1629 ou l’effrayante histoire des naufragés de Jakarta, T2 : L’île rouge


Titre : 1629 ou l’effrayante histoire des naufragés de Jakarta, T2 : L’île rouge
Scénariste : Xavier Dorison
Dessinateur : Thimothée Montaigne
Parution : Novembre 2024


1629 ou l’effrayante histoire des naufragés de Jakarta est un diptyque scénarisé par Xavier Dorison et dessiné par Thimothé Montaigne. Le premier nommé est un de mes auteurs préférés depuis Le troisième testament. Sa capacité à créer des histoire originales et passionnantes n’est plus à démontrer. Le Château des animaux, Les Sentinelles, W.E.S.T ou Undertaker en sont de splendides exemples. Quant au second, je suis tombé sous le charme de son trait en lisant Le troisième testament : Julius.

Un huis clos à l’air libre.

Le premier tome de cette grande fresque maritime date d’il y a deux ans. Le dénouement de ce splendide et passionnant ouvrage offrait un joli suspense quant au devenir des différents protagonistes. J’étais donc ravi d’apprendre l’arrivée récente dans les librairies du second et dernier opus de cette aventure.

La mission du Jakarta est de mener à Java la plus grosse quantité d’or transportée par la Compagnie hollandaise des Indes orientales. Lors de son trajet, loin des routes de navigation, le navire heurte des récifs et sombre. Seule une partie de l’équipage arrive à rejoindre une île isolée en préservant une partie de la marchandise. Mais il va falloir que cette communauté arrive à survivre et à collaborer en espérant que l’aide arrive. Ce ne sera pas simple…

Le premier tome se déroulait quasiment exclusivement en mer. Les auteurs y avaient fait naitre une atmosphère confinée et oppressante particulièrement réussie. Cette suite est amenée à rester à terre. Cela n’empêchera pas la lecture d’être habitée par une ambiance angoissante générée par l’instinct presque animal de survie qui va réguler la mise en place d’un ordre social sur l’île. La forte intensité sensorielle du scénario joue un rôle important dans le fait que l’histoire s’avère captivante.

Le périple du Jakarta dégageait une atmosphère pesante et stressante. Il se dégageait un sentiment de fureur contenue de chacune des pages. Il semblait inéluctable que la situation ne pouvait que dégénérer à un moment ou à un autre. Le rôle de catalyseur est incarné par Cornelius. Sa capacité à manipuler les foules à de noirs desseins est central. Déjà important dans le premier tome, sa place prend une toute autre ampleur dans ce second opus à partir du moment où contrôle d’une main de fer cette communauté de naufragés. Sa personnalité diabolique en fait un « grand méchant » de grande qualité. Sa seule présence crée une forme de malaise chez le lecteur. La peur, la crainte, l’appréhension… Ces sentiments désagréables accompagnent chacune de ses apparitions faisant naitre ainsi un suspense intense à l’issue incertaine…

Mais un tel personnage ne peut pas exploiter pleinement son potentiel sans un adversaire à sa hauteur. Il prend les traits ici improbables de Lucrécia. Cette femme de la haute société était loin de répondre aux codes du genre pour mener la résistance dans cet univers hostile, masculin et apparemment dénué de valeurs et de règles. J’ai trouvé le personnage remarquablement écrit. Son évolution l’a menée à sortir de son cocon et à devenir la femme forte et charismatique qu’on ne supposait pas au début de l’intrigue. Son destin s’avère captivant. On admire son courage, on s’inquiète pour son avenir, on se questionne avec elle dans sa quête de solution. Grâce à sa présence, elle propose un affrontement avec Cornelius d’une intensité folle, seule source d’espoir et d’humanité…

Ce second opus nous offre donc un huis clos à l’air libre. En effet, l’île sur laquelle les naufragés se sont réfugiés semble à l’écart du monde. Sa faible surface empêche toute fuite ou isolement. Bref, la cohabitation forcée est inéluctable. Cela génère naturellement un sentiment d’étouffement tant la bienveillance collective est loin d’être évidente ! Tout le monde est en permanence sur le qui-vive, chaque mot est pesé, la confiance est difficile à donner. Bref, la lecture s’avère peu tranquille mais passionnante. À tout moment, on craint qu’un personnage auquel on s’est attaché peu vivre un destin tragique.

Pour conclure, je me dois d’évoquer le coup de crayon de Thimothé Montaigne qui sublime le scénario, les personnages et l’intensité dramatique de l’ensemble. L’immersion dans cet univers fermé est totale. Chaque planche et chaque case sont des petits bijoux graphiques. Le simple fait de feuilleter cet album est un plaisir pour les yeux et offre un voyage dépaysant. Bref, cet opus conclut merveilleusement un diptyque de grande qualité qui se doit de trouver sa place dans les bibliothèques de tout adepte du genre. Passer à côté serait une erreur monumentale qu’il serait dommage de faire…

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