Le TroisiĂšme Testament, Julius, T1 : Livre I – Alex Alice, Xavier Dorison & Robin Recht

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Titre : Le TroisiĂšme Testament, Julius, T1 : Livre I
Scénaristes : Xavier Dorison & Alex Alice
Dessinateur : Robin Recht
Parution : Septembre 2010


Une sĂ©rie Ă  succĂšs est-t-elle condamnĂ©e Ă  accoucher d’un spin-off ? AprĂšs un succĂšs amplement mĂ©ritĂ©, « Le TroisiĂšme Testament » revient pour un nouveau cycle. Cette sĂ©rie racontait la quĂȘte de ce fameux troisiĂšme testament qui aurait Ă©tĂ© cachĂ© par un certain Julius de Samarie. Ce nouveau cycle doit donc nous raconter comment Julius s’est retrouvĂ© avec ce prĂ©sent divin et quelle a Ă©tĂ© son histoire. Quelques changements sont Ă  prĂ©voir cependant dans l’équipe : Xavier Dorison prend de la distance sur la sĂ©rie et Robin Recht prend les rĂȘnes au dessin Ă  la place d’Alex Alice qui reste au scĂ©nario, au storyboard et
 Ă  la couverture.

Une quĂȘte de rĂ©demption.

Grosse apprĂ©hension pour le lecteur fan de la sĂ©rie originelle que je suis. Mais « Julius » doit ĂȘtre pris avant tout comme une histoire Ă  part. En effet, la pĂ©riode historique n’est pas du tout la mĂȘme (l’AntiquitĂ© contre le Moyen-Âge), ainsi que le lieu (le Proche-Orient contre l’Europe). Julius est gĂ©nĂ©ral romain, portĂ© en triomphe au dĂ©but de l’ouvrage dont on va assister Ă  la chute brutale et immĂ©diate (tel Conrad). Comme dans la premiĂšre sĂ©rie, c’est donc une quĂȘte de rĂ©demption Ă  laquelle on va avoir affaire. Ainsi, Julius est cruel, ambitieux, cupide et athĂ©e. Son contact avec un rabbin juif/chrĂ©tien va bouleverser sa vision des choses et l’amener Ă  s’humaniser. Ceux qui connaissent le contenu des fameux rouleaux du voyage de Julius de Samarie savent dĂ©jĂ  comment l’histoire se terminera…

Il faut bien avouer que les 80 pages de l’ouvrage se lisent d’une traite. 60 ans aprĂšs la venue du Christ, les ChrĂ©tiens font peur Ă  Julius. Leur secte prĂŽne la non-violence et ils sont prĂȘts Ă  mourir pour leur foi. LĂ  oĂč « Le TroisiĂšme Testament » montrait un monde obscurantiste, « Julius » montre un monde avant tout spirituel. La mort et la souffrance sont partout. Les Romains font office de bourreaux dont la cruautĂ© est sans limite. L’empire qui traite les autres de barbare semble avoir inversĂ© les rĂŽles.

« Julius » est donc trĂšs mystique. Les citations de textes sacrĂ©s et de prophĂštes sont lĂ©gions. Cela donne un souffle Ă©pique Ă  l’histoire. Le tout est renforcĂ© par le dessin de Robin Recht, qui prend la suite d’Alex Alice. Le dessin est fort, dĂ©taillĂ©, expressif. Son trait parvient Ă  transcender l’histoire et en cela, c’est une vraie rĂ©ussite. Les couleurs sont Ă©galement trĂšs rĂ©ussies. Sur le plan graphique, il n’y a rien Ă  redire, c’est du trĂšs beau travail.

Une prĂ©cision cependant : le service marketing assure que cette sĂ©rie peut ĂȘtre lue indĂ©pendamment de la sĂ©rie originelle. Pour moi, ce serait une grave erreur que de le faire.

Le vrai problĂšme de « Julius » est sa comparaison avec le cycle original. Pris indĂ©pendamment, c’est une excellente bande-dessinĂ©e au scĂ©nario fouillĂ©, au souffle Ă©pique indĂ©niable et au dessin formidable. Une belle osmose entre tous ces auteurs. A lire Ă  tous les fans d’ésotĂ©risme et de religions naissantes.

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Billy Brouillard, T3 : Le chant des sirĂšnes – Guillaume Bianco

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Titre : Billy Brouillard, T3 : Le chant des sirĂšnes
Scénariste : Guillaume Bianco
Dessinateur : Guillaume Bianco
Parution : Novembre 2012


Billy Brouillard reprend du service dans ce troisiĂšme tome appelĂ© « Le chant des sirĂšnes ». Alors qu’il ne voit plus de monstres et peut ainsi vivre beaucoup plus tranquillement, Billy part en vacances Ă  la mer. Il va alors croiser des nymphes et replonger dans ce monde fantastique oĂč les bestioles en tout genre cohabitent au milieu des fantĂŽmes. Le tout est toujours publiĂ© dans la collection MĂ©tamorphose aux Ă©ditions Soleil. Cet univers sort tout droit de la plume de Guillaume Bianco.

« Billy Brouillard » est une sĂ©rie originale qui traite de l’imaginaire de l’enfance de façon glauque. Mais c’est surtout un melting-pot de la narration : bande-dessinĂ©es, illustrations, poĂšmes, textes illustrĂ©s, publications scientifiques
 Il y a de quoi faire dans ce livre. Du coup, le lecteur sera souvent dĂ©stabilisĂ©, voire gĂȘnĂ© par ce fouillis. Mais c’est justement avec ce genre d’ouvrage que l’objet livre prend tout son sens.

Billy Brouillard va donc rencontrer une sirĂšne qu’il va devoir aller sauver au plus profondĂ©ment de la mer. Car la petite dormeuse risque de se rĂ©veiller
 Si l’histoire dans « Billy Brouillard » Ă  une fĂącheuse tendance Ă  digresser, le fil rouge existe bel et bien. Il est dommage qu’en dĂ©but d’ouvrage, on mette si longtemps Ă  voir arriver l’intrigue principale. Clairement, Guillaume Bianco prend son temps et se fait plaisir le long des 128 pages de l’ouvrage. Ainsi, n’y cherchez pas une grande histoire, « Billy Brouillard » est avant un ensemble d’anecdotes qui construisent un univers loufoque, fantastique et malsain.

Une plongée en enfance.

La richesse de la narration se retrouve Ă©galement dans les Ă©motions qui nous traversent : tristesse, humour, aventure
 Il y en a pour tous les goĂ»ts ! C’est une vraie plongĂ©e en enfance que nous propose Guillaume Bianco. Cette richesse se retrouve aussi dans le graphisme. Ce dernier s’adapte et propose des variations sur le mĂȘme thĂšme : noir et blanc avec ou non des hachures, lavis
 Et c’est sans compter sur les gazettes du bizarre qui ajoutent encore une variĂ©tĂ© dans le graphisme. Je suis tombĂ© amoureux du dessin de Guillaume Bianco. Il retransmet parfaitement les deux facettes de son univers : l’enfance et le fantastique.

DerriĂšre l’originalitĂ© et la pertinence de l’objet, on tiquera un peu sur les nombreuses digressions qui gĂȘnent parfois la lecture. Lire cet ouvrage demande un vrai investissement tant il est rude Ă  assimiler, tant sur le fond que sur la forme. Cependant, si vous parvenez Ă  vous immerger dans ce monde, c’est un vĂ©ritable plaisir ! 

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Billy Brouillard, T2 : Le petit garçon qui ne croyait plus au PĂšre NoĂ«l – Guillaume Bianco

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Titre : Billy Brouillard, T2 : Le petit garçon qui ne croyait plus au PÚre Noël
Scénariste : Guillaume Bianco
Dessinateur : Guillaume Bianco
Parution : Novembre 2010


Avec « Le don de trouble vue », Guillaume Bianco avait frappĂ© fort. Son personnage Billy Brouillard, qui avait la capacitĂ© de voir au-delĂ  des choses, vivant dans un univers Ă  la fois sombre et enfantin parfaitement maĂźtrisĂ©. Le mĂ©lange des genres (livre illustrĂ©, encyclopĂ©die, bande-dessinĂ©e) pouvait certes dĂ©route, mais cela faisait la force de l’ouvrage. Ce tome 2 reprendre la mĂȘme formule dans la mĂȘme collection MĂ©tamorphoses des Ă©ditions Soleil. Le tout pĂšse une centaine pages.

Si la lecture de « Billy Brouillard » ne nĂ©cessite pas forcĂ©ment la lecture des tomes prĂ©cĂ©dents pour apprĂ©cier le tout, une lecture prĂ©alable du tome 1 est recommandĂ©e. En effet, on retrouve Billy qui demande au PĂšre NoĂ«l de ressusciter son chat, mort dans le prĂ©cĂ©dent opus. HĂ©las, son chat ne revenant pas parmi les vivants, Billy va cherche d’autres moyens de parvenir Ă  ses fins.

Mort et forces obscures

MalgrĂ© la couverture et le titre, NoĂ«l n’est pas rĂ©ellement le thĂšme central de l’ouvrage. Ici, on parle avant tout de la mort et des forces obscures. Le croque-mitaine, notamment, y tient une place non-nĂ©gligeable ! Ainsi, malgrĂ© son classement parfois en bande-dessinĂ©e jeunesse, « Billy Brouillard » me semble une sĂ©rie fondamentalement orientĂ©e vers les adultes. Ces derniers apprĂ©cieront plus facilement l’univers noir et blanc, ainsi que les thĂšmes sombres traitĂ©s. De mĂȘme, tel Bill Watterson avec certaines scĂšnes de « Calvin & Hobbes », Guillaume Bianco sait parfaitement capter l’essence de l’imaginaire des enfants. Et naviguant toujours entre rĂ©alitĂ© et monde fantasmĂ©, il sĂšme le doute dans l’esprit du lecteur.

Ainsi, Ă  cĂŽtĂ© des pages de bande-dessinĂ©e plus ou moins classiques (on a autant des planches avec des dessins et les textes au-dessous que des planches plus communes avec phylactĂšres), l’auteur intercale des extraits encyclopĂ©diques qui enrichissent l’univers. Toujours en rapport direct avec ce que l’on vient de lire, cela donne une originalitĂ© certaine Ă  ce qui est, au final, un trĂšs beau livre (en tant qu’objet Ă©galement). Et malgrĂ© l’exigence de lecture, le tout se dĂ©vore sans peine.

Le graphisme de l’auteur m’a conquis depuis longtemps. Son noir et blanc est maĂźtrisĂ©, avec un petit cĂŽtĂ© gravure parfaitement adaptĂ© Ă  ce qui ressemble parfois Ă  un livre illustrĂ©, trĂšs en vogues au XIXĂšmesiĂšcle. Le dessin est plein d’invention et d’imagination.

AprĂšs un premier tome trĂšs rĂ©ussi, Guillaume Bianco transforme l’essai ici avec un livre plein de personnalitĂ©. La suite (sur les sirĂšnes) est mĂȘme annoncĂ©e en fin de tome ! L’auteur a crĂ©e une belle Ɠuvre cohĂ©rente Ă  dĂ©couvrir d’urgence !

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Billy Brouillard, T1 : Le don de trouble-vue – Guillaume Bianco

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Titre : Billy Brouillard, T1 : Le don de trouble-vue
Scénariste : Guillaume Bianco
Dessinateur : Guillaume Bianco
Parution : Novembre 2008


Lorsque j’ai prĂ©sentĂ© mes travaux de dessinateur Ă  des professionnels, on m’a citĂ© Ă  deux reprises la sĂ©rie « Billy Brouillard » dessinĂ©e par Guillaume Bianco, comme rĂ©fĂ©rence en termes de dessin en noir et blanc et en hachures. Cela m’a suffisamment intriguĂ© pour que je m’intĂ©resse Ă  cet auteur que je ne connaissais absolument pas. La sĂ©rie « Billy Brouillard » est publiĂ©e aux Editions Soleil, dans la collection « MĂ©tamorphose ». Cette collection propose de trĂšs beaux livres qui explorent le cĂŽtĂ© sombre de l’enfance.

Billy Brouillard, comme le nom du premier tome l’indique, est dotĂ© du don de trouble vue. Ainsi, sans ses lunettes, il voit ce que les autres ne voient pas. Un ballon et quelques branches et voilĂ  que le petit garçon transforme cela en squelette. Mais au-delĂ  du flou, Billy parvient Ă  voir les crĂ©atures fantastiques : monstres, fantĂŽmes et tout ce qui traĂźne dans une forĂȘt lugubre.

La particularitĂ© de cet ouvrage est d’explorer la bande-dessinĂ©e dans plusieurs directions. Si certains passages sont sous forme de BDs « classiques », le livre est parsemĂ© de plein d’autres choses. On y trouvera notamment des bestiaires, des manuels de nĂ©cromancie, des faux journaux, des textes illustrĂ©s
 Il est Ă©vident que ce genre de narration perturbera nombre de lecteurs, mais cela fait partie intĂ©grante du charme de l’ouvrage. Au-delĂ  d’une histoire, c’est un vĂ©ritable univers que crĂ©e Guillaume Bianco autour d’un petit garçon obsĂ©dĂ© par le fantastique. Car l’ambiguĂŻtĂ© est toujours prĂ©sente : Billy imagine-t-il tout cela ou est-ce que c’est vrai ? C’est une ode Ă  l’enfance, mĂȘme si elle est bien glauque. L’auteur tape juste tout en Ă©tant original. Le monde de « Billy Brouillard » est sombre et fantastique et pourtant, cela nous rappelle notre enfance
 Une vraie performance !

Une lecture exigeante.

L’univers crĂ©Ă© pour l’occasion est magnifiĂ© par le graphisme somptueux de Guillaume Bianco. Le mĂ©lange entre un trait enfantin (pour les personnages notamment) et l’aspect trĂšs sombre du rendu en noir et blanc fonctionnent parfaitement. L’auteur est en pleine maĂźtrise de son art. Le tout est mis en valeur par la beautĂ© du livre et du papier. Parfois, la couleur s’invite, que ce soit dans le dessin ou dans le papier lui-mĂȘme.

L’impression Ă  la lecture de ce livre est d’une sorte de fouillis, un cahier d’écolier oĂč seraient griffonnĂ©es quantitĂ©s de choses sur les mystĂšres de la vie vus par un petit garçon. La mise en page est remarquable d’intelligence et le rythme bien menĂ©. Cependant, la lecture est exigeante et il est Ă©vident que certains lecteurs, dĂ©sarçonnĂ©s, auront du mal Ă  adhĂ©rer au concept.

Ce premier tome de « Billy Brouillard » ne peut pas laisser indiffĂ©rent. DotĂ© d’une personnalitĂ© affirmĂ©e, l’ouvrage dĂ©sempare autant qu’il fascine. Comme quoi, on peut sortir des schĂ©mas classiques et enthousiasmer. Une formidable dĂ©couverte qui montre, au grĂšs des pages, le talent incroyable de l’auteur pour nous faire rire, nous faire peur ou simplement nous emporter ailleurs.

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Le grand mort, T5 : Panique – RĂ©gis Loisel, Jean-Blaise Djian & Vincent MalliĂ©

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Titre : Le grand mort, T5 : Panique
Scénaristes : Régis Loisel & Jean-Blaise Djian
Dessinateur : Vincent Mallié
Parution : Novembre 2014


Comme beaucoup de lecteurs de bandes dessinĂ©es, j’ai dĂ©couvert RĂ©gis Loisel Ă  travers ses planches dans « La QuĂȘte de l’Oiseau du Temps ». Ton trait fait partie de l’Histoire du neuviĂšme. Depuis, je suis donc toujours Ă  l’affĂ»t de toute nouvelle trace de son travail. « Le Grand Mort » est une de ses derniĂšres sĂ©ries. Elle est nĂ©e il y a huit ans. Le dernier Ă©pisode date de novembre dernier. Il est le cinquiĂšme Ă©pisode et s’intitule « Panique ». Il le scĂ©narise avec Jean-Blaise Djian. Les dessins sont l’Ɠuvre de Vincent MalliĂ©. Quant aux couleurs, elles ont Ă©tĂ© confiĂ©es Ă  François Lapierre.

La couverture est construite autour des deux personnages centraux de la trame : Erwan et Blanche. Le premier est le passeur entre notre rĂ©alitĂ© et un monde parallĂšle. Blanche est une enfant pleine de mystĂšre qui semble ĂȘtre le fruit de parents des deux univers. Les deux personnages semblent errer en rase campagne au beau milieu d’une tempĂȘte. MĂȘme les oiseaux fuient les lieux


Une histoire trop diluée.

LeGrandMort5b« Le Grand Mort » possĂšde une dose de fantastique. DĂšs le premier tome, l’intrigue nous avait fait voyager dans un nouvel espace dans lequel le temps n’avançait pas au mĂȘme rythme. On y avait rencontrĂ© des personnages Ă©tranges. On Ă©tait immergĂ© dans des enjeux dont on ne maĂźtrisait pas tous les arcanes. Cette introduction m’avait plu. J’avais trouvĂ© le travail scĂ©naristique et graphique intĂ©ressant. Les trois opus suivants ont vu l’histoire se dĂ©rouler Ă  un rythme relativement lent. J’avais le sentiment que la narration Ă©tĂ© trop diluĂ©e. Au fur et Ă  mesure des sorties d’album, la frustration montait de ne pas avoir la machine se mettre rĂ©ellement en marche.

Je plaçais donc beaucoup d’espoirs dans « Panique ». La situation de dĂ©part faisait croire que le rythme pouvait s’accĂ©lĂ©rait. Rapidement, j’ai Ă©tĂ© déçu sur ce plan-lĂ . Le scĂ©nario nous fait suivre trois groupes en parallĂšle. Le premier se compose d’Erwan et Blanche, le deuxiĂšme de Pauline et GaĂ«lle, le troisiĂšme les prĂȘtresses de l’autre monde. Aucun d’entre eux ne voit sa situation rĂ©ellement Ă©voluer entre la premiĂšre et la derniĂšre page. Le monde est en train d’enchaĂźner les catastrophes : tremblement de terre, tempĂȘte, grĂȘle, etc. NĂ©anmoins, en refermant le livre, j’ai eu le sentiment que les cinquante-quatre planches auraient pu ĂȘtre condensĂ©es en moitiĂ© moins sans que l’intrigue n’y perde quoi que ce soit.

Je trouvais dĂ©jĂ  que Loisel et Djian prenaient du temps pour faire avancer tout ce beau monde. J’en viens presque maintenant Ă  douter d’atteindre un jour la destination. Il ne se passe quasiment rien dans « Panique ». Comme Ă  chaque fois, les scĂ©naristes concluent par une planche pleine d’espoir. Mais je vous avoue que j’y crois de moins en moins. Cette faiblesse narrative pourrait ĂȘtre compensĂ©e par une atmosphĂšre prenante mĂȘlant mystĂšre et crĂ©puscule apocalyptique. Le trait de Vincent MalliĂ© a le potentiel pour la crĂ©er. HĂ©las, le fait de diviser la trame en trois chemins parallĂšles empĂȘche l’immersion dans l’univers des personnages. C’est dommage.

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Pour conclure, « Panique » m’a déçu. Ma lecture n’a gĂ©nĂ©rĂ©e aucun enthousiasme. Ma curiositĂ© n’a pas Ă©tĂ© alimentĂ©e bien au contraire. Une fois le bouquin refermĂ©, je n’en avais aucun souvenir marquant. C’est un indicateur de l’absence de personnalitĂ© de l’album. Je dĂ©sespĂšre de voir « Le Grand Mort » prendre rĂ©ellement son envol. C’est un gĂąchis quand je vois le talent de ses crĂ©ateurs


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Ulysse 1781, T1 : Le Cyclope (1/2) – Xavier Dorison & Éric HĂ©renguel

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Titre : Ulysse 1781 : Le Cyclope (1/2)
Scénariste : Xavier Dorison
Dessinateur : Éric HĂ©renguel
Parution : Janvier 2015


Ulysse, le Cyclope
 Ces quelques mots raisonnent chez tout le monde et indique un voyage dans la mythologie grecque. Un long voyage, un retour Ă  la maison tant espĂ©ré  Les enjeux sont connus et universels. Xavier Dorison dĂ©cide d’immerger cette trame dans les Etats-Unis de la fin du dix-huitiĂšme siĂšcle. « Ulysse 1781 » : un hĂ©ros, une date
 Tout un programme. Je suis un grand fan de ce brillant scĂ©nariste du neuviĂšme art. « Le troisiĂšme testament » a marquĂ© mon Histoire de lecteur. « Long John Silver » a fait rĂȘver l’aficionado de piraterie que je suis. J’étais donc conquis d’avance en tombant sur cette couverture intrigante. Dans un endroit Ă  l’apparence hostile, le trait d’Éric HĂ©renguel nous prĂ©sente un personnage charismatique appuyĂ© sur une large Ă©pĂ©e. Une cascade au second plan semble ĂȘtre la seule maniĂšre de quitter l’obscuritĂ© qui l’entoure. Nous regarde-t-il ou ses yeux fixent-ils le Cyclope annoncĂ© dans le sous-titre de l’album ?

« 1781, Yorktown. La guerre d’IndĂ©pendance amĂ©ricaine vient de finir. Victorieux, le capitaine Ulysse McHendricks s’apprĂȘte Ă  rentrer chez lui avec son fils Mack et ses hommes. Mais le retour se prĂ©cipite lorsqu’il apprend que sa ville, New Itakee, est envahie par les Anglais. Ulysse et ses hommes vont devoir traverser une AmĂ©rique fantastique oĂč les boussoles ne trouvent plus le Nord, oĂč les cartes ont perdu leurs repĂšres, un monde entre rĂ©alitĂ© et mystĂšre
 »

Ulysse1781bLes mots ci-dessus accompagnent la quatriĂšme de couverture. Ils prĂ©sentent clairement les enjeux de l’intrigue. On devine qu’elle se construit autour d’un hĂ©ros Ă  la personnalitĂ© forte. La dimension historique est Ă©galement intĂ©ressante. Quant Ă  la derniĂšre phrase, elle fait naĂźtre la perspective d’un aspect fantastique toujours attrayant. On retrouve bien lĂ  la capacitĂ© de Dorison Ă  offrir un scĂ©nario Ă  la densitĂ© sĂ©duisante. L’album se compose de soixante-deux planches. Cette longueur permet de construire bĂątir un schĂ©ma narratif consistant. Cela laisse le temps d’installer des jalons solides tant sur les plans des lieux, de l’époque et des protagonistes.

La tension monte vite de plusieurs crans.

Pour caricaturer la structure du tome. Le premier tiers est une introduction de l’histoire et des personnages. Le deuxiĂšme tiers prĂ©sente le quotidien du groupe dans sa traversĂ©e du pays. Le derniĂšre tiers voit apparaĂźtre les premiers soucis et voit poindre le mystĂšre une dose de surnaturel. Le talent des auteurs fait que chacune de ces trois parties sont prenantes. Aucune n’est nĂ©gligĂ©e. L’introduction est efficace. Dorison s’interdit de la diluer comme le font bon nombre d’auteurs. Il arrive Ă  installer parallĂšlement les diffĂ©rents aspects de la trame. Ulysse1781cAlors que nous n’avons pas encore quittĂ© Annapolis, notre tension est dĂ©jĂ  montĂ©e de plusieurs crans. Les premiers moments de la traversĂ©e font transpirer un sentiment de fuite en avant vers le danger. La curiositĂ© s’en trouve alors alimentĂ©e de maniĂšre soutenue. Cela fait que nous sommes mĂ»rs Ă  point quand arrivent les premiers soucis dans un canyon dĂ©tenu par des indiens sous une pluie battante.

Cet opus est la premiĂšre partie d’un diptyque. Les derniĂšres pages initient le mystĂšre autour de la prĂ©sence mystique qui semble protĂ©ger les contrĂ©es traversĂ©es. Elles font rĂ©sonnance au court prologue qui introduit l’histoire. Je trouve que les ingrĂ©dients distillĂ©s sont variĂ©s et subtilement dosĂ©s. Il ne reste plus qu’à les laisser mijoter le temps d’attendre la parution de la suite que j’attends avec une certaine impatience.

Sur le plan graphique, je dĂ©couvre ici le travail d’Éric HĂ©renguel. Dorison a l’habitude d’ĂȘtre bien accompagnĂ© dans ses projets. La tradition perdure avec ce nouveau collaborateur. Le dessinateur offre des planches denses dont chaque dĂ©tail apparaĂźt avec application. Les dĂ©cors dĂ©gagent une atmosphĂšre de plus en plus oppressante au fur et Ă  mesure de l’avancĂ©e de la quĂȘte du groupe. Le voyage temporel dans cette AmĂ©rique sortant de la guerre d’IndĂ©pendance passe Ă©galement par les illustrations dĂ©veloppĂ©es par le trait de l’auteur. Les personnages sont Ă©galement rĂ©ussis. Ils possĂšdent une identitĂ© qui leur est propre. Cela permet de se les approprier sans difficultĂ©.Ulysse1781a

Pour conclure, « Le Cyclope » est un beau dĂ©but qui permet Ă  « Ulysse 1781 » d’ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une sĂ©rie de qualitĂ© au potentiel intĂ©ressant. La deuxiĂšme lecture m’a permis de saisir chaque dĂ©tail tant les dialogues, les dessins que l’intrigue. Je la conseille aux lecteurs adeptes de Dorison, ils ne seront pas déçus du voyage. Quant Ă  ceux pour qui le scĂ©nariste est encore inconnu, pourquoi ne pas le dĂ©couvrir en embarquant au cĂŽtĂ© d’Ulysse McHendricks ? 

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Roi ours – Mobidic

RoiOurs


Titre : Roi ours
Scénario : Mobidic
Dessinateur : Mobidic
Parution : Mai 2015


Une premiĂšre bande-dessinĂ©e est toujours une Ă©preuve pour un auteur en devenir. Mobidic (au pseudo Ă©vocateur !) se lance dans le bain chez Delcourt avec un one-shot qu’il scĂ©narise et dessine, « Roi ours ». AncrĂ© dans les croyances amĂ©rindiennes, il prĂ©sente l’histoire d’une jeune fille, Xipil, destinĂ©e Ă  ĂȘtre sacrifiĂ©e Ă  la dĂ©esse caĂŻman. Elle est alors sauvĂ©e par le Roi Ours et se voit contrainte de se marier avec lui. Le tout pĂšse 110 pages pour un format A4.

Le scĂ©nario se base sur la dĂ©couverte du monde des dieux par une mortelle (mĂȘme si les dieux y sont mortels Ă©galement). Les entourloupes, les nĂ©gociations, les humiliations
 Xipil a bien du mal Ă  s’intĂ©grer, alors que son espĂšce est considĂ©rĂ©e comme en bas de la chaĂźne alimentaire. Heureusement, elle y trouve le soutien de son mari et de la mĂšre des singes, qui fait un peu partie de la famille.

Une fable un peu Ă©cologique.

RoiOurs2Si le dĂ©but de l’histoire est plutĂŽt bien menĂ©, on reste un peu sur notre faim. Les dĂ©veloppements amenĂ©s trouvent une fin un peu brutale. MĂȘme si le sens de l’ouvrage prend son sens Ă  sa fermeture, il y a, dans la narration, une impression que l’on partait vers ailleurs. Qu’importe, « Roi ours » possĂšde un univers, une ambiance, une personnalitĂ© qui transparaĂźt dĂšs les premiĂšres pages. Le sujet abordĂ© est original et, finalement, bien dĂ©veloppĂ©. Mais alors qu’on imaginait en dĂ©but de livre une histoire complexe, on est plutĂŽt du cĂŽtĂ© de la fable. Pris ainsi, « Roi ours » remplit son contrat.

Pour mener son histoire, Mobidic maĂźtrise pleinement son dĂ©coupage. Aussi Ă  l’aise dans les scĂšnes d’action ou les scĂšnes intimistes, il alterne Ă©galement les pages de dialogue avec les pages muettes. Le tout avec autant de pertinence.

Le dessin est un gros point fort de l’album. Mobidic possĂšde un trait qui rappelle immanquablement le dessin animĂ©, tant par ses animaux que par sa façon de dessiner les humains. Et si quelques rares cases sont maladroites, l’ensemble est assez remarquable. La beautĂ© des images saute aux yeux, les personnages sont expressifs et les cadrages sont parfaitement maĂźtrisĂ©s. Et que dire des couleurs, au diapason du trait ? Elles embellissent le dessin et renforcent les ambiances avec talent. On pourra cependant regretter un encrage et un lettrage un peu trop gros pour le format. Un livre au format comics aurait Ă©tĂ© certainement un meilleur choix pour l’Ă©dition. Un mauvais choix de l’Ă©diteur pour le coup.

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Mobidic, pour son premier album, s’est occupĂ© de tout. Et si ce « Roi ours » possĂšde quelques imperfections, il reste un livre d’une vraie beautĂ©, dotĂ© d’un scĂ©nario original, sorte de fable fantastique et (un peu) Ă©cologique. Un auteur Ă  suivre, tant sa maĂźtrise du sujet est Ă©vidente.

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Note : 15/20

Prophet, T4 : De profundis – Mathieu Lauffray

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Titre : Prophet, T4 : De profundis
Scénariste : Mathieu Lauffray
Dessinateur : Mathieu Lauffray
Parution : Avril 2014


Neuf ans d’attente
 Il a fallu attendre tout ce temps pour dĂ©couvrir enfin le dĂ©nouement de la tĂ©tralogie imaginĂ©e par Mathieu Lauffray intitulĂ©e « Prophet ». Le quatriĂšme et dernier Ă©pisode est apparu dans les rayons en avril dernier. Il rĂ©pond au doux nom de « De Profundis ». Je dois avouer que j’avais fait mon deuil de connaĂźtre un jour la fin du pĂ©riple vĂ©cu par Jack Stanton. C’était donc avec plaisir que j’ai dĂ©poussiĂ©rĂ© et dĂ©vorĂ© les trois premiers tomes afin de pouvoir savourer pleinement ce dernier acte en espĂ©rant y trouver les rĂ©ponses aux nombreuses questions qui accompagnent la saga depuis si longtemps


Prophet4a« Je suis Jack Stanton. L’homme qui a dĂ©truit le monde. Celui qui, peut-ĂȘtre, le sauvera  » La quatriĂšme de couverture, avec ces mots, offre un programme pleine de mystĂšres
 Ces quelques phrases s’inscrivent sous le regard sombre d’un monstre angoissant. La perspective de connaĂźtre enfin l’issue de cette sĂ©rie a attisĂ© sans mal ma curiositĂ©. L’enthousiasme de savoir enfin oĂč tout cela menait se mĂȘlait Ă  l’angoisse d’ĂȘtre déçu par la conclusion de cette aventure.

Une des maniĂšres de percevoir cet album consiste Ă  y voir la synthĂšse des trois premiers tomes. Mathieu Lauffray nous perd entre les Ă©poques de son histoire. A certains moments, nous errons dans le New York prĂ© apocalyptique. Puis Ă  d’autres, nous nous retrouvons dans le dĂ©sastre qui accompagne Jack depuis les « évĂ©nements ». Cela dĂ©gage une atmosphĂšre unique Ă  cette lecture. Le verre Ă  moitiĂ© plein permet de savourer le sentiment d’ĂȘtre au centre d’un ouragan dont l’amplitude ne cesse jamais d’augmenter. Le tourbillon est rude et amĂšne le lecteur dans un trip assez intense. Tout cela est mis en valeur par le trait de l’auteur qui n’est plus Ă  dĂ©couvrir.

Une intrigue qui a du mal Ă  jouer son dernier acte

NĂ©anmoins, ce grand voyage peut ĂȘtre perçu du point de vue du verre Ă  moitiĂ© vide. Le scĂ©nario est assez brouillon. Le fait de jouer avec la chronologie et la rĂ©alitĂ© n’est pas dĂ©nuĂ© de charmes. Mais ici, cela a tendance Ă  perdre le lecteur. L’effort pour trouver une cohĂ©rence Ă  l’ensemble m’a parfois fait sortir de l’histoire. Le cĂŽtĂ© psychĂ©dĂ©lique semble ĂȘtre l’arbre qui cache la forĂȘt d’une intrigue qui a du mal Ă  jouer son dernier acte. J’ai Ă©tĂ© déçu par cette fin. Je la trouve Ă  la fois facile et dĂ©cevante.

MalgrĂ© tout, le chemin qui mĂšne Ă  cette issue n’est pas inintĂ©ressant. Le coup de crayon de Lauffray permet de passer outre certaines faiblesses scĂ©naristiques. Il offre des illustrations qui donnent le vertige. Ils arrivent Ă  jouer avec les lieux, les angles de vues, les couleurs pour mettre le lecteur dans une permanente sensation d’équilibre instable. Le dessinateur semble s’épanouir dans les dĂ©lires oniriques de la trame. La maestria de son style fait passer la confusion de la narration pour un choix artistique.

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Mais la qualitĂ© esthĂ©tique des planches ne m’a pas empĂȘchĂ© de sortir déçu de ma lecture. « Tout ça pour ça » pourrait rĂ©sumer mes sentiments en analysant la sĂ©rie dans son ensemble. Les premiers tomes avaient posĂ© des jalons intĂ©ressants. En accumulant les pistes, les Ă©vĂ©nements et rebondissements, l’auteur attirait le lecteur dans un labyrinthe parfois effrayant. Cette construction nĂ©cessite une sortie Ă  la hauteur des attentes suscitĂ©es. Ce n’est hĂ©las pas le cas et c’est bien dommage. « Prophet » restera une saga Ă  l’identitĂ© certaine mais donc l’intrigue ne permettra d’occuper une place marquante dans le neuviĂšme art de la derniĂšre dĂ©cennie.

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Note : 9/20

ChĂąteau de sable – Frederik Peeters & Pierre-Oscar LĂ©vy

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Titre : ChĂąteau de sable
Scénariste : Pierre-Oscar Lévy
Dessinateur : Frederik Peeters
Parution : Septembre 2009


J’ai dĂ©couvert Frederik Peeters par sa sĂ©rie « Aama » oĂč il officiait seul comme scĂ©nariste et dessinateur. CharmĂ© par son dessin inventif et dynamique, j’avais envie de dĂ©couvrir d’autres ouvrages de cet auteur. C’est chose faite avec « ChĂąteau de sable », scĂ©narisĂ© par Pierre Oscar-LĂ©vy, qui part un instant du cinĂ©ma pour faire un incursion dans la bande-dessinĂ©e. Ce one-shot d’une centaine de pages est publiĂ© chez Atrabile.

On est en Ă©tĂ©. Il fait chaud. Au bord d’une petite crique, des familles viennent profiter de la mer (et accessoirement, rĂąlent de voir qu’elles ne sont pas les seules Ă  connaĂźtre cette crique !). Mais voilĂ  que l’on retrouve une jeune femme morte. Or, un AlgĂ©rien traĂźne dans les parages, sans que l’on comprenne bien ce qu’il fait ici


Des ĂȘtres humains face Ă  des questions existentielles.

ChĂąteauDeSable1Curieux livre que ce « ChĂąteau de sable ». FormĂ© autour d’un huis clos trĂšs thĂ©Ăątral, il bascule rapidement dans le fantastique. Au-delĂ  de cet aspect, c’est avant tout des ĂȘtres humains qui sont placĂ©s devant des questions existentielles. Difficile d’en rĂ©vĂ©ler plus sans gĂącher la surprise
 MalgrĂ© le nombre de personnages importants, les auteurs les dĂ©veloppent suffisamment pour enrichir le propos et amener de nombreux points de vue. Tous les Ăąges, professions et caractĂšres semblent reprĂ©sentĂ©s.

L’aspect humain est une chose, mais ce qui nous prend avant tout est le suspense. La montĂ©e en tension est remarquablement menĂ©e. On est vraiment pris dans l’histoire et on dĂ©vore les pages Ă  toute vitesse. En cela, l’album est remarquablement gĂ©rĂ©. Les rĂ©vĂ©lations sont donnĂ©es avec parcimonie. Une belle gestion du suspense !

Concernant le dessin, Frederik Peeters propose des personnages affirmĂ©s, aux traits aisĂ©ment reconnaissables. Son trait au pinceau est d’une grande beautĂ© et le noir et blanc lui rend honneur tant les cases sont pleine de matiĂšre. La reprĂ©sentation de la chaleur et de tant de personnages aux Ăąges et corpulence diffĂ©rentes force le respect. Un grand dessinateur, s’il Ă©tait encore besoin de le dire.

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« ChĂąteau de sable » est un trĂšs beau one-shot. Remarquablement dessinĂ©, dotĂ© d’une narration aux petits oignons et d’un suspense implacable, il ne vous laissera pas indiffĂ©rent.

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Note : 16/20

Le siĂšcle des ombres, T5 : La trahison – Eric Corbeyran & Michel Suro

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Titre : Le siĂšcle des ombres, T5 : La trahison
Scénariste : Eric Corbeyran
Dessinateur : Michel Suro
Parution : Mars 2014


« Le chant des stryges » est un univers crĂ©Ă© par Eric Corbeyran. Ce thriller fantastique s’étale sur une quinzaine d’albums dĂ©composĂ©s en trois saisons. Je suis un grand fan de cette aventure aux arcanes complexes. Mais ce projet ne s’arrĂȘte pas Ă  cette sĂ©rie. Des sagas cousines sont nĂ©es telles que « Le clan des chimĂšres » ou « Le MaĂźtre de jeu ».  De qualitĂ©, elles ont dĂ©veloppĂ© l’univers de ses grands monstres ailĂ©s que sont les stryges. La derniĂšre-nĂ©e s’intitule « Le SiĂšcle des ombres ». Elle aussi scĂ©narisĂ©e par Eric Corbeyran, elle est dessinĂ©e par Michel Suro dĂ©jĂ  Ă  l’Ɠuvre dans « Le clan des chimĂšres ». Cette histoire vient de voir paraĂźtre son cinquiĂšme Ă©pisode il y a quelques mois. Cet album, Ă©ditĂ© chez Delcourt, s’intitule « La trahison ».

« 1751. Quelques dĂ©cennies avant la RĂ©volution française, un vent d’idĂ©es nouvelles souffle Ă  travers l’Europe. Un vent de progrĂšs et de liberté  Mais au cƓur de ce SiĂšcle des lumiĂšres, la dĂ©couverte d’une Ă©trange mĂ©tĂ©orite Ă  l’autre bout du monde ravive de vieux antagonismes. Au service du cardinal d’OrciĂšres, Cylinia et Abeau de Roquebrune se lancent alors aux trousses du baron d’Holbach, philosophe et encyclopĂ©diste Ă©clairĂ©, qu’ils soupçonnent d’ĂȘtre insaisissable Sandor G. Weltman. Cette traque se double d’une lutte acharnĂ©e pour la possession de cette pierre aux mystĂ©rieux pouvoirs  »

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Prioritairement, « Le siĂšcle des ombres » s’adresse aux lecteurs assidus de « Le chant des stryges ». L’histoire s’insĂšre chronologiquement entre « Le clan des chimĂšres » et la sĂ©rie mĂšre. Elle permet de retrouver des personnages connus tels que Weltman, Cylinia et Abeau. MalgrĂ©, un lecteur qui dĂ©couvrirait l’univers des Stryges Ă  travers cette sĂ©rie ne sera pas totalement perdu. En effet, l’intrigue s’avĂšre finalement assez indĂ©pendante.

La trame se dĂ©roule au dix-huitiĂšme siĂšcle durant le siĂšcle des LumiĂšres. Les premiĂšres avaient bien exploitĂ©es la dimension historique et philosophique de l’époque. D’Holbach est un proche de Diderot ou Rousseau. Il participe Ă  la rĂ©daction de l’EncyclopĂ©die. Son opposition idĂ©ologique avec les instances religieuses de l’Eglise est exploitĂ©e par le scĂ©nario. Je trouvais cet aspect trĂšs intĂ©ressant. L’immersion dans la pĂ©riode historique ne se rĂ©duit pas Ă  sa dimension politique. Il est dommage que cette richesse soit moins prĂ©sente dans ce dernier opus. La narration s’y centre exclusivement sur l’opposition entre Cylinia et d’Holbach. Le choix de ne pas laisser de place importante aux philosophes et aux pontes chrĂ©tiens est regrettable de mon point de vue. Leur prĂ©sence et leurs Ă©changes participaient au rĂ©alisme du voyage temporel que nous offrait « Le siĂšcle des ombres ».

“Le dĂ©roulĂ© des Ă©vĂ©nements apparaĂźt diluĂ©.”

LeSiecleDesOmbres5bConcernant l’avancĂ©e de la trame, j’avais notĂ© un ralentissement du rythme dans le tome prĂ©cĂ©dent. J’espĂ©rais donc que ce nouvel acte reprenne la vitesse de croisiĂšre qui habitait les trois opus initiaux. HĂ©las, je dois dire que l’heure Ă©tait plus Ă  la dĂ©cĂ©lĂ©ration qu’à l’accĂ©lĂ©ration. Le dĂ©roulĂ© des Ă©vĂ©nements m’apparaĂźt diluĂ©. Certaines planches auraient gagnĂ© Ă  ĂȘtre raccourcies. Elles n’apportent pas grand-chose Ă  l’atmosphĂšre de la narration et ne font pas du tout avancer le propos. En poussant Ă  l’extrĂȘme mon sentiment, j’ai tendance Ă  croire que les deux derniers tomes n’auraient pu en faire qu’un sans que l’histoire soit Ă©dulcorĂ©e. Cela aurait densifiĂ© le scĂ©nario et aurait ainsi maintenu mon attention plus concentrĂ©e sur la durĂ©e.

En lisant une critique sur le site www.planetebd.com, j’ai appris que ce cycle doit se composer de six tomes. J’en dĂ©duis logiquement que « La trahison » en est donc l’avant-dernier. Cela peut expliquer le ton de cet opus. A dĂ©faut de faire vivre une succession de rebondissements et de rĂ©vĂ©lations, il a tendance Ă  remettre toutes les piĂšces de l’intrigue en place. Les objectifs des uns et des autres sont clarifiĂ©s et tout ce beau monde semble se prĂ©parer pour la lutte finale. Ce choix est cohĂ©rent et classique. Mon regret est qu’il y ait eu besoin de quarante-huit planches pour que la situation s’éclaire.

LeSiecleDesOmbres5cLes dessins sont l’Ɠuvre de Michel Suro. Comme je l’ai dit prĂ©cĂ©demment, il avait dĂ©jĂ  illustrĂ© « Le clan des chimĂšres ». A l’époque, je n’étais pas tombĂ© sous le charme de son trait auquel j’étais peu sensible. Ce sentiment peut s’expliquer par la rupture graphique qu’il offrait Ă  l’univers par rapport au style de Richard GuĂ©rineau en charge des planches de « Le chant des stryges ». A priori, mes goĂ»ts artistiques ont Ă©voluĂ© car son travail sur « Le siĂšcle des ombres » et particuliĂšrement « La trahison » ne m’a pas dĂ©rangĂ©. Au contraire, je trouve qu’il accompagne agrĂ©ablement la lecture. Je ne peux pas dire que je sois tombĂ© sous le charme de certaines de son Ɠuvre mais je lui reconnais un vrai talent pour crĂ©er des dĂ©cors et des personnages. De plus, il est autant Ă  l’aise dans des scĂšnes de dialogues que d’action. C’est apprĂ©ciable car cette sĂ©rie alterne les deux de maniĂšre Ă©quivalente.

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Au final, mon sentiment en refermant l’ouvrage est mitigĂ©. J’ai pris plaisir Ă  retrouver les personnages et Ă  voir avancer la trame. NĂ©anmoins, je suis frustrĂ© par la sensation de statu quo de la situation et par la mise en retrait des aspects philosophiques et religieux des dĂ©bats. MalgrĂ© tout, cela ne m’empĂȘchera pas de guetter la sortie du prochain et dernier tome qui devrait rĂ©pondre Ă  bon nombre de questions et Ă©clairer les zones d’ombre qui accompagnent les Stryges. Mais cela est une autre histoire


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Note : 11/20