Titre : Mélodie au Crépuscule
Scénariste : Renaud Dillies
Dessinateur : Renaud Dillies
Parution : Octobre 2006
Etant très fan de Renaud Dillies, c’est avec plaisir que je suis tombé sur l’un de ses ouvrages à la médiathèque intitulé « Mélodie au crépuscule ». Cet ouvrage est hélas épuisé aujourd’hui. « Mélodie au crépuscule » est un one-shot de 78 pages scénarisé et dessiné par l’auteur. Il met en scène un oiseau tout en longueur appelé Scipion Nisimov qui va tenter d’apprendre le violon suite à sa rencontre avec Tchavolo Naguine, un gitan qui voyage seul avec sa roulotte.
Tous les thèmes de prédilection de Renaud Dillies se retrouvent dans cet ouvrage : les rencontres, l’amitié, la musique, la quête initiatique, l’intolérance, les gitans, le voyage… Ce sont de véritables obsessions chez l’auteur qui les développent toujours de façons différentes. Scipion a un métier insipide dans une ville agressive et va s’apercevoir que sa copine le trompe. Autant de remises en question qui vont le pousser à voyager et à s’échapper de ce monde qui le rejette.
Un ouvrage sur la solitude.
Cet ouvrage est avant tout sur la solitude. Entouré ou non, on sent comme Scipion est seul et incompris. Seule sa rencontre avec Tchavolo lui donne un soupçon d’espoir : il va apprendre à jouer du violon. Cependant, cet échappatoire va se révéler rapidement insuffisant et Scipion va rechercher ce qu’il a perdu : Tchavolo. En cela, on retrouve un peu l’histoire de « Bulles & Nacelles », bien que traité de façon très différente.
Encore une fois, Dillies parvient à construire un monde poétique, presque enfantin et pourtant très cruel. L’aspect onirique de l’ensemble est omniprésent et il n’est pas rare que rêve et réalité se mélangent. Les métaphores sont nombreuses et font toujours mouche. Ainsi, Scipion, écrasé par un poids énorme, en sera libéré par la musique de Tchavolo.
Comme souvent dans ses œuvres, Dillies construit ses pages de façon très méthodique. On retrouve sur chaque page 6 cases carrées, formant trois lignes et deux colonnes. Cependant, ce cadre rigide Dillies se l’impose pour mieux le transcender à l’image de ces planches magnifiques où il représente l’immeuble ou vit l’échassier, ou de cet oiseau de feu qui traverse la page pendant que Tchavolo joue. Parvenir à autant de liberté avec un cadre aussi rigide tient de la virtuosité !
Au niveau du dessin, Dillies délaisse l’aspect « crayonné » de ses autres œuvres pour quelque chose de plus simple, penchant vers la ligne claire. Si c’est un peu décevant au premier abord, on retrouve cependant l’aspect enfantin des personnages animaliers. Son dessin transforme instantanément son histoire en un conte poétique. Mais ne nous y trompons pas : le propos est dur et sombre et n’est pas du tout destiné à des enfants. Il est d’ailleurs assez remarquable de voir que les planches possèdent un vrai dynamisme. En effet, la couleur est uniquement constituées d’aplats simples. Et certaines cases possèdent parfois à peine plus d’un trait à l’intérieur… Malgré cette simplicité, l’enchaînement des cases, très maîtrisé, permet une richesse graphique permanente.
Sans être aussi marquant que d’autres de ses œuvres, « Mélodie au crépuscule » est quand bien même un œuvre formidable. Les trouvailles graphiques sont nombreuses, la narration bien menée et l’univers attachant. Sous un vernis très poétique, l’histoire est avant tout sombre et peu optimiste. Dillies, en grand raconteur d’histoire, a fait mouche encore une fois. On ne peut refermer cet ouvrage sans y repenser ensuite et n’avoir qu’une envie, le relire immédiatement.
Ce Dillies est un magicien…!
Oui ! 🙂