Le journal d’un ingénu


Titre : Le journal d’un ingénu
Scénariste : Émile Bravo
Dessinateur : Émile Bravo
Parution : Avril 2008


Spirou est un des personnages de bandes dessinées qui a accompagné mes premières années de lecture il y a plus de trente ans. J’ai énormément d’affection pour les albums scénarisés et dessinés par Franquin. Les opus suivants nés de la plume d’autres auteurs m’ont moins conquis. Il y a quelques années, j’ai été intrigué par l’apparition dans les rayons de librairie des premiers tomes de la série Le Spirou de. Cette dernière avait pour principe de confier Spirou à une grande variété d’auteurs en leur offrant une grande liberté de narration. Je m’étais naturellement précipité sur Panique en Atlantique scénarisé par Trondheim. J’avais trouvé la lecture agréable mais elle n’avait pas généré chez moi la volonté de collectionner les différentes parutions de cette série. C’est en lisant une interview d’Émile Bravo dans la revue dBD que l’envie m’est venue de découvrir sa version du plus célèbre des grooms. C’est ainsi que je me suis offert Le journal d’un ingénu, première aventure du Spirou de l’auteur.

La génèse d’un héros

« Qui laisse voir librement et naïvement ses sentiments. »  Telle est la définition du mot ingénu que j’ai trouvé sur le site Larousse. Le fait que Spirou soit qualifié ainsi est intéressant. Cela sous-entend que le lecteur va découvrir la genèse d’un héros qui avant d’être un célèbre aventurier a été un enfant qui découvrait le monde. C’est l’amorce de cette évolution que nous conte cet album. Je trouve ce choix scénaristique très intéressant. Le talent de l’auteur sublime cette thématique en positionnant le lecteur dans les pas d’un jeune garçon au passé difficile qui n’a pas encore conscience du monde qui l’entoure. Grandir quand le monde est en danger n’est pas une chose simple. Comment vivre son premier amour pendant que le monde est en train d’entrer en guerre ? Comment devenir adulte et accepter d’abandonner son droit la naïveté ? Ces questions sont joliment traitées tout au long de cet ouvrage.

Cet album nous présente une explication au légendaire costume de Spirou. Il est engagé comme groom dans un grand hôtel bruxellois qui le voit croiser l’élite de la société. On y découvre aussi sa rencontre avec Spip et Fantasio. L’auteur prend le temps pour nous conter les origines du héros. J’ai vraiment apprécié le rythme de la narration qui nous narre subtilement le passage de l’insouciance de l’enfance à la dramaturgie de la réalité de la vie d’adulte. La douceur et le réalisme avec lequel le parcours de Spirou est un petit bijou d’écriture que j’ai savouré avec appétit.

L’intrigue ne se réduit pas à suivre le destin du héros. L’auteur a créé une grande et belle galerie de personnages secondaires qui enrichissent et densifient l’histoire. Certains sont de passage, d’autres sont plus récurrents. Certains impactent le quotidien de Spirou, d’autres celui du monde. Le fait est que ce charmant casting est remarquablement exploité par le scénario et participe fortement à la construction de l’atmosphère captivante et envoutante de cet album.

L’histoire s’inscrit dans la grande Histoire. En effet, Spirou se trouve mêler de manières indirectes et multiples à des évènements liés au conflit mondial qui se prépare en 1939. Je trouve cet aspect joliment inséré dans la trame. Il arrive de manière discrète et voit son ampleur grandir au fur et à mesure que Spirou prend conscience de la réalité qui l’entoure. Je trouve toujours intéressant de faire vivre les grandes dates de l’Histoire à travers le regard et le quotidien d’hommes et de femmes. La maestria narrative de l’auteur a éveillé fortement ma curiosité quant à l’évolution du héros et au rôle qu’il va prendre dans la guerre qui arrive.

Les dessins finissent de sublimer ce scénario joliment construit. Je découvre ici le trait d’Émile Bravo. Je ne regrette pas ma rencontre. Je trouve que son style possède une vraie personnalité qui offre une épaisseur au cadre de l’histoire. L’époque, les lieux… Tout est remarquablement transcrit sur le plan graphique. Le travail sur les personnages est également à signaler. Chacun possède une identité forte qui nous permet de nous l’approprier immédiatement.

Pour conclure, je suis sorti sous le charme de ma lecture. Cet album est, à mes yeux, un petit bijou dont je conseille la lecture à tous. De mon côté, je n’ai qu’une envie : m’empresser d’aller découvrir la suite tant je me suis laissé emporter par cette histoire et son héros…

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