Les guerres silencieuses – Jaime Martin

LesGuerresSilencieuses


Titre : Les guerres silencieuses
Scénariste : Jaime Martin
Dessinateur : Jaime Martin
Parution : Août 2013


Jaime Martin reste devant une page blanche. Il n’a aucune idĂ©e de scĂ©nario pour son prochain projet de bande-dessinĂ©e. Et son animositĂ© pour les autres ne l’aide pas. Un repas de famille va le dĂ©bloquer. Alors que son pĂšre ressasse une nouvelle fois son service militaire au Maroc, Jaime Martin en profite pour rĂ©cupĂ©rer les carnets de son gĂ©niteur et de voir s’il y a matiĂšre Ă  faire quelque chose avec. Cela aboutira sur « Les guerres silencieuses », un pavĂ© de 150 pages paru chez Dupuis, dans la collection Aire Libre.

Le livre se situe sur trois niveaux : le service militaire proprement dit, la vie sous la dictature de Franco et l’époque contemporaine, oĂč Jaime Martin se pose des questions sur l’intĂ©rĂȘt du projet. Il aurait Ă©tĂ© dommage de ne pas traiter le quotidien des espagnols des annĂ©es 50/60, car cela se rĂ©vĂšle trĂšs intĂ©ressants, mĂȘme si l’auteur insiste sur les rapports garçon/fille. Comment et pourquoi se marier, sous Franco, c’est assez codifiĂ©.

Une jeunesse pendant le régime franquiste.

LesGuerresSilencieuses1Le cƓur du sujet reste cependant le service militaire. Perdus au Maroc, dans une guerre plus ou moins cachĂ©e par le gouvernement, les jeunes espagnols se retrouvent dĂ©munis en plein dĂ©sert. Outre les habituels brimades et rapports de force, propres Ă  toutes les armĂ©es, c’est ici les problĂšmes d’alimentation qui sont au cƓur du sujet. Mal ravitaillĂ©s, les soldats crĂšvent de faim et toutes les combines sont bonnes pour mieux manger.

Jaime Martin retranscrit admirablement cette ambiance militaire. MĂȘme si c’est dĂ©jĂ  vu, tant au cinĂ©ma qu’en bande-dessinĂ©e, le livre se dĂ©vore et on tremble pour les personnages. Le tout n’est pas idĂ©alisĂ© dans les rapports humains et sonne juste. Cependant, aprĂšs avoir Ă©tĂ© passionnĂ© par le bouquin, le lecteur ne peut s’empĂȘcher d’ĂȘtre frustrĂ© par cette fin abrupte qui apparaĂźt soudain sans crier gare. Et Ă  la fermeture du bouquin, un sentiment d’inachevĂ© persiste. Il est assez clair que Jaime Martin a Ă©crit ce livre avant tout pour lui puisque c’est l’histoire de ses parents qu’il raconte. Les passages contemporains sont, pour nous lecteurs, assez lourds et inutiles. Ainsi, les questionnements de Martin sur l’intĂ©rĂȘt de son livre ne sont pas pertinents. Dans le pire des cas, cela dĂ©prĂ©cie son travail lorsqu’il estime faire un livre de plus sur l’armĂ©e.

Au niveau du dessin, c’est pour moi une rĂ©vĂ©lation. Je ne connaissais pas Jaime Martin et j’aime beaucoup son trait. Il possĂšde un dessin semi-rĂ©aliste trĂšs rĂ©ussi. Les couleurs sont au diapason, proposant trois ambiances comme chaque Ă©poque et lieu traversĂ©s. La narration est fluide et les 150 pages se dĂ©vorent tant on est lancĂ© sur des rails. Du beau travail !

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« Les guerres silencieuses » laisse un goĂ»t d’inachevĂ©. J’étais captivĂ© et impressionnĂ© par ma lecture, mais la fin du livre m’a déçu. Trop abrupte, trop personnelle, elle laisse un peu le lecteur de cĂŽtĂ©. Mais il serait dommage de passer Ă  cĂŽtĂ© de ce livre, qui traite d’une guerre dont personne n’a entendu parler, et d’un rĂ©gime franquiste qui ne laisse nulle place Ă  la romance !

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Dans l’atelier de Fournier – Nicoby & Joub

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Titre : Dans l’atelier de Fournier
Scénario : Joub & Nicoby
Dessin : Nicoby
Parution : Mars 2013


A l’occasion des 75 ans de Spirou, de nombreux livres sortent cette annĂ©e pour tĂ©moigner de cet anniversaire. Ainsi est paru aux Ă©ditions Dupuis (Ă©videmment !) « Dans l’atelier de Fournier » qui raconte la rencontre entre Nicoby, Joub et Fournier. Les deux premiers, fans du troisiĂšme, vont le voir chez lui afin qu’il leur narre son histoire, de ses dĂ©buts laborieux jusqu’aux derniers projets, en passant bien sĂ»r par les annĂ©es Spirou.

Mieux vaut connaĂźtre un minimum l’Ɠuvre de Fournier pour apprĂ©cier pleinement cet ouvrage. Celui qui est connu pour avoir pris « Spirou » Ă  la suite de Franquin a Ă©videmment eu d’autres vies. Cependant, il ne faut pas se limiter qu’à l’auteur breton. Car Ă  travers son histoire, c’est aussi une histoire de la bande-dessinĂ©e qui se dessine. Le rapport entre la publication en magazine et en albums, les festivals, les Ă©diteurs, les collĂšgues
 Fournier a Ă©tĂ© assez rejetĂ© par le milieu pour pouvoir en parler sans concession.

Un témoignage sur le métier de dessinateur.

Le tout passe par l’Ɠil admiratif de Nicoby et Joub. Leur cĂŽtĂ© fan est parfaitement adaptĂ© Ă  l’ouvrage. Connaissant sur le bout des doigts l’Ɠuvre de l’auteur, ils le questionnent sur ses ouvrages les moins connus. Du coup, inutile de chercher une quelconque critique de Fournier, le livre n’est pas lĂ  pour ça.

Quelques documents sont insĂ©rĂ©s au milieu de la conversation (comme des calques de Franquin oĂč il distille des conseils Ă  son protĂ©gĂ©) et Ă  la fin (planches, illustrations, synopsis
). Sous la forme de ce livre, c’est un vrai tĂ©moignage sur le mĂ©tier de dessinateur. L’approche par la discussion entre les personnages est trĂšs dynamique et fluide, si bien que l’on dĂ©vore l’ouvrage sans peine. 

J’aime beaucoup le trait de Nicoby et le fait qu’il dessine cet ouvrage m’a convaincu de l’acquĂ©rir. Ici, il fait mouche une nouvelle fois en dessinant des personnages trĂšs expressifs. Cela donne une vraie convivialitĂ© Ă  l’ensemble. Si bien que nous aussi on a l’impression d’ĂȘtre dans l’atelier de Fournier !

Ce livre est Ă  prendre pour ce qu’il est : un tĂ©moignage sur la carriĂšre de Fournier. Evidemment, ce dernier en sort grandi et dĂ©gage une indĂ©niable sympathie. Mais les critiques sous-jacentes de certaines pratiques dans la bande-dessinĂ©e (d’une Ă©poque du moins, mĂȘme si ça n’a pas du changer tant que ça) donne Ă  l’ouvrage un sujet plus large. Si vous aimez lire sur l’histoire de la bande-dessinĂ©e et sur ses auteurs, « Dans l’atelier de Fournier » est pour vous !

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Note : 14/20

Charly 9 – Richard GuĂ©rineau

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Titre : Charly 9
Scénariste : Richard Guérineau
Dessinateur : Richard Guérineau
Parution : Novembre 2013


 Avec « Charly 9 », Jean TeulĂ© a Ă©crit l’un de ses best-sellers. Relatant la culpabilitĂ© de Charles IX aprĂšs avoir ordonnĂ© le massacre de la Saint BarthĂ©lĂ©my, il permettait de dĂ©couvrir un roi soumis Ă  sa mĂšre Catherine de MĂ©dicis qui se ne remettra jamais de sa dĂ©cision. Lourde tĂąche donc pour Richard GuĂ©rineau de reprendre le flambeau en adaptant ce livre en bande-dessinĂ©e. Le tout est publiĂ© chez Delcourt dans la collection Mirages pour 128 pages de lecture.

Charly9aLe tout dĂ©marre par une scĂšne qui pose le personnage. AcculĂ© par sa mĂšre, son frĂšre et tous leurs conseillers, Charles IX ordonne le massacre de la Saint BarthĂ©lĂ©my. Mais c’est avant tout pour qu’on le laisse tranquille. Car tout est fait pour le manipuler. D’abord choquĂ© par l’idĂ©e que l’on assassine une personne, la discussion grandit et le nombre de victimes pressenties Ă©galement
 Lui ne veut pas, toute la cour le veut. Mais il est le Roi et il faut sa signature. Il l’appose et le voilĂ  condamnĂ© Ă  la culpabilitĂ©.

Des anecdotes à la pelle pour une seule année.

Le livre est construit selon des chapitres qui montrent le Roi peu Ă  peu sombrer dans la folie. MĂȘme si l’ensemble manque un peu de fluiditĂ©, la pertinence est Ă©vidente. Car ce sont les anecdotes qui montrent Charles IX devenir fou et malade. Richard GuĂ©rineau va Ă  l’essentiel et malgrĂ© les 128 pages, on ne s’ennuie Ă  aucun moment. Chaque planche est nĂ©cessaire. On retrouve aussi le sel de l’ouvrage de TeulĂ© avec beaucoup d’anecdotes historiques Ă  ressortir en soirĂ©e : l’origine du 1er avril et du 1er mai par exemple sont un dĂ©lice.

Charly9bAu-delĂ  de l’anecdote, le livre propose une galerie de personnages des plus connus. Outre la cour royale (Catherine de MĂ©dicis, la future reine Margot, Charles IX
), on retrouve des artistes (Ronsard) ou des personnalitĂ©s autres (Ambroise ParĂ©). Il n’en est pas trop fait lĂ -dessus. Cela permet surtout de voir quels liens avaient ces personnes avec le Roi. Plus Ă©tonnant, le langage parlĂ© par les personnages est Ă  la fois modernisĂ© et conservĂ© comme Ă  l’époque. Le tout est pourtant trĂšs fluide et agrĂ©able.

Concernant le dessin, c’est peu de dire que le trait de Richard GuĂ©rineau m’a sĂ©duit dans cet ouvrage. Je l’avais connu dans un registre plus rĂ©aliste et son passage Ă  un dessin plus caricatural est une vraie rĂ©ussite. Les gueules sont expressives, les dĂ©cors nous replongent dans la France d’antan et les choix graphiques sont pertinents. On a mĂȘme droit Ă  un hommage Ă  « Johan et Pirlouit » de Peyo ou Ă  « Lucky Luke » de Morris
 MalgrĂ© tout, les changements de style (notamment dans la colorisation) sont un peu perturbants. S’ils sont parfois parfaitement cohĂ©rents (comme pour la scĂšne finale), d’autres sont moins clairs dans leur intention. Visiblement, Richard GuĂ©rineau avait dĂ©cidĂ© de se faire plaisir ! Mais qu’il nous propose de nouveau des bande-dessinĂ©es rĂ©alisĂ©es dans ce style plus relĂąchĂ©, cela lui va trĂšs bien ! On retrouve cependant un vrai talent dans la mise en scĂšne et le dĂ©coupage. On sent qu’il y a du mĂ©tier derriĂšre !

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« Charly 9 » est une belle adaptation. Reprenant trĂšs bien le principe des Ɠuvres de Jean TeulĂ©, le lecteur restera difficilement indiffĂ©rent au cynisme et Ă  la violence de l’ensemble. Et bien que Charles IX nous paraisse torturĂ© et plus de culpabilitĂ©, il est aussi complĂštement inconscient et devient fou. Richard GuĂ©rineau parvient Ă  nous dresser le portrait complet d’un homme qui mourra de culpabilitĂ©. Et pourtant, on ne ressent pas forcĂ©ment d’empathie pour le personnage.

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Note : 15/20

L’invention du vide – Nicolas Debon

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Titre : L’invention du vide
Scénariste : Nicolas Debon
Dessinateur : Nicolas Debon
Parution : Juin 2012


Étant soumis au vertige, l’escalade est quelque chose qui m’est interdite par la force des choses. Histoire de pouvoir profiter des sensations au mieux malgrĂ© mon handicap, je me suis procuré« L’invention du vide » de Nicolas Debon. Paru chez Dargaud, dans la collection Long Courrier, ce one-shot de belle taille narre l’ascension d’un pic du massif du Mont Blanc par Mummery, Burgener et Venetz. Continuer la lecture de « L’invention du vide – Nicolas Debon »

Poulet aux prunes – Marjane Satrapi

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Titre : Poulet aux prunes
Scénariste : Marjane Satrapi
Dessinatrice : Marjane Satrapi
Parution : Octobre 2004


AprĂšs la lecture de PersĂ©polis, j’Ă©tais restĂ© un peu dubitatif. Si cette oeuvre possĂ©dait des qualitĂ©s indĂ©niables, je la trouvais un peu sur-cĂŽtĂ©e. Du coup, cela m’avait passĂ© l’envie de lire d’autres livres de Marjane Satrapi. Le temps passant, je dĂ©cidais de rĂ©viser mon jugement en lisant « Poulet aux prunes », son autre livre adaptĂ© (par l’auteure) sur le grand Ă©cran. Ce one-shot est paru dans la collection Ciboulette de l’Association.

TĂ©hĂ©ran, 1958. Nasser Ali cherche un tar. Son instrument a Ă©tĂ© cassĂ© et sans sa musique, il n’est plus rien. Mais malgrĂ© toutes ses tentatives, impossible de trouver un tar correct dans le pays, car il possĂ©dait le meilleur de tous. Incapable de jouer une quelconque mĂ©lodie, Nasser Ali perd sa raison de vivre et dĂ©cide de se laisser mourir.

Le portrait d’un homme dĂ©sespĂ©rĂ©

« Poulet au prunes » est construit sur une sĂ©rie de chapitres articulĂ©s sur les journĂ©es que Nasser Ali passe Ă  attendre la mort. Des flashbacks viennent complĂ©ter l’ensemble afin d’expliquer la vie de cet homme et ce qui l’a amenĂ© aujourd’hui Ă  de telles extrĂ©mitĂ©s. La narration est plaisante et facile Ă  suivre. Les zones d’ombres s’éclaircissent rĂ©guliĂšrement et tracent le portrait d’un homme. Comme pour « PersĂ©polis », Satrapi dĂ©crit quelque peu l’Iran, mĂȘme si ici la personne de Nasser Ali reste centrale. MalgrĂ© tout, le livre fait de multiples digressions sur la famille de l’homme. Parfois, on s’égare un peu, Satrapi s’inspirant avant tout une nouvelle fois de sa propre famille pour Ă©crire.

Beaucoup de lecteurs citent l’humour comme force de Marjane Satrapi. J’avoue ne pas y voir de quoi sourire. C’est avant tout la capacitĂ© de traiter de sujets graves sans pathos inutile et avec une sorte de lĂ©gĂšretĂ© qui fait la force de l’ouvrage. Il y a beaucoup de sensibilitĂ© dans ce « Poulet aux prunes ».

Au niveau du dessin, je ne suis pas vraiment fan du trait de Marjane Strapi. Son noir et blanc pur est un peu inĂ©gal, capable de trĂšs belles choses et parfois un peu lĂ©ger. MalgrĂ© tout, cela suffit Ă  faire passer les Ă©motions et c’est tout ce qui compte !

Marjane Satrapi nous propose ici un conte triste et sensible, oĂč la lĂ©gĂšretĂ© de la narration attĂ©nue quelque peu le drame. On s’attache beaucoup Ă  Nasser Ali et on le pleure comme la perte d’un vieil ami. Une belle histoire.

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Note : 15/20