! »

Au milieu d’un groupe de bikers

Comme d’habitude l’album de quarante-cinq pages se dĂ©compose en plusieurs histoires. Il y en a ici sept. Chacun fait entre quatre et huit pages. Comme souvent lors des derniers tomes, il y a ici une thĂ©matique commune Ă  l’ensemble. Ce dixiĂšme opus est centrĂ© sur le mariage de Hulk, meilleur acolyte de Chacal. On suit donc l’enterrement de vie de garçon, des sĂ©ances de sport pour rentrer dans son costume, le repas de mariage, etc. Seule la derniĂšre aventure diffĂšre d’univers en nous plongeant dans les Highlands Ă©cossais. La quatriĂšme Ă©cossais annonçait le voyage en nous prĂ©sentant un Kevin en kilt au visage peinturlurĂ© Ă  la maniĂšre d’un William Wallace dans Braveheart.

Du fait du choix scĂ©naristique, l’essentiel des intrigues se fait au milieu du groupe de bikers. Cela donne donc lieu Ă  beaucoup de vannes entre ces grands enfants. Les voir exploiter un Ă©lectro-simulateur pour se fixer de nouveaux dĂ©fis est trĂšs drĂŽle. Je vous laisse imaginer sur quels endroits ils envisagent rapidement de l’essayer. MalgrĂ© tout, je regrette qu’il n’y ait pas davantage de scĂšnes « at home » de Kevin et ses parents. Cela gĂ©nĂšre des moments trĂšs drĂŽles diffĂ©rents de ceux qui se dĂ©roulent au local. MalgrĂ© tout, cela n’empĂȘche pas Coyote de nous offrir des dialogues bien Ă©crits remplis de jeux de mots. Ils sont mis en valeur par son style graphique trĂšs caractĂ©ristique. Je suis un grand fan de son trait. Les planches sont en noir et blanc. Il offre une galerie de personnages particuliĂšrement rĂ©ussis. Les expressions sont excessives et collent parfaitement au caractĂšre dĂ©lurĂ© des situations. L’auteur confirme que l’univers de sa saga possĂšde encore un bel avenir.

MalgrĂ© tout, cet opus n’est pas mon prĂ©fĂ©rĂ© de la sĂ©rie. Tout au long de ma lecture, je n’ai jamais Ă©tĂ© pris de fous rires comme j’ai pu l’ĂȘtre au cours des Ă©pisodes prĂ©cĂ©dents. J’ai souvent souri. J’ai trouvĂ© les idĂ©es trĂšs drĂŽles et ai pris beaucoup de plaisir Ă  me plonger dans cet univers dĂ©lirant. Mais je pense que mes rĂ©serves rĂ©sultent du fait que la densitĂ© de vannes est moindre qu’à l’habitude. J’ai eu le temps de souffler entre deux rĂ©pliques cultes. D’habitude, Coyote offrait un enchaĂźnement sans temps mort qui Ă  force solliciter les zygomatiques dĂ©clenchait de vrais fous rires.

Pour conclure, ce nouveau tome de Litteul Kevin ravira les adeptes de la sĂ©rie. En effet, c’est toujours un vrai plaisir de retrouver tout ce beau monde qui gravite dans l’univers de Kevin. Le casting est complet. Je ne me lasse pas de leurs aventures, de leurs bĂȘtises de leurs disputes et de leurs rĂ©conciliations. L’empathie que je ressens Ă  l’encontre des protagonistes fait que je n’ai aucun mal Ă  passer sur les quelques bĂ©mols que j’évoquais prĂ©cĂ©demment. Une chose est sĂ»re et certaine, il ne me reste plus qu’à attendre avec une certaine impatience la parution du prochain opus. Mais cela est une autre histoire


gravatar_eric

note2

Les guerres silencieuses – Jaime Martin

LesGuerresSilencieuses


Titre : Les guerres silencieuses
Scénariste : Jaime Martin
Dessinateur : Jaime Martin
Parution : Août 2013


Jaime Martin reste devant une page blanche. Il n’a aucune idĂ©e de scĂ©nario pour son prochain projet de bande-dessinĂ©e. Et son animositĂ© pour les autres ne l’aide pas. Un repas de famille va le dĂ©bloquer. Alors que son pĂšre ressasse une nouvelle fois son service militaire au Maroc, Jaime Martin en profite pour rĂ©cupĂ©rer les carnets de son gĂ©niteur et de voir s’il y a matiĂšre Ă  faire quelque chose avec. Cela aboutira sur « Les guerres silencieuses », un pavĂ© de 150 pages paru chez Dupuis, dans la collection Aire Libre.

Le livre se situe sur trois niveaux : le service militaire proprement dit, la vie sous la dictature de Franco et l’époque contemporaine, oĂč Jaime Martin se pose des questions sur l’intĂ©rĂȘt du projet. Il aurait Ă©tĂ© dommage de ne pas traiter le quotidien des espagnols des annĂ©es 50/60, car cela se rĂ©vĂšle trĂšs intĂ©ressants, mĂȘme si l’auteur insiste sur les rapports garçon/fille. Comment et pourquoi se marier, sous Franco, c’est assez codifiĂ©.

Une jeunesse pendant le régime franquiste.

LesGuerresSilencieuses1Le cƓur du sujet reste cependant le service militaire. Perdus au Maroc, dans une guerre plus ou moins cachĂ©e par le gouvernement, les jeunes espagnols se retrouvent dĂ©munis en plein dĂ©sert. Outre les habituels brimades et rapports de force, propres Ă  toutes les armĂ©es, c’est ici les problĂšmes d’alimentation qui sont au cƓur du sujet. Mal ravitaillĂ©s, les soldats crĂšvent de faim et toutes les combines sont bonnes pour mieux manger.

Jaime Martin retranscrit admirablement cette ambiance militaire. MĂȘme si c’est dĂ©jĂ  vu, tant au cinĂ©ma qu’en bande-dessinĂ©e, le livre se dĂ©vore et on tremble pour les personnages. Le tout n’est pas idĂ©alisĂ© dans les rapports humains et sonne juste. Cependant, aprĂšs avoir Ă©tĂ© passionnĂ© par le bouquin, le lecteur ne peut s’empĂȘcher d’ĂȘtre frustrĂ© par cette fin abrupte qui apparaĂźt soudain sans crier gare. Et Ă  la fermeture du bouquin, un sentiment d’inachevĂ© persiste. Il est assez clair que Jaime Martin a Ă©crit ce livre avant tout pour lui puisque c’est l’histoire de ses parents qu’il raconte. Les passages contemporains sont, pour nous lecteurs, assez lourds et inutiles. Ainsi, les questionnements de Martin sur l’intĂ©rĂȘt de son livre ne sont pas pertinents. Dans le pire des cas, cela dĂ©prĂ©cie son travail lorsqu’il estime faire un livre de plus sur l’armĂ©e.

Au niveau du dessin, c’est pour moi une rĂ©vĂ©lation. Je ne connaissais pas Jaime Martin et j’aime beaucoup son trait. Il possĂšde un dessin semi-rĂ©aliste trĂšs rĂ©ussi. Les couleurs sont au diapason, proposant trois ambiances comme chaque Ă©poque et lieu traversĂ©s. La narration est fluide et les 150 pages se dĂ©vorent tant on est lancĂ© sur des rails. Du beau travail !

LesGuerresSilencieuses2

« Les guerres silencieuses » laisse un goĂ»t d’inachevĂ©. J’étais captivĂ© et impressionnĂ© par ma lecture, mais la fin du livre m’a déçu. Trop abrupte, trop personnelle, elle laisse un peu le lecteur de cĂŽtĂ©. Mais il serait dommage de passer Ă  cĂŽtĂ© de ce livre, qui traite d’une guerre dont personne n’a entendu parler, et d’un rĂ©gime franquiste qui ne laisse nulle place Ă  la romance !

avatar_belz_jol

note4