Le troisième testament, Julius, T4 : Livre IV – Alex Alice & ThimothĂ©e Montaigne

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Titre : Le troisième testament, Julius, T4 : Livre IV
Scénariste : Alex Alice
Dessinateur : Thimothée Montaigne
Parution : Avril 2015


« Le Troisième Testament » est, à mes yeux, un monument du neuvième art. Sa dimension ésotérique développée dans cette époque médiévale est envoutante. De plus, la richesse du scénario mis en valeur par un dessin soigné et précis fait que chaque nouvelle lecture de cette série est un plaisir. La naissance il y a cinq ans d’une nouvelle branche à ce solide chêne qu’était cette saga m’a ravi. En effet, apparaissait dans les rayons de librairie le premier tome de « Le Troisième Testament – Julius ». Son intrigue était bien antérieure à celle du Comte de Marbourg. Néanmoins, la perspective de découvrir la vie de Julius ne pouvait pas laisser indifférent un adepte de l’histoire scénarisée par Xavier Dorison.

Julius4a« Le Troisième Testament… Le livre ultime de la parole de Dieu. Au cœur des légendes médiévales qui entourent ce manuscrit, le nom d’un prophète oublié : Julius de Samarie. Son histoire s’est perdue dans les brumes du temps… jusqu’à aujourd’hui. » Voici les mots que nous pouvons lire sur la quatrième de couverture. Ce prophète occupe une place non négligeable dans la tétralogie initiale. Néanmoins, cette nouvelle aventure peut se lire de manière complètement indépendante. Il n’est pas nécessaire d’avoir suivi les pérégrinations de Conrad de Marbourg pour profiter pleinement de cette nouvelle histoire. Toute personne attirée par les intrigues mystiques à l’époque de la toute-puissance romaine devrait se laisser charmer par le destin de Julius…

Ma critique d’aujourd’hui porte sur le quatrième épisode de la série. Il s’agit du dernier en date. Il est paru chez Glénat en avril dernier. Le scénario est l’œuvre d’Alex Alice et les dessins comme pour les deux opus précédents sont le fruit du travail de Thimothée Montaigne. Il est évident que se plonger dans ce tome sans avoir lu les trois premiers me semble complexe. L’intrigue se construit autour d’un long voyage. Il est dommage de prendre le train en route. Certaines informations primordiales vous auraient échappé.

Julius4bL’intrigue se construit autour du Sar Ha Sarim. Il est perçu par son peuple comme le Messie. Il entame un voyage vers l’Orient pour ouvrir les portes du Royaume des Cieux. Il entame un long périple avec un petit groupe de disciples. Son trajet se clôt à la fin de l’album précédent. Proche du but, il arrête sa quête et décide de revenir sur ses pas en Judée. Il se sert de son aura pour unifier les rebelles et libérer son peuple de l’oppression romaine. Pendant ce temps, Julius, son ami est retourné dans la montagne à la recherche de la révélation…

Une rupture d’atmosphère.

Jusqu’alors, toute l’histoire s’était construite autour d’un petit groupe de personnes qui parcourait les routes. La narration était assez linéaire. Les embûches se succédaient. Les moments de doute étaient nombreux. Bref, cette aventure était une succession d’épreuves. La construction scénaristique faisait que le lecteur se laissait aisément porté par cette mission. En effet, l’empathie dégagée par cette communauté permettait à la curiosité d’être entretenue.

Ce « Livre IV » marque une rupture d’atmosphère. Le héros n’est plus en recherche divine. Il est retombé dans son costume humain. Il mène une guerre. Il est complètement possédé par sa volonté de vaincre. Il n’est plus un guide spirituel mais un général d’armée. L’évolution est bien montrée. Le personnage que nous connaissions jusqu’alors semble avoir disparu. Il a laissé place à une machine à tuer. Je trouve intéressant cette évolution. Elle chamboule la routine agréable dans laquelle le lecteur était blotti. Malgré tout, l’ouvrage en lui-même n’est pas un condensé de rebondissements. Il se décline davantage comme une fuite en avant.

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Le personnage de Julius est moins présent dans les planches de ce quatrième tome. Néanmoins, l’issue de son voyage est centrale dans l’évolution de la trame. Chacune de ses apparitions est un moment fondamental de la lecture. Les dernières pages sont dans ce domaine un modèle du genre. Le lecteur sent l’Histoire en train de s’écrire. La dimension divine de sa quête prend ici tout son sens. La progression de son personnage depuis le premier épisode est passionnante. Il s’agit d’une belle réussite.

Toute cette aventure est mise en valeur par le trait de Thimothée Montaigne. Il confirme le talent mis en lumière précédemment. Je trouve vraiment remarquable sa capacité à faire exister des lieux et les protagonistes qui s’y trouvent. Ils alternent les points de vue et les différents plans pour offrir un dynamisme intéressant dans la lecture. Ce travail permet une immersion très forte du lecteur dans un monde et une époque difficiles. Les couleurs de François La Pierre subliment l’ensemble.

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Au final, ce « Livre IV » offre une suite sérieuse au destin de Sar Ha Sarim. Je regrette la faible présence de Julius tant son rôle est le plus intéressant de la saga. En tout cas, la lecture a été suffisamment plaisante pour que je me plonge à nouveau dans la série initiale. Suivre à nouveau les pas du Comte de Marbourg me permettra de supporter plus aisément l’attente de la parution du « Livre V ».

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note4

Le combat ordinaire – Laurent Tuel

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Titre : Le combat ordinaire
RĂ©alisateur : Laurent Tuel
Parution : Juillet 2015


« Le combat ordinaire » est une œuvre majeure de ces dernières années. Consacrant Manu Larcenet et inspirant toute une génération de dessinateurs, il est logique qu’elle soit aujourd’hui adaptée du grand écran. Les thématiques de questionnements existentiels sont parfaitement dans l’air du temps. Étant un grand fan de la bande-dessinée, c’est donc avant tout un critique comparative que je vais effectuer. Il m’est impossible de décloisonner le film du livre, surtout que ces derniers sont très proches.

C’est Laurent Tuel qui décide d’adapter le film en confiant le rôle de Marco à Nicolas Duvauchelle. Les trois premiers opus sont utilisés comme base de scénario, le quatrième étant vaguement cité par petits éléments. Ce choix d’adapter trois livres aboutit forcément à des coupes dans l’histoire. Celles-ci sont cohérentes, le réalisateur se concentrant sur les thèmes majeurs des ouvrages, déjà nombreux (la filiation, la guerre d’Algérie, les femmes, les ouvrier, la photographie, etc.).

Une adaptation (trop ?) fidèle.

Si la force de la bande-dessinée résidait dans un équilibre entre les moments graves et les moments d’humour, ce n’est pas le cas du film. Ce dernier se fait sombre et les moments de détente sont quasiment inexistants. Les quelques répliques humoristiques qui persistent sont dites avec gravité par les acteurs. Cela donne un manque de rythme au film. La bande-dessinée gérait parfaitement les cases muettes, donnant beaucoup de force aux silences. Mais évidemment, dans un film, c’est un peu différent. Comme l’action est peu présente, on se retrouve avec des scènes de dialogues pleines de silences. Il faut dire que Laurent Tuel est resté très fidèle à la bande-dessinée. Les textes sont les mêmes la plupart du temps, au mot près. Du coup, le fan aura bien du mal à se détacher de la bande-dessinée, tant il a imaginé comment ces textes étaient dits. Et il est clair que certains dialogues fonctionnent moins bien à l’écran que sur la page. Une réécriture n’aurait pas été forcément un problème.

Globalement, ce « Combat Ordinaire » manque de puissance. S’il est indéniablement touchant, il est relativement pauvre en énergie. Les passages où les personnages s’énervent sont fades. Personne ne crie, personne n’hurle, personne ne se bouscule. La violence est ici avant tout intérieure et contenue, et c’est bien dommage. Certaines scènes auraient mérité une intensité plus forte.

Au niveau de la réalisation en tant que telle, c’est assez inégal. Certaines scènes sont magnifiques, d’autres choix (notamment sur les gros plans) sont vraiment discutables.

« Le combat ordinaire » est une film honnête et touchant qui profite d’un scénario aux petits oignons. Peut-être trop fidèle à la bande-dessinée (du moins aux dialogues), Laurent Tuel est quand bien même arrivé à fusionner les trois premiers tomes dans un ensemble cohérent, gardant l’essence de ce qui fait l’œuvre de Larcenet. Un peu de rythme aurait donné un vrai plus au film.

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note3

Seule pour toujours – Liz Prince

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Titre : Seule pour toujours
Scénariste : Liz Prince
Dessinateur : Liz Prince
Parution : FĂ©vrier 2015


Publier sous forme papier des blogs est devenu un fléau dans l’édition. Les éditeurs sans servent pour faire paraître des livres à moindre frais puisque les pages sont déjà dessinées. Et si certains blogs s’adaptent parfaitement à l’exercice, la plupart révèle leur médiocrité une fois les notes alignées dans un même livre. Liz Prince voit donc une série de notes de blog sortir chez Ça et Là, le tout pour douze euros.

Liz Prince n’a pas de chance. Elle est garçon manqué, aime le punk et les hipsters et reste désespérément seule. Du coup, elle console avec ses chats. Voilà le pitch de ces notes qui montre combien la jeune femme a du mal à draguer ou, plus original, à se laisser draguer. Il faut dire que son amour de la barbe tend à l’obsession.

Un côté blog qui dessert le propos.

SeulePourToujours2Les notes varient de format. Beaucoup de pages uniques, mais également des strips, voire même trois/quatre pages de suite. Le tout est avant tout construit sur l’idée d’une chute, qui montre souvent Liz désespérée et… seule.

Si l’humour de Liz Prince nous fait sourire, le côté recueil de blog le dessert. En effet, les situations et effets comiques se répètent, entraînant forcément une lassitude. Si une petite note publiée sur un blog fonctionne, sur papier c’est moins le cas. De plus, on évite mal le remplissage avec des anecdotes sans intérêt ou déjà-vu. En soit, le livre nous fait découvrir une auteure. Mais cela donne avant tout envie de lire son blog plus que de lire ses livres.

Niveau dessin, c’est underground. En noir et blanc, avec un trait très simple, Liz Prince joue tout sur l’expressivité des personnages. Cela fait le travail, mais c’est quand même un peu léger. Des trames sont parfois ajoutées donnant un peu de volume à l’ensemble.

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« Seule pour toujours » ne fait pas une bonne publicité à l’auteure. Le dessin n’est pas transcendant et l’aspect répétitif cache l’humour plutôt réussi. Et après avoir lu le livre, je n’avais pas forcément envie de me lancer dans les autres ouvrages de Liz Prince. IL faut arrêter de publier pour publier, ça ne sert pas toujours les auteurs. Dommage.

note2

Alvin, T1 : L’hĂ©ritage d’AbĂ©lard – RĂ©gis Hautière & Renaud Dillies

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Titre : Alvin, T1 : L’hĂ©ritage d’AbĂ©lard
Scénariste : Régis Hautière
Dessinateur : Renaud Dillies
Parution : Juin 2015


« AbĂ©lard » est un diptyque des plus bouleversants qui avait su faire parler de lui. Le personnage d’AbĂ©lard, naĂŻf perdu dans la duretĂ© de la rĂ©alitĂ©, avait su Ă©mouvoir les lecteurs. Et les deux auteurs, RĂ©gis Hautière au scĂ©nario et Renaud Dillies au dessin, s’Ă©taient trouvĂ©s, chacun semblant fait pour travailler avec l’autre. VoilĂ  que cette nouvelle sĂ©rie, « Alvin », reprend les choses lĂ  oĂą elles en Ă©taient restĂ©es. On retrouve donc le compagnon d’infortune d’AbĂ©lard, Gaston, dans sa tentative de survivre aux États-Unis. On est au dĂ©but du vingtième siècle, la vie est rude.

Alvin1cIl serait dommage de commencer « Alvin » sans avoir lu prĂ©cĂ©demment « AbĂ©lard ». L’histoire est indĂ©pendante mais des rappels sont faits, souvent en sous-entendus qui plus est.

Alvin est un petit garçon, nĂ© d’une prostituĂ©e. Autant dire que son avenir n’est pas rose et que son prĂ©sent est dĂ©jĂ  compliquĂ©. Comme AbĂ©lard dans son temps, il apporte une touche de naĂŻvetĂ© (de par son âge) dans l’histoire par ses questionnements, mĂŞme si la vie l’a dĂ©jĂ  sacrĂ©ment endurci.

L’amitiĂ© comme valeur de survie.

Les auteurs retrouvent sans peine le ton dont ils ont fait leurs histoires. On y rencontre de la grâce, de la poĂ©sie, des drames, une vie qui vous broie mais que l’amitiĂ© permet de combattre. « Alvin » possède un ton assez unique, typique des auteurs, qui touche profondĂ©ment le lecteur. En instaurant ce chapeau magique qui donne des dictons comme leçons de sagesse du jour, ils apportent un peu de magie dans leur univers. Quant aux silences et aux sous-entendus, ils donnent beaucoup de puissance aux Ă©motions.

Alvin1bLes personnages sont des plus vivants. Chacun a ses cicatrices et essaie d’apprivoiser les autres. Ils sont bougons, râleurs, mais avant tout ils sont seuls et souffrent. L’empathie pour eux est totale et on traverse leurs existences en ne leur souhaitant que du bien. Pour cela, les auteurs ne nous aident pas !

Difficile de ne pas parler du dessin de Renaud Dillies, qui est l’un de mes prĂ©fĂ©rĂ©s, toutes catĂ©gories confondues ! Son dessin animalier, très enfantin dans l’esprit, est dotĂ© d’un encrage très personnel. C’est tout bonnement magnifique ! Ses personnages sont simples, mais plein de vie et d’expressivitĂ© ! Et que dire du dĂ©coupage… Une vraie maĂ®trise tant les pages muettes sont parlantes. Chaque case apporte ses informations et ses Ă©motions. Du grand art !

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RĂ©gis Hautière et Renaud Dillies nous enchante une nouvelle fois avec une oeuvre commune. Parfaitement au diapason, ils crĂ©ent une nouvelle fois un livre oĂą leurs valeurs transparaissent. Un univers noir, fait d’exclus qui tentent de survivre en se serrant les coudes. Difficile de rester indiffĂ©rent Ă  ce Alvin. On n’attend plus qu’une chose : la suite.

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note5

Ulysse 1781, T1 : Le Cyclope (1/2) – Xavier Dorison & Éric HĂ©renguel

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Titre : Ulysse 1781 : Le Cyclope (1/2)
Scénariste : Xavier Dorison
Dessinateur : Éric Hérenguel
Parution : Janvier 2015


Ulysse, le Cyclope… Ces quelques mots raisonnent chez tout le monde et indique un voyage dans la mythologie grecque. Un long voyage, un retour à la maison tant espéré… Les enjeux sont connus et universels. Xavier Dorison décide d’immerger cette trame dans les Etats-Unis de la fin du dix-huitième siècle. « Ulysse 1781 » : un héros, une date… Tout un programme. Je suis un grand fan de ce brillant scénariste du neuvième art. « Le troisième testament » a marqué mon Histoire de lecteur. « Long John Silver » a fait rêver l’aficionado de piraterie que je suis. J’étais donc conquis d’avance en tombant sur cette couverture intrigante. Dans un endroit à l’apparence hostile, le trait d’Éric Hérenguel nous présente un personnage charismatique appuyé sur une large épée. Une cascade au second plan semble être la seule manière de quitter l’obscurité qui l’entoure. Nous regarde-t-il ou ses yeux fixent-ils le Cyclope annoncé dans le sous-titre de l’album ?

« 1781, Yorktown. La guerre d’Indépendance américaine vient de finir. Victorieux, le capitaine Ulysse McHendricks s’apprête à rentrer chez lui avec son fils Mack et ses hommes. Mais le retour se précipite lorsqu’il apprend que sa ville, New Itakee, est envahie par les Anglais. Ulysse et ses hommes vont devoir traverser une Amérique fantastique où les boussoles ne trouvent plus le Nord, où les cartes ont perdu leurs repères, un monde entre réalité et mystère… »

Ulysse1781bLes mots ci-dessus accompagnent la quatrième de couverture. Ils présentent clairement les enjeux de l’intrigue. On devine qu’elle se construit autour d’un héros à la personnalité forte. La dimension historique est également intéressante. Quant à la dernière phrase, elle fait naître la perspective d’un aspect fantastique toujours attrayant. On retrouve bien là la capacité de Dorison à offrir un scénario à la densité séduisante. L’album se compose de soixante-deux planches. Cette longueur permet de construire bâtir un schéma narratif consistant. Cela laisse le temps d’installer des jalons solides tant sur les plans des lieux, de l’époque et des protagonistes.

La tension monte vite de plusieurs crans.

Pour caricaturer la structure du tome. Le premier tiers est une introduction de l’histoire et des personnages. Le deuxième tiers présente le quotidien du groupe dans sa traversée du pays. Le dernière tiers voit apparaître les premiers soucis et voit poindre le mystère une dose de surnaturel. Le talent des auteurs fait que chacune de ces trois parties sont prenantes. Aucune n’est négligée. L’introduction est efficace. Dorison s’interdit de la diluer comme le font bon nombre d’auteurs. Il arrive à installer parallèlement les différents aspects de la trame. Ulysse1781cAlors que nous n’avons pas encore quitté Annapolis, notre tension est déjà montée de plusieurs crans. Les premiers moments de la traversée font transpirer un sentiment de fuite en avant vers le danger. La curiosité s’en trouve alors alimentée de manière soutenue. Cela fait que nous sommes mûrs à point quand arrivent les premiers soucis dans un canyon détenu par des indiens sous une pluie battante.

Cet opus est la première partie d’un diptyque. Les dernières pages initient le mystère autour de la présence mystique qui semble protéger les contrées traversées. Elles font résonnance au court prologue qui introduit l’histoire. Je trouve que les ingrédients distillés sont variés et subtilement dosés. Il ne reste plus qu’à les laisser mijoter le temps d’attendre la parution de la suite que j’attends avec une certaine impatience.

Sur le plan graphique, je découvre ici le travail d’Éric Hérenguel. Dorison a l’habitude d’être bien accompagné dans ses projets. La tradition perdure avec ce nouveau collaborateur. Le dessinateur offre des planches denses dont chaque détail apparaît avec application. Les décors dégagent une atmosphère de plus en plus oppressante au fur et à mesure de l’avancée de la quête du groupe. Le voyage temporel dans cette Amérique sortant de la guerre d’Indépendance passe également par les illustrations développées par le trait de l’auteur. Les personnages sont également réussis. Ils possèdent une identité qui leur est propre. Cela permet de se les approprier sans difficulté.Ulysse1781a

Pour conclure, « Le Cyclope » est un beau début qui permet à « Ulysse 1781 » d’être considérée comme une série de qualité au potentiel intéressant. La deuxième lecture m’a permis de saisir chaque détail tant les dialogues, les dessins que l’intrigue. Je la conseille aux lecteurs adeptes de Dorison, ils ne seront pas déçus du voyage. Quant à ceux pour qui le scénariste est encore inconnu, pourquoi ne pas le découvrir en embarquant au côté d’Ulysse McHendricks ? 

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note4

Le grand mĂ©chant renard – Benjamin Renner

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Titre : Le grand méchant renard
Scénariste : Benjamin Renner
Dessinateur : Benjamin Renner
Parution : Janvier 2015


 

Sous le nom de Reineke, Benjamin Renner avait publié un ouvrage des plus sympathiques, « Un bébé à livrer ». Ce livre faisait intervenir les animaux de basse-cour dans une histoire rocambolesque pleine de rebondissements. À l’occasion de Noël, l’auteur avait proposé sur son blog une nouvelle histoire où, cette fois, les animaux essayaient de sauver les fêtes de fin d’année après avoir exécuté (pensaient-ils…) le Père Noël… « Le grand méchant renard », paru dans la collection Shampooing, reprend les personnages déjà connus mais peut être lu indépendamment du reste. Comme son nom l’indique, le personnage principal est ici le renard. Le tout pèse quand même plus de 180 pages.

Dans cette histoire, le renard ne fait peur à personne, au grand dam de l’intéressé. Il vient à la ferme tous les jours, essayant de récupérer une poule, mais se fait martyriser en permanence. Si bien que plus personne ne fait vraiment attention à lui. Afin de manger enfin du poulet, il décide de voler des œufs. Car, après tout, qu’y a-t-il de plus inoffensif qu’un poussin ? Bien évidemment, rien ne va se passer comme prévu.

Un ouvrage destiné autant aux publics jeunesse et adulte.

LeGrandMechantRenard1Le style de Benjamin Renner se caractérise par une succession d’actions. Chaque décision en amène une autre, enfonçant le personnage de plus en plus dans son trou. Son personnage de renard est complètement dépassé par les événements, les subissant en permanence. Cela crée une empathie évidente et l’humour de l’auteur fonctionne à plein. On sourit en permanence, l’histoire ne faisant que peu de pauses dans les péripéties de notre goupil.

Benjamin Renner réussit la difficile tâche de créer un ouvrage aussi bien destiné aux adultes qu’à un public plus jeunesse. Le tout est bon enfant, jamais vulgaire ou violent. Il joue sur les codes classiques du conte pour enfant (rien que le titre est assez évocateur !), mais son traitement humoristique touche les adultes sans problème.

Concernant le dessin, difficile de passer à côté du découpage très dessin animé (qui explique la forte pagination de l’ouvrage). Venant de l’animation, Benjamin Renner décompose les mouvements à merveille. Malgré tout, l’abondance de cases lui permet aussi de caler les nombreux dialogues présents. Au niveau du dessin proprement dit, je suis un grand fan. Le trait est vif, lâché avec dynamisme sur le papier et rehaussé d’aquarelle. Une belle maîtrise d’un style animalier où chaque animal est bien identifié avec peu de traits. Symbole de cette clarté dans la simplicité : cette case où le renard imite les mimiques du loup avec brio !

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« Le grand méchant renard » est un ouvrage bon enfant qui vous fera sourire et rire tout au long de ses pages. On est pris dans l’histoire, plein d’empathie pour ce pauvre renard qui voudrait être craint mais qui apprendra finalement qu’il vaut peut-être mieux être aimé…

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Note : 16/20

L’arabe du futur, T2 : Une jeunesse au Moyen-Orient (1984-1985) – Riad Sattouf

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Titre : L’arabe du futur, T2 : Une jeunesse au Moyen-Orient (1984-1985)
Scénariste : Riad Sattouf
Dessinateur : Riad Sattouf
Parution : Juin 2015


Riad Sattouf s’est lancé dans une importante autobiographie de jeunesse avec « L’arabe du futur ». Le premier tome étant reparti du festival d’Angoulême avec le Fauve d’Or, ce deuxième opus était attendu au tournant. Se concentrant sur une année de Riad en Syrie (contre 5-6 ans dans le tome précédent), il prend le temps de développer le propos. Il faut dire que Riad vieillit et les souvenirs se font aussi plus précis. Le tout est toujours volumineux (140 pages) et publié chez Allary Editions.

LArabeDuFutur2bOn avait quitté Riad en Bretagne alors qu’il devait retourner en Syrie et commencer l’école. Cette dernière prend une place non-négligeable dans l’ouvrage et les âmes sensibles sont priées de rester fortes : brimades et violences physiques sont de la partie dans les classes surpeuplées. L’auteur n’hésite pas non plus à questionner l’enseignement qui est fourni aux élèves (apprendre une sourate du Coran, certes, mais pourquoi ne pas en expliquer le sens ?). Il apprend donc aussi l’arabe en classe et, parallèlement, le français avec sa mère.

Un père lâche et menteur, une mère passive qui se réveille un peu.

Côté famille, le petit frère de Riad semble inexistant. Choix étrange de la part de l’auteur qui n’en parle presque jamais. Quand il est mentionné, on se surprend à se rappeler son existence. Le père, adulé dans le premier tome par le petit Riad, est moins apprécié par son fils. Il paraît toujours aussi lâche et menteur. Il passe son temps à annoncer plein de choses et rien ne se concrétise. Ainsi, il est censé devoir construire une grande villa pour sa famille qui continue à vivre dans un appartement à moitié vide et délabré… On est presque rassuré de voir sa mère, très passive auparavant, perdre patience, exigeant une cuisinière par exemple… Cependant, elle protège Riad de bien loin, empêchant quand même son père d’utiliser à tout escient l’adage « c’était comme ça pour moi et, regarde, je suis docteur. »

L’ouvrage décrit donc de manière consciencieuse, par les yeux d’un petit garçon, la société syrienne des années 80. On sent que le piston et les trafics en tous genres sont les seuls moyens de s’en sortir. Son père essaye bien de copiner, mais il ne fait pas partie du beau monde et n’arrive pas à monter dans l’échelle sociale. Après des débuts de vie un peu mouvementés, la famille s’installe durablement en Syrie et on sent poindre les tensions. Ce deuxième livre développe donc plus en longueur les relations entre les personnages.

Le dessin de Riad est toujours adapté au propos, les expressions des personnages faisant des merveilles. Le choix de la bichromie est pertinent. L’ouvrage est rose, teinté de vert et de rouge. Seul le passage en France (qui paraît du coup complètement décalé dans ses atmosphères !) est bleu afin d’accentuer les contrastes entre les deux pays.

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Riad Sattouf confirme tout le bien que l’on pouvait penser de son autobiographie. Si on retrouve la noirceur, l’humour et l’aspect documentaire de son premier tome, cet opus possède sa propre identité en se concentrant plus longuement sur la Syrie.

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Note : 15/20

Barracuda, T5 : Cannibales – Jean Dufaux & JĂ©rĂ©my

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Titre : Barracuda, T5 : Cannibales
Scénariste : Jean Dufaux
Dessinateur : Jérémy
Parution : Juin 2015


Déjà le cinquième tome pour « Barracuda ». Scénarisé par le vétéran Jean Dufaux et dessiné par le novice Jérémy, cette série de pirates a créé la sensation dès le départ avec son dessin splendide et son scénario impitoyable. Mais une fois quatre tomes derrière, comment éviter que le tout s’enlise inéluctablement ? Car on sait bien qu’une série qui fonctionne bien est souvent rallongée. Est-ce le cas ici ? Le tout est publié chez Dargaud sous la forme d’un album classique.

Le titre de l’ouvrage spoile un peu l’histoire en s’intitulant « Cannibales »… Toujours est-il qu’on plonge réellement dans l’histoire de base autour du capitaine Blackdog et du diamant du Kashar. Jean Dufaux nous avait habitués à donner à chaque tome son unité. C’est le cas ici. Malgré quelques événements sur l’île de Puerto Blanco, l’essentiel de l’ouvrage se passe sur une île perdue peuplée de cannibales.

Des codes classiques de la piraterie.

Barracuda5bEncore une fois, les auteurs utilisent les codes classiques de la piraterie pour nous sĂ©duire. ĂŽle perdue, cannibales, maladies, recherche de trĂ©sor, trahisons… Le tout se lit avec plaisir, Jean Dufaux n’oubliant pas d’ajouter une bonne dose de barbarie pour nous Ă©mouvoir. MalgrĂ© tout, le propos est moins fort que dans les tomes prĂ©cĂ©dents.  Certes, il y a des cannibales, mais on ne sent jamais vraiment les personnages en danger. Ces derniers évoluent dĂ©sormais moins et on se retrouve dans une action/aventure plus classique. On pense Ă  Barbe-Rouge par moments. La première partie de la sĂ©rie, qui construisaient les (jeunes) personnages Ă©tait plus intĂ©ressante que la seconde, plutĂ´t basĂ©e sur l’action.

Après avoir passé beaucoup de temps sur Puerto Blanco (ce qui semblait finalement le thème de la série malgré la référence au navire Barracuda), on s’en éloigne donc. Malgré tout, la fin du livre donne l’idée d’un final sur l’île (le tome 6 doit clore le récit). Nous avons donc ici un tome de transition.

C’est Blackdog qui donne ici de la puissance au récit. Sa gueule, son caractère, son obsession en font un personnage fort. Très peu présent après le premier tome, il revient pour mieux terroriser tous les autres protagonistes. Véritable fantôme, il est le facteur X de l’histoire : incontrôlable et dangereux.

Au niveau du dessin, Jérémy continue de nous enchanter avec des planches de toute beauté. Il n’hésite pas à jouer des couleurs, mettant en valeur les rouges de façon obsessionnelle. Ses ambiances sont réussies et ses personnages ont tous des gueules bien identifiés. Cependant, je l’ai trouvé un peu moins marquant, mais peut-être est-ce seulement que je me suis habitué à son style. Un auteur qui s’est révélé dès le premier tome et qu’on aura le plaisir de retrouver dans d’autres séries plus tard.

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Ce tome 5 m’a laissé un peu sur ma faim. « Barracuda » commençait à s’essouffler et le sixième et dernier tome arrivera à point nommé. Tout est désormais bien posé pour un final en apothéose. En espérant que les auteurs arriveront à refermer les nombreuses histoires secondaires qu’ils ont développées. Quant aux personnages, on se demande bien qui arrivera à survivre à la boucherie qui s’annonce !

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Note : 14/20

Manuel de la jungle – Nicoby & Joub

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Titre : Manuel de la jungle
Scénaristes : Nicoby & Joub
Dessinateurs : Nicoby & Joub
Parution : Mai 2015


Joub et Nicoby avait plutôt bien réussi leur biographie « Dans l’atelier de Fournier ». Ils s’y présentaient, interviewant l’auteur sur son passé. Cela est en train de devenir une de leur spécialité. Au point qu’ils partent réaliser un livre sur la jungle, en Guyane. Joub vivant à Cayenne, ils ont l’idée de retrouver deux instituteurs baroudeurs et de partir quelques jours dans l’Enfer vert afin de voir combien ce terme est galvaudé. Le tout est donc scénarisé par Nicoby et Joub. Le premier dessine, le second colorise le tout. C’est paru chez Dupuis pour 140 pages de bande-dessinées au prix de 19 euros.

ManuelDeLaJungle1Le récit présente donc deux citadins emportés par deux baroudeurs. Évidemment, les premiers ont très peur des bestioles : serpent, araignées, crocodiles, etc. Même si cette menace n’est pas la plus importante… Le livre démarre donc par un véritable manuel, les expérimentés expliquant aux nouveaux le fonctionnement de la survie dans ce milieu, entre chasse et binouze.

Un titre trompeur.

Mais l’histoire finit par tourner vers autre chose : la dénonciation des orpailleurs clandestins. Du coup, le livre est un peu scindé en deux et manque de cohérence. De même, les anecdotes nombreuses abondent dans le livre et coupent le rythme. On sent une forme de fourre-tout, intéressant certes, mais qui manque de travail de fond pour en faire un bouquin en tant que tel. Ainsi, le titre « Manuel de la jungle » est trompeur, mais c’est ce que devait être le livre au départ.

Malgré tout, la vie dans la jungle a un intérêt réel et on apprend beaucoup de choses. La deuxième partie, plus militante, donne aussi à réfléchir. Le tout se dévore d’une traite, l’humour est présent et on apprend énormément sur la jungle. Dommage que les auteurs se représentent toujours comme apeurés, voulant mettre fin à l’expérience au plus vite. Finalement, on se dit que ce voyage de quelques jours ne les aura pas changés. Surtout, ils paraissent encore plus terrorisés à la fin. Peut-être est-ce la réalité, mais le tout ne va pas très loin dans l’analyse. Joub et Nicoby ont choisi un récit de voyage sans trop chercher à approfondir le propos en aval.

Concernant le dessin, j’aime beaucoup le trait de Nicoby, sublimé par les aquarelles de Joub. Les ambiances sont posées, aussi bien dans la jungle, sur la pirogue, la nuit… Une vraie réussite. En revanche, on ressent relativement peu le côté « paradis des sens » vanté par la quatrième de couverture. Ce n’est pas évident avec du dessin de faire ressentir cela, mais dans les faits, la jungle est jolie mais on ne la ressent pas.

ManuelDeLaJungle2

« Manuel de la jungle » est un ouvrage qui dévie de son intention première. Hésitant entre un apprentissage par des citadins de la jungle et une dénonciation des clandestins du lac, il manque un peu de cohérence. De même, il cède à la mode actuel en présentant une pagination excessive. Ainsi, la scène du restaurant, au départ, n’a aucun intérêt et rallonge artificiellement l’ouvrage. Mais si vous êtes un amateur des livres de Joub et Nicoby, ne boudez pas votre plaisir, on retrouve l’humour des deux compères et ce trait rond qui va si bien avec.

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Note : 13/20

Roi ours – Mobidic

RoiOurs


Titre : Roi ours
Scénario : Mobidic
Dessinateur : Mobidic
Parution : Mai 2015


Une première bande-dessinée est toujours une épreuve pour un auteur en devenir. Mobidic (au pseudo évocateur !) se lance dans le bain chez Delcourt avec un one-shot qu’il scénarise et dessine, « Roi ours ». Ancré dans les croyances amérindiennes, il présente l’histoire d’une jeune fille, Xipil, destinée à être sacrifiée à la déesse caïman. Elle est alors sauvée par le Roi Ours et se voit contrainte de se marier avec lui. Le tout pèse 110 pages pour un format A4.

Le scénario se base sur la découverte du monde des dieux par une mortelle (même si les dieux y sont mortels également). Les entourloupes, les négociations, les humiliations… Xipil a bien du mal à s’intégrer, alors que son espèce est considérée comme en bas de la chaîne alimentaire. Heureusement, elle y trouve le soutien de son mari et de la mère des singes, qui fait un peu partie de la famille.

Une fable un peu Ă©cologique.

RoiOurs2Si le début de l’histoire est plutôt bien mené, on reste un peu sur notre faim. Les développements amenés trouvent une fin un peu brutale. Même si le sens de l’ouvrage prend son sens à sa fermeture, il y a, dans la narration, une impression que l’on partait vers ailleurs. Qu’importe, « Roi ours » possède un univers, une ambiance, une personnalité qui transparaît dès les premières pages. Le sujet abordé est original et, finalement, bien développé. Mais alors qu’on imaginait en début de livre une histoire complexe, on est plutôt du côté de la fable. Pris ainsi, « Roi ours » remplit son contrat.

Pour mener son histoire, Mobidic maîtrise pleinement son découpage. Aussi à l’aise dans les scènes d’action ou les scènes intimistes, il alterne également les pages de dialogue avec les pages muettes. Le tout avec autant de pertinence.

Le dessin est un gros point fort de l’album. Mobidic possède un trait qui rappelle immanquablement le dessin animĂ©, tant par ses animaux que par sa façon de dessiner les humains. Et si quelques rares cases sont maladroites, l’ensemble est assez remarquable. La beautĂ© des images saute aux yeux, les personnages sont expressifs et les cadrages sont parfaitement maĂ®trisĂ©s. Et que dire des couleurs, au diapason du trait ? Elles embellissent le dessin et renforcent les ambiances avec talent. On pourra cependant regretter un encrage et un lettrage un peu trop gros pour le format. Un livre au format comics aurait Ă©tĂ© certainement un meilleur choix pour l’Ă©dition. Un mauvais choix de l’Ă©diteur pour le coup.

RoiOurs1

Mobidic, pour son premier album, s’est occupé de tout. Et si ce « Roi ours » possède quelques imperfections, il reste un livre d’une vraie beauté, doté d’un scénario original, sorte de fable fantastique et (un peu) écologique. Un auteur à suivre, tant sa maîtrise du sujet est évidente.

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Note : 15/20