Titre : Le journal de Jules Renard lu par Fred
Scénariste : Fred
Dessinateur : Fred
Parution originale : Avril 1988
RĂ©Ă©dition : Janvier 2014
Jules Renard est un Ă©crivain français dĂ©cĂ©dĂ© il y a un petit peu plus dâun siĂšcle. Son Journal est un de ses Ćuvres majeures. RĂ©digĂ© entre 1887 et 1910, il a Ă©tĂ© Ă©ditĂ© Ă titre posthume en 1925. Je ne lâai jamais lu. Il nâest donc pas directement le sujet de ma critique dâaujourdâhui. En effet, lâalbum que jâĂ©voque aujourdâhui mâa attirĂ© par le nom de son auteur, Fred. Cet Ă©crivain est le crĂ©ateur de PhilĂ©mon, Ćuvre majeure Ă mes yeux du neuviĂšme art. Le brillant crĂ©ateur est dĂ©cĂ©dĂ© lâannĂ©e derniĂšre. Sa disparition a donnĂ© lieu Ă bon nombre de rĂ©Ă©ditions dâĆuvres anciennes nĂ©es de sa plume.
« Le Journal de Jules Renard lu par Fred » date de 1988. Lâopus que je me suis procurĂ© est paru en janvier dernier chez Dargaud. Il se dĂ©marque de son prĂ©dĂ©cesseur par le fait quâil ait Ă©tĂ© mise en couleur par Isabelle Cochet. Il sâagit dâun trĂšs bel objet. La texture de la couverture ou lâĂ©paisseur des pages participent pleinement au plaisir de la lecture et incite fortement Ă sây plonger. Il se compose de cinquante-quatre planches. François Morel prĂ©face cet ouvrage.
Chaque planche peut se lire indépendamment.
La trame se construit Ă travers le dialogue de Jules Renard avec un corbeau. Ils Ă©changent au cours dâune balade qui dĂ©bute Ă la premiĂšre page et se clĂŽt Ă la derniĂšre. MalgrĂ© cette continuitĂ© narrative, chaque planche peut se lire indĂ©pendamment. Elle se conclut toute de la mĂȘme maniĂšre : Renard et le corbeau sâĂ©loignent vers lâhorizon en offrant une morale ou une vĂ©ritĂ©. La force de cette construction est dâoffrir une densitĂ© de lecture importante. Il nây a aucun temps mort. Les pĂ©riodes de transition sont proscrites. Ce bouquin peut se dĂ©vorer dâune traite ou au contraire se dĂ©guster par petites bouchĂ©es au hasard des pages et des moments.
Le texte est issu du Journal de Jules Renard. Si je ne le savais pas, je nâaurais eu aucun mal Ă imaginer que ces mots sont nĂ©s dans lâesprit de Fred. En effet, le ton et la profondeur des propos coĂŻncident parfaitement avec ceux qui habitent habituellement les productions du talentueux auteur de bandes dessinĂ©es. Lâheure nâest pas Ă la rigolade. La dĂ©pression et le fatalisme sont davantage de sortie. MalgrĂ© cela, la lecture est agrĂ©able et prenante. Je suis totalement conquis par lâatmosphĂšre qui transpire de cette balade champĂȘtre au milieu de nulle part. Le travail graphique permet un dĂ©paysement qui place le lecteur dans les conditions optimales pour savourer le contenu des bavardages entre cet homme et ce corbeau. Les planches sont un plaisir pour les yeux. Sâimmerger Ă nouveau dans lâunivers pictural de Fred est un vrai bonheur.
Quasiment lâintĂ©gralitĂ© de lâespace est occupĂ©e par les deux protagonistes principaux. Ils ne croisent presque personne au cours de leurs pĂ©rĂ©grinations Ă la campagne. Ce sentiment dâĂȘtre coupĂ© du monde ou de voir la rĂ©alitĂ© en suspens intensifie leurs propos. La force des mots attise alors la curiositĂ© et incite le lecteur Ă sâinvestir complĂštement dans sa lecture. De plus, la densitĂ© des dĂ©clarations faites par lâhomme ou le volatile fait quâune relecture est presque aussi riche quâune premiĂšre dĂ©couverte.
Au final, cet opus est une belle rĂ©ussite. Jâai pris Ă©normĂ©ment de plaisir Ă le lire et nâhĂ©siterai pas Ă mây plonger Ă nouveau Ă lâoccasion. MalgrĂ© le cĂŽtĂ© linĂ©aire de sa narration, il ne manque pas dâaspĂ©ritĂ©s et ne laisse pas indiffĂ©rent bon nombre de fois. Je suis ravi quâil trouve sa place dans ma bibliothĂšque et ne peut que vous inciter Ă partir Ă sa rencontreâŠ
Note 15/20