Ce livre devrait me permettre de rĂ©soudre le conflit au Proche-Orient, d’avoir mon diplĂ´me, et de trouver une femme, T1 – Sylvain Mazas

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Titre : Ce livre devrait me permettre de rĂ©soudre le conflit au Proche-Orient, d’avoir mon diplĂ´me, et de trouver une femme, T1
Scénariste : Sylvain Mazas
Dessinateur : Sylvain Mazas
Parution : Juin 2012


Le point fort de « Ce livre devrait me permettre de résoudre le conflit au Proche-Orient, d’avoir mon diplôme, et de trouver une femme » est sans conteste son titre ! Complètement délirant, il attire l’attention immédiatement. Comme beaucoup de monde, j’ai donc emprunté le livre, voulant savoir ce qui pouvait bien se trouver dans ce curieux objet. Le tout est écrit et dessiné par Sylvain Mazas et publié chez Vraoum.

Le livre a précédemment été publié en Allemagne en 2007. En effet, l’auteur habite alors à Berlin, bien que français (c’est d’ailleurs le cas de son éditeur qui intervient plusieurs fois dans le livre). A l’époque, il part au Liban pour avoir son diplôme, trouver une femme et, donc, résoudre le conflit au Proche-Orient. Ne vous attendez pas à une bande-dessinée classique ici, ce n’est pas le cas. Le livre est construit majoritairement sur du texte qui est ensuite illustré par un dessin et/ou un schéma. Car l’auteur aime les schémas. Il le dit lui-même et les multiplie à foison. Tout ça pour nous expliquer pourquoi le Proche-Orient va mal alors que ça pourrait aller beaucoup mieux.

Un ton original et personnel.

Ce livre vaut avant tout pour le ton de son auteur qui est original et personnel. Plein de naïveté et de bon sens, il décrit des choses complexes avec simplicité, même si le lecteur attentif sera un peu dubitatif devant ses descriptions. Le tout est parsemé d’humour et de passages bien sentis.

Découpé en chapitres, le livre finit par tourner un peu en rond. Trop de texte, trop de schémas, on finit par se demander si Sylvain Mazas a tant de choses à raconter. Plus que le fond, c’est la forme qui étonne dans les premières pages. Mais au bout d’un moment, on s’en lasse, de même que les schémas nous laissent un peu indifférents. C’est marrant au début, beaucoup moins après. Le livre possède une forte pagination et on sent qu’il aurait pu être condensé.

Malgré tout, quelques bonnes idées et gags font mouche. On appréciera les interventions de l’éditeur, la recherche de l’amour comme running-gag efficace… Mais je reste un peu dubitatif dans le fait que ce soit un premier tome tant on a l’impression que l’auteur a fait le tour de la question.

Graphiquement, c’est minimaliste, mais les dessins appuient toujours intelligemment le texte. Il y a un rapport entre les parties texte et dessin qui rythme bien l’ensemble. Le dessin n’est jamais accessoire, il apporte toujours quelque chose à ce qui vient d’être lu.

Je suis passé un peu à côté de livre. Plutôt enthousiaste aux premières pages, le sourire aux lèvres, j’ai peu à peu perdu de l’intérêt pour les schémas de Sylvain Mazas. Ce qu’il raconte est souvent intéressant mais trop simpliste pour tenir dans la longueur. Car au milieu d’anecdotes libanaises très intéressantes, ses raisonnements pour trouver le bonheur tournent un peu en rond. À essayer quand même, car l’originalité du bouquin ne peut, elle, pas être remise en cause.

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Note : 11/20

Anatomie de l’Ă©ponge – Guillaume Long

AnatomieDeLeponge


Titre : Anatomie de l’Ă©ponge
Scénariste : Guillaume Long
Dessinateur : Guillaume Long
Parution : Juillet 2006


J’ai connu Guillaume Long avec « À boire et à manger ». C’est ici une œuvre parue bien plus tôt, en 2006, dont il est question : « Anatomie de l’éponge ». C’est un recueil d’histoires courtes qui expliquent (entre autres), les influences de l’auteur. On a donc affaire à une autobiographie où l’autodérision est le maître mot. Le tout pèse 115 pages et est paru chez Vertige Graphic.

Guillaume Long nous propose une série d’histoires courtes aux thèmes variés. Dès la première, on sent l’influence (l’hommage ?) à Blutch. Mais c’est surtout Lewis Trondheim (sous le pseudonyme Luis Troën) qui sera au centre des attentions. Adulé par l’auteur, sa passion pour l’auteur devient un running gag très efficace au fil des pages.

Un auteur qui se cherche et se trouve.

Au-delà des histoires sur la bande-dessinée, Guillaume Long diverge et parle aussi de son enfance. On sent un auteur qui se cherche. Graphiquement, on voit une tentative de faire des bande-dessinées avec un dessin et le texte en-dessous, puis on tâtonne vers un entre-deux. Cette façon dont l’auteur se cherche dans la narration (et aussi dans l’humour) est des plus intéressantes. Et on le voit progresser, puisque les dernières histoires font mouche. Plus le livre avance et plus on rit. L’auteur parvient à trouver un ton et un humour qui nous font beaucoup sourire et même rire par moment. Au point qu’après cet ouvrage, il me paraissait essentiel de m’intéresser à la suite de la production de l’auteur.

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Hélas, qui dit recueil dit souvent qualité inégale. C’est le cas ici. Certaines histoires laissent un peu froid, là où d’autres nous transportent. Que dire que cette formidable histoire où Guillaume Long se perd en voiture et va dormir dans un domaine perdu ? L’autodérision marche à plein régime. Si ce n’est pas forcément original, Guillaume Long se l’approprie pleinement.

Graphiquement, Guillaume Long a un style qui se reconnaît vite, mais il se cherche ici. Le noir et blanc est de rigueur, bien que parfois relevé de niveaux de gris. On sent des modifications, des essais… Et le tout est plutôt réussi. La maturité de son style se sent une nouvelle fois et sa façon de dessiner en noir et blanc hachuré est dynamique et vivante. Le trait est simple, mais la gestion des noirs et des volumes est réfléchie et réussie. Bref, un dessin qui paraît simple au tout venant, mais qui vaut le coup d’œil.

Cette « Anatomie de l’éponge » a les défauts du recueil. Son côté inégal gênera à coup sûr. Mais il y a de vraies qualité tant dans la narration que dans le dessin chez Guillaume Long qui suffisent à lui donner de l’intérêt. Quand on voit le nombre d’autobiographies insipides qui peuvent fleurirent sur les rayons, ce n’est pas le cas ici. Le livre montre un auteur qui se cherche et, surtout, qui se trouve !

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Note : 14/20

Une annĂ©e au lycĂ©e – Fabrice Erre

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Titre : Une année au lycée
Scénariste : Fabrice Erre
Dessinateur : Fabrice Erre
Parution : Avril 2014


Fabrice Erre est dessinateur de bande-dessinée. Mais comme nombre de ses collègues, il possède un « vrai » métier lui permettant de vivre dignement : enseignant d’histoire-géographie en lycée. Forcément, la tentation de raconter son quotidien face aux élèves était trop tentant. Voilà qu’il nous propose un ouvrage autobiographique, « Une année au lycée ». Le tout est publié chez Dargaud et pèse pas moins de 153 pages !

L’auteur démarre donc l’année avec la fin des vacances et termine le tout avec le début des vacances. On retrouve donc les premiers contacts avec la classe jusqu’au bac. Fabrice Erre a l’avantage d’avoir des secondes, des terminales (qui préparent le bac) et d’être professeur principal. Cela permet de balayer un large spectre de situations. Dès le départ, l’auteur nous prévient : oui, tout est romancé (heureusement d’ailleurs). Chaque scène est donc un condensé de vécu, clairement concentré pour en améliorer l’aspect comique.

On sent le vécu !

Fabrice Erre joue la carte de l’autodérision dès le départ. Il se dessine bien plus vieux qu’il ne l’est et n’hésite pas à se montrer sous un jour peu reluisant. Et c’est là où la bande-dessinée est réussie. Erre est un professeur normal : aussi bien il peut avoir des fulgurances pour adapter son cours à ses élèves (et même faire preuve d’ouverture dans les discussions), aussi bien il merdouille bien par moments ! L’humour fonctionne très bien et il n’est pas rare de rire devant les gags et remarques lues. C’est là où « Une année au lycée » supplante des BDs comme « Les profs ». On sent le vécu, l’absurde des remarques, les situations qui dérapent…

L’auteur nous propose deux types de scènes. Les premières sont classiques et montrent le prof avec ses collègues ou les élèves. Les deuxièmes sont des purs délires où Erre fait des parallèles entre un univers (la guerre par exemple) et l’enseignement. Elles sont globalement aussi réussie et cela permet de rythmer l’album qui pourrait paraître répétitif si les scènes de classe s’enchaînaient méthodiquement.

Au niveau du dessin, c’est quand même un peu léger. Les délires sont plus travaillés graphiquement mais les scènes de classe sont peu ouvertes à l’expérimentation graphique. L’auteur se contente de dessiner les personnages, qu’il fait très expressifs. En soit, ce choix est pertinent car l’auteur se focalise sur les réactions et les dialogues, qui font l’essence d’une classe. Le tout est colorisé en bichromie (sauf des exceptions lors des délires de l’auteur).

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« Une année au lycée » est un ouvrage réussi. En utilisant parfaitement les absurdités du monde du lycée, Fabrice Erre lui donne de la force par son trait. Quand on voit la tête du prof, très satisfait de voir les élèves grévistes ne pas arriver à faire se calmer une classe, tout est dit ! Un bel ouvrage, forcément un peu réservé à ceux pour qui l’éducation nationale n’est pas qu’un souvenir de jeunesse.

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Note : 16/20

Et pour poursuivre l’expĂ©rience : http://uneanneeaulycee.blog.lemonde.fr/

Et en plus il est gaucher – Ralf König

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Titre : Et en plus il est gaucher
Scénariste : Ralf König
Dessinateur : Ralf König
Parution : Septembre 2006


 Ralf König a créé tout au long de sa carrière une œuvre majeure sur la communauté homosexuelle. Parvenu à la célébrité, touchant même un lectorat hétéro, il a été alors beaucoup décrié aussi bien par les homos (qui l’accusent de les caricaturer, mais aussi de trahir leurs secrets) que par les femmes (qui l’accusent de misogynie aigue). Afin de répondre aux questions que l’on peut se poser sur le personnage, il écrit « Et en plus il est gaucher ».

Dans cet ouvrage, König se dessine se faisant interviewer par un certain Bernhard Seifert. Il répond alors aux questions de l’homme, racontant aussi bien sa jeunesse que ses complexes, en passant par le milieu homo et ses fantasmes. Il paraît évident que cette BD est réservée avant tout aux adeptes de l’auteur. En effet, certains passages parlent d’autres ouvrages de König et font référence à certains personnages. De même, son obsession pour les torses velus est un grand classique de ses personnages.

Interview et flashbacks.

Le tout est raconté sous la forme d’une interview. Les deux personnages dialoguent, lançant des flashbacks ou des histoires afin d’illustrer ses propos. La dernière histoire, pourtant indépendante, est ainsi lancée comme un film à la fin de l’interview. König parvient ainsi à éviter un côté purement narratif et autobiographique par ce procédé. De même, cela lui permet d’utiliser au mieux ses talents de dialoguistes.

Loin d’être rébarbative, cette BD est très drôle. Tout est présenté avec beaucoup d’humour et König fait preuve de l’autodérision indispensable à ce genre d’ouvrage. Il n’hésite pas à se représenter bavant devant l’image d’un torse poilu, une énorme érection sous son jean… 

Le dessin est toujours très réussi, surtout avec le souci posé par l’immobilité forcée des personnages pendant l’interview. Tout se passe dans les expressions du visage, dans un noir et blanc toujours maîtrisé. L’importante quantité de textes n’est pas gênant étant donné la grande qualité de narration de l’auteur. 

La dernière histoire, indépendante, mérite un petit mot. « 3 heures et demi » présente deux homos amoureux qui se retrouvent pendant trois heures et demi, souhaitant s’accoupler au plus vite. Evidemment, rien ne se passe comme prévu. Très crue, cette histoire est à mourir de rire. On est pris d’une vraie empathie avec les personnages que l’on voudrait aider à assouvir enfin leurs envies. Le tout est bien sûr rempli d’hétéros insupportables qui gênent sans cesse les deux hommes. 

« Et en plus il est gaucher » est venu d’une envie de König de s’expliquer suite aux attaques et aux demandes dont il était assailli. En cela, le but est atteint, l’auteur n’hésitant pas à nous faire part de détails intimes qui explique beaucoup. Heureusement, le tout est toujours drôle et léger, rendant la lecture des plus agréables. A réserver aux fans de König.

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Note : 14/20

Like a steak machine – Fabcaro

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Titre : Like a Steak Machine
Scénariste : Fabcaro
Dessinateur : Fabcaro
Parution : Septembre 2009


Aujourd’hui, nombreux sont les auteurs à se lancer dans l’autobiographie. Fabcaro n’échappe à la règle. Je le connaissais alors pour « Amour, Passion et CX Diesel » (au scénario) et « Jean-Louis et son encyclopédie », des ouvrages 100% humouristiques. Avec « Le steak hâché de Damoclès » et « Droit dans le mûr » (aux éditions de La Cafétière), il se présentait comme quelqu’un de complètement névrosé, avec des problèmes de communication et de sociabilité très limitée. Bref, un personnage très loin de ce que l’on peut imaginer d’un auteur humoristique. Avec « Like a steak machine », Fabcaro reprend son processus introspectif. Douloureux souvenirs…

Le principe de « Like a steak machine » est décrit dès la première planche. Ici, une chanson sert de base à chaque planche. Chaque morceau rappelle un évènement passé : un premier concert, une nuit blanche, une rupture ou n’importe quoi d’autre. Chaque planche raconte une anecdote. Si bien que l’ouvrage est beaucoup plus orienté « souvenir » qu’ « analyse ».

Des anecdotes musicales pleine d’autodĂ©rision.

Le thème étant les souvenirs par la musique, on retrouve ainsi pas mal d’anecdotes musicales (notamment les concerts). Mais surtout, l’aspect introspectif est beaucoup moins fort, ce qui en fait un ouvrage plus léger que les précédents. L’humour est toujours fortement présent, avec une bonne dose d’autodérision.

Il y a également un petit côté désuet et nostalgique pas désagréable dans cet ouvrage. Raconter des souvenirs n’apporte pas toujours cet aspect-là mais ici on reconnaît l’époque sans peine. En effet, les citations de chansons, groupes et artistes sont autant de repères (ou pas justement !) disséminés dans chaque page. Cet aspect marqué dans une époque m’a rappelé de loin « Le Petit Christian » de Blutch.

Je ne cacherais pas que cet ouvrage est moins fort que les deux précédents. Le fait qu’il se construise sur des anecdotes de jeunesse le rend moins original. Il n’est donc pas rare de lire certains souvenirs quasiment à l’identique d’autres artistes. La force de Fabcaro tient avant de sa capacité à mettre de l’humour et de l’autodérision partout.

Et cet humour est fortement appuyé par le trait de l’auteur. En effet, ces personnages sont très expressifs (bien que moins « cartoons » que dans d’autres de ses BDs), notamment son alter-égo. Le trait relâché, en noir et blanc, est très agréable et lisible. Je le préfère de loin à son dessin « cartoon ».

Au final, « Like a steak machine » est peut-être l’ouvrage autobiographique de Fabcaro le moins original, mais aussi clairement le plus accessible. Moins axé sur ses névroses, le livre permet au lecteur de beaucoup plus s’identifier au personnage. Tout dépendra donc de ce que vous recherchez !

avatar_belz_jolNote : 16/20

L’Album de l’AnnĂ©e – Fabcaro

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Titre : L’Album de l’AnnĂ©e
Scénariste : Fabcaro
Dessinateur : Fabcaro
Parution : FĂ©vrier 2011


Il existe un exercice classique chez les auteurs de BD, c’est de réaliser un dessin par jour pendant un an. Nombreux sont ceux à s’y essayer (notamment depuis l’avènement des blogs BD), mais peu sont ceux qui vont au bout. Mais si faire ses 365 dessins est un but, un autre objectif est évidemment de leur donner un véritable intérêt. Et pour ça, il faut un véritable talent ! Ce talent, Fabcaro l’a sans aucun doute. Alors que vaut son ouvrage « L’album de l’année », regroupant 365 dessins retraçant une année de sa vie ?

Cet ouvrage, publié aux éditions de La Cafetière, fait 53 pages, comme le nombre de semaines dans une année. Intelligemment, l’ouvrage est découpé comme un agenda. On a droit au numéro de la semaine, les dates, un petit dessin de Fabcaro à son bureau pour dessiner et une citation (par exemple : « Avril sous les eaux, Tintin au Congo »). Voilà pour l’habillage. Mine de rien, cette présentation a un vrai sens et augmente l’intérêt de l’ouvrage. Outre les citations, les petits dessins forment à eux seuls une petite histoire et méritent une seconde lecture… En plus de cet en-tête, on retrouve donc à chaque fois sept dessins. En gros, un descriptif rapide (« je boucle mon album « Jean-Louis » sur le rotules) et un dessin qui l’illustre (Fabcaro, écroulé sur son bureau, essaye en vain d’ouvrir une bière pour fêter ça).

Des running-gags à trois mois d’intervalle

Il est évident qu’avec ce genre d’ouvrage, chaque illustration ne possède pas un intérêt énorme et tout n’est pas drôle. L’important est que l’auteur parvienne à faire rire régulièrement. Mission réussie ! Fabcaro parvient régulièrement à nous faire sourire et rire avec son humour tout en autodérision. Or, ce n’est pas évident car à certains moments, il n’a vraiment rien à raconter ! Il utilise alors l’intérêt d’un dessin par jour pour amener une répétition bienvenue… D’ailleurs, il est impressionnant de voir comme le projet est remarquablement géré sur une telle durée. Fabcaro parvient à mettre des gags de répétition à trois mois d’intervalle… Du grand art !

Evidemment, l’aspect autobiographique est essentiel ici. Les névroses de Fabcaro sont d’autant plus visibles (il se présente comme hypocondriaque). Cependant, ce qui change avec ses autres ouvrages autobiographiques, c’est que certains évènements dramatiques arrivent pendant cette année 2009. Au point que l’auteur se demande s’il doit continuer l’ouvrage. On le sent particulièrement angoissé, voire déprimé et on le voit lutter pour poursuivre sa bande-dessinée. Cela donne un aspect touchant, différent de l’autodérision habituelle.

C’est aussi l’occasion d’appréhender la vie d’un artiste auteur de bande-dessinée. Fabcaro y parle beaucoup de son travail (hésitations, nouveaux projets, angoisses, bouclages, etc). Pour ceux qui s’y intéressent un minimum, c’est très intéressant par exemple de voir que Fabcaro déclare avoir un « style de merde tout figé », ou encore qu’il déteste faire les couleurs…

Graphiquement, c’est impeccable. Les dessins sont imprimés petit mais ne posent pas de problème de lecture. On retrouve le trait de Fabcaro, noir et blanc et relâché. Evidemment, comme tout est petit, les décors et détails sont rares. Mais avec peu, Fabcaro sait renforcer son propos avec un dessin toujours expressif.

Si « L’album de l’année » n’est pas l’album de l’année, il est une preuve de plus que Fabcaro est un auteur de grand talent. Cet ouvrage se dévore de la première à la dernière page sans jamais lasser. Pour les fans de l’auteur, c’est un livre à ne pas manquer. Pour ceux qui ne connaissent pas encore Fabcaro, je vous conseille de démarrer par ses premières autobiographies.

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Note : 15/20

Droit dans le mĂ»r – Fabcaro

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Titre : Droit dans le mûr
Scénariste : Fabcaro
Dessinateur : Fabcaro
Parution : DĂ©cembre 2007


Après un premier ouvrage autobiographique qui mettait à nu ses névroses (« Le steak hâché de Damoclès »), Fabcaro remet le couvert avec « Droit dans le mûr ». Comme il le dit lui-même : « Faut être maso ». C’est donc reparti pour une série d’anecdotes pleine d’autodérision sur les problèmes relationnels de l’auteur. On retrouve notamment son incapacité à dire « non » et, de façon générale, à s’imposer.

Si certaines anecdotes ne font qu’une page (ce sont rarement les plus intéressantes), d’autres sont un poil plus longue, amenant souvent une réflexion plus large (l’achat de la maison, le mec au walkman, etc.). Evidemment, une chute nous attend toujours à la fin. Heureusement, la chute n’est pas le seul moment où l’ont ri. L’humour est omniprésent. Parfois absurde, parfois touchant, Fabcaro a un humour vraiment particulier, une vraie patte. Un bonheur pour les zygomatiques.

Un bilan de l’autobiographie et un bilan autobiographique.

Le début de l’ouvrage démarre sur le bilan de la première autobiographie. En effet, Fabcaro expose les problèmes liés à la publication d’un tel ouvrage… Evidemment, c’est passionnant et le fait que l’auteur n’assume absolument pas le contenu rend le tout encore plus intéressant. Ainsi, « Droit dans le mûr » et « Le steak hâché de Damoclès » fonctionnent clairement comme un diptyque. Assemblés, ils traitent plus ou moins des mêmes thèmes et donnent finalement plus de cohérence à l’ensemble.

Comme son nom l’indique, « Droit dans le mûr » s’attarde sur le vieillissement de l’auteur. Ce dernier, la trentaine passée, doit laisser certaines de ses anciennes convictions au passé. Ainsi, rien ne s’arrange vraiment quand on vieillit (alors qu’il était persuadé du contraire !) et on finit par faire des choses terribles comme devenir propriétaire (ce passage est d’une justesse incroyable) alors qu’on rejetait le concept de propriété à 20 ans. Fabcaro n’hésite d’ailleurs pas à se représenter en conversation avec son alter-ego plus jeune. Si le procédé n’est pas nouveau, il est ici utilisé avec parcimonie, énormément d’humour et se révèle finalement touchant. On a tous en nous quelque chose de Fabcaro.

Le dessin est toujours efficace avec un noir et blanc élégant et maîtrisé. Les expressions des personnages, très travaillées et marquées, renforcent l’humour des situations. Le tout est souvent articulé en planches composées de trois bandes horizontales, apportant de la cohérence à l’ensemble (et un peu de rigidité, il est vrai).

Après un « Steak hâché de Damoclès » réussi, « Droit dans le mûr » est clairement un cran au-dessus de part une certaine cohérence et une patte de l’auteur plus affirmée. Les deux ouvrages tirent un portrait hilarant de Fabcaro, plein d’autodérision. Indispensable pour tous les fans de l’auteur !

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Note : 16/20

Le steak hachĂ© de Damoclès – Fabcaro

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Titre : Le steak haché de Damoclès
Scénariste : Fabcaro
Dessinateur : Fabcaro
Parution : Juillet 2005


Faut-il être névrosé pour être auteur de bande-dessinée ? En lisant les différentes autobiographies, on peut se le demander… Ainsi, Fabcaro démarre « Le steak haché de Damoclès » sur ces mots : « une bande-dessinée sur mes problèmes de communication ? J’ai aucune envie d’étaler mes névroses… ». L’auteur rentre ici dans un travail d’introspection. Et qui dit introspection, dit forcément anecdotes… Histoire de justifier ses dires.

Le titre de l’ouvrage vient justement de la première anecdote où Fabcaro, encore enfant, doit aller acheter une baguette de pain. Il reviendra avec un steak haché… De là démarre ses problèmes de communication. Ceux-ci sont avant tout l’incapacité à se concentrer sur ce que racontent les autres et son impossibilité à dire « non ». De ces handicaps en résultent nombre de quiproquos avec un peu tout le monde.

Comment s’assumer comme auteur de bande-dessinĂ©e ?

Cependant, rapidement les anecdotes de l’auteur font apparaître d’autres problèmes récurrents dont la difficulté à assumer son statut d’auteur de bande-dessinée (il faut avouer qu’il n’est pas aidé !). Ainsi, dès que la situation financière devient difficile, le spectre du « concours de prof » ressort. Ayant des enfants, Fabcaro ne peut pas se permettre la précarité. C’est un vrai sujet, traité avec beaucoup d’humour certes, mais qui doit être terrible pour les auteurs de BD.

Etant donnĂ© toutes les nĂ©vroses dont je viens de parler, on pourrait penser que Fabcaro s’apitoie sur son sort et se donne finalement une image pathĂ©tique. Ce n’est Ă©videmment pas le cas. Capable d’une autodĂ©rision impressionnante, l’auteur ne se cherche aucune excuse (Ă  part la lâchetĂ©, c’est dire !). RĂ©sultat, le tout est diablement drĂ´le. On est parfois stupĂ©fait par les situations dans lesquelles arrive Ă  se mettre l’auteur simplement parce qu’il est incapable de communiquer correctement. Ainsi, quand on l’appelle par un prĂ©nom diffĂ©rent, il n’arrive pas Ă  dire « ce n’est pas Fabien, c’est Fabrice ». Et de lĂ  dĂ©coule un problème insoluble.

Cette autobiographie, centrée sur les problèmes de communication, est un peu bordélique quand même. Les anecdotes sont plus ou moins pertinentes et à des périodes très différentes de la vie de l’auteur. Cependant, Fabcaro ouvre correctement son bouquin (en présentant le sujet) et le referme lorsque sa copine lit l’ouvrage en question. Cela compense l’aspect un peu décousu de l’ensemble.

Au niveau du dessin, j’ai été séduit par le travail de Fabcaro. Entièrement en noir et blanc, le trait est dynamique et bien plus complexe qu’il peut paraître à première vue. L’expressivité des personnages (et notamment de l’auteur) sont en effet de grands renforts à l’humour déjà très drôle.

Difficile de savoir si Fabcaro exagère ou pas ses névroses. Et après tout, on s’en moque et on rit souvent devant les aléas de son avatar. Il arrive à gérer des gags récurrents et à illustrer les angoisses du personnage tant graphiquement que dans les dialogues de façon vraiment talentueuse. Une autobiographie intéressante et, parfois, hallucinante !

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Note : 14/20

Vingt-trois prostituĂ©es – Chester Brown

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Titre : Vingt-trois prostituées
Scénariste : Chester Brown
Dessinateur : Chester Brown
Parution : Septembre 2012


 Chester Brown découvre un jour qu’il n’est plus intéressé par l’amour, qu’il trouve vain et compliqué. Il s’aperçoit qu’il préfère être ami avec ses ex, afin d’éviter tous les problèmes de couple. Hélas, au bout d’un certain temps, le besoin de sexualité se présenter. Il décide alors de se tourner vers la prostitution. C’est cette expérience de plusieurs années que nous présente l’auteur dans un pavé de près de 300 pages. Intitulé « Vingt-trois prostituées », il revient donc sur ces femmes qu’a rencontrées le dessinateur. Le tout est publié aux éditions Cornélius.

23prostituées2Le livre est à la fois un ouvrage autobiographique qui analyse la pensée de son auteur par rapport aux rapports humains. La prostitution n’est qu’une facette du raisonnement, qui en sera un aboutissement logique. Car Chester Brown ne nous dit pas « je suis allé voir des prostituées ». Il explique pourquoi il l’a fait et pourquoi il a plus ou moins arrêté. Cette analyse est essentielle, car l’auteur livre un plaidoyer en faveur de la prostitution (notamment sur le problème de la dépénalisation et/ou de la légalisation. Le tout est d’ailleurs agrémenté d’une introduction, d’une préface, d’une postface, d’appendices et de notes… Comme si l’auteur considérait que ses planches ne suffisaient pas…

Les dessous du milieu, sans faux-semblants.

Derrière la froideur de l’ouvrage (porté par l’auteur dont les raisonnements choqueront de nombreux lecteurs) se révèle donc un véritable documentaire. L’auteur nous invite à découvrir les dessous du milieu, sans faux-semblants. Si le personnage de Chester peut paraître froid, il n’en paraît pas moins sincère. Il est client et souhaite donc avant tout en avoir pour son argent. Malgré cela, il est avant tout respectueux des femmes qu’il rencontre. Surtout, il discute beaucoup avec elles, ce qui permet d’en savoir plus sur leurs ressentis. Mais à aucun moment il ne dessine leur visage. Une façon de les protéger sans doute plus que de les déshumaniser.

Il n’est pas dit que « Vingt-trois prostituées » convaincra le lecteur que la prostitution est une bonne chose et qu’elle doit obtenir un cadre légal. Cependant, il est indéniable que l’ouvrage fait réfléchir et amène à se poser des questions. On est loin des discours standards. Il est dommage que les appendices cherchent, eux, à convaincre de façon trop évidente. On aurait préféré un livre qui parle de lui-même, sans devoir passer par des pages de texte, façon propagande. Et pourtant, qui sait que je partage de nombreux points de vue de l’auteur.

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Concernant le dessin, il est minimaliste, en noir et blanc. Il est parfaitement maîtrisé par l’auteur qui livre des planches d’une froideur et d’une raideur impressionnante. Cela évite tout pathos qui polluerait le propos. Car derrière cette façade, le lecteur est loin d’être indifférent à ce qui se passe ou ce qui se dit.

« Vingt-trois prostituées » est un ouvrage riche et maîtrisé qui ne laissera pas indifférent. A la fois autobiographique et documentaire, il ne cherche pas forcément à établir de vérité. Il montre le point de vue et l’expérience d’un client lambda et ses motivations. Chester Brown a des amis, n’est pas un loser, n’est pas un obsédé sexuel, mais va voir des prostituées pour des raisons qui lui sont propres. Un livre fort, qui se lit d’une traite et qui, après la lecture, reste dans vos méninges.

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Note : 16/20

Buzz-moi – AurĂ©lia Aurita

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Titre : Buzz-moi
Scénariste : Aurélia Aurita
Dessinatrice : Aurélia Aurita
Parution : Septembre 2009


En 2006, Aurélia Aurita publie « Fraise et chocolat ». L’ouvrage présente sa vie sentimentale et sexuelle. Très explicite, l’album finit par faire un buzz plusieurs mois après, bien au-delà de la sphère BD. C’est donc la presse généraliste qui s’intéresse à elle. Absolument pas préparée à ce déferlement médiatique et à toutes ces sollicitations, l’auteure nous explique ici comment elle a vécu les choses.

Je précise dès lors que je n’avais pas aimé du tout « Fraise et chocolat ». Malgré tout, la lecture préalable de l’ouvrage est nécessaire pour pleinement saisir ce « Buzz-moi ». Dans le cas inverse, on ne comprend pas forcément tous les tenants et les aboutissants.

BuzzMoi1L’ouvrage développe plusieurs aspects. D’un côté, la relation aux journaux, aux magazines et à la télévision. La jeune femme découvre ce monde décrit de façon péjorative. Pour simplifier, on l’interviewe sans avoir lu son livre. De l’autre côté, il y a les séances de dédicaces et les rencontres avec les lecteurs. Clairement, cet aspect est peu intéressant car déjà traité mille fois par d’autres auteurs et Aurélia Aurita, malgré le côté sulfureux de son livre, n’a finalement pas grand-chose de nouveau à apporter (à la limite, c’est rassurant).

On découvre donc une auteure qui a droit à un portrait dans Libération et qui est invitée au Grand Journal. L’interrogation demeure : comment ne pas être ridicule face à ça ? De même, Aurélia Aurita semble d’autant plus sensible aux critiques. C’est plutôt bien expliqué. Cela commence par un article de blog, puis dans un journal, puis une pleine page, etc. Et viennent alors les adorateurs et les haineux.

Un manque de profondeur dans l’analyse

Ce qui me gêne dans son livre, c’est que l’on est avant tout devant une succession d’anecdotes. Il manque une analyse, une profondeur qui donnerait du sens à l’ensemble. C’est plaisant de découvrir les coulisses, mais un peu plus de fond n’aurait pas fait de mal. L’auteure joue beaucoup de sa sensibilité pour nous émouvoir. On sent quelqu’un d’honnête et de sincère. Et c’est souvent le but d’une autobiographie que de se dévoiler et de créer de l’empathie. Mais vu le sujet du livre, on n’est pas loin du documentaire. Surtout que l’auteure sait bien préserver sa vie privée justement.

Le dessin d’Aurélia Aurita est relâché et nerveux, soutenu par des aplats de gris. Le trait est vif et cela correspond bien au propos. Bien que la plupart des scènes soient assez statiques, l’auteure sait rendre l’ensemble vivant et finalement varié dans la mise en scène.

BuzzMoi2

« Buzz-moi » n’est pas dénué d’intérêt. Il présente les conséquences d’un buzz sur un artiste qui ne l’a pas vu venir. Cependant, l’auteure se confine beaucoup dans les faits et laisse une part à l’analyse qui me paraît un peu trop ténu. On retrouvera le même choix dans « LAP ! ». Mais si vous vous intéressez aux coulisses de la BD et des médias, jetez un coup d’œil à ce « Buzz-moi » sans hésiter !

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Note : 12/20