Titre :Â Les sentinelles, T4 : Avril 1915 : Les Dardanelles
Scénariste : Xavier Dorison
Dessinateur : Enrique Breccia
Parution : Octobre 2014
« Les Sentinelles » marque lâentrĂ©e des superhĂ©ros Ă la française dans la Grande Guerre. Xavier Dorison confirme lâampleur de son imagination. Dâune part, il nâhĂ©site pas Ă sâapproprier les codes de ses surhommes dâhabitude associĂ©s Ă la culture amĂ©ricaine. Dâautre part, ils les insĂšrent au beau milieu de la PremiĂšre Guerre Mondiale, concept jusquâalors improbable. Les trois premiers Ă©pisodes de cette sĂ©rie ont transformĂ© lâessai et fait naĂźtre une saga de grande qualitĂ©. Chaque opus est un petit bijou et se lit avec appĂ©tit. Chacun dĂ©livre une grande variĂ©tĂ© de saveurs pour la plus grande joie de ses lecteurs.
Cela faisait trois ans et demi que la parution dâune nouvelle mission des Sentinelles Ă©taient attendue. Lâespoir Ă©tait assouvi en octobre dernier avec la sortie du quatriĂšme chapitre intitulĂ© « Avril 1915 Les Dardanelles ». Wikipedia mâa appris que les Dardanelles fut un « affrontement [âŠ] qui opposa lâEmpire Ottoman aux troupes britanniques et françaises dans la pĂ©ninsule de Gallipoli dans lâactuelle Turquie du 25 avril 1915 au 9 janvier 1916 ». Cela confirme la volontĂ© de Dorison dâintĂ©grer ses hĂ©ros dans la rĂ©alitĂ© du conflit.
Intégrer les héros dans la réalité du conflit.
« Cette bataille-lĂ devait ĂȘtre gagnĂ©e dâavance⊠Le dĂ©barquement du Commonwealth sur les plages truques des Dardanelles devait assurer une victoire aussi rapide quâindiscutable. Face aux Ottomans, la France nâavait-elle pas dĂ©ployĂ© ses plus glorieux soldats ? Les Sentinelles ! CâĂ©tait sans compter lâaide des allemands Ă leur alliĂ© turc, sans compter la chaleur, les fiĂšvres, les maladies et les falaises imprenables⊠Sans compter la nouvelle arme du gĂ©nie germanique : Cimeterre. Cette fois-ci, les plus grands hĂ©ros français vont devoir renoncer Ă la victoire pour apprendre la dure leçon de la dĂ©faite⊠» VoilĂ le synopsis prĂ©sentĂ© par la quatriĂšme de couverture de lâalbum. Je dois vous dire que jây ai perçu un menu appĂ©tissant.
La premiĂšre force du bouquin est la profondeur de ses personnages. Que ce soit Taillefer, le Merle ou Djibouti, chacune des trois Sentinelles possĂšde une personnalitĂ© passionnante. Le rĂ©alisme de chacun dâentre eux est remarquable. Ils sont attachants. Leurs faiblesses sont centrales malgrĂ© leurs superpouvoirs. Leur sens des valeurs ne laisse pas indiffĂ©rent. Une bonne histoire est avant un bon hĂ©ros. « Les Sentinelles » ont la chance dâen avoir trois.
Les Dardanelles imposent une unitĂ© de lieu. Nous ne quittons pas cette plage turque qui ressemble au fur et Ă mesure des pages Ă un cimetiĂšre en plein dĂ©veloppement. Cette sensation dâattente, cette disparition de tout espoir, ce fatalisme grandissant⊠Tout est sublimĂ© par la narration de Dorison. Il arrive Ă faire Ă©voluer ses personnages au grĂ© des Ă©vĂ©nements sans marquer de rupture trop forte. La rĂ©alitĂ© de la guerre transpire des planches. Elle ne nous laisse pas indemne. Le travail graphique dâEnrique Breccia sublime le dĂ©sespoir de cette bataille qui ne peut pas ĂȘtre gagnĂ©e mais que les autoritĂ©s refusent de perdreâŠ
Lâintrigue en elle-mĂȘme est habilement construite. Les enjeux sont rapidement posĂ©s. Tout ce petit monde est rĂ©uni pour gagner plus quâune bataille : une guerre. Dorison ne fait pas uniquement exister ses Sentinelles. Il laisse une place intĂ©ressante aux soldats britanniques ou australiens. Lâimmersion dans lâĂ©poque apparaĂźt crĂ©dible. Nous sommes touchĂ©s par bon nombre de protagonistes. Lâauteur ne choisit pas son camp. Il nous fait dĂ©couvrir des horreurs. Certains passages sont quasiment muets pour laisse totalement la place au trait de Breccia. Il peut ainsi faire passer des sentiments forts par ses seules illustrations. Cet album marque un Ă©quilibre entre le texte et le dessin dâune rare finesse.
Vous lâaurez compris, cet ouvrage mâa conquis. Je le trouve dâune grande qualitĂ©. Avant de mây plonger, jâai relu ses trois prĂ©dĂ©cesseurs. Jâai Ă©tĂ© impressionnĂ© par la force et lâintensitĂ© qui sâen dĂ©gage. « Avril 1915 Les Dardanelles » ne dĂ©roge pas Ă cette rĂšgle. Il confirme que « Les Sentinelles » est une sĂ©rie unique dans son genre qui arrive Ă sublimer un concept de dĂ©part original et novateur. Il ne reste plus maintenant quâĂ attendre la suite. Mais cela est une autre histoireâŠ
Note : 18/20