Titre : Mon ami Dahmer
Scénariste : Derf Backderf
Dessinateur : Derf Backderf
Parution : Février 2013
Mon ami Dahmer est un ouvrage dont la sortie en mars dernier n’a pas laissé les bédéphiles indifférents. Edité chez Ca et Là, il est l’œuvre de l’auteur américain Derf Backderf. Il se compose d’environ deux cents pages. Son prix avoisine vingt euros. Mais ce ne sont pas ses caractéristiques administratives qui ont fait sortir ce bouquin du lot mais sa thématique. Le personnage qui donne son titre au livre est un célèbre tueur en série. Il se révèle que Backderf l’a côtoyé au lycée. Son point de vue narratif s’avère donc intéressant et original. C’est pour cette raison et pour avoir lu nombre de critiques élogieuses que j’ai décidé de découvrir cet album finalement assez unique dans son genre…
La quatrième de couverture nous offre les mots suivants : « Derf Backderf a passé son enfance à Richfield, petite ville de l’Ohio situé non loin de Cleveland. Au début des années 1970, il entre au collège, où il fait la connaissance de Jeffrey Dahmer, un enfant solitaire au comportement un peu étrange. Les deux ados se lient d’amitié et font leur scolarité ensemble jusqu’à la fin du lycée. Jeffrey Dahmer deviendra par la suite l’un des pires serial killers de l’histoire des Etats-Unis. Arrêté en 1991, puis condamné à neuf cent cinquante-sept ans de prison pour une série de dix-sept meurtres. Dahmer, surnommé « le cannibale de Milwaukee », finira assassiné dans sa cellule en 1994. Mon ami Dahmer est le récit de la jeunesse de ce tueur. »
Le premier aspect qui m’a attiré vers cet ouvrage est la dimension réelle de son propos. Le fait que l’auteur est connu et fréquenté le futur tueur attise la curiosité. J’espérais donc une lecture intense et prenante. Je pensais m’immerger dans une longue marche irrémédiable vers l’horrible et l’inhumain. En introduction, Backderf nous indique qu’il a complété ses souvenirs avec un lourd et rigoureux travail de recherche. D’ailleurs tout cela est mis en valeur dans le dossier qui conclue l’album et qui nous amène un gros lot d’informations fort intéressant d’ailleurs. Il est également évident que la thématique du livre ne s’adresse pas à tous les lecteurs. L’issue est inexorablement horrible. Il ne faut donc pas sensible à ce genre de narration pour s’y plonger.
Le sentiment de découvrir un documentaire
La lecture est intéressante car Backderf n’a pas bâclé la réalisation de son ouvrage. Elle est le fruit d’une réflexion et de recherches. Il a vraiment cherché à offrir une histoire précise et juste. Très rapidement, j’ai eu le sentiment de découvrir un documentaire. La préface, l’introduction et le dossier à la fin allaient dans ce sens. De plus, le ton employé par le narrateur est omniscient. La « voix off » qui nous conte les événements connait le dénouement de tout cela. A aucun moment, elle ne laisse planer le doute. Elle nous rappelle en permanence la nature future du personnage principal. Parallèlement, elle met également tous les moments où Dahmer a tendu la main vers une aide espérée inconsciemment. Elle fustige l’absence d’empathie des adultes à l’égard de cet ado pas comme les autres. La lecture se fait aisément. L’évolution de Dahmer est habilement évoquée. A aucun moment, l’auteur ne se veut excessif dans son propos. J’ai senti le fait qu’il cherche à prendre du recul sur ce personnage qui a occupé une place dans son univers d’adolescent.
En ouvrant le livre, je pensais que l’auteur ferait un autre choix narratif. J’avais supposé que Dahmer serait perçu à travers le regard adolescent de Backderf. Cette optique aurait permis de mettre en avant le fait que ses amis et lui n’avaient jamais perçu le futur tueur comme tel mais uniquement comme un élève solitaire et légèrement asocial. Le fait de percevoir les événements par un regard extérieur finalement empêche, de mon point de vue, l’ouvrage d’être envahi par une atmosphère oppressante. Cette manière de construire l’histoire fait que je suis resté spectateur et que j’ai jamais réussi à m’identifier au personnage jeune de Backderf qui sans le savoir côtoyer un monstre. L’optique documentaire se défend parfaitement et j’ai pris beaucoup de plaisir à m’y plonger. Mais j’avoue que j’espérais davantage de l’ambiance qui habitait ma lecture.
Côté dessin, je les trouve très américains. Je ne pourrais pas détailler les raisons de ce sentiment mais c’est la première impression que j’ai eue en découvrant la couverture de ce bouquin qui nous présentait Dahmer, assis en classe et coupé du monde qui l’entoure. Toute l’intrigue est en noir et blanc. Le trait est agréable et n’est absolument pas surchargé. Le dessin ne se veut pas particulièrement réaliste. L’auteur possède un style qui colle parfaitement à la narration. Le fait que les illustrations sont « faciles d’accès » rend facile la lecture des deux cents pages de l’ouvrage.
Pour conclusion, Mon ami Dahmer est un ouvrage assez unique dans son genre. Il est intéressant, bien construit et sérieusement documenté. J’ai le sentiment qu’il est le fruit d’un long et méticuleux travail. La dimension informative est pertinente et m’a comblé. Par contre, je suis moins enthousiaste que d’autres sur l’atmosphère qui envahit le lecteur au fur et à mesure que les pages défilent. Le choix narratif de l’auteur atténue cet aspect. Ce n’est pas une critique mais un fait. L’optique choisie se défend d’autant plus quand elle est habilement exploitée. Je vous conseille donc de le découvrir si l’occasion se présente car il ne ressemble à rien d’autre et ne laissera personne indifférent. Ce n’est déjà pas si mal…