Titre : La horde du contrevent, T1 : Le cosmos est mon campement
Scénario : Éric Henninon
Dessinateur : Éric Henninon
Parution : Octobre 2017
« La horde du contrevent » d’Alain Damasio est un roman qui m’a particulièrement marqué. J’ai dû m’y reprendre à deux fois pour aller au bout, tant les débuts sont austères pour le lecteur. Myriade de personnages avec chacun sa voix… Mais au final, un roman incroyable et unique, au style littéraire exceptionnel. Quelle idée a donc piqué Éric Henninon de vouloir adapter ce livre plus de 10 ans après sa parution ? Comment représenter cette horde dont le but est de marcher contre le vent ? Ce premier tome est là pour nous donner la réponse.
Une adaptation réussie
Le roman étant culte, il va sans dire que le dessinateur va avoir droit à des hordes de fans qui vont lui tomber dessus. Premier accroc : le nombre de personnages. La horde est réduite aux personnages essentiels. Selon moi, ce n’est pas un défaut car le livre comportait presque trop de personnages, dont certains n’était pas vraiment exploités. Et en leur donnant un visage (alors que Damasio leur donnait avant tout une voix et un symbole), la lecture est bien plus aisée. Une belle porte d’entrée pour les novices, un plaisir de retrouver cet univers pour les primo-lecteurs.
Dans le monde de « La horde du contrevent », le vent est l’élément majeur. Il souffle d’amont en aval, indéfiniment. Les trois peuplades majeures se sont adaptées comme elles le pouvaient : certaines vivent cachées sous terre, derrière des murs ou utilisent des voiliers pour se déplacer. Car ce vent tue par sa violence. Au bout du monde, en aval, un peuple envoie à chaque génération une horde de marcheurs destinés à atteindre l’extrême-amont, là où nait le vent. Élevés dès leur naissance, chacun a son rôle : il y a l’homme de tête, le noble, le scribe, les crocs… Chaque rôle est différent mais essentiel : la horde ne tient face au vent que par sa cohésion.
Si ce premier tome est dense, il n’est pourtant réellement que l’introduction : on découvre la horde, sa façon de marcher, les relations entre les personnages et leur premier furvent… La bande dessinée est clairement différente du livre. Il faudra l’accepter. Là où Damasio montrait un talent incroyable pour le style littéraire, Henninon le fait pour le dessin. Car au-delà de la représentation des paysages désertiques rongés par le vent, le dessinateur montre le vent comme jamais on ne l’a vu. Il est partout et lorsqu’il se déchaîne, c’est un spectacle incroyable pour nos yeux. Pour un élément aussi lié à l’ouïe et au toucher, Henninon parvient à nous le faire voir par son trait.
Si on met de côté le vent, véritable personnage de l’histoire, le dessinateur impressionne par son dessin. Plutôt classique, voir old school par certains aspects, il brille par son efficacité. Les plans, la composition des planches, les personnages, les paysages, tout fonctionne parfaitement. La colorisation dans les tons ocres et désaturés renforce l’âpreté des décors. Elle se fait bleue lorsque la nuit vient. Bref, c’est du très beau travail.
« La horde du contrevent » est un travail remarquable d’adaptation. Éric Henninon fait des choix et le résultat est à la hauteur de ce que l’on pouvait attendre : un univers riche et original, des personnages forts et ce vent, présent encore et toujours. Cet ouvrage paraissait impossible à adapter, l’auteur a pour le moment trouvé le moyen de le faire. Reste à espérer qu’il parviendra à nous enchanter par la suite. Mais le début paraissait le plus difficile à réaliser, on ne peut qu’être optimiste pour les prochains tomes !