Titre : Tamara Drewe
Scénariste : Posy Simmonds
Dessinateur : Posy Simmonds
Parution : Octobre 2008
Stonefield. Un village anglais reculé où calme et ennui se disputent la suprématie du lieu. C’est en ce lieu que Nicolas Hartigan et sa femme Beth ont établi une retraite pour écrivains en mal d’inspiration. Ici, on s’occupe d’eux et ils n’ont plus qu’à se préoccuper de leur ouvrage en devenir. Tout en profitant au passage des conseils de Nicolas, dont la série « Docteur Inchcombe » jouit d’un succès en librairie depuis de nombreuses années. Mais voilà que la fille de la voisine, Tamara Drewe, décide de revenir dans la maison de son enfance. Maintenant qu’elle s’est fait refaire le nez, elle affole tous les mâles du voisinage…
Des personnages hauts en couleur
« Tamara Drewe » est un roman graphique de 130 pages. Le terme « roman » ici prend tout son sens car l’ouvrage alterne pages de bande-dessinée et pages de textes illustrés. La mécanique est bien huilée, la narration se faisant avant tout par des textes et les phases dialoguées par de la bande-dessinée. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette façon de fonctionner se révèle d’une grande fluidité. La narration permet d’entrer dans les pensées des personnages et densifie le propos. Quant aux planches de BD, elles allègent la lecture. Le tout est construit en quatre parties correspondant aux quatre saisons. On passe donc une année à Stonefield. Posy Simmonds maîtrise réellement ses procédés narratifs. Ajoutez à cela les flashbacks réguliers en bichromie et vous obtenez un ouvrage particulièrement bien maîtrisé sur la forme. Mais qu’en est-il du fond ?
C’est peut-être là que réside la plupart des réserves que l’on pourrait faire à ce « Tamara Drewe ». Que raconte ce livre ? D’un côté, on a Tamara qui, après une chirurgie plastique, est devenue une journaliste à la mode à Londres et semble bien perdue. Ses relations amoureuses n’en sont pas meilleures qu’avant. Une critique de l’apparence ? De l’autre côté, la communauté d’écrivains est clairement une satire du milieu intellectuel. Le personnage de Nicolas est véritablement infecte et les écrivains médiocres se succèdent autour de lui. Enfin, l’ennui au village (notamment pour les jeunes) devient également un thème central au fur et à mesure de la lecture.
Abondance de thèmes n’est pas forcément signe de qualité. « Tamara Drewe » raconte avant tout l’histoire d’un village et de sa communauté de lecteur. L’apport d’un élément extérieur, Tamara, va tout bouleverser. C’est finalement l’équilibre de cet écosystème fragile qui est remis en cause par une jeune femme trop attirante et aguicheuse. Force est de constater que l’on se prend au jeu et aux enjeux. Les personnages sont hauts en couleur et rendus d’autant plus proches par le fait qu’ils nous narrent leur propre histoire. On passe ainsi que Beth à Glen, puis Casey, chacun apportant son point de vue.
La qualité des textes de Simmonds ne sont pas exceptionnels, ni littérairement passionnants, mais suffisamment travaillés pour ne pas donner l’impression d’une narration bâclée. La lecture est facile et légère, c’est ce que l’on attend de ce genre d’ouvrage. L’auteure rajoute également des extraits des articles de Tamara, des SMS envoyées par les adolescentes, des pages internet… Tout cela enrichit considérablement la palette narrative de « Tamara Drewe ».
Le dessin de Posy Simmonds m’a beaucoup séduit. Les décors sont précis et nous donnent un bel aperçu de la campagne anglaise. Les personnages sont bien identifiés et expressifs. Quant aux couleurs, très douces, elles renforcent l’ambiance de l’ouvrage.
« Tamara Drewe » est une œuvre de qualité. Le mélange des genres est parfaitement maîtrisé. On est happé par l’histoire de Stonefield et on a bien du mal à lâcher les 130 pages que comptent le livre. Si un certain essoufflement apparaît à la fin de l’ouvrage, « Tamara Drewe » est clairement une œuvre à découvrir.