Les Sentinelles, T1 : Juillet-Août 1914, Les Moissons de l’Acier – Xavier Dorison & Enrique Breccia

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Titre : Les Sentinelles, T1 : Juillet-Août 1914, Les Moissons de l’Acier
Scénariste : Xavier Dorison
Dessinateur : Enrique Breccia
Parution : Mai 2009


C’est en regardant la très sympathique émission « Un monde de bulles » que j’ai découvert avec plaisir Xavier Dorison évoquer la série « Les sentinelles ». Etant un grand fan de ce scénariste depuis que j’ai découvert « Le troisième testament » ou « Sanctuaires », j’ai écouté avec curiosité ce dernier nous conter la construction de cette saga dont je n’avais jamais entendu parler. Une fois son interview terminée, je me suis engagé à m’immerger dans cette série au plus vite. Ma découverte a débuté hier soir avec la lecture du premier chapitre intitulé « Juillet-Août 1914 – Les moissons d’acier ». Edité chez Delcourt, cet album de bonne qualité est composé d’une soixantaine de pages. Il est vendu à un prix tout juste inférieur à quinze euros. La couverture nous présente un soldat déployant un drapeau français. Son visage est couvert par un casque. Je la trouve très réussie. Elle est l’œuvre de Enrique Breccia, que je découvre à l’occasion de cette lecture.

Malgré le titre, l’histoire débute en 1911 au Maroc sur un champ de bataille. On découvre un soldat, le visage masqué qui avance d’un pas régulier sans sembler tenir compte des balles qui fusent et des cadavres qui tombent autour de lui. Mais tout à coup, il s’effondre. On le croit mort, ce n’est pas le cas. Il explique à un de ses acolytes qu’il n’a plus de batterie, qu’il ne peut donc plus échapper à son destin. Alors que les ennemis s’apprêtent à arriver sur les lieux, il demande à être exécuté par son ami qui s’exécute. On croit comprendre que ce soldat est le fruit d’une expérimentation scientifique mis au point par un colonel de l’Armée française. Ce projet connaitra un second souffle trois ans plus tard quand le fondateur des Sentinelles découvre la découverte révolutionnaire d’un petit lieutenant de réserve…

Des super héros “made in France”.

« Les Sentinelles » est une série intéressante car elle nous offre un des premiers super héros « made in France ». Suite à des expériences menées dans des laboratoires secrets, un colonel et un savant à sa botte ont pour objectif de créer une espèce de super soldat. Le fait de l’intégrer dans la grande Histoire à travers la période de la première guerre mondiale développe un attrait certain. L’histoire s’adresse à un public sensible à ce genre de grande trame historique et dense dans laquelle s’insère parfaitement une dimension fictionnelle travaillée. Il est évident que l’humour et la légèreté ne sont pas de sortie. On est en temps de guerre et le dessinateur fait en sorte qu’on ne l’oublie jamais.

Le scénario est de grande qualité. Les premières pages qui jouent le rôle de prologue sont intenses. A travers les dessins et l’atmosphère qui transpire de la lecture, on est tout de suite dans le vif du sujet. Notre intérêt est happé. Notre curiosité ne cessera jamais d’être séduite tout au long du défilement des pages. La grande toile se met en place. Les personnages apparaissent, les enjeux se découvrent. La densité est grande. La narration ne souffre d’aucun temps mort bien au contraire. On est immergé dans une histoire passionnante. La finalité de cet opus est de nous présenter Taillefer, le nouveau super soldat. Le rythme de la découverte est bien dosé et la dernière page nous laisse sur un sentiment de frustration de ne pas pouvoir en profiter davantage.

Comme je l’ai sous-entendu précédemment, les dessins sont remarquables. Dès la première case, on est bouleversé. Il se dégage réellement quelque chose des pages. La crasse et la violence qui s’en dégage sont intenses et ne laissent pas indemnes. La dimension « boucherie » est vraiment très réussie. Rien n’apparaît surréaliste ou excessif. Bien au contraire, c’est une gifle de réalisme qu’on prend de plein fouet. Je trouve également les personnages très réussis. On n’a aucun mal à se les approprier. Les dessins leur donnent une vraie épaisseur. Je pense que je vais me pencher de plus près sur les parutions nées de la plume d’Enrique Breccia.

En conclusion, j’ai trouvé ce premier opus remarquable. Il s’agit à mes yeux d’un petit chef d’œuvre. Le scénario, les dessins, le thème, les personnages… Tout est bien construit, intense et travaillé. A l’heure actuelle, trois tomes sont parus. Je ne pense pas que je vais tarder à dévorer les deux qu’il me reste à lire. Pour ceux qui découvrent l’univers de Xavier Dorison à travers cet album, je ne peux que conseiller de découvrir « Le troisième testament » qui vous immergera dans le Moyen-âge pour une tétralogie qui est un chef d’œuvre du neuvième art…

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Note : 18/20

Les sentinelles, T4 : Avril 1915 : Les Dardanelles – Xavier Dorison & Enrique Breccia

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Titre : Les sentinelles, T4 : Avril 1915 : Les Dardanelles
Scénariste : Xavier Dorison
Dessinateur : Enrique Breccia
Parution : Octobre 2014


« Les Sentinelles » marque l’entrée des superhéros à la française dans la Grande Guerre. Xavier Dorison confirme l’ampleur de son imagination. D’une part, il n’hésite pas à s’approprier les codes de ses surhommes d’habitude associés à la culture américaine. D’autre part, ils les insèrent au beau milieu de la Première Guerre Mondiale, concept jusqu’alors improbable. Les trois premiers épisodes de cette série ont transformé l’essai et fait naître une saga de grande qualité. Chaque opus est un petit bijou et se lit avec appétit. Chacun délivre une grande variété de saveurs pour la plus grande joie de ses lecteurs.

LesSentinelles4bCela faisait trois ans et demi que la parution d’une nouvelle mission des Sentinelles étaient attendue. L’espoir était assouvi en octobre dernier avec la sortie du quatrième chapitre intitulé « Avril 1915 Les Dardanelles ». Wikipedia m’a appris que les Dardanelles fut un « affrontement […] qui opposa l’Empire Ottoman aux troupes britanniques et françaises dans la péninsule de Gallipoli dans l’actuelle Turquie du 25 avril 1915 au 9 janvier 1916 ». Cela confirme la volonté de Dorison d’intégrer ses héros dans la réalité du conflit.

Intégrer les héros dans la réalité du conflit.

« Cette bataille-là devait être gagnée d’avance… Le débarquement du Commonwealth sur les plages truques des Dardanelles devait assurer une victoire aussi rapide qu’indiscutable. Face aux Ottomans, la France n’avait-elle pas déployé ses plus glorieux soldats ? Les Sentinelles ! C’était sans compter l’aide des allemands à leur allié turc, sans compter la chaleur, les fièvres, les maladies et les falaises imprenables… Sans compter la nouvelle arme du génie germanique : Cimeterre. Cette fois-ci, les plus grands héros français vont devoir renoncer à la victoire pour apprendre la dure leçon de la défaite… » Voilà le synopsis présenté par la quatrième de couverture de l’album. Je dois vous dire que j’y ai perçu un menu appétissant.

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La première force du bouquin est la profondeur de ses personnages. Que ce soit Taillefer, le Merle ou Djibouti, chacune des trois Sentinelles possède une personnalité passionnante. Le réalisme de chacun d’entre eux est remarquable. Ils sont attachants. Leurs faiblesses sont centrales malgré leurs superpouvoirs. Leur sens des valeurs ne laisse pas indifférent. Une bonne histoire est avant un bon héros. « Les Sentinelles » ont la chance d’en avoir trois.

Les Dardanelles imposent une unité de lieu. Nous ne quittons pas cette plage turque qui ressemble au fur et à mesure des pages à un cimetière en plein développement. Cette sensation d’attente, cette disparition de tout espoir, ce fatalisme grandissant… Tout est sublimé par la narration de Dorison. Il arrive à faire évoluer ses personnages au gré des événements sans marquer de rupture trop forte. La réalité de la guerre transpire des planches. Elle ne nous laisse pas indemne. Le travail graphique d’Enrique Breccia sublime le désespoir de cette bataille qui ne peut pas être gagnée mais que les autorités refusent de perdre…

L’intrigue en elle-même est habilement construite. Les enjeux sont rapidement posés. Tout ce petit monde est réuni pour gagner plus qu’une bataille : une guerre. Dorison ne fait pas uniquement exister ses Sentinelles. Il laisse une place intéressante aux soldats britanniques ou australiens. L’immersion dans l’époque apparaît crédible. Nous sommes touchés par bon nombre de protagonistes. L’auteur ne choisit pas son camp. Il nous fait découvrir des horreurs. Certains passages sont quasiment muets pour laisse totalement la place au trait de Breccia. Il peut ainsi faire passer des sentiments forts par ses seules illustrations. Cet album marque un équilibre entre le texte et le dessin d’une rare finesse.

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Vous l’aurez compris, cet ouvrage m’a conquis. Je le trouve d’une grande qualité. Avant de m’y plonger, j’ai relu ses trois prédécesseurs. J’ai été impressionné par la force et l’intensité qui s’en dégage. « Avril 1915 Les Dardanelles » ne déroge pas à cette règle. Il confirme que « Les Sentinelles » est une série unique dans son genre qui arrive à sublimer un concept de départ original et novateur. Il ne reste plus maintenant qu’à attendre la suite. Mais cela est une autre histoire…

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Note : 18/20