Narcisse, T1 : MĂ©moires d’outre-tombe

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Titre : Narcisse, T1 : MĂ©moires d’outre-tombe
Scénariste : Chanouga
Dessinateur : Chanouga
Parution : Avril 2014


J’avais Ă©tĂ© subjuguĂ© par le premier album de Chanouga. Son univers maritime et onirique m’avait beaucoup plus, soutenu par un graphisme personnel parfaitement adaptĂ© au sujet. Il revient cette fois avec une biographie sous forme de sĂ©rie, « Narcisse ». PrĂ©vue en trois tomes de 60 pages, elles font entre l’auteur dans un travail bien plus classique et rĂ©aliste. Le tout est publiĂ© chez Paquet.

Au rayon des constances, Chanouga reste dans l’univers de la mer. Il raconte l’histoire de Narcisse, un jeune garçon qui ressent l’appel de la mer. Contre l’avis de ses parents, il s’embarque comme mousse. Et de bateaux en bateaux, il finit par partir pour l’Australie. Mais c’est un naufrage qui l’attend


Le difficile exercice de la biographie.

Narcisse1aSi la sĂ©rie doit avant tout parler de l’expĂ©rience de naufragĂ© de Narcisse (vu les notes de fin d’ouvrage), ce premier tome s’attarde sur le personnage. Comment en est-il arrivĂ© lĂ , pourquoi veut-il naviguer
 Tout cela est trĂšs classique et, honnĂȘtement, peu passionnant. Tout va trop vite (ou pas assez, c’est selon) et la narration manque de fluiditĂ©. Quand on comprend Ă  la fin du livre qu’on a affaire Ă  une biographie, on comprend mieux le rythme un peu hĂąchĂ© du l’ouvrage. Chanouga manque un peu d’expĂ©rience pour le coup, n’arrivant pas Ă  se dĂ©tacher du sujet pour faire les coupes nĂ©cessaires dans la rĂ©alitĂ© ou, Ă  l’inverse, pour broder et remplir les inconnues.

MalgrĂ© tout, l’histoire touche Ă  la mer et cela ne laisse pas indiffĂ©rent. Narcisse vieillit au long de l’ouvrage, devenant un jeune homme. Si les faits relatĂ©s sont suffisamment classiques, la montĂ©e en tension est rĂ©elle et la derniĂšre partie, concernant le naufrage, ne laisse pas indiffĂ©rent.

En revanche, le dessin de Chanouga, immĂ©diatement reconnaissable, est une pure merveille. MĂȘme s’il est plus puissant dans les reprĂ©sentations abstraites et fantastiques que dans le rĂ©alisme pur, son trait non-encrĂ© est splendide et admirablement mis en couleur (avec un contraste de couleurs froides et chaudes maĂźtrisĂ©). Certaines cases, certaines pages, sont particuliĂšrement marquantes et nous laissent sans voix.

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Ce « Narcisse », bien plus terre-Ă -terre que « De profundis », nous laisse un peu sur notre faim. On a l’impression d’une narration et d’un rythme mal maĂźtrisĂ©. Un peu de concision d’un cĂŽtĂ©, afin de s’attarder sur certains points ailleurs aurait Ă©tĂ© les bienvenus. Reste un graphisme enivrants qui sait nous faire oublier, un peu, ces Ă©cueils.

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note3

Kililana song, T2

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Titre : Kililana song, T2
Scénariste : Benjamin Flao
Dessinateur : Benjamin Flao
Parution : Octobre 2013


Le premier tome de  Kililana song » m’avait laissĂ© un sentiment mitigĂ©. J’avais Ă©tĂ© captĂ© par l’ambiance, le dessin et cette chronique de la vie sur un archipel du Kenya. Mais le fil rouge, le liant de l’ensemble me semblait encore bien tĂ©nu. Ça tombait bien, la fin de la premiĂšre partie commençait Ă  relier les histoires entre elles. L’occasion d’un final rĂ©ussi ? La seconde partie clĂŽt le dyptique en 130 nouvelles pages. Le tout est publiĂ© chez Futuropolis et rĂ©alisĂ© par Benjamin Flao.

Le personnage principal est NaĂŻm. EmbarquĂ© sur une embarcation de fortune Ă  son insu par un vieil homme, il va ĂȘtre mis devant les croyances ancestrales de la rĂ©gion. D’autres intrigues se dĂ©veloppent : un navigateur, un expatriĂ© droguĂ©, un investisseur, une prostituĂ©, un vieil homme droguĂ© lui aussi, un frĂšre bigot
 Benjamin Flao n’est pas avare d’intrigues et de personnages, au point de diluer un peu l’intĂ©rĂȘt. À multiplier les histoires, il nous perd dans les mĂ©andres de son scĂ©nario.

Un final un peu confus.

KililanaSong2aL’histoire de NaĂŻm, plutĂŽt drĂŽle, prend ici un tour fantastique. Beaucoup de discours et beaucoup moins d’action. Sur terre, les intrigues avancent plus ou moins sans que l’on sache trop vers oĂč l’on va. Et Ă  la fermeture de l’ouvrage, on constate que certaines histoires ne sont pas vraiment refermĂ©es et disposaient d’un intĂ©rĂȘt finalement limitĂ©. L’auteur s’est clairement Ă©parpillĂ©. Il faut dire qu’avec 250 pages au compteur, il y avait de quoi faire. Mais en se concentrant sur son sujet, l’ouvrage aurait certainement Ă©tĂ© plus lisible. LĂ , on a presque l’impression de suivre des histoires parallĂšles sans vĂ©ritable lien entre elles.

Reste une chronique sociale particuliĂšrement dĂ©paysante. On retrouve une ville de pĂȘcheur avec tous les alĂ©as de ce genre d’endroits. Alors que le lieu ne paraissait dĂ©jĂ  pas folichon, voilĂ  que l’on parle de l’industrialiser. Benjamin Flao ajoute sur le tard une veine Ă©cologique Ă  son ouvrage.

Si le dessin Ă©tait indĂ©niablement le point fort de la premiĂšre partie, c’est toujours le cas. Plus encore, Benjamin Flao varie les techniques pour donner un rĂ©sultat plus diversifiĂ© selon les situations. Reste la lumiĂšre, la chaleur, que l’on ressent sur les peaux des personnages. Sa reprĂ©sentation des Ă©pisodes fantastiques est remarquable, de mĂȘme que celle de la tempĂȘte qui sĂ©vit dans l’ouvrage. Du grand travail.

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« Kililana song » me laisse un goĂ»t d’inachevĂ©. La chronique du lieu et l’atmosphĂšre qui s’en dĂ©gage est vraiment remarquable, mais le fil rouge manque d’intensitĂ© et de clartĂ©. Certaines intrigues finissent trop rapidement (voir restent des impasses) et l’épilogue est un peu tirĂ© par les cheveux. Une Ɠuvre symptomatique de l’époque : beaucoup de pagination et une difficultĂ© Ă  la concision. Dommage.

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note3

Kililana song, T1

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Titre : Kililana song, T1
Scénariste : Benjamin Flao
Dessinateur : Benjamin Flao
Parution : Mars 2012


« Kililana song », premiĂšre partie, a Ă©tĂ© aurĂ©olĂ© du prix Ouest-France au festival Quai des Bulles de Saint Malo. Une distinction qui donne suffisamment envie de s’y intĂ©resser ! De plus, le dessin, tout en aquarelles et en encres de l’auteur Benjamin Flao, flatte la rĂ©tine du lecteur. Alors qu’en est-il de ce premier opus ? Le tout est publiĂ© chez Futuropolis pour plus de 120 pages de lecture.

Nous sommes sur une ville cĂŽtiĂšre du Kenya. Ici se mĂȘlent pĂȘcheurs, navigateurs, expatriĂ©s et touristes. Au milieu de cet univers, NaĂŻm, 11 ans, dĂ©ambule parmi ceux lĂ , Ă©levĂ© par sa tante et pourchassĂ© par son grand frĂšre. Ce dernier veut qu’il aille Ă  l’école et devienne un bon musulman, ce dont le petit Kenyan n’a que faire. Au fil de ses pĂ©rĂ©grinations, NaĂŻm nous dĂ©crit ainsi cet univers particulier et forcĂ©ment dĂ©paysant pour un lecteur occidental.

Un carnet de voyage devenu fiction.

KililanaSong1bAu-delĂ  de l’histoire de NaĂŻm, d’autres histoires viennent se greffer. Ainsi, un arbre gĂ©ant (et magique), semble ĂȘtre le point crucial de l’histoire (et pourtant Ă  peine abordĂ©). De mĂȘme, un navigateur perdu n’a pas encore trouvĂ© son rĂŽle. C’est un peu le point faible du bouquin. L’auteur enchevĂȘtre quelques histoires mais aprĂšs 120 pages, tous les liens ne sont pas encore clairs. Ainsi, le dĂ©but de lecture est poussif et un peu perturbant, la narration restant Ă©vasive. Ainsi, c’est avant tout NaĂŻm et ses rencontres qui nous transportent pour le moment.

Benjamin Flao se repose donc sur une recette bien connue : des personnages hauts en couleur, des rencontres
 En cela, on sent que le livre est issu de ses propres voyages (ce qu’il annonce en dĂ©but de livre). Dommage que les situations se rĂ©pĂštent un peu (notamment les poursuites du grand frĂšre), si bien que le livre dilue l’intĂ©rĂȘt et l’attention du lecteur. Un peu de concision n’aurait pas fait perdre grand-chose. La fin de l’ouvrage laisse prĂ©sager de bonnes surprises, il faudra donc attendre la suite pour vraiment savoir si le fil rouge de l’ensemble est pertinent.

Au niveau du dessin, difficile de ne pas ĂȘtre sĂ©duit par le trait de Benjamin Flao. Si certaines planches sont parfois un peu confuse, ses choix de cadrage sont toujours originaux et travaillĂ©s. Ses couleurs subliment l’ensemble et nous font vraiment ressentir cette Afrique cĂŽtiĂšre, avec la mer, les bĂąteaux et la lumiĂšre omniprĂ©sente. C’est du beau travail, dynamique comme du croquis de voyage et nĂ©anmoins d’une prĂ©cision exemplaire.

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Difficile de ne pas ĂȘtre conquis par ce « Kililana song ». DĂ©paysant et pourvu d’un dessin virtuose, on a envie d’y adhĂ©rer pleinement. Mais le fil rouge peine un peu Ă  se mettre en place et les longueurs de l’ouvrage nous font tiquer. Des espoirs Ă  confirmer avec la deuxiĂšme partie !

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note3

Le vent dans les saules, T1 : Le bois sauvage

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Titre : Le vent dans les saules, T1 : Le bois sauvage
Scénariste : Michel Plessix
Dessinateur : Michel Plessix
Parution : Octobre 1996


J’ai dĂ©couvert un jour « Le vent dans les saules » dans la demeure familiale. Depuis, ma vie en a Ă©tĂ© changĂ©e
 AdaptĂ©e du roman jeunesse Ă©ponyme de Kenneth Grahame (que je n’ai jamais lu), cette sĂ©rie scĂ©narisĂ©e et dessinĂ©e par Michel Plessix, dont je ne connaissais alors pas le travail. Parue chez Delcourt, cette sĂ©rie a vu quatre tomes sortir, plus cinq autres qui lui font suite. C’est avec « Le bois sauvage » que l’histoire commence.

« Le vent dans les saules » narre l’histoire d’animaux de la forĂȘt. Il y a Rat, le poĂšte, Taupe, l’ingĂ©nu, Crapaud le baron local, Blaireau le taciturne
 Tout cela se passe dans une ambiance paisible au bord de la riviĂšre. Paisible ? Non ! Crapaud et ses lubies entraĂźne ce monde dans des aventures pas piquĂ©es des vers !

La narration du « Vent dans les saules » est articulĂ©e selon des chapitres. C’est ici trois chapitres d’une dizaine de pages qui nous sont proposĂ©s, soit un total de seulement trente pages. Pourtant, Ă  la fermeture de l’ouvrage, l n’y a aucun risque de se sentir flouĂ© par la faible pagination ! Chaque chapitre raconte une anecdote, qui possĂšde sa propre indĂ©pendance. Mais Ă©vident, au fur et Ă  mesure, les personnages se dĂ©voilent. Mais quel plaisir de voir Rat dire qu’il prĂ©sentera Blaireau prochainement et de voir ce personnage apparaĂźtre au chapitre suivant.

Une atmosphÚre douce et poétique

La force du « Vent dans les saules » est de prĂ©senter une vĂ©ritable aventure tout en semblant ĂȘtre purement contemplatif. Ainsi, nombreuses sont les cases muettes, uniquement accompagnĂ©es par la narration complice de l’auteur. Pas question de plonger dans les pĂ©ripĂ©ties, tout cela se fait tranquillement et sereinement. On se sent happĂ© par l’atmosphĂšre de l’ouvrage ou personne ne va travailler et oĂč l’on Ă©crit des vers au bord de la riviĂšre


Cette atmosphĂšre douce et poĂ©tique est magnifiĂ©e par le dessin splendide (virtuose ?) de Michel Plessix. Ses animaux sont plus vrais que nature. Quant Ă  cette fameuse nature, elle est merveilleusement retranscrite, les couleurs Ă  l’aquarelle lui rendant particuliĂšrement honneur. De plus, l’auteur varie les vues, du plan large au gros plan avec le mĂȘme talent. Et malgrĂ© cette envie de contempler qui nous prend subitement, les personnages gardent un dynamisme certain. Plus qu’un coup de cƓur, le dessin de Plessix est ici une rĂ©vĂ©lation. Et si ce n’était pas suffisant, l’auteur s’amuse Ă  ajouter nombre de dĂ©tails dans ses cases. Invisibles au premier abord, il donne Ă  la seconde lecture un souffle d’autant plus fort, l’auteur crĂ©ant presque un jeu, du moins une complicitĂ©, avec le lecteur.

Ce premier tome du « Vent dans les saules » est dĂ©jĂ  une Ɠuvre majeure. Dessin, univers, narration et personnages forment un tout remarquablement cohĂ©rent et d’une poĂ©sie incroyable. Ne vous fiez pas Ă  l’esprit « petits animaux » qui donnent l’impression d’une bande-dessinĂ©e pour enfant. Mettre un pied au bord de la riviĂšre avec Michel Plessix, c’est ne plus vouloir la quitter. Un chef d’Ɠuvre !

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note5

Le feul

LeFeul


Titre : Le feul
T1 : Valnes
T2 : Les Brohms
T3 : L’hĂ©ritage
Scénariste : Jean-Charles Gaudin
Dessinateur : Frédéric Peynet
Parutions : Avril 2005 – Janvier 2007 – Janvier 2009


On m’avait offert le premier tome du « Feul ». À l’époque, je me mĂ©fie des sĂ©ries de fantasy aux dĂ©marrages sympathiques qui s’étiolent au fur et Ă  mesure et ne donne pas suite Ă  la sĂ©rie. Quelques occasions dĂ©nichĂ©es plus tard, me voilĂ  avec les trois tomes en ma possession. C’est donc une sĂ©rie relativement courte (de nos jours) qui nous est proposĂ©e par Peynet (au scĂ©nario) et Gaudin (au dessin). Le tout est publiĂ© chez Soleil.

Des tribus, des coutumes, des conflits…

LeFeul2Dans un village reculĂ©, les gens meurent de plus en plus Ă  cause d’une maladie qu’ils baptisent le feul. Il semble que le mal vienne de la riviĂšre. Et quand ils s’aperçoivent que la tribu en amont est atteinte du mĂȘme mal, ils dĂ©cident de s’unir et de remonter la riviĂšre pour trouver l’origine du mal. Une peuplade empoisonnerait-elle Ă  dessein le cours d’eau ?

Si le dĂ©but de la sĂ©rie laisse prĂ©sager un univers de fantasy assez classique, ce n’est pas vraiment le cas. Ainsi, si chaque tribu est diffĂ©rente physiquement, ce sont tous des humanoĂŻdes. Et si le monde est peuplĂ© de bestioles et de monstres effrayants, la magie est complĂštement absente. Ainsi, c’est avant tout un univers de tribus qui nous est proposĂ©. Le monde n’est pas industrialisĂ© et les gens vivent dans des huttes.

L’histoire insiste donc sur les diffĂ©rences de culture des tribus. Cela passe par les croyances, la sexualitĂ© ou la façon d’aborder les problĂšmes. Cet aspect est trĂšs rĂ©ussi et dĂ©veloppĂ©, les auteurs cherchant Ă  aborder le thĂšme de la tolĂ©rance envers la diffĂ©rence Ă  travers de nombreux dialogues entre les protagonistes. Ainsi, « Le feul » reprend un classique de la fantasy : un groupe de peuplades diffĂ©rentes qui doivent cohabiter.

La grande force du « Feul » tient dans sa case finale qui donne tout le sens Ă  l’ouvrage. C’est particuliĂšrement remarquable et j’ai mis du temps Ă  m’en remettre. En cela, la sĂ©rie est singuliĂšre et le traitement par les auteurs incroyable. À la fermeture du troisiĂšme tome, il nous prend un irrĂ©sistible besoin de reprendre l’ensemble


Le dessin assurĂ© par Gaudin est de grande qualitĂ©. De nature classique, il propose un dĂ©coupage toujours bien menĂ© qui associe longues discussions et scĂšnes d’action. La narration Ă  la premiĂšre personne, qui s’intercale dans les moments plus calmes, apporte un plus et permet Ă  Gaudin de laisser parler son dessin. Et la couleur directe, aux tons trĂšs doux, sort des codes actuels du genre qui vise plutĂŽt les couleurs vives et tape-Ă -l’Ɠil. Cela donne un petit cĂŽtĂ© rĂ©tro pas dĂ©sagrĂ©able aux ouvrages. Et vu le thĂšme traitĂ©, c’est parfaitement adaptĂ©.

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« Le feul » est une sĂ©rie qui se lit aisĂ©ment, avec des personnages forts et des tribus aux coutumes bien dĂ©veloppĂ©s. Alors que l’on prend l’acceptation de la diffĂ©rence comme thĂšme principal, les auteurs nous surprennent par une fin qui ajoute une couche supplĂ©mentaire de narration. Une belle sĂ©rie en trois tomes, bien pensĂ©e et bien rĂ©alisĂ©e. Du beau travail, Ă  la fois classique et original.

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note4

Les carnets de Cerise, T3 : Le dernier des cinq trésors

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Titre : Les carnets de Cerise, T3 : Le dernier des cinq trésors
Scénariste : Joris Chamblain
Dessinatrice : Aurélie Neyret
Parution : Novembre 2014


Depuis le temps que la sĂ©rie « Les carnets de Cerise » me fait de l’Ɠil, j’ai enfin pu mettre la main sur un exemplaire. Merci donc au CDI de mon collĂšge, qui me donne accĂšs facilement aux sĂ©ries jeunesse ! « Les carnets de Cerise » jouit d’excellents retours de lecteur et ses couvertures magnifiques sur les Ă©tals des librairies ne me laissaient pas indiffĂ©rents. Je commence donc cette sĂ©rie par le tome 3. Si des allusions aux deux prĂ©cĂ©dentes histoires (et personnages) sont faites, le tout peut se lire avec plaisir indĂ©pendamment du reste. Le tout est publiĂ© chez Soleil dans l’excellente collection MĂ©tamorphoses.

Cerise est une petite fille curieuse qui aime enquĂȘter. Tout dĂ©marre avant tout par son arrivĂ©e au collĂšge. Les auteurs ont dĂ©cidĂ© de faire grandir leur personnage. En cela, on sent que la sĂ©rie est destinĂ©e avant tout aux petites filles. C’est donc un album jeunesse trĂšs fĂ©minin auquel on a droit : les hommes sont presque absents de l’histoire et tout se passe entre filles (et femmes !). MalgrĂ© ce public visĂ©, l’album parvient Ă  toucher un public bien plus large. Une belle rĂ©ussite !

Un public de jeunes filles visés, un public bien plus large atteint.

LesCarnetsDeCerise3aCerise assiste Ă  un atelier lecture avec la relieuse de la ville. Et lors d’une visite chez elle, elles trouvent un coffre correspondant Ă  un trĂ©sor. Cinq trĂ©sors seront Ă  trouver, ravivant les blessures de jeunesse de la jeune femme


Lorsque l’on lit « Les carnets de Cerise », on sent bien l’aspect jeunesse crĂ©Ă© par la narration : c’est fluide, simple et le suspense monte lentement. Mais on est surpris, lors du dĂ©nouement, d’ĂȘtre particuliĂšrement touchĂ© par l’histoire. Le scĂ©nario, bien ficelĂ©, nous amĂšne tranquillement jusqu’à un point d’émotion bien maĂźtrisĂ©. J’ai Ă©tĂ© particuliĂšrement Ă©mu par cette histoire, toute en dĂ©licatesse et en bons sentiments.

La particularitĂ© de cette sĂ©rie est de proposer, justement, les carnets de Cerise. Ainsi, quand elle fait des gĂąteaux, elle nous livre la recette avec son Ă©criture manuscrite, ses dessins et des photos. Cet aspect-lĂ  est vraiment rĂ©ussi et permet d’intensifier le lien entre le lecteur et la bande de filles.

Concernant le dessin d’AurĂ©lie Neyret, c’est assez formidable. À la fois un peu dĂ©suet (l’histoire se passant Ă  NoĂ«l) et moderne, il possĂšde la douceur nĂ©cessaire Ă  l’histoire. La symbiose dessin/scĂ©nario est parfaite et la lecture des planches de ces « Carnets de Cerise » est un vĂ©ritable plaisir visuel. Sans compter que la construction des planches est bien pensĂ©e et ne fait jamais dans la facilitĂ©.

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« Les carnets de Cerise », pour ce tome 3 dĂ©diĂ© Ă  NoĂ«l, est particuliĂšrement touchant. C’est une preuve de plus qu’un ouvrage jeunesse peut dĂ©passer son lectorat et toucher les petits et les grands. Un grand bravo aux deux auteurs !

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note5

Une petite tentation

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Titre : Une petite tentation
Scénariste : Jim
Dessinateur : Grelin
Parution : Mars 2013


Paru initialement sous le nom du « Sourire de la babysitter », cette sĂ©rie a connu une renaissance en paraissant sous la forme d’un copieux one-shot (plus de 150 pages quand mĂȘme). En effet, la premiĂšre mouture avait Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©e au premier tome. On ne peut donc qu’ĂȘtre un peu mĂ©fiant, mais pourquoi pas. RebaptisĂ© « Une petite tentation », cette histoire parle donc d’une babysitter et de sa copine qui se lancent le dĂ©fi de piquer le mec quadra et avec une bonne situation dont la premiĂšre garde la fille. S’engage donc un jeu de sĂ©duction avec d’un cĂŽtĂ© la timide et de l’autre la dĂ©lurĂ©. Le tout est paru chez Vents d’Ouest.

Nous avons donc affaire ici Ă  une classique histoire sentimentale. La tentation, le dĂ©sir, les sentiments
 On n’est mĂȘme plus dans un triangle amoureux, mais plutĂŽt dans un hexagone ! Cependant, trĂšs vite on s’aperçoit que les personnages sont stĂ©rĂ©otypĂ©s. Plus choquant, les femmes sont toutes des garces et les hommes des ĂȘtres humains beaucoup plus sentimentaux et fidĂšles
 Étrange parti pris !

Pour un jeune public ?

UnePetiteTentation2Des personnages caricaturaux ne sont pas forcĂ©ment un problĂšme. On pourrait se voir dans un vaudeville sympathique. HĂ©las, les situations sont tout aussi fausses. A aucun moment, on ne croit vraiment Ă  tout ça. Entre une babysitter qui s’exhibe en soutif devant trois quadras ou un ex qui se taille les veines au cutter dans le couloir d’un immeuble, tout cela laisse un peu dubitatif. De mĂȘme, les deux jeunes filles sont Ă©tudiantes ET mineures. Je n’ai pu m’empĂȘcher de tiquer sur ce genre de dĂ©tails. Plusieurs fois, j’ai eu l’impression que ce livre Ă©tait plutĂŽt destinĂ© Ă  un jeune public. Mais pourtant, vu oĂč il est Ă©ditĂ©, ça ne semble pas ĂȘtre le cas. Quant Ă  la conclusion de l’ouvrage, elle va vraiment dans le sens d’une publication pour ado et/ou jeunes adultes. 

MalgrĂ© tout, la lecture mĂ©nage son suspense et ses surprises. La fin est trop moralisatrice et casse un peu finalement la dynamique de l’ouvrage. Le trait de Grelin est dynamique et plaisant. Ses filles sont sexy et illustrent trĂšs bien la notion de tentation
 Cependant, les expressions de visage un peu manga m’ont gĂȘnĂ© par moments. Clairement, ça ne fait pas partie de mes codes graphiques ! Les couleurs Ă©galement, trĂšs modernes, ne me parlent pas. C’est clairement une question de goĂ»t. Grelin a un style moderne oĂč il mĂ©lange de nombreuses influences (franco-belge, manga, voire Disney). De mĂȘme, la colorisation fait partie de canons du genre. Je regrette cependant un choix de faire des grandes cases finalement assez avares de dĂ©cors. Cela augmente la pagination pour pas grand-chose. Mais encore une fois, ça semble ĂȘtre une tendance du moment.

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« Une petite tentation » est un rĂ©cit sexy oĂč les jolies filles peu vĂȘtues sont bien prĂ©sentes. Inscrit dans une mouvance qui se veut moderne, je ne suis pas sĂ»r que cet ouvrage puisse toucher rĂ©ellement autre chose qu’un lectorat bien jeune qui fermera les yeux sur les incohĂ©rences du rĂ©cit et sur les caricatures de l’ensemble. Pour ma part, j’ai pris plaisir Ă  dĂ©vorer les filles des yeux. Peut-ĂȘtre que l’idĂ©e de faire un « roman graphique » n’était pas bien pertinente. Il semblerait qu’en 60 pages, tout aurait pu ĂȘtre dit.

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note2

De profundis

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Titre : De Profundis
Scénariste : Chanouga
Dessinateur : Chanouga
Parution : Avril 2011


« Quelque part entre Ceylan et BornĂ©o, des pĂȘcheurs racontent avoir autrefois ramenĂ© dans leurs filets un drĂŽle de naufragĂ©, une Ă©trange crĂ©ature chassĂ© du pays des sirĂšnes ». VoilĂ  ce que l’on peut lire en quatriĂšme de couverture de « De profundis », premiĂšre bande-dessinĂ©e scĂ©narisĂ©e et dessinĂ©e par Chanouga. Sous-titrĂ© « l’étrange voyage de Jonathan Melville », elle raconte l’histoire incroyable de ce marin.

Jonathan Melville est marin. Alors qu’il navigue sur une mer paisible, un typhon gigantesque et imprĂ©visible fait son apparition. Pris en pleine tempĂȘte, il va passer par-dessus bord et se retrouver sur une Ăźle non-rĂ©pertoriĂ©, sauvĂ© par deux jeunes filles Ă  l’air faussement innocent.

deprofundis2Ce roman graphique d’une centaine de pages est construit selon un procĂ©dĂ© de narration bien connu : Jonathan Ă©crit une lettre Ă  sa belle dans laquelle il raconte ses pĂ©ripĂ©ties. Le tout est donc articulĂ© autour de flashbacks, bien que la chronologie reste respectĂ©e dans l’ensemble. On n’a aucun problĂšme Ă  suivre les Ă©vĂšnements.

Une fable noire, Ă  l’onirisme perpĂ©tuel.

« De profundis » est avant tout une fable bien noire. Son onirisme perpĂ©tuel nous plonge dans une ambiance sombre et malsaine. A force de douter du rĂ©el en permanence, on finit par se demander si, finalement, le rĂȘve n’est pas complĂštement absent de ce rĂ©cit fantastique. Ainsi, cet ouvrage tient avant tout par son ambiance particuliĂšre, qui la renvoie aux contes les plus glauques de notre enfance. Une forme de retour aux sources en quelque sorte.

deprofundis4L’omniprĂ©sence de la narration donne un aspect trĂšs littĂ©raire Ă  cette bande-dessinĂ©e. Chanouga possĂšde une belle plume, ce qui renforce l’impression que le personnage nous Ă©crit sa lettre. Un peu comme si nous avions trouvĂ© une bouteille lancĂ©e Ă  la mer et que nous dĂ©couvrions son contenu. Nous nous retrouvons dans la peau de sa femme, rĂ©alisant ce qui est arrivĂ© Ă  son mari.

En marge des textes, la contemplation est trĂšs prĂ©sente. Les dialogues restent limitĂ©s et l’observation des paysages et des personnages se taille une part importante du gĂąteau. L’équilibre entre action, dialogues, narration et contemplation est vraiment bien dosĂ©, et ce sur les 100 pages. Le rythme de l’ouvrage s’en retrouve trĂšs bien Ă©quilibrĂ©.

Difficile de passer Ă  cĂŽtĂ© du travail graphique de « De Profundis ». C’est simplement magnifique. L’auteur garde son crayonnĂ©, sans l’encrer. Cela donne un aspect « dessin » Ă  l’ensemble, d’une grande richesse. Les couleurs sont splendides et s’accordent parfaitement Ă  cette technique. D’ailleurs,deprofundis3 la couleur participe grandement aux ambiances du livre, changeant souvent de tonalitĂ© selon les scĂšnes. Les paysages sont parfois de vĂ©ritables tableaux.

Les personnages ne sont pas en reste. Outre les deux « sirĂšnes », aux airs faussement innocents (et terriblement sensuel !), la petite sirĂšne est parfaitement rĂ©ussie Ă©galement. Sans en rĂ©vĂ©ler trop sur l’histoire, le travail sur les personnages par Chanouga se rĂ©vĂšle trĂšs subtil. Une seule particularitĂ©, dessinĂ©e sans excĂšs, entraĂźne un malaise immĂ©diat. Un peu comme si le lecteur s’apercevait d’une anomalie comme le personnage, se demandant s’il a bien vu ce qu’il a cru voir.

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Pour une premiĂšre bande-dessinĂ©e, « De Profundis » est un coup de maĂźtre ! Ambiance glauque, suspense haletant, narration de haute volĂ©e, dessin splendide et personnel
 Ce roman graphique est un bijou plein de poĂ©sie. Certes, cela ne plaira pas Ă  tout le monde tant l’ambiance est particuliĂšre, mais cette fable marine mĂ©rite le coup d’Ɠil. Et plutĂŽt deux fois qu’une !

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note5

Doomboy

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Titre : Doomboy
Scénariste : Tony Sandoval
Dessinateur : Tony Sandoval
Parution : Septembre 2011


Tony Sandoval est un auteur mexicain de bande-dessinĂ©e. Ayant vu l’une de ses expos, j’avais Ă©tĂ© marquĂ© par son graphisme particulier et par son univers trĂšs personnel. Je me suis donc procurĂ© « Doomboy », dont les critiques Ă©taient particuliĂšrement Ă©logieuses. « Doomboy » se prĂ©sente sous la forme d’un livre A4 au format paysage. Il compte pas moins de 128 pages et est Ă©ditĂ© aux Editions Paquet. Continuer la lecture de « Doomboy »

Mille tempĂȘtes

MilleTempetes


Titre : Mille tempĂȘtes
Scénariste : Tony Sandoval
Dessinateur : Tony Sandoval
Parution : Juin 2015


Avec « Doomboy », Tony Sandoval avait su toucher son public et les critiques de tout bord. Un graphisme reconnaissable immĂ©diatement et une histoire des plus touchantes lui avait permis d’obtenir un succĂšs bien mĂ©ritĂ©. De retour aujourd’hui avec « Mille tempĂȘtes », l’auteur reste sur ses sujets de prĂ©dilection : l’adolescence et le fantastique. Le tout est Ă©ditĂ© chez Paquet pour un total de 130 pages.

Lisa est une jeune fille à l’aube de l’adolescence. Orpheline de mùre, elle va accidentellement passer dans un monde parallùle et en ramener un objet, ouvrant une brùche à des bestioles et monstres de tout genre


Des adolescents et des monstres.

MilleTempetes2Outre la dose de fantastique qui habite ses ouvrages, Tony Sandoval semble obsĂ©dĂ© par la pĂ©riode de l’adolescente et de ses exclus. La marginalitĂ© et la violence du rejet sont au centre de ses Ɠuvres. En dĂ©calage avec les jeunes de son Ăąge, Lisa est persĂ©cutĂ©e. Cela donne des scĂšnes d’une rare violence typique de cet Ăąge ingrat. Mais au-delĂ  de cet aspect sociĂ©tal, c’est le fantastique qui englobe le tout. Lisa est accusĂ©e d’ĂȘtre une sorciĂšre et elle devra en effet mener un combat contre des forces d’un autre monde.

Le rĂ©cit de « Mille tempĂȘtes » manque clairement de lisibilitĂ©. Si dans d’autres ouvrages le lien entre les rĂ©cits fantastiques et adolescents sont Ă©vidents, c’est moins le cas dans cet ouvrage. On a plutĂŽt l’impression de lire deux histoires en parallĂšle. C’est une vraie dĂ©ception en lecture. Si on retrouve la patte de l’auteur, un peu de clartĂ© dans la narration n’aurait pas fait de mal. On pense notamment Ă  l’arrivĂ©e du pĂšre, un peu tardive façon deus ex machina.

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Graphiquement, en revanche, le plaisir est total. Le style personnel de Tony Sandoval se reconnaĂźt au premier coup d’Ɠil. Pourtant, l’auteur multiplie les techniques pour notre plus grand plaisir. DĂ©marrant avec un style Ă©purĂ© sans encrage Ă  l’aquarelle,  le rĂ©cit adopte alors un style plus conventionnel (case rectangulaire, colorisation en aplats numĂ©riques, encrage
). Des allers-retours sont alors frĂ©quents entre les techniques, la plupart du temps dictĂ©s par l’histoire (comme pour les changements de mondes par exemple). Il est dommage que certains changements graphiques laissent un peu dubitatif par leur intĂ©rĂȘt. Quoi qu’il en soit, le trait est toujours trĂšs beau et personnel. Tony Sandoval est l’un des dessinateurs qui me marque le plus actuellement par son univers original et reconnaissable entre mille.

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Une petite dĂ©ception pour ce « Mille tempĂȘtes ». Si le graphisme est puissant et certaines planches admirablement pensĂ©es, le fil rouge de l’histoire reste un peu confus, mĂȘme si les relectures apportent un peu de sens Ă  ce combat fantastique d’un autre monde.

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