
Titre : Barracuda, T1 : Esclaves
Scénariste : Jean Dufaux
Dessinateur : Jérémy
Parution : Octobre 2010
« Esclaves » est le titre du premier tome d’une des dernières séries scénarisées par Jean Dufaux. Cette dernière s’intitule « Barracuda ». Avant même de lire le nom de son auteur, cet album avait attiré mon regard par sa couverture. On y découvrait un pirate particulièrement réaliste qui ne peut pas laisser indifférent celui qui le regarde dans les yeux. Cet album est édité chez Dargaud, il coûte environ quatorze euros. Jean Dufaux est un auteur célèbre du neuvième grâce à des séries comme « Murena », « Djinn », « Croisade », « Jessica Blandy » ou encore « Complaintes des Landes perdues ».Cela offrait le gage d’une certaine qualité pour cette nouvelle saga née l’année dernière. Par contre, les dessins sont l’œuvre d’un inconnu à mes yeux nommé Jérémy.
L’histoire débute par l’attaque d’un navire par des pirates. Leur chef est Blackdog et sa devise est la suivante : « Pas de pitié, pour personne, jamais ». Il est secondé par son fils Raffy. Les seuls à être épargnés sont une noble espagnole et deux adolescents et un prêtre. Elle prétend posséder la carte pour mener au diamant du Kashar. La jeune fille est amenée à être vendue comme esclave. Le jeune garçon déguisé en fille suivra le même trajet. C’est ainsi qu’ils accostent à Puerto Blanco où leurs destins vont se séparer et se décider au cours d’enchères sur un marché…
Une aventure de pirates
Le principal attrait de cette sĂ©rie est d’être une aventure de pirate. La couverture laisse prĂ©sager que le personnage principal Ă du charisme. On n’est pas déçu sur ce plan-lĂ . On prend plaisir Ă naviguer sur son navire et on est curieux d’accoster sur ses Ă®les rĂ©gulĂ©es par les lois de la piraterie. L’immersion dans cet univers est incontestablement une grande rĂ©ussite. La grande galerie de personnages est crĂ©dible. De plus, les dĂ©cors apparaissent rĂ©alistes. On n’a aucun mal Ă se croire au milieu de ses flibustiers sur une terre aux lois peu orthodoxes et aux codes sociaux plutĂ´t inquiĂ©tants.Â
Au-delà de ce dépaysement, « Esclaves » nous offre une intrigue intéressante. La trame se construit autour du trio d’adolescents que sont Raffy, Emilia et Maria. Le premier est le fils de Blackdog. Il semble dépourvu de sentiments sorti de la haine et de la colère. Le second, Emilia, est en fait Emilio. Déguisé en femme pour sa survie, il mène donc une double vie qui ne le laisse pas indifférent. Enfin, Maria, fille de noble est la plus charismatique à mes yeux. Elle a le regard dur et malgré son jeune âge et sa condition génère le malaise auprès de ceux qui s’approchent d’elle. La richesse de ses trois personnages apparait remarquable. Voir leurs destins s’entremêler rend la lecture passionnante. On suit trois personnages aux personnalités complexes évoluer dans un milieu dur et compliqué. Tous les ingrédients sont présents pour nous ravir.
Le décor est bon, les protagonistes sont envoûtants, il ne restait plus qu’à se voir offrir une trame réussie. C’est le cas. Le fait que l’histoire commence par un abordage nous met tout de suite dans le bain. Le rythme ne diminue jamais. On se trouve au beau milieu d’un marché aux esclaves. Puis la première nuit passée sur l’île est d’une grande intensité dramatique. La lecture est assez intense. Au cours des pages qui défilent, on voit apparaître des informations mais également les jalons de la trame qui construira le tome suivant. Cela fait qu’une fois l’ouvrage terminé, on a une vraie envie de se plonger dans le second opus.
Comme je l’ai précisé précédemment, la couverture m’a ébloui. J’avais donc une impatience certaine de partir à la rencontre de cet univers né de la plume de Jérémy. Les premières pages m’ont apparu froides par rapport à l’impression que m’avait laissée le visage de Blackdog lors de notre première « rencontre ». Mais ce sentiment s’est atténué au fur et à mesure des pages et au fur et à mesure de mes relectures de l’album. Le dessinateur possède un vrai talent pour traduire la dureté. Que ce soit par les visages, les couleurs ou les attitudes, on comprend à tout moment qu’on ne se trouve pas au pays des Bisounours. Je trouve que Jérémy fait en sorte qu’on n’oublie jamais l’endroit où on se trouve et la communauté qui y habite.
Au final, « Esclaves » est un ouvrage passionnant qui nous offre une histoire assez envoûtante. La lecture est très prenante et on prend énormément de plaisir à découvrir les événements se déroulant à Puerto Blanco. Cette série a un vrai potentiel comparable à celui de « Murena » dans un univers différent. Je suis donc curieux de me plonger dans le deuxième album paru récemment intitulé « Cicatrices ». Mais cela est une autre histoire…
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Note : 17/20

Cela faisait trois ans et demi que la parution d’une nouvelle mission des Sentinelles étaient attendue. L’espoir était assouvi en octobre dernier avec la sortie du quatrième chapitre intitulé « Avril 1915 Les Dardanelles ». Wikipedia m’a appris que les Dardanelles fut un « affrontement […] qui opposa l’Empire Ottoman aux troupes britanniques et françaises dans la péninsule de Gallipoli dans l’actuelle Turquie du 25 avril 1915 au 9 janvier 1916 ». Cela confirme la volonté de Dorison d’intégrer ses héros dans la réalité du conflit.





Le troisième épisode de « New Beijing » est apparu en octobre dernier. Sa couverture était originale car elle présentait deux versions du même protagoniste, chacun étant extrait de son propre monde. Il s’agit de Zack Kosinski, personnage central, de chaque trame quelle que soit leur origine. Comme son nom l’indique, le monde est ici sous domination chinoise. Les dirigeants politiques ont emprisonné Charles et Veronika Kosinski, parents du héros. Ils sont de brillants scientifiques dont la plus belle découverte est la fusion noire. Leur création permet de transition d’une réalité à l’autre. Ce pouvoir donne libre cours à toutes les imaginations.
Les enjeux de l’histoire sont clairement établis depuis l’épisode précédent. Nous ne pouvons pas dire qu’ils évoluent énormément dans ce nouvel album. Le déroulement du film conducteur se fait davantage à un train de sénateur car qu’au rythme d’une course effrénée. Je ne renie pas le fait que les événements avancent et que les rapports de force évoluent un petit peu. Malgré tout, je ne peux pas affirmer non plus que nous assistons à un grand chamboulement et à un feu d’artifice de révélation. La trilogie terminée, bon nombre de questions restent en suspens. Les réponses arriveront peut-être dans les réalités parallèles ou dans l’épilogue…


L’autre apport résultant des caractéristiques de Tridïk est qu’il avance vers l’inconnu. Il n’est pas un guerrier légendaire qui auraient survécu à moult batailles, découverts des contrées lointaines et surmontées une quantité incommensurable d’épreuves. Par conséquent, il réagit aux événements au fur et à mesure qu’ils se déroulent. Il ne prévoit rien car il ne sait réellement vers où il se dirige. Cet état de fait facilite notre projection dans la quête de l’enfant. Nous partageons ses interrogations et ses appréhensions. L’implication dans la lecture n’en est que plus forte.


Bien souvent, la première partie d’un diptyque a pour objectif de poser la situation, de présenter les enjeux et de mettre le héros dans une situation complexe générant ainsi un suspense à la fin de la lecture. « Chassé-croisé » n’échappe pas à cette règle. Les personnages principaux arrivent à Londres, s’installent. Pendant ce temps, des inconnus font leur apparition. On les devine animés de mauvaises intentions mais les zones d’ombre restent nombreuses. Tout ce petit monde se rencontre et de ces interactions naissent des questions pour l’instant sans réponse. La recette est efficace mais exécutée ici avec une sensation de paresse. Je n’ai pas retrouvé dans cet album l’intensité dramatique habituelle. J’avais le souvenir que la lecture d’un tome de cette série était toujours accompagnée du sentiment d’être au beau milieu d’un tourbillon d’événements qui ne faisaient qu’aggraver la situation de Largo. Ici, le ton est plus léger. Les amourettes des différents personnages tendent presque cette histoire d’espionnage vers le vaudeville.


« S.O.S. Météo » est clairement un hommage à « S.O.S. Météore » un des plus opus les réussis de la saga. Il est d’ailleurs clairement évoqué au cours de l’histoire. La célèbre machine créée par le scientifique Miloch est présente. Les références à l’univers des célèbres héros britanniques sont fréquentes et raviront les habitués de leurs aventures. Une connaissance de la série de Jacobs me paraît indispensable pour saisir l’ensemble du spectre humoristique de l’album. Il s’agit d’un pastiche de qualité dans le sens où les codes originaux sont détournés à de nombreux moments et de nombreuses manières. L’idée de départ est originale et elle s’avère bien exploitée.
Néanmoins, l’ouvrage peut se lire comme une histoire indépendante dénuée de toute filiation prestigieuse. L’intrigue peut se découvrir comme une parodie d’enquête policière. Tous les aspects du genre sont tournés en dérision. Le travail d’écriture de Pierre Veys est suffisamment important pour offrir une quantité de gags appréciable. L’avancée est rythmée et la trame ne possède aucun temps mort. Le sourire guide la lecture du début à la fin. C’est un album qui se lit avec bonne humeur.


Parallèlement, les auteurs font exister Hit Girl et Mother Fucker. La première gère de manière dictatoriale la prison et chacune de ses apparitions sont drôles tant elles sont démesurées et insensées. Une des forces de la saga est de rendre cohérent et crédible dans son univers ce personnage. On est plus choqué de voir une petite fille fumer une clope ou torturer un mafieux de passage. Sa part de l’histoire est incontestablement, par ses excès, la plus légère et celle qui utilise le plus l’humour. De son côté, les moments passés auprès de Mother Fucker semblent avoir pour objectif de reconstruire un monstre aux abois jusqu’alors. On sent la montée en puissance vers un affrontement final. Sans tout vous dévoiler, il faut savoir que le camp des méchants s’agrandit et se complexifie légèrement.