AbĂ©lard, T1 : La Danse des Petits Papiers – RĂ©gis HautiĂšre & Renaud Dillies

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Titre : Abélard, T1 : La Danse des Petits Papiers
Scénariste : Régis HautiÚre
Dessinateur : Renaud Dillies
Parution : Juin 2011


Renaud Dillies m’avait beaucoup marquĂ© de son trait avec « Betty Blues » et « Bulles et Nacelles » oĂč il dĂ©veloppait un univers plein de poĂ©sie. A la suite d’une rencontre lors d’un festival, j’ai pu dĂ©couvrir son nouvel ouvrage, « AbĂ©lard » (premier tome d’un diptyque) en avant-premiĂšre, oĂč il assure le dessin pendant que RĂ©gis HautiĂšre s’occupe du scĂ©nario. Ce n’est pas la premiĂšre collaboration des deux hommes, qui ont dĂ©jĂ  signĂ©s « Mister Plumb » ensemble.

L’histoire fait intervenir AbĂ©lard, un poussin qui vit dans les marais, entre jeu de cartes et parties de pĂȘche. Ayant toujours vĂ©cu Ă  cet endroit, il ne peut s’empĂȘcher de s’interroger sur l’ailleurs, si inconnu Ă  ses yeux. Une rencontre avec une femme, Epilie, va changer sa vie. Pour elle, il va dĂ©cider de voyager, jusqu’à vouloir partir en AmĂ©rique.

Un road trip sous forme d’initiation.

« AbĂ©lard », aprĂšs une introduction dans les marais, ressemble fort Ă  un road trip sous forme d’initiation. N’ayant vĂ©cu que dans les marais, AbĂ©lard a Ă©tĂ© protĂ©gĂ© du vaste monde et est particuliĂšrement naĂŻf. Cette naĂŻvetĂ© est Ă  la fois trĂšs touchante et drĂŽle. Sa mĂ©connaissance du monde et des gens est vraiment amusante. Ainsi, il se retrouve Ă  voyager avec des gitans sans mĂȘme savoir qu’ils sont trĂšs mal acceptĂ©s par la population. Lui prend les gens comme ils sont, sans trop se poser de questions.

Au-delĂ  de l’apparence parfois simple de l’histoire se dessine une trame qui paraĂźt plus complexe. Ainsi, tout le monde semble connaĂźtre Epilie, lui donnant une image de dangerositĂ© que l’on ne comprend pas. Nul doute que le deuxiĂšme tome explicitera tout ça, mais tout cela participe Ă  une ambiance des plus Ă©tranges. Autre particularitĂ© d’AbĂ©lard : son chapeau lui donne chaque jour un message sous forme de proverbe ou citation. Ces messages, venus dont ne sait oĂč vont avoir une vraie influence sur l’histoire. Une petite curiositĂ© qui donne de la poĂ©sie Ă  l’ensemble.

Car « AbĂ©lard » a une poĂ©sie certaine, Ă  l’image du hĂ©ros qui monte dans un arbre pour « dĂ©crocher la Lune » Ă  sa dulcinĂ©e. Le graphisme surannĂ© fait mouche. Le choix de la palette de couleur met parfaitement en valeur le trait de Dillies. Celui-ci est toujours aussi indistinct et naĂŻf Ă  la fois. Les diffĂ©rents personnages, tous des animaux, sont tous trĂšs rĂ©ussis graphiquement. AbĂ©lard, en poussin naĂźf, est simplement adorable.

Dillies abandonne ici le gaufrier de six cases qu’il affectionne pour un dĂ©coupage plus variĂ©. C’est une rĂ©ussite et le tout tĂ©moigne d’une grande maĂźtrise. Le dessinateur n’hĂ©site pas Ă  prendre une page pour une case (voire mĂȘme deux avec cette incroyable carte de voyage pleine d’humour).

J’ai Ă©tĂ© particuliĂšrement sĂ©duit par « AbĂ©lard » tout au long des 64 pages de ce premier tome. Il me tarde dĂ©jĂ  d’en lire la suite. Son personnage, si naĂŻf, est particuliĂšrement attachant. Le scĂ©nario d’HautiĂšre est taillĂ© pour le style de Dillies. Une petite perle, simplement, rĂ©servĂ©e aux grands enfants. 

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Barracuda, T3 : Duel – Jean Dufaux & JĂ©rĂ©my

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Titre : Barracuda, T3 : Duel
Scénariste : Jean Dufaux
Dessinateur : Jérémy
Parution : Novembre 2012


Les pirates ont un cĂŽtĂ© fascinant qui attire irrĂ©mĂ©diablement mes espoirs d’aventures bĂ©dĂ©philes. MĂȘme si les outils construisant la narration sont souvent les mĂȘmes, je prends toujours plaisir Ă  suivre ses histoires de chasse au trĂ©sor, de voyages au bout du monde et de pĂ©rĂ©grinations de flibustiers. « Barracuda », par la couverture de son premier opus, a immĂ©diatement attirĂ© mon regard. Une fois l’ouvrage dĂ©couvert, j’ai irrĂ©mĂ©diablement conquis. Le deuxiĂšme acte avait confirmĂ© la qualitĂ© de la saga. C’était donc avec joie que je me suis offert en novembre dernier le troisiĂšme tome rĂ©cemment paru et intitulĂ© « Duel ». On y dĂ©couvre Emilio, habillĂ© tel un gentilhomme, tĂȘte baissĂ©e, sous une nuit orageuse. Le travail sur les couleurs est remarquable, l’immersion instantanĂ©e. Nous voilĂ  de nouveau plongĂ© sur l’üle de Puerto Blanco.

Le scĂ©nario est le fruit du travail de Jean Dufaux dont j’avais apprĂ©ciĂ© « Murena ». La particularitĂ© de sa saga est qu’on est quasiment jamais en mer. Plus des trois quarts de l’intrigue se dĂ©roule sur l’üle prĂ©cĂ©demment Ă©voquĂ©e. Elle est rĂ©gie par les lois de la piraterie et nous fait rencontrer une communautĂ© aux personnalitĂ©s tranchĂ©es et souvent inquiĂ©tantes. L’unitĂ© de lieu offre de fortes interactions entre les diffĂ©rents protagonistes et fait de la trame une toile d’araignĂ©e aux nombreuses ramifications. Cela a pour consĂ©quence Ă©galement de partager le quotidien de tout ce beau monde et rend chacun familier. Les personnages possĂšdent une rĂ©elle identitĂ© tant sur le plan graphique que scĂ©naristique. Aucun ne nous laisse indiffĂ©rent. Je me garderai de vous faire le listing des diffĂ©rents habitants. Ce serait vous gĂącher le plaisir de les rencontrer et les dĂ©couvrir. Evidemment, chacun ne gĂ©nĂšre pas chez le lecteur les mĂȘmes sentiments. On s’attache Ă  certains, d’autres font naitre de la compassion. On ressent parfois de la peur ou on rit de certaines mĂ©saventures. Au final, on n’est pleinement impliquĂ© dans le quotidien contĂ© dans cet ouvrage.

Luttes de pouvoir & jalousie

Les deux premiers albums Ă©taient sĂ©parĂ©s par une vraie rupture chronologique. Les enfants qu’on avait quittĂ©s Ă©taient devenus des jeunes hommes et jeunes femmes. Cela donnait le sentiment que le deuxiĂšme acte marquait un nouveau dĂ©part pour la sĂ©rie. « Duel » est dans la continuitĂ© de l’opus prĂ©cĂ©dent. On retrouve les personnages Ă  l’endroit oĂč on les avait plus ou moins laissĂ©s. Chacun a trouvĂ© sa place. On dĂ©couvre ici de nouvelles tensions, de nouveaux drames Ă  venir. L’intrigue principale avance relativement peu. J’ai souvent tendance Ă  le reprocher Ă  ces sagas au long cours. Je ne le ferai pas ici tant les Ă©vĂ©nements vĂ©cus sur l’üle sont prenants et envoutants. L’amour cachĂ© entre Raffy et Maria est lourd de consĂ©quence. Le dĂ©sir de vengeance d’Emilio est intense et offrira des combats homĂ©riques. Comme toute sociĂ©tĂ©, les luttes de pouvoir et les jalousies sont les rouages du quotidien. Quant au Barracuda, on le voit accoster sur une Ăźle des plus angoissantes dans sa quĂȘte du trĂ©sor maudit. Bref, il y a de quoi s’occuper et la lecture s’avĂšre intense et saisissante.

Les dessins sont l’Ɠuvre de JĂ©rĂ©my. J’ai dĂ©couvert cet auteur en mĂȘme temps que cette sĂ©rie. Mon premier contact avec son trait a Ă©tĂ© relativement neutre. Je trouvais les personnages relativement froids au niveau de leurs expressions. Mais l’impression initiale a vite Ă©tĂ© noyĂ©e par le plaisir que j’ai pris Ă  le voir faire naitre des scĂšnes Ă  l’ampleur forte. Son travail sur les corps et les volumes, sa capacitĂ© Ă  crĂ©er des dĂ©cors, sa maniĂšre Ă  jouer avec les couleurs pour faire naitre des ambiances fortes font que le dĂ©paysement est total. Il s’agit d’une condition indispensable Ă  une lecture agrĂ©able. JĂ©rĂ©my la remplit aisĂ©ment. Le combat entre Emilia et Morkat est Ă©pique. On sent la violence du combat. On sent l’humiditĂ© de la pluie. On perçoit l’atmosphĂšre orageuse qui abrite ce duel sur la plage.

En conclusion, ce troisiĂšme tome consolide l’affection que je porte Ă  cette sĂ©rie. Je l’ai lu avec un plaisir fort et j’ai senti une frustration en refermant le bouquin, une fois terminĂ©. Il  ne me reste plus qu’à attendre la sortie du quatriĂšme tome. L’intrigue est suffisamment vague et dense pour qu’on devine difficilement oĂč veulent nous mener les auteurs. Dans le cas prĂ©sent, le sentiment d’avancer Ă  l’aveugle et d’ĂȘtre perdu n’est pas dĂ©sagrĂ©able, bien au contraire. Je ne peux donc que conseiller aux adeptes de pirates de partir Ă  la rencontre de cette sĂ©rie. Elle vaut largement le dĂ©tour et ravira les adeptes du genre. Et ils sont nombreux


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Note : 17/20

Secrets, L’AngĂ©lus, T2 – Frank Giroud & JosĂ© Homs

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Titre : Secrets, L’AngĂ©lus, T2
Scénariste : Frank Giroud
Dessinateur : José Homs
Parution : Septembre 2011


Les diptyques se dĂ©veloppent en bande-dessinĂ©e. Et si parfois on ne comprend pas trop l’intĂ©rĂȘt de deux tomes, Ă  d’autres moments, ils prennent tout leur sens. Dans « L’angĂ©lus » (de la collection « Secrets » chez Dupuis), le premier tome se terminait sur une bascule. AprĂšs un livre avant tout destinĂ© Ă  percer le secret du tableau de l’AngĂ©lus, la suite se concentre sur le secret de famille de Clovis Ă  proprement parler. Ce deuxiĂšme opus de 56 pages clĂŽt donc l’enquĂȘte de ce quadra en pleine mutation.

À l’image de la couverture, Clovis change et s’épanouit en mĂȘme tant que son obsession grandit. Une fois l’histoire de l’AngĂ©lus et de Dali dĂ©voilĂ©e, reste Ă  savoir pourquoi Clovis y trouve une rĂ©sonance. Mais l’homme a dĂ©jĂ  beaucoup changĂ©. Physiquement d’abord : il a les cheveux hirsutes et la barbe qui foisonne. Il est bien loin de l’homme que l’on avait dĂ©couvert au dĂ©part
 D’ailleurs, il vit dans un camping car qu’il a repeint de couleurs vives. Clovis est en pleine crise identitaire, conjugale et existentielle !

Une crise identitaire, conjugale et existentielle.

LAngelus2bCette mutation de Clovis est particuliĂšrement rĂ©ussie, car elle se fait au fur et Ă  mesure des pages. Elle est remarquable de cohĂ©rence. Les rĂ©vĂ©lations familiales sont moins originales, mais leur parallĂšle avec le tableau de Millet leur donne un intĂ©rĂȘt certain. Mais au-delĂ  du secret, c’est bien de la renaissance d’un homme dont ce diptyque traite.

Le scĂ©nario de Giroud reste remarquablement maĂźtrisĂ©. Dans ce polar aux enjeux finalement assez limitĂ©s, il instille un suspense en tenant bien son rythme en main. Les rĂ©vĂ©lations s’égrĂšnent au fur et Ă  mesure, sans excĂšs de dĂ©ballage final.

Le dessin deHoms est toujours aussi impressionnant : personnel et puissant. Ses personnages sont redoutables d’expressivitĂ© sans tomber dans l’excĂšs. Les couleurs sont toujours autant au diapason, imposant les ambiances Ă  la force de palettes restreintes. Le dĂ©coupage est au mĂȘme niveau, parvenant Ă  diversifier les plans mĂȘme quand les personnages passent deux pages Ă  discuter. Du beau travail !

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Ce diptyque se lit avec plaisir, d’une traite, et le lecteur a du mal Ă  en sortir. DotĂ© d’un scĂ©nario bien menĂ© et bien rythmĂ©, l’histoire est sublimĂ©e par le trait de Homs. Ce deuxiĂšme tome confirme ainsi tout le bien que l’on pouvait penser du premier. Une belle dĂ©couverte !

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Note : 17/20

Secrets, L’AngĂ©lus, T1 : Frank Giroud & JosĂ© Homs

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Titre : Secrets, L’AngĂ©lus, T1
Scénariste : Frank Giroud
Dessinateur : José Homs
Parution : Novembre 2011


La collection (sĂ©rie ?) « Secrets » publiĂ©e chez Dupuis propose neuf histoire comportant « des secrets honteux ou redoutables, enfouis de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration au sein de chaque famille. ». C’est au diptyque rĂ©alisĂ© par Homs (au dessin) et Giroud (au scĂ©nario) que l’on s’intĂ©resse aujourd’hui. IntitulĂ© « L’AngĂ©lus », il prend comme point de dĂ©part le cĂ©lĂšbre tableau de Millet. Clovis, le dĂ©couvrant au MusĂ©e d’Orsay, est bouleversĂ©. Mais pourquoi ? Commence alors une obsession qui va le sortir de son quotidien morne et triste. Chaque tome comporte 56 pages, ce qui fait un diptyque bien fourni.

LAngelus1cCe premier tome sert avant tout Ă  poser les jalons de l’histoire. Nous avons d’abord la vie de Clovis. Vivant dans le village qui l’a vu naĂźtre, il exerce un mĂ©tier qui ne le passionne guĂšre et supporte la vie de famille en se faisant marcher dessus par son aĂźnĂ© en pleine crise d’adolescence. PerturbĂ© par le tableau de Millet, il commence des recherches sur l’histoire de ce tableau. Le fait qu’il ne sache pas utiliser internet (une honte pour son fils), fait qu’il y perd beaucoup de temps. Au fur et Ă  mesure que l’obsession grandit, sa vie se dĂ©lite et Clovis tout autant.

Une obsession qui grandit, un homme qui change.

À cĂŽtĂ© de l’humain, l’histoire du tableau se dĂ©voile. Ce premier tome lui donne beaucoup d’importance, puisque c’est ce secret que l’on cherche avant tout Ă  dĂ©terrer. Le tout est distillĂ© avec parcimonie et si vous ne connaissiez pas l’histoire, le tout est plein de surprise. Le diptyque prend alors tout son sens : le premier tome s’attarde sur le tableau, le deuxiĂšme tome permettra d’expliquer la rĂ©sonance entre cette histoire et celle, plus personnelle, de Clovis. MĂȘme si le mystĂšre en soit n’est pas une grande rĂ©vĂ©lation, elle fait son effet. Clovis n’y connait rien Ă  l’art et on sourit parfois Ă  sa naĂŻvetĂ©.

LAngelus1bLes auteurs utilisent parfaitement les 56 pages pour poser l’intrigue. MĂȘme si les personnages sont un peu caricaturaux (la prof d’arts plastiques et le cĂŽtĂ© « village de province » en gĂ©nĂ©ral), le tout fonctionne trĂšs bien. Tout semble cohĂ©rent et naturel et les relations entre eux sont crĂ©dibles. Ainsi la professeur et Clovis semblent assez proches d’entamer une relation et l’ambiguĂŻtĂ© persiste sans que rien ne vienne vraiment.

Le suspense du livre est rĂ©el : on ne sait pas vraiment oĂč nous mĂšnent les auteurs. En cela, le scĂ©nario est remarquablement construit, tout en finesse et avec un rythme parfaitement maĂźtrisĂ©. Le dĂ©coupage n’est pas en reste avec une vraie densitĂ©. Ce premier tome ne se contente pas de poser l’intrigue, il la fait avancer.

Concernant le dessin, Homs dĂ©veloppe un trait entre rĂ©alisme et semi-rĂ©alisme de toute beautĂ©. Ses personnages sont remarquablement croquĂ©s (d’ailleurs, on croquerait bien la jolie prof d’arts plastiques), bien identifiĂ©s. On n’est pas loin de la caricature, mais les expressions sont pleine de justesse. La mise en couleur sublime d’autant plus l’ouvrage en posant des atmosphĂšres aux palettes rĂ©duites. Difficile de rester indiffĂ©rent ! Cela m’a donnĂ© plus qu’envie de dĂ©couvrir les autres ouvrages d’Homs tant son trait m’a sĂ©duit.

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Cet « AngĂ©lus » est une vĂ©ritable surprise pour moi. MĂȘme si les amateurs d’art tiqueront devant le « mystĂšre Millet » (dĂ©jĂ  bien Ă©ventĂ© quand mĂȘme), on ne peut qu’ĂȘtre admiratif devant une telle maĂźtrise de la bande-dessinĂ©e. Entre la gestion du rythme, des personnages, du dĂ©coupage, du dessin et de la couleur, c’est un sans faute. À lire sans plus tarder !

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Note : 17/20

Les Sentinelles, T1 : Juillet-AoĂ»t 1914, Les Moissons de l’Acier – Xavier Dorison & Enrique Breccia

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Titre : Les Sentinelles, T1 : Juillet-AoĂ»t 1914, Les Moissons de l’Acier
Scénariste : Xavier Dorison
Dessinateur : Enrique Breccia
Parution : Mai 2009


C’est en regardant la trĂšs sympathique Ă©mission « Un monde de bulles » que j’ai dĂ©couvert avec plaisir Xavier Dorison Ă©voquer la sĂ©rie « Les sentinelles ». Etant un grand fan de ce scĂ©nariste depuis que j’ai dĂ©couvert « Le troisiĂšme testament » ou « Sanctuaires », j’ai Ă©coutĂ© avec curiositĂ© ce dernier nous conter la construction de cette saga dont je n’avais jamais entendu parler. Une fois son interview terminĂ©e, je me suis engagĂ© Ă  m’immerger dans cette sĂ©rie au plus vite. Ma dĂ©couverte a dĂ©butĂ© hier soir avec la lecture du premier chapitre intitulĂ© « Juillet-AoĂ»t 1914 – Les moissons d’acier ». EditĂ© chez Delcourt, cet album de bonne qualitĂ© est composĂ© d’une soixantaine de pages. Il est vendu Ă  un prix tout juste infĂ©rieur Ă  quinze euros. La couverture nous prĂ©sente un soldat dĂ©ployant un drapeau français. Son visage est couvert par un casque. Je la trouve trĂšs rĂ©ussie. Elle est l’Ɠuvre de Enrique Breccia, que je dĂ©couvre Ă  l’occasion de cette lecture.

MalgrĂ© le titre, l’histoire dĂ©bute en 1911 au Maroc sur un champ de bataille. On dĂ©couvre un soldat, le visage masquĂ© qui avance d’un pas rĂ©gulier sans sembler tenir compte des balles qui fusent et des cadavres qui tombent autour de lui. Mais tout Ă  coup, il s’effondre. On le croit mort, ce n’est pas le cas. Il explique Ă  un de ses acolytes qu’il n’a plus de batterie, qu’il ne peut donc plus Ă©chapper Ă  son destin. Alors que les ennemis s’apprĂȘtent Ă  arriver sur les lieux, il demande Ă  ĂȘtre exĂ©cutĂ© par son ami qui s’exĂ©cute. On croit comprendre que ce soldat est le fruit d’une expĂ©rimentation scientifique mis au point par un colonel de l’ArmĂ©e française. Ce projet connaitra un second souffle trois ans plus tard quand le fondateur des Sentinelles dĂ©couvre la dĂ©couverte rĂ©volutionnaire d’un petit lieutenant de rĂ©serve


Des super hĂ©ros “made in France”.

« Les Sentinelles » est une sĂ©rie intĂ©ressante car elle nous offre un des premiers super hĂ©ros « made in France ». Suite Ă  des expĂ©riences menĂ©es dans des laboratoires secrets, un colonel et un savant Ă  sa botte ont pour objectif de crĂ©er une espĂšce de super soldat. Le fait de l’intĂ©grer dans la grande Histoire Ă  travers la pĂ©riode de la premiĂšre guerre mondiale dĂ©veloppe un attrait certain. L’histoire s’adresse Ă  un public sensible Ă  ce genre de grande trame historique et dense dans laquelle s’insĂšre parfaitement une dimension fictionnelle travaillĂ©e. Il est Ă©vident que l’humour et la lĂ©gĂšretĂ© ne sont pas de sortie. On est en temps de guerre et le dessinateur fait en sorte qu’on ne l’oublie jamais.

Le scĂ©nario est de grande qualitĂ©. Les premiĂšres pages qui jouent le rĂŽle de prologue sont intenses. A travers les dessins et l’atmosphĂšre qui transpire de la lecture, on est tout de suite dans le vif du sujet. Notre intĂ©rĂȘt est happĂ©. Notre curiositĂ© ne cessera jamais d’ĂȘtre sĂ©duite tout au long du dĂ©filement des pages. La grande toile se met en place. Les personnages apparaissent, les enjeux se dĂ©couvrent. La densitĂ© est grande. La narration ne souffre d’aucun temps mort bien au contraire. On est immergĂ© dans une histoire passionnante. La finalitĂ© de cet opus est de nous prĂ©senter Taillefer, le nouveau super soldat. Le rythme de la dĂ©couverte est bien dosĂ© et la derniĂšre page nous laisse sur un sentiment de frustration de ne pas pouvoir en profiter davantage.

Comme je l’ai sous-entendu prĂ©cĂ©demment, les dessins sont remarquables. DĂšs la premiĂšre case, on est bouleversĂ©. Il se dĂ©gage rĂ©ellement quelque chose des pages. La crasse et la violence qui s’en dĂ©gage sont intenses et ne laissent pas indemnes. La dimension « boucherie » est vraiment trĂšs rĂ©ussie. Rien n’apparaĂźt surrĂ©aliste ou excessif. Bien au contraire, c’est une gifle de rĂ©alisme qu’on prend de plein fouet. Je trouve Ă©galement les personnages trĂšs rĂ©ussis. On n’a aucun mal Ă  se les approprier. Les dessins leur donnent une vraie Ă©paisseur. Je pense que je vais me pencher de plus prĂšs sur les parutions nĂ©es de la plume d’Enrique Breccia.

En conclusion, j’ai trouvĂ© ce premier opus remarquable. Il s’agit Ă  mes yeux d’un petit chef d’Ɠuvre. Le scĂ©nario, les dessins, le thĂšme, les personnages
 Tout est bien construit, intense et travaillĂ©. A l’heure actuelle, trois tomes sont parus. Je ne pense pas que je vais tarder Ă  dĂ©vorer les deux qu’il me reste Ă  lire. Pour ceux qui dĂ©couvrent l’univers de Xavier Dorison Ă  travers cet album, je ne peux que conseiller de dĂ©couvrir « Le troisiĂšme testament » qui vous immergera dans le Moyen-Ăąge pour une tĂ©tralogie qui est un chef d’Ɠuvre du neuviĂšme art


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Note : 18/20

Les sentinelles, T4 : Avril 1915 : Les Dardanelles – Xavier Dorison & Enrique Breccia

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Titre : Les sentinelles, T4 : Avril 1915 : Les Dardanelles
Scénariste : Xavier Dorison
Dessinateur : Enrique Breccia
Parution : Octobre 2014


« Les Sentinelles » marque l’entrĂ©e des superhĂ©ros Ă  la française dans la Grande Guerre. Xavier Dorison confirme l’ampleur de son imagination. D’une part, il n’hĂ©site pas Ă  s’approprier les codes de ses surhommes d’habitude associĂ©s Ă  la culture amĂ©ricaine. D’autre part, ils les insĂšrent au beau milieu de la PremiĂšre Guerre Mondiale, concept jusqu’alors improbable. Les trois premiers Ă©pisodes de cette sĂ©rie ont transformĂ© l’essai et fait naĂźtre une saga de grande qualitĂ©. Chaque opus est un petit bijou et se lit avec appĂ©tit. Chacun dĂ©livre une grande variĂ©tĂ© de saveurs pour la plus grande joie de ses lecteurs.

LesSentinelles4bCela faisait trois ans et demi que la parution d’une nouvelle mission des Sentinelles Ă©taient attendue. L’espoir Ă©tait assouvi en octobre dernier avec la sortie du quatriĂšme chapitre intitulĂ© « Avril 1915 Les Dardanelles ». Wikipedia m’a appris que les Dardanelles fut un « affrontement [
] qui opposa l’Empire Ottoman aux troupes britanniques et françaises dans la pĂ©ninsule de Gallipoli dans l’actuelle Turquie du 25 avril 1915 au 9 janvier 1916 ». Cela confirme la volontĂ© de Dorison d’intĂ©grer ses hĂ©ros dans la rĂ©alitĂ© du conflit.

Intégrer les héros dans la réalité du conflit.

« Cette bataille-lĂ  devait ĂȘtre gagnĂ©e d’avance
 Le dĂ©barquement du Commonwealth sur les plages truques des Dardanelles devait assurer une victoire aussi rapide qu’indiscutable. Face aux Ottomans, la France n’avait-elle pas dĂ©ployĂ© ses plus glorieux soldats ? Les Sentinelles ! C’était sans compter l’aide des allemands Ă  leur alliĂ© turc, sans compter la chaleur, les fiĂšvres, les maladies et les falaises imprenables
 Sans compter la nouvelle arme du gĂ©nie germanique : Cimeterre. Cette fois-ci, les plus grands hĂ©ros français vont devoir renoncer Ă  la victoire pour apprendre la dure leçon de la dĂ©faite
 » VoilĂ  le synopsis prĂ©sentĂ© par la quatriĂšme de couverture de l’album. Je dois vous dire que j’y ai perçu un menu appĂ©tissant.

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La premiĂšre force du bouquin est la profondeur de ses personnages. Que ce soit Taillefer, le Merle ou Djibouti, chacune des trois Sentinelles possĂšde une personnalitĂ© passionnante. Le rĂ©alisme de chacun d’entre eux est remarquable. Ils sont attachants. Leurs faiblesses sont centrales malgrĂ© leurs superpouvoirs. Leur sens des valeurs ne laisse pas indiffĂ©rent. Une bonne histoire est avant un bon hĂ©ros. « Les Sentinelles » ont la chance d’en avoir trois.

Les Dardanelles imposent une unitĂ© de lieu. Nous ne quittons pas cette plage turque qui ressemble au fur et Ă  mesure des pages Ă  un cimetiĂšre en plein dĂ©veloppement. Cette sensation d’attente, cette disparition de tout espoir, ce fatalisme grandissant
 Tout est sublimĂ© par la narration de Dorison. Il arrive Ă  faire Ă©voluer ses personnages au grĂ© des Ă©vĂ©nements sans marquer de rupture trop forte. La rĂ©alitĂ© de la guerre transpire des planches. Elle ne nous laisse pas indemne. Le travail graphique d’Enrique Breccia sublime le dĂ©sespoir de cette bataille qui ne peut pas ĂȘtre gagnĂ©e mais que les autoritĂ©s refusent de perdre


L’intrigue en elle-mĂȘme est habilement construite. Les enjeux sont rapidement posĂ©s. Tout ce petit monde est rĂ©uni pour gagner plus qu’une bataille : une guerre. Dorison ne fait pas uniquement exister ses Sentinelles. Il laisse une place intĂ©ressante aux soldats britanniques ou australiens. L’immersion dans l’époque apparaĂźt crĂ©dible. Nous sommes touchĂ©s par bon nombre de protagonistes. L’auteur ne choisit pas son camp. Il nous fait dĂ©couvrir des horreurs. Certains passages sont quasiment muets pour laisse totalement la place au trait de Breccia. Il peut ainsi faire passer des sentiments forts par ses seules illustrations. Cet album marque un Ă©quilibre entre le texte et le dessin d’une rare finesse.

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Vous l’aurez compris, cet ouvrage m’a conquis. Je le trouve d’une grande qualitĂ©. Avant de m’y plonger, j’ai relu ses trois prĂ©dĂ©cesseurs. J’ai Ă©tĂ© impressionnĂ© par la force et l’intensitĂ© qui s’en dĂ©gage. « Avril 1915 Les Dardanelles » ne dĂ©roge pas Ă  cette rĂšgle. Il confirme que « Les Sentinelles » est une sĂ©rie unique dans son genre qui arrive Ă  sublimer un concept de dĂ©part original et novateur. Il ne reste plus maintenant qu’à attendre la suite. Mais cela est une autre histoire


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Note : 18/20

Le Petit Christian, T2 – Blutch

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Titre : Le Petit Christian, T2
Scénariste : Blutch
Dessinateur : Blutch
Parution : Octobre 2008


AprĂšs avoir relatĂ© son enfance dans le premier tome de « Le Petit Christian », Blutch remet le couvert pour aborder le thĂšme de l’adolescence. Plus prĂ©cisĂ©ment, on dĂ©marre ici avec l’entrĂ©e en 6Ăšme de Christian jusqu’à son passage en 3Ăšme. On a va ainsi le voir Ă©voluer du petit garçon qu’il Ă©tait jusqu’à un grand ado tĂ©nĂ©breux et rĂąleur. Comme il part dans un collĂšge privĂ© de Strasbourg, on ne retrouvera pas les personnages rĂ©currents du premier tome.

Le fil rouge de cette BD s’appelle Catie Borie. C’est la fille d’amis de la famille et elle a le mĂȘme Ăąge que Christian. Il en est fou amoureux, mais 1000 km les sĂ©pare. En s’intĂ©ressant Ă  une fille, Christian renie certains principes de son enfance (« quand on est un desperado, on se garde des femmes.») et glisse inexorablement vers d’autres prĂ©occupations bien lĂ©gitimes.

Inventivité et sensibilité

Ce nouveau tome aborde avec beaucoup de sensibilitĂ© et d’inventivitĂ© le thĂšme d’un amour a mi-chemin entre les amours d’enfance (Christian restant trĂšs naĂŻf) et des amours plus adultes. L’éveil des sens du narrateur est bien sĂ»r prĂ©sent, liĂ© Ă  un romantisme extrĂȘme qui le torture jusqu’au dĂ©nouement imprĂ©visible. TĂ©moin, cette scĂšne de traversĂ©e du dĂ©sert oĂč le narrateur se voit pris dans une tempĂȘte de sable reprĂ©sentant les autres filles du collĂšge qui essaient de le dĂ©tourner de sa Catie
 Et Christian ne vit que pour les lettres qu’il reçoit de sa bien-aimĂ©e


Une nouvelle fois, l’intervention de personnages de fiction apporte beaucoup Ă  l’ensemble. Christian a un dieu : Steve Mac Queen, qu’il prie avant les contrĂŽles
 De mĂȘme, les rĂ©fĂ©rences Ă  la BD ou au cinĂ©ma sont lĂ©gions. La traversĂ©e du dĂ©sert est une rĂ©fĂ©rence Ă©vidente Ă  « Tintin au pays de l’or noir ». De mĂȘme les stars du cinĂ©ma ont encore une place importante et toujours en situation (« Oh ! Marlon Brando dans un tango Ă  Paris.»). Petite nouveautĂ©, Christian parle aussi Ă  son double enfant, dĂ©guisĂ© en cowboy. Le dialogue avec son double montre la premiĂšre mutation de Christian, de par l’apparition de son amour pour Catie Borie. Son dialogue avec Marlon Brando en fin d’ouvrage montre sa deuxiĂšme mutation (je vous laisse dĂ©couvrir pourquoi). Les apparitions de ces personnages et les rĂ©fĂ©rences constantes aux mondes du cinĂ©ma et de la bande-dessinĂ©e sont clairement le pivot de cet ouvrage. Il montre combien ils ont une influence majeure sur l’imagination des enfants et des adolescents et combien ils forgent la personnalitĂ© par leurs propos.

On retrouve le dessin de Blutch tout en hachures. Petite nouveauté : de la couleur a Ă©tĂ© ajoutĂ©e. En effet, l’auteur ajoute des touches de rouge et de rose afin de densifier son dessin. Le tout est assez rĂ©ussi, mĂȘme si ça a un coĂ»t : le deuxiĂšme tome de « Le Petit Christian » est 4 euros plus cher.

Sous un aspect faussement naĂŻf (le personnage de Christian a un dessin assez simple), Blutch marque une fois de plus de son talent cet ouvrage. Ainsi, le dessin trĂšs rĂ©aliste des personnages cĂ©lĂšbres marque un contraste toujours intĂ©ressant avec le reste des personnages. De mĂȘme, la scĂšne oĂč Christian part pour la premiĂšre fois au collĂšge est saisissante. S’imaginant dans une prison, l’auteur applique un style noir et inquiĂ©tant qui tranche avec le reste de l’ouvrage.

J’ai une nouvelle fois Ă©tĂ© saisi par le talent de Blutch dans la suite de son autobiographie. Son inventivitĂ© pour raconter ces moments de la jeunesse est incroyable. En utilisant de nombreuses rĂ©fĂ©rences extĂ©rieures, il parvient Ă  crĂ©er une connivence avec le lecteur. La scĂšne du dĂ©sert est simplement Ă  mourir de rire, mais est Ă©galement pleine de vĂ©ritĂ© sur l’adolescence. En dĂ©tournant les codes propres Ă  ce genre de rĂ©cit (les premiers amours, les dĂ©buts au collĂšge
), Blutch parvient Ă  nous surprendre sur un sujet pourtant maintes fois abordĂ©s. Une rĂ©fĂ©rence !

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Note : 19/20

Le Petit Christian – Blutch

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Titre : Le Petit Christian
Scénariste : Blutch
Dessinateur : Blutch
Parution : Mars 2003


 AprĂšs avoir marquĂ© de son empreinte la bande-dessinĂ©e avec des Ɠuvres telles que « Blotch » ou « Peplum », Blutch s’attaque Ă  l’autobiographie avec « Le Petit Christian ». Ou plutĂŽt, c’est ce que l’on est en droit de croire. Car Blutch nie l’aspect autobiographique de cet ouvrage bien que le personnage ait le mĂȘme prĂ©nom et soit alsacien
 Quoiqu’il en soit, on suit Christian, un jeune garçon, dans sa vie d’enfant.

La BD enfantine n’est pas nouvelle. On peut citer « Le petit Spirou »,« CĂ©dric », « Boule et Bill » ou plus rĂ©cemment « Titeuf » pour s’en convaincre. Difficile alors de se dĂ©marquer. Blutch le fait sans peine en adoptant un ton rĂ©solument rĂ©tro qui ne pourra simplement pas parler Ă  des enfants. En s’adressant clairement Ă  des adultes (ne serait-ce que par l’absence de couleurs), Blutch Ă©vite l’écueil de faire une nouvelle BD de plus sur l’enfance.

Télévision & bande-dessinée

La vision de l’enfance de Blutch est toujours liĂ© Ă  deux mĂ©dias essentiels Ă  l’époque : la tĂ©lĂ©vision et la bande-dessinĂ©e. Le tout se passant il y a quelques dĂ©cennies en arriĂšre (on retrouve des rĂ©fĂ©rences Ă  Steve Mac Queen, Rahan ou Placid et Muzo !), ces deux Ă©lĂ©ments sont traitĂ©s de façon complĂštement diffĂ©rents et contribue Ă  la nostalgie du lecteur (ou l’étonnement pour les plus jeunes d’entre nous). En effet, on parle d’une Ă©poque oĂč les enfants sont obligĂ©s d’aller se coucher tĂŽt (sans regarder la tĂ©lé !), ou les BD paraissaient avant tout sur magazine et Ă©taient censurĂ©es par les parents. Ainsi, son personnage passe son temps Ă  se projeter sur ses personnages. La plupart du temps, il se transforme en eux, soit il converse avec eux. Si le procĂ©dĂ© n’est pas nouveau, il est trĂšs rĂ©ussi ici.

La grande rĂ©ussite de Blutch est sans conteste l’écart qu’il crĂ©e entre les adultes et les enfants. Quand les enfants parlent entre eux, ils sont enthousiastes, bavards, ça gueule, ça crie
 Mais dans leurs rapports aux adultes, c’est trĂšs diffĂ©rents. Les parents, les profs, le curĂ© sont tout puissants, souvent durs et sĂ©vĂšres et font partie d’un autre monde. Ce temps est clairement rĂ©volu car de nous jours l’enfant est roi. En cela, l’ouvrage prend d’autant plus de sens. Cette distanciation est accentuĂ©e par le dessin. LĂ  oĂč les adultes sont reprĂ©sentĂ©s de façon rĂ©aliste (et grave), les enfants sont dessinĂ©es dans un style naĂŻf. L’écart paraĂźt ainsi encore plus grand. Le dessin est tout en hachures et en noir et blanc. Le dessin des acteurs est particuliĂšrement soignĂ© et toujours en situation (John Wayne en militaire, Steve Mac Queen en cowboy
), ce qui ajoute au cĂŽtĂ© dĂ©calĂ© de l’enfance.

« Le Petit Christian » est une ode Ă  l’enfance et Ă  son imaginaire. Son cĂŽtĂ© dĂ©suet renforce d’autant plus son propos. A cette Ă©poque, lire « Rahan » Ă©tait interdit par les parents (parce qu’il y a des morts et des amazones peu habillĂ©es). On est bien loin de la pornographie et des images violentes auxquelles sont tĂ©moins les enfants aujourd’hui. En adoptant clairement une vision adulte et tendre de l’enfance, Blutch tape juste. A lire d’urgence !

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Note : 17/20

Blotch, Oeuvres ComplĂštes – Blutch

blotch


Titre : Blotch, Oeuvres ComplĂštes
Scénariste : Blutch
Dessinateur : Blutch
Parution : Janvier 2009
Parution tome 1 : Septembre 1999
Parution tome 2 : Octobre 2000


 Je me suis offert rĂ©cemment les Ɠuvres complĂštes de « Blotch », sĂ©rie dessinĂ©e et scĂ©narisĂ©e par Blutch. Cet ouvrage comprend les deux tomes qui Ă©taient parus alors. « Blotch » est le nom du personnage principal, dessinateur dans Fluide Glacial dans le Paris des annĂ©es 30
 Oui, vous avez bien lu !

Il n’est pas rare de voir les auteurs de Fluide Glacial parler de leur rĂ©daction (tout comme on trouvait ce genre de thĂšme dans Gaston qui travaillait chez Dupuis
). Mais rarement on aura vu une telle crĂ©ativitĂ©. En transposant l’histoire dans l’entre deux guerres, Blutch impose une ambiance dĂ©suĂšte incroyable. De mĂȘme, les dessinateurs d’humour deviennent des artistes pĂ©dants, buvant dans les cafĂ©s du beau Paris. Ce dĂ©calage entre ce que l’on peut imaginer de Fluide Glacial (grosses blagues et pinard) et cette attitude pincĂ©e d’artistes arrogants est vraiment incroyable.

Un fluide glacial des annĂ©es 30…

 Blotch est le meilleur mais aussi le pire d’entre eux. Il se dit gĂ©nial (et l’est a priori), mais est aussi rampant, prĂȘt Ă  Ă©craser les autres par des manƓuvres plus fourbes les unes que les autres. Le personnage est dĂ©testable. Arrogant, prĂ©tentieux, raciste, arriviste
 Et Ă©minemment grotesque ! Ainsi, en Ă©crasant son propre alter-ego, Blutch crĂ©e une complicitĂ© avec son lecteur. 

Evidemment, tout le monde en prend pour son grade. On passera sur ses collĂšgues (on reconnaĂźtra Gaudelette, Larcenet
), le rĂ©dacteur en chef (dont l’avis dĂ©cide de tout) et les investisseurs (les pires de tous). Seules les personnes extĂ©rieures Ă  Fluide Glacial paraissent alors sympathiques, comme son concurrent de toujours, Jean Bonnot ! Le tout est construit autour de petites histoires de quelques pages entraĂźnant une chute. Ce rythme vient de la parution prĂ©alable dans le magazine Fluide Glacial. Evidemment, l’auteur dĂ©veloppe certains fils rouges (comme sa concurrence avec Jean Bonnot).

L’aspect dĂ©suet des annĂ©es 30 est parfaitement retranscrit. Les dialogues sont savoureux et adaptĂ©s Ă  l’époque. De mĂȘme, lorsque l’on voit les dessins d’humour dessinĂ©s par Blutch, ils correspondent Ă  l’humour de l’époque. Une vĂ©ritable plongĂ©e presque un siĂšcle en arriĂšre ! Qui plus est, cette utilisation de l’entre deux guerres sert vraiment les gags. Il y a une vraie exploitation de l’époque en tant que telle.

Le dessin est Ă©videmment au diapason du sujet. Le choix d’un noir et blanc Ă©lĂ©gant retranscrit parfaitement l’atmosphĂšre surannĂ©e de l’ouvrage. Le trait de Blutch est toujours aussi dynamique et expressif. A n’en pas douter, un des grands dessinateurs actuels.

Si « Blotch » tient de la parodie, la direction que prend l’ouvrage en fait un Ɠuvre Ă  part. En utilisant une caricature dĂ©calĂ©e dans le temps, Blutch crĂ©e une bande-dessinĂ©e beaucoup plus subtile et complexe. Un album dont on ne peut que se dĂ©lecter.

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Note : 19/20

GisĂšle & BĂ©atrice – BenoĂźt Feroumont

GiseleEtBeatrice


Titre : GisĂšle & BĂ©atrice
Scénariste : Benoßt Feroumont
Dessinateur : BenoĂźt Feroumont
Parution : Septembre 2013


Actuellement, je suis trĂšs attirĂ© par la bande-dessinĂ©e Ă©rotique. Cela tombe bien, « GisĂšle & BĂ©atrice », autoproclamĂ© « contenu coquin pour adultes coquins » a reçu de nombreuses Ă©loges chez les critiques de BD ce mois-ci. Du coup, une fois acquis, je me plongeais dans la bĂȘte rĂ©alisĂ©e par BenoĂźt Feroumont. Le tout, publiĂ© chez Dupuis dans la collection Aire Libre (assez logiquement), pĂšse pas moins de 112 pages.

Le pitch de dĂ©part est posĂ© dĂšs les premiĂšres pages. BĂ©atrice est mal considĂ©rĂ©e dans son boulot et harcelĂ©e sexuellement par son boss. ExcĂ©dĂ©e, elle finit par cĂ©der Ă  ses avances. Mais au moment de passer Ă  l’acte, voilĂ  que son patron se transforme en femme
 La nouvelle GisĂšle, immigrĂ©e et sans papier, devient le jouet sexuel de BĂ©atrice et, accessoirement, sa femme de mĂ©nage


Un conte érotique et féministe

C’est un conte Ă©rotique et fĂ©ministe que nous propose lĂ  BenoĂźt Feroumont. En renversant les rĂŽles, il permet au personnage de GisĂšle de comprendre ce qu’endurent les femmes. PassĂ© de patron macho Ă  immigrĂ© harcelĂ© par
 un peu tout le monde, elle vit le quotidien de certaines femmes. Ainsi, elle se plaint que BĂ©atrice veuille des rapports sexuels tous les soirs


L’histoire de « GisĂšle & BĂ©atrice » est pourtant pleine de subtilitĂ© malgrĂ© un pitch qui peut paraĂźtre excessif. Car si l’auteur n’hĂ©site pas Ă  faire dans l’excĂšs, avec beaucoup d’humour, le traitement des personnages est particuliĂšrement rĂ©ussi. Son Ă©volution d’homme Ă  femme se fait difficilement, de mĂȘme que sa dĂ©couverte du plaisir fĂ©minin. Et que dire de sa relation avec son bourreau BĂ©atrice ?

BenoĂźt Feroumont trouve ici un trĂšs bel Ă©quilibre entre l’histoire et son suspense rĂ©el, l’humour et le sexe. Ce dernier est explicite, mais pas vulgaire. L’auteur prend soin de ne pas ĂȘtre exhibitionniste. Ce qui est reprĂ©sentĂ© a toujours un intĂ©rĂȘt et on nage plus en terre d’érotisme que de pornographie. Le tout Ă©moustille quand mĂȘme le lecteur, pour son plus grand plaisir !

Au niveau du dessin, l’aspect cartoon est trĂšs agrĂ©able Ă  lire, convenant parfaitement aux nombreux passages dĂ©calĂ©s et humoristiques. Ce graphisme sait aussi ĂȘtre affriolant, BenoĂźt Feroumont sachant parfaitement jouer des courbes de ses deux personnages. Le tout est expressif et parfaitement mis en valeur par une colorisation adaptĂ©e. Un vrai plaisir pour les yeux. VoilĂ  typiquement un trait qui est au service de son scĂ©nario.

Au final, j’ai Ă©tĂ© particuliĂšrement sĂ©duit par « GisĂšle & BĂ©atrice ». L’histoire ne lit avec plaisir, l’humour est rĂ©ussi et l’aspect coquin donne un sel supplĂ©mentaire Ă  l’ensemble Comme quoi, le marketing avait bien raison : si vous ĂȘtes un adulte coquin, nul doute que ce livre saura vous conquĂ©rir !

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Note : 16/20