Magasin sexuel, T1 – Turf

MagasinSexuel


Titre : Magasin sexuel, T1
Scénariste : Turf
Dessinateur : Turf
Parution : Mars 2011


Lorsque l’on nomme son livre « Magasin sexuel » (francisation du fameux sex shop), on génère forcément des attentes chez le lecteur. Celui-ci s’attend à un contenu coquin, voire sulfureux… Turf cherche ici le décalage. Dans une petite bourgade de campagne, un sex shop ambulant s’installe à la foire une fois par semaine. De quoi bousculer la vie de ses habitants ? Le tout est construit en diptyque chez Delcourt au format classique d’un 48 pages.

L’ouvrage fait dans l’opposition de style. Il y a d’abord le maire, Orloff, sorti tout droit des aventures de Spirou tant il ressemble au maire de Champignac graphiquement. C’en est gênant. Il est donc réac comme pas possible et assez bête. Mais il va s’éprendre de la jolie Amandine qui tient le sex shop. Mais elle n’est pas pour autant très coquine. Seuls ses vêtements courts suggèrent une libération sexuelle, mais cela ne va pas plus loin. Ses motivations pour le métier sont floues (elle préfère vendre des godemichés plutôt que des bottes en caoutchouc… Soit !).

Pas de réel enjeu malgré le thème.

MagasinSexuel1aCe premier tome pose des jalons mais n’avance pas beaucoup. Le passé de la jeune fille se dévoile mais sans vraiment nous toucher. Il n’y a pas de réel enjeu et la description de la campagne, qui se veut humoristique, manque cruellement de sel. Si bien que l’humour tombe à plat systématiquement. Que dire de ce bistrot vide où va boire le maire ? On y imagine déjà des scènes vivantes avec des habitués, mais rien ici. Le thème est effleuré et le pitch de départ reste inexploité. Dommage, car il y aurait de la matière à aller plus loin.

Au niveau du dessin, Turf possède un style particulier qui m’a peu séduit au final. C’est très (trop ?) coloré, plein de rose et de couleurs saturées. On voit par contre qu’il a plaisir de dessiner Amandine, dont il brosse les jambes avec délice. Malgré tout, Turf propose un ensemble cohérent avec son sujet, qu’il traite avec légèreté.

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J’ai été très déçu par ce « Magasin sexuel ». Trop léger et dilué, il finit comme une description caricatural de la campagne. Mais il aurait fallu en mettre une couche de plus pour en faire un ouvrage plus percutant. L’humour ne touche pas, les émotions sont rares… Le tout se lit sans forcément s’ennuyer mais on se demande un peu l’intérêt de tout cela en fin de tome. Peut-être que le deuxième opus apportera des réponses à cette interrogation ?

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Note : 8/20

Kick-Ass 2, T1 : Restez groupés ! – Mark Millar & John Romita Jr.

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TItre : Kick-Ass 2, T1 : Restez groupés !
Scénariste : Mark Millar
Dessinateur : John Romita Jr.
Parution : Juin 2012


« Kick-Ass 2 » est, comme son nom l’indique, la suite de « Kick-Ass ». J’avais découvert cet univers par son adaptation cinématographique. J’avais trouvé le film vraiment excellent et m’étais donc intéressant au comic qui l’avait inspiré. Même si le bouquin n’atteignait pas la qualité de son passage sur grand écran, j’étais suffisamment curieux pour m’intéresser aux nouvelles aventures du héros. L’ouvrage que je me suis offert regroupe les quatre premiers chapitres édités aux Etats-Unis. Composé d’une centaine de pages, le bouquin est édité chez Panini Comics dans la collection 100% Fusion Comics. D’un format comics classique, il est vendu pour un petit peu plus de onze euros et est apparu dans les rayons en juin dernier. Le scénario est l’œuvre de Mark Millar et les dessins de John Romita Jr.

Le premier tome nous avait permis de découvrir Dave, adolescent geek des plus classiques. Néanmoins, il décide de devenir superhéros sans pouvoir ni structure derrière lui. Il erre donc dans la rue costumé dans le but d’aider qui en aurait besoin. Mais quand on est un nerd et qu’on croise les méchants, on ramasse. Néanmoins, il obtient une popularité énorme quand une de ses interventions fait la une sur Youtube. Sa célébrité le met en contact avec Hit Girl et Big Daddy, deux superhéros qui ne rigolent pas. La première démantèlera dans le sang la mafia locale pendant que son père meurt de tortures. Mais Red Mist, ennemi juré de Kick-Ass rêve de vengeance…

La violence habite toutes les pages.

Cette suite débute de manière plutôt calme. Hit Girl essaie de devenir une fille de dix ans comme les autres. Kick-Ass rêve de voir une association de superhéros se former. Son souhait se réalise quand il est contacté par un groupe de vengeurs masqués. Ils sont prof, employé ou étudiant le jour. Mais la nuit ils deviennent Night-Bitch, Insect-Man ou le Colonel. Mais leur idéal prend du plomb dans l’aile quand réapparait Red Mist et sa clique. Je dois tout de suite vous préciser que ce bouquin ne s’adresse pas à tous les publics. La violence habite quasiment toutes les pages et le dessin se fait le devoir d’être particulièrement explicite. Il faut le savoir avant de s’y plonger. Les auteurs ne se fixent pas vraiment de limites dans le domaine.

Mais « Kick-Ass 2 » n’est pas uniquement un amas de trash, de gore et de violence. Je trouve que l’histoire est plutôt intéressante. Il n’est jamais évident d’offrir une suite à une intrigue qui n’en nécessitait pas forcément. On se laisse prendre par les différentes voies choisies par le scénariste. L’arrivé de Kick-Ass dans une guilde de superhéros, la difficulté pour Hit Girl pour être « normale », les rapports entre Dave et son père, le retour de Red Mist… Tout cela offre une lecture plutôt prenante. J’ai découvert la centaine de pages avec curiosité et empressement. La dernière page attise notre volonté de découvrir la suite au plus vite. La montée en intensité ne cesse tout au long de la narration. Les premières pages sont le calme qui précède une tempête qui ne cesse de grandir.

L’intérêt de Kick-Ass réside dans le fait qu’il est super héros qui n’est ni super ni héros. Il est un adolescent avec un costume. Il n’a que sa bonne volonté comme arme. Cela génère logiquement une empathie pour Dave. On s’identifie facilement à son quotidien puisqu’il n’a finalement rien qu’on ne peut avoir. Le fait qu’il traine tous les codes du loser le rend profondément sympathique. Contrairement à la version cinématographique, la jolie fille du lycée le déteste et ne lui parle pas. « Tout est bien qui finit bien » semble être bien peu adapté aux aventures de notre héros. Cela participe au plaisir de la lecture.

N’étant ni adepte ni connaisseur des comics, les dessins de John Romita Jr sont d’un genre différent de celui de mes lectures habituelles. La découverte n’est pas désagréable. Je trouve les pages très denses sur le plan des couleurs et des illustrations. On est loin du style épuré de certains auteurs. Les personnages sont très expressifs et excessifs. L’auteur se fait également plaisir dès que l’action est de sortie. Sa représentation de la violence ne laisse pas indemne. Je trouve que cela participe à l’atmosphère de la lecture quitte à générer un malaise à certains moments.

En conclusion, cet ouvrage offre une suite honorable à l’œuvre de départ. Je me suis laissé prendre dans l’histoire sans chercher pour autant à me montrer très exigeant avec une série que je trouve divertissante sans être mémorable. Il répondra aux adeptes des lecteurs curieux de connaitre la suite des aventures de Dave. Je suis d’ailleurs curieux de découvrir le second tome de « Kick-Ass 2 » pour connaitre le dénouement de cette histoire aux tendances apocalyptiques…

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Note 12/20

Kick Ass, T1 : Le Premier Vrai Super-Héros – Mark Millar & John Romita Jr

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Titre : Kick Ass, T1 : Le Premier Vrai Super Héros
Scénariste : Mark Millar
Dessinateur : John Romita Jr.
Parution : Mars 2010


En 2010 sortait le film « Kick Ass ». A force d’entendre des critiques élogieuses sur le film, puis sur le comics, j’ai décidé de lire l’œuvre de Mark Millar et John Romita Jr. Kick-Ass est le « premier vrai super héros » au sens où il pourrait vraiment exister. Pas de super pouvoir, de batmobile ou autre gadgets. Alors évidemment, quand on est un « vrai » super-héros, ça fait mal…

Dave est un ado très ordinaire. Si ce n’est la mort de sa mère quand il avait 14 ans. Mais cette mort n’est même pas due à un baron du crime, mais à des raisons médicales. Pendant les premières pages, on apprend finalement que Dave est tellement normal qu’il n’a aucune raison d’être un super héros. Mais il va quand bien même décider de s’habiller d’une combinaison de plongée et d’arpenter les rues la nuit pour combattre le crime…

« Kick-Ass » se base sur le fait que Dave n’étant pas extraordinaire, il souffre énormément de ses blessures. Même psychologiquement, il a peur de se retrouver enfermé en prison pour meurtres. A chacune de ses sorties, il se convainc donc de ne plus recommencer, mais l’appel de la rue est plus fort. Si bien que pour bien appuyer son propos, « Kick-Ass » est particulièrement violent et gore. La première scène où apparaît Dave, il est soumis à la gégène. Des gerbes de sang éclaboussent toutes les scènes d’action. Cette surabondance de gore est assez impressionnante, même pour un comics. Il y en a tant que ça en devient presque complaisant.

Un super-héros sans pouvoir.

Le thème de départ est plutôt intéressant : que serait un super-héros sans pouvoir ? Cependant, rapidement, une fois le constat de départ posé, on tourne un peu en rond. Sans surprise, il faut l’arrivée d’autres personnages (Hit Girl et Big Daddy, beaucoup plus efficaces que Kick-Ass) pour relancer l’intérêt de l’histoire et donner envie de lire le deuxième tome.

Au niveau du dessin, il n’y a pas grand chose à redire. Le trait est dynamique, fluide et très lisible. Les cases sont souvent très grandes, si bien que le tout se lit assez vite. Le sang est rapidement omniprésent dans les scènes d’action et la violence très visible (un homme se voit couper le crâne dans le sens de la longueur, un autre est broyé dans sa voiture…). Le dessin est vraiment dans son époque : on ne suggère pas, on montre.

J’ai été très gêné sur un point de « Kick Ass » : la façon dont les auteurs appuient sur la banalité de Dave au début m’ont vraiment fait tiquer. Ils s’arrangent pour le rendre le plus « normal » possible. Il déclare même qu’il n’a « rien de particulier ». L’ajout ensuite de références qui parleront aux ados (il regarde Scrubs, Heroes, écoute Stereophonics…) me font penser que les auteurs ont voulu vraiment pousser le processus d’identification à fond pour cette tranche d’âge. Le fait que Dave « pirate les séries sur internet et regarde des sites porno » vont également dans ce sens. N’étant pas dans la cible, j’ai eu l’impression de ne pas être prévu pour ce comics.

J’ai été assez déçu par cette BD. Elle a tout selon moi du pétard mouillé : une bonne idée de base qui tombe bien dans de la violence gratuite et démonstrative. Je pense qu’il y avait matière à faire mieux. Kick-Ass se lit donc plutôt bien mais il lui manque peut-être un peu plus d’humour (ou de noirceur) pour passer au niveau supérieur.

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Note : 10/20

Smart monkey – Winshluss

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Titre : Smart monkey
Scénariste : Winshluss
Dessinateur : Winshluss
Parution : Avril 2004


L’évolution est un curieux chemin dévoilé par Darwin. Alors quand Winshluss décide de s’y attaquer, on sait que l’on va forcément s’éloigner des sentiers battus. « Smart monkey » est l’histoire d’un singe, plus malin qu’intelligent, qui tente de survivre dans une jungle paléolithique sans pitié. En effet, après avoir copulé avec une femelle, il a été exclu de son groupe, s’étant rebellé sans avoir la force physique qui aurait pu lui permettre de rivaliser. Cette histoire est paru aux Éditions Cornélius, elle pèse près de 100 pages et est dessinée entièrement en noir et blanc.

Un exercice de style ?

smartmonkey1Le sujet de l’ouvrage pousse presque le livre dans l’exercice de style. L’ensemble est muet puisque l’on a affaire qu’à des animaux. Tout est donc dans l’action. Le livre est donc dans la veine de « Nid des Marsupilamis » de Franquin ou plus récemment de la série « Love » par Brrémaud et Bertolucci. Le propos se veut cruel, même si le petit singe finit toujours par sans sortir, souvent aidé par de grosses bestioles bien plus dangereuses que le tigre à dents de sabre qui le harcèle.

L’histoire alterne les passages d’actions, d’humour et de tristesse avec pertinence, sans chercher à trop appuyer chaque émotion. L’humour n’est donc pas omniprésent. La chute permet de donner un sens au livre, traitant du rapport entre force et intelligence dans l’évolution. L’épilogue, faisant intervenir des humains bien plus tard, est réussi mais finalement anecdotique. Son intérêt est finalement assez limité.

Pour faire fonctionner un livre muet, il faut que le dessin soit expressif. C’est le cas. Winshluss possède un trait un peu crado, mais très riche. Certaines pleines pages sont simplement splendides. La narration est maîtrisée et permet au lecteur de suivre sans peine l’histoire. Cependant, certaines cases manquent un peu de lisibilité par moment. Il est nécessaire de ne pas chercher à lire le livre trop vite, mais d’adopter un rythme de croisière tranquille pour pleinement profiter des dessins de l’auteur.

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Avec cet ouvrage, Winshluss parvient à nous tenir en haleine sans un mot. Doté d’un dessin personnel, fouillé et inventif, il se relit avec plaisir afin de mieux saisir les nuances de l’épopée de ce « Smart monkey ». Une réussite !

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Note : 16/20

Vitesse Moderne – Blutch

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Titre : Vitesse Moderne
Scénariste : Blutch
Dessinateur : Blutch
Parution : Octobre 2008


 « Vitesse moderne » est un one-shot de 80 pages dessiné et scénarisé par Blutch. J’ai découvert cet auteur par « Le Petit Christian » tout d’abord, puis par « Peplum ». « Vitesse moderne » marque avant tout par sa couleur omniprésente qui rend l’ouvrage beaucoup moins noir que « Peplum », du moins au premier abord.

Quand Lola sort de son cours de danse, elle est abordée par Renée, qui se dit écrivain. Cette dernière lui propose de la suivre et d’écrire sur sa vie. En effet, Renée est fascinée par Lola qu’elle observe danser par la fenêtre de son appartement. On devine tout de suite que cette relation va vite poser des soucis, car les deux jeunes femmes ne se connaissent pas.

Une plongée dans les angoisses et les fantasmes de l’être humain moderne.

Alors que l’on croit lire une bande-dessinée tout à fait classique, l’ensemble est finalement onirique (voire même plutôt cauchemardesque). C’est une plongée dans les angoisses et les fantasmes de l’être humain moderne. L’homme est d’ailleurs source d’angoisse permanent pour Lola, que ce soit son voisin amoureux ou son père version vieux pervers. Lola semble être une bête traquée en permanence, essayant de donner de la consistance et de la réalité à ce qui n’est finalement qu’un rêve. En cela, l’ouvrage a un côté kafkaïen, Lola semblant être piégé dans un monde apparemment logique qu’elle ne comprend pas.

Blutch prend un malin plaisir à nous dérouter dans cet ouvrage. On ne sait jamais trop où l’on est. L’histoire devient réelle, puis bascule dans une forme de cauchemar par moments, redevient plus réaliste… De nombreuses incohérences temporelles et spatiales s’accumulent, parfois même expliquées (le père a une garçonnière en face de l’appartement de Renée par exemple). Tout cela déroute le lecteur sans jamais le perdre pour autant. En cela, Blutch manie son récit avec maestria. A aucun moment, on ne perd le fil et les incohérences inhérentes au rêve sont traitées sans excès.

Au niveau du dessin, Blutch manie un trait tout en hachures. Cependant, l’emploi de couleurs a tendance à rendre son dessin moins expressif et fort que dans le passé. Cela le rend par contre beaucoup plus accessible à mon sens. En revanche, la couleur est maniée avec talent et participe fortement à l’ambiance particulière de ce « Vitesse moderne » (notamment la robe rouge de Lola qui dénote avec l’ensemble dans nombre de pages).

Une attention toute particulière a été apportée au dessin des corps. C’est d’autant plus flagrant lorsque l’on voit danser Lola dans les premières pages. Ils sont remarquablement bien rendus. De même, Lola a une expression sans cesse apeurée qui participe à l’ambiance du livre.

Au final ce « Vitesse Moderne » est une bande-dessinée des plus réussie. Le trait assuré de Blutch transporte le lecteur dans une histoire torturée et intrigante, mais toujours passionnante. L’utilisation de la couleur est pertinente et renforce la sensualité du propos, entre angoisse et fantasmes. A lire.

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Note : 18/20

Le Petit Christian, T2 – Blutch

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Titre : Le Petit Christian, T2
Scénariste : Blutch
Dessinateur : Blutch
Parution : Octobre 2008


Après avoir relaté son enfance dans le premier tome de « Le Petit Christian », Blutch remet le couvert pour aborder le thème de l’adolescence. Plus précisément, on démarre ici avec l’entrée en 6ème de Christian jusqu’à son passage en 3ème. On a va ainsi le voir évoluer du petit garçon qu’il était jusqu’à un grand ado ténébreux et râleur. Comme il part dans un collège privé de Strasbourg, on ne retrouvera pas les personnages récurrents du premier tome.

Le fil rouge de cette BD s’appelle Catie Borie. C’est la fille d’amis de la famille et elle a le même âge que Christian. Il en est fou amoureux, mais 1000 km les sépare. En s’intéressant à une fille, Christian renie certains principes de son enfance (« quand on est un desperado, on se garde des femmes.») et glisse inexorablement vers d’autres préoccupations bien légitimes.

Inventivité et sensibilité

Ce nouveau tome aborde avec beaucoup de sensibilité et d’inventivité le thème d’un amour a mi-chemin entre les amours d’enfance (Christian restant très naïf) et des amours plus adultes. L’éveil des sens du narrateur est bien sûr présent, lié à un romantisme extrême qui le torture jusqu’au dénouement imprévisible. Témoin, cette scène de traversée du désert où le narrateur se voit pris dans une tempête de sable représentant les autres filles du collège qui essaient de le détourner de sa Catie… Et Christian ne vit que pour les lettres qu’il reçoit de sa bien-aimée…

Une nouvelle fois, l’intervention de personnages de fiction apporte beaucoup à l’ensemble. Christian a un dieu : Steve Mac Queen, qu’il prie avant les contrôles… De même, les références à la BD ou au cinéma sont légions. La traversée du désert est une référence évidente à « Tintin au pays de l’or noir ». De même les stars du cinéma ont encore une place importante et toujours en situation (« Oh ! Marlon Brando dans un tango à Paris.»). Petite nouveauté, Christian parle aussi à son double enfant, déguisé en cowboy. Le dialogue avec son double montre la première mutation de Christian, de par l’apparition de son amour pour Catie Borie. Son dialogue avec Marlon Brando en fin d’ouvrage montre sa deuxième mutation (je vous laisse découvrir pourquoi). Les apparitions de ces personnages et les références constantes aux mondes du cinéma et de la bande-dessinée sont clairement le pivot de cet ouvrage. Il montre combien ils ont une influence majeure sur l’imagination des enfants et des adolescents et combien ils forgent la personnalité par leurs propos.

On retrouve le dessin de Blutch tout en hachures. Petite nouveauté : de la couleur a été ajoutée. En effet, l’auteur ajoute des touches de rouge et de rose afin de densifier son dessin. Le tout est assez réussi, même si ça a un coût : le deuxième tome de « Le Petit Christian » est 4 euros plus cher.

Sous un aspect faussement naïf (le personnage de Christian a un dessin assez simple), Blutch marque une fois de plus de son talent cet ouvrage. Ainsi, le dessin très réaliste des personnages célèbres marque un contraste toujours intéressant avec le reste des personnages. De même, la scène où Christian part pour la première fois au collège est saisissante. S’imaginant dans une prison, l’auteur applique un style noir et inquiétant qui tranche avec le reste de l’ouvrage.

J’ai une nouvelle fois été saisi par le talent de Blutch dans la suite de son autobiographie. Son inventivité pour raconter ces moments de la jeunesse est incroyable. En utilisant de nombreuses références extérieures, il parvient à créer une connivence avec le lecteur. La scène du désert est simplement à mourir de rire, mais est également pleine de vérité sur l’adolescence. En détournant les codes propres à ce genre de récit (les premiers amours, les débuts au collège…), Blutch parvient à nous surprendre sur un sujet pourtant maintes fois abordés. Une référence !

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Note : 19/20

Le Petit Christian – Blutch

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Titre : Le Petit Christian
Scénariste : Blutch
Dessinateur : Blutch
Parution : Mars 2003


 Après avoir marqué de son empreinte la bande-dessinée avec des œuvres telles que « Blotch » ou « Peplum », Blutch s’attaque à l’autobiographie avec « Le Petit Christian ». Ou plutôt, c’est ce que l’on est en droit de croire. Car Blutch nie l’aspect autobiographique de cet ouvrage bien que le personnage ait le même prénom et soit alsacien… Quoiqu’il en soit, on suit Christian, un jeune garçon, dans sa vie d’enfant.

La BD enfantine n’est pas nouvelle. On peut citer « Le petit Spirou »,« Cédric », « Boule et Bill » ou plus récemment « Titeuf » pour s’en convaincre. Difficile alors de se démarquer. Blutch le fait sans peine en adoptant un ton résolument rétro qui ne pourra simplement pas parler à des enfants. En s’adressant clairement à des adultes (ne serait-ce que par l’absence de couleurs), Blutch évite l’écueil de faire une nouvelle BD de plus sur l’enfance.

Télévision & bande-dessinée

La vision de l’enfance de Blutch est toujours lié à deux médias essentiels à l’époque : la télévision et la bande-dessinée. Le tout se passant il y a quelques décennies en arrière (on retrouve des références à Steve Mac Queen, Rahan ou Placid et Muzo !), ces deux éléments sont traités de façon complètement différents et contribue à la nostalgie du lecteur (ou l’étonnement pour les plus jeunes d’entre nous). En effet, on parle d’une époque où les enfants sont obligés d’aller se coucher tôt (sans regarder la télé !), ou les BD paraissaient avant tout sur magazine et étaient censurées par les parents. Ainsi, son personnage passe son temps à se projeter sur ses personnages. La plupart du temps, il se transforme en eux, soit il converse avec eux. Si le procédé n’est pas nouveau, il est très réussi ici.

La grande réussite de Blutch est sans conteste l’écart qu’il crée entre les adultes et les enfants. Quand les enfants parlent entre eux, ils sont enthousiastes, bavards, ça gueule, ça crie… Mais dans leurs rapports aux adultes, c’est très différents. Les parents, les profs, le curé sont tout puissants, souvent durs et sévères et font partie d’un autre monde. Ce temps est clairement révolu car de nous jours l’enfant est roi. En cela, l’ouvrage prend d’autant plus de sens. Cette distanciation est accentuée par le dessin. Là où les adultes sont représentés de façon réaliste (et grave), les enfants sont dessinées dans un style naïf. L’écart paraît ainsi encore plus grand. Le dessin est tout en hachures et en noir et blanc. Le dessin des acteurs est particulièrement soigné et toujours en situation (John Wayne en militaire, Steve Mac Queen en cowboy…), ce qui ajoute au côté décalé de l’enfance.

« Le Petit Christian » est une ode à l’enfance et à son imaginaire. Son côté désuet renforce d’autant plus son propos. A cette époque, lire « Rahan » était interdit par les parents (parce qu’il y a des morts et des amazones peu habillées). On est bien loin de la pornographie et des images violentes auxquelles sont témoins les enfants aujourd’hui. En adoptant clairement une vision adulte et tendre de l’enfance, Blutch tape juste. A lire d’urgence !

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Note : 17/20

Blotch, Oeuvres Complètes – Blutch

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Titre : Blotch, Oeuvres Complètes
Scénariste : Blutch
Dessinateur : Blutch
Parution : Janvier 2009
Parution tome 1 : Septembre 1999
Parution tome 2 : Octobre 2000


 Je me suis offert récemment les œuvres complètes de « Blotch », série dessinée et scénarisée par Blutch. Cet ouvrage comprend les deux tomes qui étaient parus alors. « Blotch » est le nom du personnage principal, dessinateur dans Fluide Glacial dans le Paris des années 30… Oui, vous avez bien lu !

Il n’est pas rare de voir les auteurs de Fluide Glacial parler de leur rédaction (tout comme on trouvait ce genre de thème dans Gaston qui travaillait chez Dupuis…). Mais rarement on aura vu une telle créativité. En transposant l’histoire dans l’entre deux guerres, Blutch impose une ambiance désuète incroyable. De même, les dessinateurs d’humour deviennent des artistes pédants, buvant dans les cafés du beau Paris. Ce décalage entre ce que l’on peut imaginer de Fluide Glacial (grosses blagues et pinard) et cette attitude pincée d’artistes arrogants est vraiment incroyable.

Un fluide glacial des années 30…

 Blotch est le meilleur mais aussi le pire d’entre eux. Il se dit génial (et l’est a priori), mais est aussi rampant, prêt à écraser les autres par des manœuvres plus fourbes les unes que les autres. Le personnage est détestable. Arrogant, prétentieux, raciste, arriviste… Et éminemment grotesque ! Ainsi, en écrasant son propre alter-ego, Blutch crée une complicité avec son lecteur. 

Evidemment, tout le monde en prend pour son grade. On passera sur ses collègues (on reconnaîtra Gaudelette, Larcenet…), le rédacteur en chef (dont l’avis décide de tout) et les investisseurs (les pires de tous). Seules les personnes extérieures à Fluide Glacial paraissent alors sympathiques, comme son concurrent de toujours, Jean Bonnot ! Le tout est construit autour de petites histoires de quelques pages entraînant une chute. Ce rythme vient de la parution préalable dans le magazine Fluide Glacial. Evidemment, l’auteur développe certains fils rouges (comme sa concurrence avec Jean Bonnot).

L’aspect désuet des années 30 est parfaitement retranscrit. Les dialogues sont savoureux et adaptés à l’époque. De même, lorsque l’on voit les dessins d’humour dessinés par Blutch, ils correspondent à l’humour de l’époque. Une véritable plongée presque un siècle en arrière ! Qui plus est, cette utilisation de l’entre deux guerres sert vraiment les gags. Il y a une vraie exploitation de l’époque en tant que telle.

Le dessin est évidemment au diapason du sujet. Le choix d’un noir et blanc élégant retranscrit parfaitement l’atmosphère surannée de l’ouvrage. Le trait de Blutch est toujours aussi dynamique et expressif. A n’en pas douter, un des grands dessinateurs actuels.

Si « Blotch » tient de la parodie, la direction que prend l’ouvrage en fait un œuvre à part. En utilisant une caricature décalée dans le temps, Blutch crée une bande-dessinée beaucoup plus subtile et complexe. Un album dont on ne peut que se délecter.

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Note : 19/20

Lune l’envers – Blutch

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Titre : Lune l’envers
Scénariste : Blutch
Dessinateur : Blutch
Parution : Janvier 2014


Blutch reste l’un des auteurs de bande-dessinée que j’admire le plus. La variété des moyens avec lesquels il a pu me toucher en tant que lecteur m’étonne toujours. De ses histoires d’enfance (« Le petit Christian »), à l’humour grinçant (« Blotch ») en passant par le déstabilisant « Vitesse moderne », j’ai eu droit à tous les sentiments. Cependant, cette force dans la variété a fait que je suis également passé à côté de certains ouvrages… « Lune l’envers » est un nouveau one-shot publié par l’auteur chez Dargaud. Le livre se présente sous la forme d’un album classique d’une cinquantaine de pages.

LuneLenvers2Quel est le réel sujet de « Lune l’envers » ? Difficile de le dire. Profondément narcissique (plusieurs personnes sont Blutch), on peut y voir une sorte de fable surréaliste sur le milieu de la bande-dessinée (et de l’art en général). Mais les critiques sur le monde du travail sont également bien présentes. L’auteur nous montre notre société, façon futur dystopique. C’est affreux, sans aucune morale et les méchants gagnent à la fin. Et devant le côté absurde de certaines situations, il va falloir s’accrocher.

Combattre l’aseptisation

Un peu abrupte dans son début, l’ouvrage s’éclaircit au fur et à mesure des pages. Les tenants et les aboutissants se dévoilent et le puzzle se constitue. De façon générale, l’ouvrage s’attaque à l’aspect aseptisé et bien pensant qui s’installe dans notre monde. Ainsi, un jeune éditeur (qui porte le nom… Blütch !) déclare : « votre projet est conventionnel, poussif, sans élan… Parfaitement inoffensif… Bravo, mon vieux. On va vous préparer un contrat. » C’est le message qui découle de l’histoire.

Forcément, en crachant dans la soupe et en flinguant tout le monde (de l’auteur indé à l’auteur mainsteam, en passant par l’éditeur), Blutch se devait d’être cohérent. C’est le cas ! Son récit est complexe et riche, son graphisme excellent. J’ai depuis longtemps été séduit par le trait de l’auteur, mais il adopte ici une esthétique qui rappelle les années 70, impression renforcée par des couleurs originales et marquantes.

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Critiquer l’univers de la BD est facile, le faire avec une telle créativité est une autre paire de manches. Blutch confirme ici, si besoin était, son grand talent et sa virtuosité. « Lune l’envers » est un ouvrage corrosif et riche. Une belle épopée surréaliste dans le monde d’édition de bande-dessinée !

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Note : 16/20

Top BD des blogueurs – Mars 2015

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FÉVRIER 2015

Le Top BD des blogueurs est un collectif rassemblant des blogs de critiques de bande-dessinées. Dès qu’un titre possède au moins trois notes, il entre dans le top. Vous pouvez découvrir chaque mois les cinquante titres les mieux notés.

1- (=) Yossel, 19 avril 1943       19
Joe Kubert, Delcourt

2- (=) Les Ogres-dieux tome 1- Petit    18.83
Hubert, Bertrang Gatignol, Soleil

3- (=) Le journal de mon père 18.67
Jiro Taniguchi, Casterman

4- (=) Asterios Polyp     18.65
David Mazzuchelli, Casterman

5- (=) Persépolis    18.64
Marjanne Satrapi, L’Association

6- (N) Le Sculpteur  18.53
Scott McCloud, Rue de Sèvres

7- (=) NonNonBâ         18.5
Shigeru Mizuki, Cornélius

8- (=) Maus        18.49
Art Spiegelmann, Flammarion

9- (=) Le pouvoir des Innocents Cycle 2- Car l’enfer est ici   18.39
Tome 1, Tome 2, Tome 3

10- (=) Tout seul            18.38
Christophe Chabouté, Vents d’Ouest

Pour voir la suite du top, je vous invite à visiter le blog de Yaneck : Chroniques de l’invisible