L’arabe du futur, T2 : Une jeunesse au Moyen-Orient (1984-1985) – Riad Sattouf

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Titre : L’arabe du futur, T2 : Une jeunesse au Moyen-Orient (1984-1985)
Scénariste : Riad Sattouf
Dessinateur : Riad Sattouf
Parution : Juin 2015


Riad Sattouf s’est lancé dans une importante autobiographie de jeunesse avec « L’arabe du futur ». Le premier tome étant reparti du festival d’Angoulême avec le Fauve d’Or, ce deuxième opus était attendu au tournant. Se concentrant sur une année de Riad en Syrie (contre 5-6 ans dans le tome précédent), il prend le temps de développer le propos. Il faut dire que Riad vieillit et les souvenirs se font aussi plus précis. Le tout est toujours volumineux (140 pages) et publié chez Allary Editions.

LArabeDuFutur2bOn avait quitté Riad en Bretagne alors qu’il devait retourner en Syrie et commencer l’école. Cette dernière prend une place non-négligeable dans l’ouvrage et les âmes sensibles sont priées de rester fortes : brimades et violences physiques sont de la partie dans les classes surpeuplées. L’auteur n’hésite pas non plus à questionner l’enseignement qui est fourni aux élèves (apprendre une sourate du Coran, certes, mais pourquoi ne pas en expliquer le sens ?). Il apprend donc aussi l’arabe en classe et, parallèlement, le français avec sa mère.

Un père lâche et menteur, une mère passive qui se réveille un peu.

Côté famille, le petit frère de Riad semble inexistant. Choix étrange de la part de l’auteur qui n’en parle presque jamais. Quand il est mentionné, on se surprend à se rappeler son existence. Le père, adulé dans le premier tome par le petit Riad, est moins apprécié par son fils. Il paraît toujours aussi lâche et menteur. Il passe son temps à annoncer plein de choses et rien ne se concrétise. Ainsi, il est censé devoir construire une grande villa pour sa famille qui continue à vivre dans un appartement à moitié vide et délabré… On est presque rassuré de voir sa mère, très passive auparavant, perdre patience, exigeant une cuisinière par exemple… Cependant, elle protège Riad de bien loin, empêchant quand même son père d’utiliser à tout escient l’adage « c’était comme ça pour moi et, regarde, je suis docteur. »

L’ouvrage décrit donc de manière consciencieuse, par les yeux d’un petit garçon, la société syrienne des années 80. On sent que le piston et les trafics en tous genres sont les seuls moyens de s’en sortir. Son père essaye bien de copiner, mais il ne fait pas partie du beau monde et n’arrive pas à monter dans l’échelle sociale. Après des débuts de vie un peu mouvementés, la famille s’installe durablement en Syrie et on sent poindre les tensions. Ce deuxième livre développe donc plus en longueur les relations entre les personnages.

Le dessin de Riad est toujours adapté au propos, les expressions des personnages faisant des merveilles. Le choix de la bichromie est pertinent. L’ouvrage est rose, teinté de vert et de rouge. Seul le passage en France (qui paraît du coup complètement décalé dans ses atmosphères !) est bleu afin d’accentuer les contrastes entre les deux pays.

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Riad Sattouf confirme tout le bien que l’on pouvait penser de son autobiographie. Si on retrouve la noirceur, l’humour et l’aspect documentaire de son premier tome, cet opus possède sa propre identité en se concentrant plus longuement sur la Syrie.

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Note : 15/20

Barracuda, T5 : Cannibales – Jean Dufaux & Jérémy

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Titre : Barracuda, T5 : Cannibales
Scénariste : Jean Dufaux
Dessinateur : Jérémy
Parution : Juin 2015


Déjà le cinquième tome pour « Barracuda ». Scénarisé par le vétéran Jean Dufaux et dessiné par le novice Jérémy, cette série de pirates a créé la sensation dès le départ avec son dessin splendide et son scénario impitoyable. Mais une fois quatre tomes derrière, comment éviter que le tout s’enlise inéluctablement ? Car on sait bien qu’une série qui fonctionne bien est souvent rallongée. Est-ce le cas ici ? Le tout est publié chez Dargaud sous la forme d’un album classique.

Le titre de l’ouvrage spoile un peu l’histoire en s’intitulant « Cannibales »… Toujours est-il qu’on plonge réellement dans l’histoire de base autour du capitaine Blackdog et du diamant du Kashar. Jean Dufaux nous avait habitués à donner à chaque tome son unité. C’est le cas ici. Malgré quelques événements sur l’île de Puerto Blanco, l’essentiel de l’ouvrage se passe sur une île perdue peuplée de cannibales.

Des codes classiques de la piraterie.

Barracuda5bEncore une fois, les auteurs utilisent les codes classiques de la piraterie pour nous séduire. Île perdue, cannibales, maladies, recherche de trésor, trahisons… Le tout se lit avec plaisir, Jean Dufaux n’oubliant pas d’ajouter une bonne dose de barbarie pour nous émouvoir. Malgré tout, le propos est moins fort que dans les tomes précédents.  Certes, il y a des cannibales, mais on ne sent jamais vraiment les personnages en danger. Ces derniers évoluent désormais moins et on se retrouve dans une action/aventure plus classique. On pense à Barbe-Rouge par moments. La première partie de la série, qui construisaient les (jeunes) personnages était plus intéressante que la seconde, plutôt basée sur l’action.

Après avoir passé beaucoup de temps sur Puerto Blanco (ce qui semblait finalement le thème de la série malgré la référence au navire Barracuda), on s’en éloigne donc. Malgré tout, la fin du livre donne l’idée d’un final sur l’île (le tome 6 doit clore le récit). Nous avons donc ici un tome de transition.

C’est Blackdog qui donne ici de la puissance au récit. Sa gueule, son caractère, son obsession en font un personnage fort. Très peu présent après le premier tome, il revient pour mieux terroriser tous les autres protagonistes. Véritable fantôme, il est le facteur X de l’histoire : incontrôlable et dangereux.

Au niveau du dessin, Jérémy continue de nous enchanter avec des planches de toute beauté. Il n’hésite pas à jouer des couleurs, mettant en valeur les rouges de façon obsessionnelle. Ses ambiances sont réussies et ses personnages ont tous des gueules bien identifiés. Cependant, je l’ai trouvé un peu moins marquant, mais peut-être est-ce seulement que je me suis habitué à son style. Un auteur qui s’est révélé dès le premier tome et qu’on aura le plaisir de retrouver dans d’autres séries plus tard.

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Ce tome 5 m’a laissé un peu sur ma faim. « Barracuda » commençait à s’essouffler et le sixième et dernier tome arrivera à point nommé. Tout est désormais bien posé pour un final en apothéose. En espérant que les auteurs arriveront à refermer les nombreuses histoires secondaires qu’ils ont développées. Quant aux personnages, on se demande bien qui arrivera à survivre à la boucherie qui s’annonce !

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Note : 14/20

Roi ours – Mobidic

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Titre : Roi ours
Scénario : Mobidic
Dessinateur : Mobidic
Parution : Mai 2015


Une première bande-dessinée est toujours une épreuve pour un auteur en devenir. Mobidic (au pseudo évocateur !) se lance dans le bain chez Delcourt avec un one-shot qu’il scénarise et dessine, « Roi ours ». Ancré dans les croyances amérindiennes, il présente l’histoire d’une jeune fille, Xipil, destinée à être sacrifiée à la déesse caïman. Elle est alors sauvée par le Roi Ours et se voit contrainte de se marier avec lui. Le tout pèse 110 pages pour un format A4.

Le scénario se base sur la découverte du monde des dieux par une mortelle (même si les dieux y sont mortels également). Les entourloupes, les négociations, les humiliations… Xipil a bien du mal à s’intégrer, alors que son espèce est considérée comme en bas de la chaîne alimentaire. Heureusement, elle y trouve le soutien de son mari et de la mère des singes, qui fait un peu partie de la famille.

Une fable un peu écologique.

RoiOurs2Si le début de l’histoire est plutôt bien mené, on reste un peu sur notre faim. Les développements amenés trouvent une fin un peu brutale. Même si le sens de l’ouvrage prend son sens à sa fermeture, il y a, dans la narration, une impression que l’on partait vers ailleurs. Qu’importe, « Roi ours » possède un univers, une ambiance, une personnalité qui transparaît dès les premières pages. Le sujet abordé est original et, finalement, bien développé. Mais alors qu’on imaginait en début de livre une histoire complexe, on est plutôt du côté de la fable. Pris ainsi, « Roi ours » remplit son contrat.

Pour mener son histoire, Mobidic maîtrise pleinement son découpage. Aussi à l’aise dans les scènes d’action ou les scènes intimistes, il alterne également les pages de dialogue avec les pages muettes. Le tout avec autant de pertinence.

Le dessin est un gros point fort de l’album. Mobidic possède un trait qui rappelle immanquablement le dessin animé, tant par ses animaux que par sa façon de dessiner les humains. Et si quelques rares cases sont maladroites, l’ensemble est assez remarquable. La beauté des images saute aux yeux, les personnages sont expressifs et les cadrages sont parfaitement maîtrisés. Et que dire des couleurs, au diapason du trait ? Elles embellissent le dessin et renforcent les ambiances avec talent. On pourra cependant regretter un encrage et un lettrage un peu trop gros pour le format. Un livre au format comics aurait été certainement un meilleur choix pour l’édition. Un mauvais choix de l’éditeur pour le coup.

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Mobidic, pour son premier album, s’est occupé de tout. Et si ce « Roi ours » possède quelques imperfections, il reste un livre d’une vraie beauté, doté d’un scénario original, sorte de fable fantastique et (un peu) écologique. Un auteur à suivre, tant sa maîtrise du sujet est évidente.

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Note : 15/20

Wollodrïn, T5 : Celui qui dort, 1/2 – David Chauvel & Jérôme Lereculey

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Titre : Wollodrïn, T5 : Celui qui dort, 1/2
Scénariste : David Chauvel
Dessinateur : Jérôme Lereculey
Parution : Octobre 2014


« Wollodrïn » ravira les adeptes d’heroïc fantasy et d’univers à la Tolkien. Cette série immerge le lecteur dans un monde peuplé de nains, chevaliers, trolls, orques… Les légendes et la magie sont également de sortie. Chacune de ses histoires se déroule sur deux tomes. Le premier s’intitulait « Le matin des cendres » et le second « Le convoi ». Ma critique porte sur le cinquième épisode intitulé « Celui qui dort » qui marque l’entrée dans un nouveau diptyque.

La couverture présente un jeune personnage jusqu’alors inconnu au bataillon. Il apparaît sur la défensive. Il accueille le lecteur avec une hache et une masse. Sa main gauche intrigue, elle est munie d’un gant qui illumine la planche. A l’arrière-plan, nous découvrons ce qui semble être un tombeau. Est-ce la quête du héros ? Le protège-t-il ?

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Pour en savoir davantage, je me suis orienté vers la quatrième de couverture : « Tridïk est un jeune nain romantique. Follement amoureux de la belle Mëlinhh, il rêve de lui offrir un four une fleur de pierre qu’on ne trouve qu’au plus profond des montagnes. Le jour où l’occasion se présente, le jeune prétendant n’hésite pas une seconde. Son paquetage sur le dos, son fidèle petit ami Zzürk sur l’épaule, il part à l’aventure, ignorant qu’en descendant dans les profondeurs du royaume interdit, il va réveiller celui qui dort et qu’on ne devrait jamais tirer de son sommeil… »

Un enfant a priori ordinaire qui est parti pour vivre une aventure extraordinaire.

L’histoire choisit un héros classique. Tridïk est un enfant a priori ordinaire qui est parti pour vivre une aventure extraordinaire. Il s’agit d’une recette souvent usitée et qui possède bon nombre d’attraits. Le principal est que la nature du personnage principal génère immédiatement de l’empathie à son encontre. Nous l’assimilons à un copain, un frère ou un fils. Il en résulte une inquiétude née des dangers qu’il risque d’affronter. Ce sentiment alimente positivement notre curiosité.

Wollodrin5bL’autre apport résultant des caractéristiques de Tridïk est qu’il avance vers l’inconnu. Il n’est pas un guerrier légendaire qui auraient survécu à moult batailles, découverts des contrées lointaines et surmontées une quantité incommensurable d’épreuves. Par conséquent, il réagit aux événements au fur et à mesure qu’ils se déroulent. Il ne prévoit rien car il ne sait réellement vers où il se dirige. Cet état de fait facilite notre projection dans la quête de l’enfant. Nous partageons ses interrogations et ses appréhensions. L’implication dans la lecture n’en est que plus forte.

Concernant l’intrigue en elle-même, elle se déroule à un rythme de croisière. Elle ne présente aucun temps mort et chaque planche apporte son lot d’informations. David Chauvel écrit une trame dense mettant en place un grand nombre de personnages et d’enjeux. Il fait naître une bonne dose de mystère et pose des jalons intéressant pour la suite. Nous pouvons légitimement nous demander où tout cela nous mène et comment cela va terminer. Par contre, je regrette une absence d’intensité dramatique. Alors que le fil conducteur laissait croire une avancée irrémédiable vers de gros soucis, je trouve qu’au final, Tridïk rencontre peu d’embûches. Sans vous dire que son voyage est comparable à une promenade bucolique, il est moins périlleux qu’espéré. Mais peut-être suis-je trop exigeant…

Sur le plan graphique, j’ai retrouvé avec joie les dessins nés de la plume de Jérôme Lereculey. Ses décors sont une petite merveille et font exister un monde fantastique et fascinant. Le dépaysement est total. Les couleurs de Lou doivent également recueillir leur lot de louanges. En effet, comment ressentir l’atmosphère oppressante de ces grottes ou le côté merveilleux de ces belles forêts sans la touche chromatique adéquate. Je regrette jusque que l’intrigue ait empêché de découvrir de nouvelles trognes de trolls. Je dois avouer qu’il s’agissait d’un de mes petits plaisirs dans les opus précédents.

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Pour conclure, cet album fait honneur à la fantasy. Il offre une intrigue travaillée, des personnages plutôt réussis et un univers identifiable. Je regrette un petit peu une dimension épique un petit peu légère. Peut-être prendra-t-elle son ampleur lors du tome suivant ? Il ne reste plus qu’à attendre pour le savoir…

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Note : 15/20

Les chroniques d’un maladroit sentimental, T1 : Petit béguin & gros pépins – Vincent Zabus & Daniel Casanave

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Titre : Les chroniques d’un maladroit sentimental, T1 : Petit béguin & gros pépins
Scénariste : Vincent Zabus
Dessinateur : Daniel Casanave
Parution : Janvier 2013


Le profil du célibataire trentenaire soumis à des crises d’angoisse et à une timidité maladive est devenu ces dernières années un grand classique. Lorsque Vincent Zabus (au scénario) et Daniel Casanave (au dessin) s’attaque au sujet dans « Les chroniques d’un maladroit sentimental », il va falloir qu’ils sortent du lot. Mais comment, sur un sujet aussi banal et récurrent, se démarquer ? Publié chez Vent d’ouest, ce premier tome intitulé « Petit béguin & gros pépins », est présenté sous le format album classique. C’est la présence de Casanave au dessin qui m’a convaincu de m’approprier le livre.

Tout commence par un rendez-vous. Gérard Latuile a rencard avec une certaine Florence. Il nous explique alors que d’habitude il est très maladroit, qu’il a raté ses autres relations. Gérard n’hésite pas à parler directement au lecteur, donnant le ton de la BD. De même, de nombreux personnages n’hésitent pas à intervenir dans l’histoire de façon complètement absurde comme la mère dans la salle de bain pendant une crise d’angoisse ou alors Gérard plus vieux. Ce mélange entre l’histoire en elle-même et toutes ces apparitions/interventions qui la « parasitent » donnent un ensemble original, un peu bordélique, mais surtout très attachant. Et c’est là que se trouve tout l’intérêt de l’ouvrage.

Une comédie romantique.

« Les chroniques d’un maladroit sentimental » est avant tout une comédie romantique. Le ton est toujours léger, Gérard étant une sorte d’ingénu sacrément romantique. Ainsi, l’humour distillé est très réussi. On verra Gérard très étonné d’être attiré par Florence car elle a une petite poitrine alors qu’il a toujours été attiré par les femmes à forte poitrine. « Elle me plaît quand même, c’est dingue » se dit-il ! Mais surtout, l’homme fantasme énormément son idylle, se projetant beaucoup trop. Clairement, il n’a pas les pieds sur terre, comme le montre parfaitement la couverture !

Je tiens à préciser que ce premier tome pourrait presque être un one-shot. Même s’il reste des pistes à explorer, il se suffit à lui-même. C’est assez rare pour être signalé !

Concernant le dessin, une fois encore Daniel Casanave m’a séduit. Son trait dynamique, à la fois simple et expressif est parfaitement adapté au propos. Il possède toute la légèreté nécessaire à l’ouvrage, tout en étant capable de faire passer les émotions quand il le faut. La mise en couleur, par Patrice Larcenet, est toute en simplicité. Elle met en valeur le trait de Casanave tout en proposant des ambiances bien différenciées. Un travail discret mais efficace.

Ces « Chroniques d’un maladroit sentimental » portent très bien leur nom. Plein de romantisme et de légèreté, cet ouvrage nous propose un personnage de Gérard Latuile très attachant. La narration est bien menée, évitant l’écueil d’une trop grande simplicité. On espère finalement une suite, histoire de voir si Gérard va enfin arriver à passer un repas sans faire une crise d’angoisse aux toilettes.

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Note : 15/20

États dame – Zelba

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Titre : États dame
Scénariste : Zelba
Dessinatrice : Zelba
Parution : Octobre 2013


Zelba est une auteure de bande-dessinée allemande. Son blog BD est régulièrement adapté au format papier aux éditions Jarjille, le tout étant assorti pour moitié d’inédits. « États dame » est donc une série d’histoires autobiographiques, le troisième paru à ce jour. Le tout pèse près de 130 pages pour le prix de 15€.

La particularité des récits autobiographiques de Zelba, c’est qu’ils sont constitués à la fois d’anecdotes contemporaines comme de souvenirs d’enfance. Ils peuvent durer une seule page ou plus d’une dizaine de pages. Souvent, les récits très courts concernent ses deux enfants qui, comme tous enfants qui se respectent, sortent parfois des remarques très drôles. Les souvenirs d’enfance sont souvent plus tristes, faisant appel à ses rapports avec sa mère et sa grand-mère notamment, qui sont décédées. L’aspect nostalgique y est bien plus fort et le rire moins fréquent.

Un équilibre entre humour et nostalgie.

La particularité de l’autobiographie version Zelba est donc un équilibre entre tendresse, humour, nostalgie et tristesse. Le tout est parfaitement illustré par la couverture, montrant son personnage divisé en trois. Cet équilibre est bien géré. En première lecture, il m’a semblé que l’ouvrage était moins drôle que les précédents et bien plus nostalgique. En relecture, ce n’est pas le cas finalement. Il faut dire que les enfants vieillissent et leurs petites phrases décalées se font plus rares !

EtatsDame2Les récits longs se basent aussi sur des périodes plus longues (plusieurs mois ou plusieurs semaines). Ce sont aussi les plus intéressants. Il est étonnant de voir que Zelba a encore des choses incroyables à raconter et on se demande comment elle a pu ne pas en parler avant ! Je pense notamment à cette histoire de fracture de la mâchoire qui ne laissera personne indifférent. Ou encore la naissance de l’un de ses enfants.

La grande capacité de Zelba, c’est qu’elle présente un personnage attachant, avec ses défauts et ses qualités. L’autodérision est bien présente, mais contrairement à d’autres récits, mais elle n’est pas au centre des histoires, loin de là. Ce côté « vrai » fait que l’on est d’autant plus touché par les récits qu’elle nous propose.

Au niveau du dessin, Zelba adopte des planches construites façon blog. Pas de délimitations de case et un trait relâché parfaitement adapté. Le tout est maîtrisé et n’est pas avare en décors lorsque c’est nécessaire. Mais l’ouvrage est beaucoup centré sur l’humain, et cela se retrouve dans les planches. Les dialogues sont écrits en noir et la narration en gris, facilitant la lecture sans alourdir les pages. Enfin, la colorisation en niveaux de gris est très réussi et donne de la matière à l’ouvrage.

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Si beaucoup de dessinateurs (et notamment blogueurs BD) font des autobiographies sans vraiment s’ouvrir, on ne pourra pas reprocher ça à Zelba. Ses histoires nous touchent, car elles savent aborder des sujets graves, voire tabous, comme la maladie et la mort. Sans sentimentalisme excessif, sachant apporter des touches d’humour qui équilibrent toujours parfaitement le tout, on dévore le tout et à la fermeture du livre, on ne peut qu’avoir de la sympathie pour l’auteure. Un beau travail qui continue à toucher le lecteur au fur et à mesure des ouvrages.

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Note : 15/20

Hommes à la mer – Riff Rebs

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Titre : Hommes à la mer
Scénariste : Riff Reb’s
Dessinateur : Riff Reb’s
Parution : Octobre 2014


Riffs Reb’s a frappé fort avec ses adaptations littéraires maritimes « A bord de l’étoile matutine » et « Le loup des mers ». Le voilà qui referme ce triptyque avec « Hommes à la mer ». Ce n’est pas un roman qui est cette fois adapté, mais huit nouvelles. On y voit passer Edgar Allan Poe, Robert Louis Stevenson, Jack London, Pierre Mac Orlan… Le tout est publié chez Soleil, dans la collection Noctambule pour plus de 100 pages.

Le fait de choisir des nouvelles d’auteurs différents est à la fois un défaut et une qualité. Ainsi, les styles sont très différents, aussi bien au niveau littéraire (que l’on retrouve dans les narrations) que dans les sujets (même si la mer reste évidemment le dénominateur commun). Du coup, le lecteur est un peu remué entre nouvelles fantastiques, d’humour noir ou tragiques. Même chose pour les ambiances qui nous font passer du Pôle Sud aux Caraïbes en passant par les côtes norvégiennes.

Une diversité des thèmes maritimes.

HommesALaMer1Cette diversité permet au lecteur de profiter de différentes facettes du récit de la mer. Ainsi, certaines nouvelles font la part belle aux dialogues et au vocabulaire des marins. D’autres ne sont faits que d’une narration accompagnant les dessins de l’auteur. Ainsi, immanquablement, le lecteur sera transporté par certains passages et beaucoup plus indifférent à d’autres. Ce manque de cohérence (et non de qualité) est dommageable.

Au-delà de ces réserves, on retrouve tout le talent de l’auteur. Graphiquement, c’est splendide. Impossible de rester indifférent devant ces planches où les éléments se déchaînent. Riff Reb’s excelle aussi bien dans les décors de côtes déchirés, dans la représentation de la mer en tant que tel que dans les gueules de ses marins. C’est une véritable claque visuelle qui nous est proposé avec un auteur en pleine possession de ses moyens. Les ouvrages de ce triptyque sont parmi les plus impressionnants que j’ai pu lire.

En plus du trait, c’est l’ambiance qui est formidable. Colorisant les cases en monochrome (plus rarement en bichromie), Riffs Reb’s renforce l’atmosphère. Chaque nouvelle possède ainsi sa couleur (comme chaque chapitre possédait sa couleur précédemment). Mais le trait derrière est riche et la mise en scène formidable. Riff Reb’s est bien au-delà de la simple illustration, la variation des plans et la fluidité de l’ensemble sont toujours au rendez-vous.

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« Hommes à la mer » conclue donc ce triptyque marin de haute volée. Moins percutant puisque basé sur plusieurs nouvelles, il n’en reste pas moins intéressant de par la variété des histoires proposées. Si vous avez succombé au charme et à la puissance des histoires maritimes de Riff Reb’s, il n’y a pas à hésiter.

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Note : 15/20

 

Explicite, carnet de tournage – Olivier Milhaud & Clément C. Fabre

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Titre : Explicite, carnet de tournage
Scénariste : Olivier Milhaud
Dessinateur : Clément C. Fabre
Parution : Février 2015


Olivier Milhaud est un ami de John B. Root, réalisateur de films pornographiques. Le voilà un peu dubitatif devant la proposition de ce dernier : jouer dans sa future production ! Certes, ce n’est pas dans des scènes de sexe, mais quand même… Après avoir hésité longtemps, Olivier Milhaud finit par accepter et part dans le sud pour trois jours de tournage où il va découvrir le milieu porno, ses jalousies et son langage cru. Retour de bâton pour John B. Root puisque suite à cette expérience, Olivier Milhaud décide d’en faire un livre, avec la collaboration de Clément C. Fabre au dessin. Comme j’apprécie beaucoup le dessin de ce dernier, il m’était difficile de passer à côté de ce livre ô combien original. Le tout est paru chez Delcourt, dans la collection Mirages pour plus de 120 pages au compteur.

Explicite2« Explicite » est donc un reportage qui n’était pas prévu comme tel. Il ne faut donc pas espérer une grande analyse de fond de comment on tourne un film pornographique. De même, l’auteur n’assiste à aucune scène porno en soit. C’est avant tout la description d’un réalisateur atypique pour le milieu, John B. Root, de ses ambitions et de sa façon de travailler. On y découvre aussi le backstage et c’est ce qui fait tout le sel de l’ouvrage. On ressent parfaitement la gêne d’Olivier Milhaud dans ce milieu, à la fois émoustillé et timide, n’osant trop rien faire ou même regarder. Tout l’inverse des acteurs qu’il croise, dont la pudeur a souvent laissé la place à l’exhibitionnisme. Sans parler du langage bien plus cru que ce dont l’auteur a l’habitude.

Un candide dans le milieu pornographique.

Le livre fonctionne donc avant tout avec son personnage central de candide. Olivier Milhaud découvre le tournage d’un film, le milieu pornographique, les caprices de stars… Il joue donc un rôle parfait pour nous qui apprenons également de tout cela. Et le fait que la bande-dessinée s’échelonne sur trois jours, en un lieu unique, donne un aspect presque théâtral à l’ensemble. Avec beaucoup de choses qui se passent hors champ ! Intelligemment, les auteurs placent toute l’action du point de vue d’Olivier Milhaud. On voit ce qu’il a vu, on entend ce qu’il a entendu : il n’y a aucune projection sur ce qu’il imagine.

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Le tout n’est bien sûr pas dénué d’humour. Outre les clichés qui sont confirmés ou infirmés, de nombreuses situations nous paraissent complètement cocasses. Et que dire d’Olivier Milhaud, complètement en décalage par moment, comme dans cette scène où John B. Root lui demande « mais on dirait que tu as peur de lui ! » et où l’auteur répond « Ben, un peu quand même. » Il faut dire qu’avoir un mec baraqué et tatoué en face, acteur pornographique, ça ne laisse pas indifférent !

Au niveau du dessin, Clément C. Fabre fait des merveilles. J’étais déjà fan de son dessin et de ses couleurs et là il m’a bluffé. Les cases sont détaillées, les décors riches, le dessin dynamique. Quand à sa colorisation à l’aquarelle, elle retranscrit parfaitement l’ambiance du sud ! Son dessin tout en douceur permet d’atténuer aussi la crudité de certains propos et de rendre d’autant plus humain cette expérience. Voilà un dessinateur que j’espère retrouver au plus vite !

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« Explicite » est une bande-dessinée de reportage originale, fortement teintée d’autobiographie. Et ce cela qui fait sa force. Doté d’un ton à la fois cru et bon enfant, les deux auteurs sont au diapason pour parler d’un sujet peu évident avec finalement beaucoup de légèreté. Du beau travail.

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Note : 15/20

 

Charly 9 – Richard Guérineau

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Titre : Charly 9
Scénariste : Richard Guérineau
Dessinateur : Richard Guérineau
Parution : Novembre 2013


 Avec « Charly 9 », Jean Teulé a écrit l’un de ses best-sellers. Relatant la culpabilité de Charles IX après avoir ordonné le massacre de la Saint Barthélémy, il permettait de découvrir un roi soumis à sa mère Catherine de Médicis qui se ne remettra jamais de sa décision. Lourde tâche donc pour Richard Guérineau de reprendre le flambeau en adaptant ce livre en bande-dessinée. Le tout est publié chez Delcourt dans la collection Mirages pour 128 pages de lecture.

Charly9aLe tout démarre par une scène qui pose le personnage. Acculé par sa mère, son frère et tous leurs conseillers, Charles IX ordonne le massacre de la Saint Barthélémy. Mais c’est avant tout pour qu’on le laisse tranquille. Car tout est fait pour le manipuler. D’abord choqué par l’idée que l’on assassine une personne, la discussion grandit et le nombre de victimes pressenties également… Lui ne veut pas, toute la cour le veut. Mais il est le Roi et il faut sa signature. Il l’appose et le voilà condamné à la culpabilité.

Des anecdotes à la pelle pour une seule année.

Le livre est construit selon des chapitres qui montrent le Roi peu à peu sombrer dans la folie. Même si l’ensemble manque un peu de fluidité, la pertinence est évidente. Car ce sont les anecdotes qui montrent Charles IX devenir fou et malade. Richard Guérineau va à l’essentiel et malgré les 128 pages, on ne s’ennuie à aucun moment. Chaque planche est nécessaire. On retrouve aussi le sel de l’ouvrage de Teulé avec beaucoup d’anecdotes historiques à ressortir en soirée : l’origine du 1er avril et du 1er mai par exemple sont un délice.

Charly9bAu-delà de l’anecdote, le livre propose une galerie de personnages des plus connus. Outre la cour royale (Catherine de Médicis, la future reine Margot, Charles IX…), on retrouve des artistes (Ronsard) ou des personnalités autres (Ambroise Paré). Il n’en est pas trop fait là-dessus. Cela permet surtout de voir quels liens avaient ces personnes avec le Roi. Plus étonnant, le langage parlé par les personnages est à la fois modernisé et conservé comme à l’époque. Le tout est pourtant très fluide et agréable.

Concernant le dessin, c’est peu de dire que le trait de Richard Guérineau m’a séduit dans cet ouvrage. Je l’avais connu dans un registre plus réaliste et son passage à un dessin plus caricatural est une vraie réussite. Les gueules sont expressives, les décors nous replongent dans la France d’antan et les choix graphiques sont pertinents. On a même droit à un hommage à « Johan et Pirlouit » de Peyo ou à « Lucky Luke » de Morris… Malgré tout, les changements de style (notamment dans la colorisation) sont un peu perturbants. S’ils sont parfois parfaitement cohérents (comme pour la scène finale), d’autres sont moins clairs dans leur intention. Visiblement, Richard Guérineau avait décidé de se faire plaisir ! Mais qu’il nous propose de nouveau des bande-dessinées réalisées dans ce style plus relâché, cela lui va très bien ! On retrouve cependant un vrai talent dans la mise en scène et le découpage. On sent qu’il y a du métier derrière !

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« Charly 9 » est une belle adaptation. Reprenant très bien le principe des œuvres de Jean Teulé, le lecteur restera difficilement indifférent au cynisme et à la violence de l’ensemble. Et bien que Charles IX nous paraisse torturé et plus de culpabilité, il est aussi complètement inconscient et devient fou. Richard Guérineau parvient à nous dresser le portrait complet d’un homme qui mourra de culpabilité. Et pourtant, on ne ressent pas forcément d’empathie pour le personnage.

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Note : 15/20

Le révérend, T1 : Les diables déchus du Nevada – Lylian & Augustin Lebon

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Titre : Le révérend, T1 : Les diables déchus du Nevada
Scénariste : Lylian
Dessinateur : Augustin Lebon
Parution : Octobre 2012


Les westerns semblent être revenus à la mode ces dernières années. Ainsi, l’année 2012 a vu accoucher d’une nouvelle série, « Le révérend », prévu comme un diptyque chez Emmanuel Proust. Hélas, la revente des éditions a mis le projet en pause. Les dernières nouvelles sont rassurantes. Espérons donc que la suite ne mettra pas trop de temps à paraître (et surtout, qu’elle paraîtra !). L’ensemble est scénarisé par Lylian et dessiné par Augustin Lebon dont c’est la première bande-dessinée.

LeReverend1aAngus est un fils de bonne famille. Lors de la traversée d’un désert du Nevada, en 1870, sa diligence est attaquée. Nous le retrouvons des années plus tard sous le pseudonyme du Révérend, un chasseur de primes impitoyable revenu se venger.

C’est donc une histoire classique de vengeance et de justicier solitaire qui nous est présenté dans ce western. Le classicisme est de mise ici, même si le scénario réserve son lot de surprise : saloon crasseux, diligences attaquées, prostituées, etc. On ressent aussi bien l’influence de « Blueberry » que de « Bouncer » (pour le dyptique façon vengeance). Le tout est suffisamment glauque même s’il manque encore un petit truc pour pleinement nous convaincre de la puissance de l’ouvrage. C’est l’inconvénient du diptyque : sans le tome 2, difficile de se faire vraiment une opinion. Le scénario est bien pensé et à la fin du livre, on sent que l’on a encore beaucoup à découvrir.

Un western pas si classique.

LeReverend1bLes westerns valent souvent le coup de part leurs personnages. C’est peut-être ici que le bât blesse. Le Révérend fait vraiment jeunot, le maître de la ville n’est pas assez graveleux… Certes, ce jeune chasseur de primes permet aussi une originalité, sortant de l’écueil du chasseur de prime à la barbe naissante… Encore une fois, la fin du livre remet aussi un peu en cause ce jugement. Difficile de voir ça comme un point faible du coup.

Au niveau du dessin, Augustin Lebon impressionne. Son trait est beau, fait de grandes cases détaillés et de plans variés. La mise en scène est très travaillée et on prend plaisir à feuilleter le livre de nouveau après lecture pour le simple plaisir d’admirer le dessin. Pour une première bande-dessinée, c’est une vraie réussite et on espère revoir souvent le dessinateur par la suite tant il est prometteur. Il y a déjà beaucoup de maturité dans ses planches.

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« Le Révérend » est une bande-dessinée de grande qualité. Son classicisme est un peu remis en cause par les dernières pages. Il faudra donc lire le deuxième et dernier tome pour se faire une idée précise et définitive sur cette bande-dessinée. En espérant qu’il sorte, car ne pas terminer ce projet serait un crime !

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Note : 15/20