Ralph Azham, T6 : L’ennemi de mon ennemi – Lewis Trondheim

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Titre : Ralph Azham, T6 : L’ennemi de mon ennemi
Scénariste : Lewis Trondheim
Dessinateur : Lewis Trondheim
Parution : FĂ©vrier 2014


Lors de sa naissance, « Ralph Azham » s’est vu reprochĂ© d’ĂȘtre un sous-« Donjon ». En effet, le fait que Lewis Trondheim crĂ©e une sĂ©rie humoristique inscrite dans un univers de fantasy incitait naturellement Ă  faire un parallĂšle avec la saga tentaculaire « Donjon ». Cette derniĂšre possĂšde une place particuliĂšre dans le neuviĂšme art des deux derniĂšres dĂ©cennies. Ces afficionados dont je fais partie lui vouent une affection certaine. Les premiĂšres aventures de ce nouvel hĂ©ros prĂ©nommĂ© Ralph donnaient l’impression d’utiliser les mĂȘmes ficelles que celles de ces prĂ©dĂ©cesseurs Herbert et Marvin sans atteindre leurs auras. NĂ©anmoins, au fur et Ă  mesure que les annĂ©es passent, les tomes paraissent et permettent Ă  cette nouvelle sĂ©rie de voir sa propre identitĂ© prendre de l’épaisseur. La rarĂ©faction des parutions d’épisodes de « Donjon » facilite la chose. « Ralph Azham » se compose maintenant de six tomes dont le dernier est paru le six fĂ©vrier dernier chez Dupuis. Vendu au prix de douze euros, il nous offre une couverture nous immergeant au beau milieu d’une bataille de grande ampleur dans laquelle notre hĂ©ros n’a pas l’air au mieux. Il ne restait plus qu’à s’y plonger pour en savoir davantage


Le site BDGest’ propose le rĂ©sumĂ© suivant des enjeux de cet opus : « Les oracles, ça ne raconte pas de bobards : conformĂ©ment Ă  leurs prĂ©dictions, Ralph a bel et bien dĂ©capitĂ© le terrible Vom Syrus. Ou plutĂŽt son sosie empaillĂ©, utilisĂ© par le roi pour entretenir la lĂ©gende
 PrivĂ© de l’alliance qu’il voulait nouer avec cet homme de paille et de retour sur les terres d’Astolia, Ralph va devoir trouver son pĂšre, une nouvelle stratĂ©gie, et un pantalon agrĂ©able ! Car l’aventure ne s’arrĂȘte pas pour la petite bande qui va dĂ©couvrir que les ennemis de nos ennemis ne sont souvent que d’autres
 ennemis ! »

Jouer avec humour des codes de la fantasy

Je dĂ©conseille Ă  tout lecteur de dĂ©couvrir cet album sans avoir lu les cinq prĂ©cĂ©dents de la sĂ©rie. Les tomes s’enchainent comme les chapitres d’un roman. Nous sommes bien loin de notre rencontre avec le hĂ©ros quand il Ă©tait un paria dans son propre village, perdu au milieu de nulle part. Depuis, il a fait bien des rencontres et a vu sa cĂ©lĂ©britĂ© grandir au grĂ© des Ă©vĂ©nements. « Ralph Azham » s’adresse Ă  un public large. L’auteur joue avec humour des codes de la fantasy.

Le cinquiĂšme tome s’est conclu par une vraie rĂ©vĂ©lation imprĂ©vue. Elle remettait en cause beaucoup des enjeux et des repĂšres jusqu’alors mis en place. Le grand mĂ©chant Von Syrus n’existait pas. Le roi semblait avoir crĂ©Ă© un mĂ©chant de toute piĂšce. C’est donc pour cela que nous assistons au retour de notre petit groupe vers leur lĂ©gendaire ennemi pour obtenir des explications. Sur ce plan-lĂ , le lecteur s’interroge tout autant. Notre curiositĂ© est mĂ©caniquement attisĂ©e tant cette dĂ©couverte scĂ©naristique. La trame du tome se dĂ©compose grossiĂšrement en deux parties. La premiĂšre dĂ©crit le retour Ă  Astolia, la seconde s’avĂšrera ĂȘtre une grande bataille avec Ralph dans le rĂŽle principal.

ralphazham6bCette intrigue ne s’avĂšre pas trĂšs intense. Le trajet vers la capitale n’est qu’une succession de rencontres et d’évĂ©nements sans grand intĂ©rĂȘt. Certes, ils sont autant d’occasion pour l’auteur de distiller une ou deux vannes bien senties. Je ne vous dis que je n’ai pas souri quelques fois au cours des pĂ©rĂ©grinations de Ralph et ses amis. NĂ©anmoins, l’ensemble manque de rythme et a un cĂŽtĂ© presque « encroĂ»tĂ© ». Trondheim a beau donnĂ© une place intĂ©ressante au pĂšre du hĂ©ros et son projet de rĂ©sistance, il n’arrive rĂ©ellement Ă  gĂ©nĂ©rer une montĂ©e en puissance vers le combat final. C’est dommage.

Comme je l’évoque prĂ©cĂ©demment, Ă  la maniĂšre de bon nombre de blockbuster, cet opus se termine sur une grande guerre. Je n’ai rien contre ce choix. Par contre, dans le sens oĂč cette scĂšne finale s’étale sur une vingtaine de pages, il est indispensable qu’elle soit originale, cadencĂ©e et spectaculaire. Je ne trouve pas que cela soit le cas dans « L’ennemi de mon ennemi ». MalgrĂ© tout l’affection que j’ai pour lui, je ne trouve pas que Trondheim arrive Ă  structurer sa scĂšne d’action finale. Les combats ne rebondissent pas, l’enchainement des diffĂ©rents duels ou assauts est brouillon. Bref, j’ai Ă©tĂ© assez déçu. Alors que cet album avait les ingrĂ©dients pour se conclure sur un feu d’artifice plein d’espoir pour la suite, il se conclue sur un sentiment mitigĂ©. J’avais l’impression que les vingt derniĂšres pages auraient pu ĂȘtre synthĂ©tisĂ©es en moins de dix, ce qui aurait permis de construire davantage le dĂ©nouement.

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Pour conclure, ce tome est loin d’ĂȘtre mon prĂ©fĂ©rĂ© de la sĂ©rie. Je trouve qu’il ne laisse pas beaucoup de place Ă  l’humour tant dans les situations que dans les dialogues. ParallĂšlement, l’intrigue n’avance pas non plus Ă  un rythme effrĂ©nĂ©. L’ensemble apparaĂźt brouillon et diluĂ©. L’attrait est prĂ©servĂ© par l’empathie pour les personnages et par quelques moments trĂšs rĂ©ussis, fruits du talent de son auteur. De plus, les dessins de Trondheim sont simples et sympathiques et rendent ainsi aisĂ© et agrĂ©able la lecture. Le travail sur les couleurs de Brigitte Findakly n’est pas rĂ©volutionnaire mais participe Ă  l’atmosphĂšre graphique de l’ensemble. Je pense donc que « L’ennemi de mon ennemi » n’est pas l’épisode le plus marquant de la saga. Mais cette lĂ©gĂšre dĂ©ception ne m’empĂȘchera pas d’attendre la parution du prochain tome. Je reste toujours curieux de savoir vers oĂč tout cela nous mĂšne


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Note : 11/20

Ralph Azham, T3 : Noires sont les Ă©toiles – Lewis Trondheim

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Titre : Ralph Azham, T3 : Noires sont les Ă©toiles
Scénariste : Lewis Trondheim
Dessinateur : Lewis Trondheim
Parution : Avril 2012


« Noires sont les Ă©toiles » est le troisiĂšme tome de « Ralph Azham ». Cet album marque la fin du premier cycle comme cela est indiquĂ© sur la couverture. EditĂ© chez Dupuis, cet ouvrage est paru il y a quelques mois. Il est vendu pour un prix avoisinant les douze euros. J’avais dĂ©cidĂ© de m’intĂ©resser Ă  cette sĂ©rie par le seul nom de son auteur. En effet, Lewis Trondheim occupe une place particuliĂšre dans mon cƓur de bĂ©dĂ©phile. « Les formidables aventures de Lapinot » et « Donjon » sont ses plus cĂ©lĂšbres productions. Mais « Les petits riens », « Bludzee », « Fennec » ou « Moins d’un quart de seconde pour vivre » sont autant d’albums assez uniques dans leur atmosphĂšre ou leur originalitĂ©. Les deux premiers opus de « Ralph Azham » Ă©taient sympathiques sans ĂȘtre mĂ©morables. J’espĂ©rais que « Noires sont les Ă©toiles » fasse changer cette saga de braquet.

Le rĂ©sumĂ© suivant est issu du site BdGest : « Ralph, toujours accompagnĂ© par les magiciens Yassou et maĂźtre Migachi, a dĂ©cidĂ© de voler la couronne de Tanghor, dont le pouvoir pourrait rendre la mĂ©moire Ă  sa sƓur. Il s’associe Ă  trois voleurs rencontrĂ©s sur le bord de la route et se rend Ă  Onophalae, oĂč la couronne magique est conservĂ©e en haut d’un pic particuliĂšrement bien protĂ©gĂ©. Du moins pour le commun des mortels, car rien ne rĂ©siste aux mĂ©thodes non-conventionnelles de Ralph. De son cĂŽtĂ©, le pĂšre de Ralph, qui a survĂ©cu Ă  l’effondrement du barrage, s’installe Ă  Astolia, oĂč il ouvre une boutique de gĂąteaux-surprises, dans l’espoir que son fils s’y rejoindra. Mais il n’est pas le seul Ă  l’y attendre : nombreux sont ceux qui aimeraient toucher la prime promise pour sa capture ! »

Le premier tome avait pour objectif de nous prĂ©senter le hĂ©ros, Ralph, et l’univers dans lequel il allait Ă©voluer. On dĂ©couvre qu’il est paria dans son propre village. Il est nĂ© avec les cheveux bleus, signe local d’ĂȘtre un Ă©lu. On est alors vouĂ© Ă  un destin prestigieux. Mais Ralph n’a pas Ă©tĂ© admis et est donc revenu marquĂ© par son Ă©chec chez lui. Tous ses amis lui tournent le dos. Il est tout juste bon Ă  dormir au milieu des cochons. Mais un Ă©vĂ©nement fait que son village est dĂ©truit. Il dĂ©cide alors de partir accompagnĂ© d’un enfant. Le second tome le voit se regrouper avec tous les enfants aux cheveux bleus, chacun possĂ©dant un pouvoir particulier qui dĂ©cidera de sa fonction prochaine. Mais ils se trouvent au centre d’un guet-apens et doivent Ă  nouveau s’enfuir. Mais le rĂ©el Ă©vĂ©nement de cet opus est la rencontre d’une jeune fille, chef de l’armĂ©e. Elle serait peut-ĂȘtre la sƓur que Ralph croyait disparue. Mais cette derniĂšre n’y croit pas. C’est pourquoi il dĂ©cide de partir en quĂȘte de la couronne de Tanghor dans ce troisiĂšme tome


Une Ă©volution positive

J’avais trouvĂ© les deux premiers tomes un petit peu fouillis. Trondheim donnait l’impression de vouloir construire un univers relativement complexe. Mais on avait tendance Ă  se noyer sous les informations au dĂ©triment du cĂŽtĂ© drĂŽle et dĂ©calĂ© des personnages et des dialogues qui font le succĂšs de l’auteur. J’espĂ©rais donc que « Noires sont les Ă©toiles » se montrent plus structurĂ© et linĂ©aire sur le plan narratif pour laisser une place dans la lumiĂšre Ă  ses protagonistes. Je trouve que l’évolution est positive. La trame principale est simple. Il faut retrouver une couronne qui permet de retrouver la mĂ©moire. Dans un second temps, il s’agira de la faire porter Ă  celle que Ralph pense ĂȘtre sa sƓur. Cela offre une unitĂ© de lieu qui permet de retrouver tous les personnages des deux premiers opus dans un mĂȘme endroit. Cela Ă©vite les voyages permanents qui remplissaient l’album prĂ©cĂ©dent.

Le fait qu’on ne quitte pas Astolia dans la deuxiĂšme partie de l’histoire permet de nombreuses interactions entre les personnages. Cela laisse donc une plus grande place aux dialogues. Trondheim laisse libre cours Ă  son talent et nous offre des moments vraiment drĂŽles. Il retrouve un petit peu la magie de « Donjon » qui est culte dans la fantasy dĂ©calĂ©e. Il joue avec les codes du genre. Objets magiques, pouvoir, malĂ©diction
 Rien n’est oubliĂ©. Le rythme de narration est assez soutenu et nous ne offre aucun rĂ©el temps mort. En ce sens, « Noires sont les Ă©toiles » est, Ă  mes yeux, le meilleur des trois tomes de la sĂ©rie. En simplifiant l’ensemble, Trondheim fait naitre un album plus passionnant et drĂŽle que les prĂ©cĂ©dents qui Ă©taient plus confus. On en apprend davantage Ă©galement sur le monde dans lequel se dĂ©roule l’histoire. On rencontre le roi par exemple.

Les dessins sont Ă©galement le fruit du trait de Trondheim. Son style est reconnaissable dĂšs le premier coup d’Ɠil. Je vous avoue que j’en suis friand. Le trait est simple et rend les planches faciles d’accĂšs. Cela n’empĂȘche pas les cases d’ĂȘtre pleines de dĂ©tails et habitĂ©es d’une vraie atmosphĂšre. Les dĂ©cors ne sont pas nĂ©gligĂ©s et participent Ă  la crĂ©ation de l’univers qui abrite la trame. De plus, les personnages sont tous facilement reconnaissables et possĂšdent chacun leur identitĂ© graphique soit par leur caractĂšre soit par leur physique. Enfin, le travail de Brigitte Findakly sur les couleurs est excellent et donne Ă  l’ensemble un aspect visuel trĂšs attractif.

En conclusion, « Noires sont les Ă©toiles » est un ouvrage honnĂȘte qui marque une progression dans la sĂ©rie. Il se lit avec plaisir. On ne s’ennuie jamais mĂȘme si on n’est pas aussi transportĂ© que dans « Donjon ». NĂ©anmoins, le premier cycle Ă©tant terminĂ©, on se doute qu’un second verra le jour. Je n’hĂ©siterai pas Ă  guetter sa parution pour suivre les aventures de Ralph. Mais cela est une autre histoire


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Note : 13/20

Ralph Azham, T1 : Est-ce qu’on ment aux gens qu’on aime ? – Lewis Trondheim

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Titre : Ralph Azham, T1 : Est-ce qu’on ment aux gens qu’on aime ?
Scénariste : Lewis Trondheim
Dessinateur : Lewis Trondheim
Parution : Mars 2011


« Ralph Azham » est une nouvelle sĂ©rie nĂ©e de l’imagination du cĂ©lĂšbre et talentueux Lewis Trondheim. Le premier tome intitulĂ© « Est-ce qu’on ment aux gens qu’on aime ? » est sorti le mois dernier. EditĂ© chez Dupuis, cet opus de format classique est composĂ© d’une grosse quarantaine de pages. Sur un fond blanc, la couverture nous prĂ©sente une galerie de personnages originaux tournant autour d’un jeune homme aux cheveux bleus et dont les mains sont attachĂ©es Ă  un poteau. Le prix de l’ouvrage est un petit peu infĂ©rieur Ă  douze euros.

Ralph Azham vit dans un village dans lequel il possĂšde le statut de souffre-douleur. Toutes les occasions sont bonnes pour le punir, le torturer ou le frapper. Il faut dire que ce cher Ralph possĂšde un pouvoir bien particulier. Il peut voir les morts et les naissances. Bref, pour lui, le quotidien est rarement rose et bien trop souvent noir et dur. Mais dĂ©jĂ  que la vie n’est pas facile, voilĂ  que le village va ĂȘtre attaquĂ© par la Horde, une troupe sanguinaire qui pris l’habitude de terroriser les habitants


Il faut savoir que je suis un grand fan de Lewis Trondheim. Je possĂšde une grande partie de ses productions. Et rares sont les lectures de l’une d’entre elles qui ne m’ont pas enthousiasmĂ©. Cela fait que la seule prĂ©sence de son nom sur une couverture de bandes dessinĂ©es fait que je m’offre l’album en question. La couverture laissait sous-entendre une nouvelle immersion de l’auteur dans l’univers de « l’HĂ©roĂŻc Fantasy ». C’était plutĂŽt une bonne nouvelle car son premier voyage dans le domaine a donnĂ© naissance Ă  la grande saga « Donjon » qui est une des Ɠuvres majeures de la derniĂšre dĂ©cennie dans le neuviĂšme art français. J’avais donc hĂąte de dĂ©couvrir ce cher Ralph. Pour ceux qui n’auraient pas encore la chance de connaĂźtre la magie de Trondheim, sachez qu’elle s’adresse Ă  tous les publics. Cet album rĂ©pond Ă©galement Ă  cette rĂšgle.

On frĂŽle parfois l’indigestion.

Cet album marque le dĂ©but d’une nouvelle sĂ©rie. Les personnages nous sont donc inconnus tout autant d’ailleurs que l’univers dans lequel ils vivent ou que les rĂšgles qui rĂ©gulent leur monde. C’est un attrait toujours certain des premiers opus de sĂ©ries de « Fantasy ». On est toujours Ă  la recherche de la petite originalitĂ© qui va nous rendre ce monde si sympathique. On ne peut pas dire que cet album se dĂ©marque vraiment des habitudes du genre. L’attrait rĂ©side davantage dans le fait que Trondheim veuille jouer avec les codes du genre. Le bĂ©mol est que j’ai trouvĂ© la trame trĂšs brouillonne. On a parfois l’impression que cela part dans tous les sens. Les informations sont nombreuses, les chemins variĂ©s. Mais au final, on frĂŽle parfois l’indigestion. J’ai en effet eu du mal Ă  me plonger dans le quotidien de Ralph Azham. Je suis restĂ© spectateur parce que la porte d’entrĂ©e Ă©tait peut-ĂȘtre un petit peu trop obstruĂ©e.

CĂŽtĂ© personnages, Trondheim nous en offre une galerie assez fournie. Le premier d’entre eux donne le nom Ă  la sĂ©rie. Il s’agit de Ralph Azham. On ressent un petit peu d’empathie pour lui. En effet, le fait que le village lui fasse porter tous les malheurs du monde avec un certain sadisme fait qu’on ne peut ĂȘtre que de son cĂŽtĂ©. Le fait que l’histoire se dĂ©roule dans une petite communautĂ© fait qu’on voit rapidement graviter un nombre certain de personnages identifiables. C’est une rĂ©ussite de l’ouvrage car cela nous permet quand mĂȘme de visualiser assez rapidement le fonctionnement local. Je ne vous les prĂ©sente pas tous parce qu’une partie du plaisir de la lecture rĂ©side dans la surprise et la dĂ©couverte.

CĂŽtĂ© atmosphĂšre, je ne l’ai pas trouvĂ© trĂšs prenante. Au risque de me rĂ©pĂ©ter, je trouve que la narration est trop brouillonne pour rendre notre immersion totale. Je pense que structurer davantage les informations en les allĂ©geant Ă©ventuellement aurait permis de donner davantage d’épaisseur aux personnages et ainsi de dĂ©velopper nos sentiments Ă  leurs Ă©gards. Ce n’est que mon point de vue mais c’est en tout cas ce que j’ai ressenti. C’est dommage car certaines scĂšnes sont vraiment trĂšs rĂ©ussies. Trondheim dĂ©montre une nouvelle fois son talent pour faire rire en tout occasion. Certaines rĂ©pliques sont remarquables de drĂŽlerie. NĂ©anmoins, on ne retrouve pas la densitĂ© humoristique que contiennent certains Ă©pisodes de « Donjon ».

Concernant les dessins, je les trouve remarquables. Il faut dire que je trouve le style de Trondheim trĂšs agrĂ©ables. D’apparence trĂšs simple et quasiment enfantin, ils collent parfaitement au ton de l’histoire. Ils rendent la lecture aisĂ©e pour tout type de public. Pour des raisons Ă©quivalentes, les couleurs sont bien dosĂ©es. J’en profite pour signaler la qualitĂ© du travail dans ce domaine de Brigitte Findakly qui s’en est chargĂ©e dans cet opus. Le dĂ©coupage des cases est classique. Chaque page est composĂ©e de quatre lignes dĂ©coupĂ©es chacune en une Ă  quatre cases. Sur ce plan-lĂ , la lecture ne nĂ©cessite pas de gymnastique particuliĂšre.

Au final, cet opus m’a laissĂ© un sentiment mitigĂ© une fois terminĂ©. Je ne peux pas dire qu’il ne m’a pas fait passer un moment agrĂ©able. J’ai souvent ri, j’ai Ă©galement trouvĂ© certains dialogues ou certaines scĂšnes savamment tournĂ©s. Par contre, je n’ai pas eu l’envie, comme souvent avec Trondheim, de me plonger au plus vite dans l’album tout juste terminĂ©. Peut-ĂȘtre en attendais-je trop ? MalgrĂ© tout, je n’ai pas passĂ© un moment dĂ©sagrĂ©able en le dĂ©couvrant. Mais il n’est pas Ă  la hauteur des sĂ©ries comme « Lapinot » ou « Donjon ». Cela ne m’empĂȘchera pas de m’offrir le prochain opus de cette sĂ©rie pour dĂ©couvrir les nouvelles aventures de ce pauvre Ralph Azham


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Note : 12/20

Donjon CrĂ©puscule, T111 : La fin du donjon – Lewis Trondheim, Joann Sfar & Mazan

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Titre : Donjon crépuscule, T111 : La fin du donjon
Scénaristes : Lewis Trondheim & Joann Sfar
Dessinateur : Mazan
Parution : Mars 2014


 « La Fin du Donjon »  Le titre du tome 111 de « Donjon CrĂ©puscule » est sans Ă©quivoque : c’est la fin ! La grande aventure nĂ©e de l’imagination de Lewis Trondheim et Joann Sfar allait vivre Ă  son dĂ©nouement. La lecture du tome prĂ©cĂ©dent « Haut Septentrion » nous prĂ©sentait un premier angle de vue sur le combat final qui concluait la saga. Mais « La Fin du Donjon » conte les Ă©vĂ©nements perçus Ă  travers Marvin et Herbert, les deux hĂ©ros lĂ©gendaires. Les deux auteurs ont confiĂ© les dessins Ă  Mazan, dĂ©jĂ  vu sur le premier Ă©pisode de « Donjon Monsters ». Sorti chez Delcourt, en mars dernier, l’album Ă©tait prĂ©sentĂ© par une trĂšs jolie couverture. On y dĂ©couvrait les ruines du Donjon dans lesquelles la nature reprenait le dessus. J’ai trouvĂ© cette illustration trĂšs rĂ©ussie. J’espĂ©rais que le reste de la lecture serait Ă  la hauteur et offrirait Ă  « Donjon » une conclusion brillante.

« Plus les Ăźlots de Terra Amata montent, moins il y a d’oxygĂšne. Tandis que Marvin Rouge et Zakutu tentent de protĂ©ger les objets du Destin, Herbert et le Roi PoussiĂšre sont obligĂ©s de faire allĂ©geance Ă  l’EntitĂ© noire afin d’obtenir le prĂ©cieux oxygĂšne. La fin du Donjon n’a jamais Ă©tĂ© aussi proche ! Mais la rĂ©sistance est en marche. » VoilĂ  le rĂ©sumĂ© offert par le site BD Gest’. A mes yeux, il prĂ©sente clairement les enjeux pour tout lecteur rĂ©gulier de la sĂ©rie.

Il est Ă©vident qu’essayer de lire cet album sans connaĂźtre les Ă©pisodes prĂ©cĂ©dents est une mission impossible. Il n’y a pas de piqĂ»re de rappel. Les auteurs plongent immĂ©diatement dans le dur. L’histoire peut ĂȘtre perçue comme un spin off de « Haut Septentrion ». Il faut au moins avoir entiĂšrement lu le cycle « Donjon CrĂ©puscule » qui relate la fin du Donjon. Il se compose actuellement d’une dizaine d’ouvrages.

Un rythme effréné

Un des dĂ©fauts que ne possĂšde pas cet album est le fait de ne pas ĂȘtre habitĂ© par des temps morts. Le rythme est effrĂ©nĂ©. Les Ă©vĂ©nements s’enchainent. L’action est de sortie. Mazan a un gros travail d’illustration Ă  faire pour faire ressentir le mouvement perpĂ©tuel qui accompagne les pĂ©rĂ©grinations d’Herbert et Marvin. Ils n’arrĂȘtent pas de courir aux quatre coins de Terra Amata. Le trait de l’auteur traduit assez bien cette sensation de course permanente contre la montre. Le lecteur n’a jamais le temps de souffler. NĂ©anmoins, j’apporterais un bĂ©mol. L’ensemble m’apparait brouillon. J’ai parfois eu la sensation que scĂ©nario Ă©tait un cousin du diable de Tasmanie. Ce n’est pas dĂ©sagrĂ©able dans l’ensemble mais cela m’a essoufflĂ© par moment.

Le dĂ©nouement est connu dans les grandes lignes avant mĂȘme la dĂ©couverte de la premiĂšre page. Le fait d’avoir lu le tome 110 de « Donjon CrĂ©puscule » donne beaucoup d’informations Ă  ce propos. Cela fait que j’ai eu du mal Ă  me passionner pour les rebondissements qui jalonnent le trajet d’Herbert tout au long de l’histoire. Par contre, j’étais attentif Ă  tous les moments partagĂ©s entre le palmipĂšde et son ami dragon. Ils forment le duo central de la saga. Il Ă©tait donc important de savourer les derniers temps passĂ©s Ă  leurs cĂŽtĂ©s. J’ai regrettĂ© que cet aspect nostalgique et Ă©motionnel soit en retrait par rapport Ă  l’action pure. Je ne le reproche pas aux auteurs. C’est leur choix et leur Ɠuvre. NĂ©anmoins, je regrette que le « au revoir » soit finalement aussi brutal. Seules les trois derniĂšres pages sont apaisĂ©es et closent l’aventure avec poĂ©sie. Parsemer le reste de l’album de ce type de pensĂ©es ou de phrases ne m’aurait pas dĂ©plu. Dans un genre trĂšs diffĂ©rent, je trouvais la fin de « Lapinot » bien plus intense et mieux amenĂ©e.

Pour conclure, j’ai passĂ© un bon moment Ă  assister Ă  la fin du Donjon. Le plaisir que j’ai eu Ă  retrouver Herbert et Marvin ensemble m’a fait oublier les quelques dĂ©fauts que dĂ©gageait par moment la lecture. Il est indispensable pour tout adepte de la saga de s’y plonger pour boucler la boucle. Il ne me reste plus qu’à espĂ©rer qu’un jour les auteurs trouveront le temps de combler quelques trous que possĂšde la grande Histoire du Donjon. L’espoir n’a jamais tuĂ© personne


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Note : 12/20

Donjon Crépuscule, T110 : Haut Septentrion

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Titre : Donjon crépuscule, T110 : Haut Septentrion
Scénaristes : Lewis Trondheim & Joann Sfar
Dessinateur : Alfred
Parution : Mars 2014


« Donjon » est une sĂ©rie qui a marquĂ© le neuviĂšme art. Lors de sa naissance, le projet de Lewis Trondheim et Joann Sfar paraissait irrĂ©aliste. Il souhaitait conter l’histoire des habitants d’un Donjon au cours de trois Ă©poques diffĂ©rentes. « Donjon Potron-Minet » devait suivre la construction du Donjon, « Donjon ZĂ©nith » son apogĂ©e et « Donjon CrĂ©puscule » sa chute. D’autres sĂ©ries telles que « Donjon Monsters » ou « Donjon Parade » agrĂ©mentaient Ă©galement cet univers. Depuis de nombreuses annĂ©es, les tomes paraissent Ă  un rythme effrĂ©nĂ© pour le plus grand plaisir des lecteurs. La fantasy et l’humour sont les deux caractĂ©ristiques de cette grande Ă©popĂ©e. Chaque cycle possĂšde sa propre identitĂ© tout en respectant la cohĂ©rence narrative. Mais ces derniĂšres annĂ©es, les nouveaux Ă©pisodes ont Ă©tĂ© plus rares. En mars dernier, sont apparus dans les rayons Ă  ma grande surprise deux nouveaux tomes. J’eus la dĂ©sagrĂ©able surprise de voir qu’ils marquaient la fin de l’aventure. Ces opus marquaient-ils la derniĂšre touche des auteurs Ă  leur crĂ©ation ou pensaient-ils un jour combler les nombreuses zones d’ombre que leur chronologie possĂšde encore ? C’est sans rĂ©ponse Ă  ses interrogations que je me suis plongĂ© dans « Haut Septentrion », tome 110 de « Donjon CrĂ©puscule ».

Le site BDGest’ propose le rĂ©sumĂ© suivant des enjeux de cet album : « Tremblement sur Terra Amata. Alors que tous les Ăźlots s’éloignent du noyau de magma et de l’atmosphĂšre respirable, le Roi PoussiĂšre pense qu’il est temps pour lui de mourir de façon hĂ©roĂŻque. Marvin Rouge s’accroche toujours, bon grĂ©, mal grĂ© et va devoir le sauver de cette idĂ©e fixe tout en trouvant un moyen de respirer. »

Des scÚnes de combat et de batailles. 

Trondheim et Sfar n’en sont pas Ă  une fantaisie prĂšs. En effet, cet ouvrage doit ĂȘtre lu en parallĂšle du tome 111 intitulĂ© « La fin du Donjon ». Chacun dĂ©crit les Ă©vĂ©nements qui mĂšnent au dĂ©nouement de l’intrigue en axant sa narration sur des angles et des personnages diffĂ©rents. Ma critique porte sur « Haut Septentrion » qui se centre sur le duo formĂ© de Marvin Rouge et Zakutu. Le premier est un guerrier hystĂ©rique assoiffĂ© de sang ou de sexe au grĂ© de ses humeurs. La seconde est une princesse hĂ©ritiĂšre au caractĂšre trempĂ©. Les alĂ©as de leurs parcours respectifs les mĂšnent au centre d’un combat dont l’issue sera dĂ©finitive pour le Monde. Je me dois rapidement prĂ©ciser qu’il est indispensable d’avoir une connaissance minimale des enjeux et des protagonistes de la sĂ©rie pour se plonger dans cette lecture. Dans le cas cadre contraire, il me semble impossible d’y comprendre quoi que ce soit.

La nature mĂȘme de l’histoire fait que la majoritĂ© des planches sont des scĂšnes de combat et de batailles. Je ne suis pas trop fan de ce type de construction parce que bien souvent certaines planches sont du remplissage. Occuper trois planches Ă  dessiner des explosions et des duels Ă  l’épĂ©e Ă©vite trop frĂ©quemment de construire une intrigue et de rĂ©diger des dialogues travaillĂ©s. Mais les deux auteurs ne tombent pas dans cette facilitĂ©. Chaque page est agrĂ©mentĂ©e de plusieurs vannes bien senties que ce soit entre les hĂ©ros ou envers leurs ennemis. Le cĂŽtĂ© testostĂ©rone des derniers opus de « Donjon CrĂ©puscule » est une nouvelle fois bien transcrit. On pourrait regretter un dĂ©but un petit peu brouillon. Le fait que la sĂ©rie ait sautĂ© deux ou trois tomes a pour consĂ©quence de nĂ©cessiter pour le lecteur un temps d’adaptation Ă  la nouvelle situation Ă  Terra Amata. La mise en route manque un petit peu de clartĂ© et de finesse. NĂ©anmoins, l’affection ressentie Ă  l’égard de cette sĂ©rie fait rapidement oubliĂ© ce dĂ©faut au dĂ©marrage une fois que les deux tourtereaux au sang chaud se retrouvent en amoureux pour sauver le monde.

La relation entre Marvin et Zakutu est un des points forts de ce cycle. Les deux personnages sont individuellement trĂšs rĂ©ussis et ils prennent une ampleur explosive quand ils sont mis en contact. Ce tome accentue ce phĂ©nomĂšne dans le sens oĂč ils ne sont que tous les deux lors de leurs pĂ©rĂ©grinations. Personne ne leur fait de l’ombre et cela leur permet de ne fixer aucune limite Ă  leurs excĂšs. Cela offre des moments trĂšs drĂŽles et surtout aucun temps mort. Une fois la machine narrative enclenchĂ©e, elle ne cesse pas de s’emballer sans jamais ralentir. MĂȘme la derniĂšre planche est rĂ©ussie sur ce plan-lĂ  alors que l’issue laissait la porte ouverte Ă  quelque chose de plus classique et traditionnel.

Les auteurs ont pris l’habitude de changer bien souvent de dessinateurs d’un album Ă  l’autre. C’est Alfred qui se voyait confier l’illustration de ce combat final. Il s’en sort correctement et reste globalement fidĂšle Ă  l’identitĂ© graphique de la saga. MalgrĂ© tout, il ne s’agit pas de l’artiste dont j’ai prĂ©fĂ©rĂ© le travail sur la sĂ©rie. Son trait manque de finesse et de prĂ©cision Ă  mes yeux. C’est dommage car les scĂšnes sont rythmĂ©es et denses. Il m’apparaĂźt donc important de se montrer soignĂ© et appliquĂ© pour permettre au lecteur Ă  la fois de s’immerger dans des dĂ©cors en changement permanent tout en comprenant dans les moindres dĂ©tails les Ă©vĂ©nements qui s’y dĂ©roulent. Par contre, je n’ai rien Ă  dire sur le travail des couleurs qui correspondent parfaitement aux attentes gĂ©nĂ©rĂ©es.

Pour conclure, cet opus conclut honorablement le cycle. C’est d’ailleurs plus dans l’évolution des deux personnages principaux que dans l’issue du combat final que rĂ©side l’attrait de la lecture. Il est Ă©vident que certains moments concernant Herbert sont nĂ©buleux dans cet album. Mais je ne doute pas que « La fin du Donjon » Ă©claircira tout cela. Mais c’est une autre histoire


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Note : 14/20


 

Blast, T4 : Pourvu que les bouddhistes se trompent – Manu Larcenet

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Titre : Blast, T4 : Pourvu que les bouddhistes se trompent
Scénariste : Manu Larcenet
Dessinateur : Manu Larcenet
Parution : Mars 2014


« Blast » est un OVNI du neuviĂšme art. Depuis la sortie de son premier tome il y a presque quatre ans, cette sĂ©rie est amenĂ©e Ă  marquer profondĂ©ment ses lecteurs. Ce roman graphique nĂ© de l’imagination et de la plume de Manu Larcenet est un uppercut permanent. Cette saga est une tĂ©tralogie. Le sept mars dernier est apparu l’épisode ultime du parcours de Polza Mancini, ce personnage pas comme les autres. Ce dernier opus s’intitule « Pourvu que les bouddhistes se trompent ». EditĂ© chez Dargaud, cet ouvrage se compose de cent quatre-vingt-quinze pages. Il coĂ»te vingt-trois euros. La couverture se partage en deux plans. Le premier nous prĂ©sente Polza, revenu Ă  l’état sauvage. Le second nous prĂ©sente Carole assise un rĂ©volver dans la main. Le dĂ©nouement approche et nous pouvons lĂ©gitimement l’apprĂ©hender.

La quatriĂšme de couverture fait parler Mancini qui s’adresse Ă  nous : « Un vent lourd, puant suie et cadavre, gronde sur la route et me glace. L’orage approche. Je ne cherche aucun abri, il n’en existe pas Ă  ma taille. Je claudique au bord du chemin, ivre comme toujours, dans l’espoir que la distance entre nous se rĂ©duise que nos peaux se touchent enfin. Sali, battu, hagard, je repousse le moment oĂč, le souffle court et les pieds meurtris par de mauvaises chaussures, je devrai m’arrĂȘter. Serai-je encore assez vivant pour repartir ? »

Tour Ă  tour Ă©mu, touchĂ©, Ă©nervĂ©, choquĂ©, compatissant, dĂ©goĂ»tĂ©, horrifiĂ©…

Polza Mancini est un personnage riche qui ne peut pas laisser indiffĂ©rent. Pire que cela, il arrive Ă  gĂ©nĂ©rer tous les spectres des sentiments possibles. Tour Ă  tour j’ai Ă©tĂ© Ă©mu, touchĂ©, Ă©nervĂ©, choquĂ©, compatissant, dĂ©goĂ»tĂ©, horrifiĂ© et j’en passe. D’une page Ă  l’autre, nos Ă©motions sont chamboulĂ©es. La vie de Polza est celle d’un clochard comme il l’affirme. Elle alterne donc entre des moments de poĂ©sie dans la forĂȘt ou prĂšs d’une riviĂšre avec des moments durs inhĂ©rents Ă  la vie dehors. Tous les marginaux ne sont pas stables et bienveillants, loin s’en faut. D’ailleurs le Mancini n’est pas dĂ©nuĂ© de dĂ©faut : il est alcoolique, droguĂ©, instable, sale. A cela s’ajoute un physique difforme qui incite Ă  dĂ©tourner le regard. Bref, il fait partie des gens qu’on n’oublie mais qu’on ne souhaite pas croiser Ă  nouveau.

Mais Polza ne nous conte pas son histoire au coin du feu. Il est en garde Ă  vue. Il est accusĂ© du meurtre de Carole, une jeune femme que les premiers tomes ont petit Ă  petit fait apparaĂźtre dans la vie de Mancini. L’album prĂ©cĂ©dent se concluait par une rude rĂ©vĂ©lation : Carole aurait tuĂ© son propre pĂšre. C’est donc ici que reprend la trame pour ce dernier acte.

A la suite de son Ă©vasion de l’hĂŽpital, Polza est hĂ©bergĂ© chez un des anciens pensionnaires prĂ©nommĂ© Roland. Ce dernier vit dans une ferme reculĂ©e avec sa fille Carole. Mancini ne quittera plus cette ferme jusqu’à son interpellation par la police. Pour la premiĂšre fois, Polza est sĂ©dentaire. Bien qu’il affirme ĂȘtre irrĂ©mĂ©diablement attirĂ© par un dĂ©part dans la forĂȘt, il ne franchit jamais le pas. Il semble attachĂ© Ă  sa nouvelle famille. L’équilibre qui rĂ©git la vie de cette petite communautĂ© est remarquable dĂ©crit par Larcenet. Alors qu’on pourrait y voir une fille aimante et dĂ©vouĂ©e qui s’occupe de son pĂšre malade et qui accueille un sans-abri en quĂȘte d’affection. Mais tout cela est bien plus compliquĂ©, malsain et inquiĂ©tant. Chaque rayon de soleil prĂ©cĂšde une longue pĂ©riode sombre sans lumiĂšre. L’issue nous est connue. Elle est triste et fatale. Le moins que nous puissions dire est que le chemin qui y mĂšne n’est pas plus joyeux.

CĂŽtĂ© dessin, le voyage est intense. Le travail graphique de Larcenet est impressionnant. Son Ɠuvre est quasiment entiĂšrement en noir et blanc. Il fait naĂźtre une grande galerie d’atmosphĂšre. Que les scĂšnes soient intimes ou que ce soient des paysages, que les moments soient lĂ©gers ou horribles, tout nous pĂ©nĂštre profondĂ©ment. Je n’ai pas le vocabulaire suffisamment riche pour vous transcrire les sentiments ressentis devant les planches ou les termes prĂ©cis et techniques qui permettraient d’expliquer la qualitĂ© du travail. Je ne peux donc que vous inciter Ă  ouvrir aux hasards ce tome et en lire quelques pages. Ce sera la meilleure maniĂšre de vous imprĂ©gner et de savourer les remarquables illustrations qui accompagnent cette histoire qui l’est tout autant.

« Pourvu que les bouddhistes se trompent » conclue avec maestria cette grande saga. La derniĂšre partie de l’ouvrage est une invitation Ă  la redĂ©couvrir avec un regard neuf. Cette sĂ©rie est une Ɠuvre majeure de ma bibliothĂšque. Je pense que je m’y plongerai rĂ©guliĂšrement quitte Ă  prendre du plaisir de lecteur Ă  souffrir. « Blast », c’est une expĂ©rience qui ne laisse pas indemne


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Note : 19/20

Blast, T3 : La tĂȘte la premiĂšre – Manu Larcenet

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Titre : Blast, T3 : La tĂȘte la premiĂšre
Scénariste : Manu Larcenet
Dessinateur : Manu Larcenet
Parution : Octobre 2012


« Blast » est incontestablement un OVNI dans la bibliographie de Manu Larcenet. Sa cĂ©lĂ©britĂ© est nĂ©e du succĂšs de sĂ©ries telles que « Le retour Ă  la Terre », « Donjon Parade », « Le combat ordinaire » ou encore « Chez Francisque ». J’ai toujours suivi son travail. Il a su me faire rire souvent et m’émouvoir de temps Ă  autre. Bref, cet auteur est incontestablement un des Ă©crivains en vogue du neuviĂšme art. Son aura prend une toute autre ampleur lorsqu’apparait « Grasse carcasse » dans les librairies. Premier Ă©pisode de sa nouvelle saga, cet album se dĂ©marque. Le format est plus carrĂ©, il se compose de deux cents pages et l’identitĂ© graphique est noire et blanche. Une fois la lecture entamĂ©e, l’atmosphĂšre glauque, triste et dĂ©pressive nous envahit et ne nous laisse pas indemne une fois terminĂ©e. Bref, « Blast » organise un voyage unique qui ne peut pas laisser indiffĂ©rent. C’est donc avec un plaisir intense que j’ai dĂ©couvert la parution en octobre dernier du dernier acte des aventures de Polza Mancini.

Son hĂ©ros est accusĂ© d’avoir agressĂ© une femme. Il est en garde Ă  vue, Ă©coutĂ© par des policiers. Ces derniers cherchent Ă  savoir comment cet acte a pu avoir lieu. Mais Polza veut tout expliquer. Cela part de son enfance, de la mort de son frĂšre et de son pĂšre. Et surtout il Ă©voque son premier Blast, Ă©tat d’extase profonde qu’il obtient en abusant d’alcool ou de substances illicites. Sa vie de clochard, en dehors des sentiers battus, se rĂ©sument donc Ă  des rencontres hasardeuses et la quĂȘte du blast. Son physique ingrat fait de lui un paria volontaire de la sociĂ©tĂ©. Dans l’opus prĂ©cĂ©dent, il croisait Jacky qui s’avĂ©rait ĂȘtre un serial killer. Ce nouvel acte prĂ©sente de nouvelles rencontres qui ne laissent pas indemne Ă  la fois le hĂ©ros et ses lecteurs


Un hĂ©ros malade Ă  l’intelligence particuliĂšre et alambiquĂ©e.

Cet ouvrage se dĂ©marque des deux prĂ©cĂ©dents par la narration de l’internement de Polza. Suite Ă  une tentative de suicide difficile Ă  soutenir, Mancini se trouve enfermĂ© dans une structure hospitaliĂšre qui lui impose une thĂ©rapie psychanalytique. On n’a jamais doutĂ© du fait que le hĂ©ros est malade et nĂ©cessite des soins. Mais c’est la premiĂšre fois depuis le dĂ©but de l’histoire qu’on le dĂ©couvre dans les mains du corps mĂ©dical. Son intelligence particuliĂšre, inquiĂ©tante et alambiquĂ©e prend une autre ampleur quand elle se confronte Ă  la rĂ©alitĂ©. Son refus de se soigner, sa maniĂšre de manipuler et de mĂ©priser les codes font que tout espoir Ă  son Ă©gard disparaĂźt. Il ne veut pas saisir la main qu’on lui tend. On s’en doutait mais on souffre de voir cela se confirmer.

En dehors de la pĂ©riode mĂ©dicale de l’intrigue, Larcenet nous offre des scĂšnes particuliĂšrement dures qui mettent mal Ă  l’aise et qui font souffrir. L’auteur n’utilise aucun filtre pour dĂ©crire la vie de cet homme errant. On sent particuliĂšrement bien l’angoisse de la nuit. Toutes les bĂȘtes fĂ©roces sortent de leur taniĂšre et l’animalitĂ© de l’homme prend une toute autre ampleur qui est loin de laisser indiffĂ©rent. Le talent de l’auteur pour alterner des moments bavards et des moments complĂštement silencieux participe activement Ă  cette atmosphĂšre oppressante. La capacitĂ© que possĂšde l’écrivain Ă  dessiner des paysages nocturnes ou diurnes fait que nos Ă©motions sont en permanence sollicitĂ©es.

Je ne voudrais trop vous en dĂ©voiler. En effet, le plaisir rĂ©side Ă©galement dans les nombreuses interrogations qui se posent Ă  nous quant au devenir de Polza. Le suspense est stressant tant la descente aux enfers du hĂ©ros est permanente. Cet ouvrage est donc dans la lignĂ©e des deux premiers opus. Il s’agit lĂ  d’un vrai compliment tant je suis adepte de cette saga qui est unique dans son genre et qui ne laissera personne indemne une fois le bouquin refermĂ©. Mancini continue Ă  nous hanter


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Note : 17/20

Blast, T2 : L’apocalypse selon Saint Jacky – Manu Larcenet

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Titre : Blast, T2 : L’Apocalypse selon Saint Jacky
Scénariste : Manu Larcenet
Dessinateur : Manu Larcenet
Parution : Avril 2011


« L’apocalypse selon Saint Jacky » est le titre du deuxiĂšme opus de la sĂ©rie de bandes dessinĂ©es « Blast ». Ecrit par Manu Larcenet, cet album est Ă©ditĂ© chez Dargaud depuis le mois d’avril dernier. Cet ouvrage est d’un format original. En effet, l’histoire s’étale sur environ deux cents pages. Le prix est Ă  peine supĂ©rieur Ă  vingt euros. La couverture est coupĂ©e en deux parties. La partie supĂ©rieure, en noir et blanc, nous prĂ©sente un homme obĂšse les yeux dans les yeux avec un Ă©lĂ©phant. L’infĂ©rieure est colorĂ©e et nous fait dĂ©couvrir un homme en train de lire, allongĂ© dans ce qui semble ĂȘtre un livre.

Ce bouquin est la suite du prĂ©cĂ©dent tome de « Blast » intitulĂ© « Grasse carcasse ». Cette nouvelle histoire reprend oĂč nous avait laissĂ©s la prĂ©cĂ©dente. C’est l’occasion de prĂ©ciser qu’il m’apparaĂźt indispensable d’avoir lu le prĂ©cĂ©dent pour profiter pleinement de cet ouvrage. On y avait rencontrĂ© Mancini. Ancien Ă©crivain, il se revendique clochard. On dĂ©couvre son choix de vie qui consiste Ă  errer et Ă  vivre oĂč le mĂšne la vie sans aucune contrainte. Il vit dans la forĂȘt, y rencontre des SDF. Et surtout il boit et se drogue. Tout cela a pour but de lui faire ressentir Ă  nouveau le blast, sensation extrĂȘme de nirvana qui lui fait quitter sa misĂ©rable existence et son horrible corps d’obĂšse dĂ©goutant. Mais le problĂšme est qu’on a dĂ©couvert Mancini en garde Ă  vue et qu’il est accusĂ© de tentative de meurtre sur une femme


« L’apocalypse selon Saint Jacky » commence par l’annonce du dĂ©cĂšs de la prĂ©sumĂ©e victime de Mancini. Les policiers refusent de l’annoncer Ă  leur suspect et continuent Ă  le faire parler. En effet, Mancini continue de leur conter le cheminement de sa vie qui l’a amenĂ© Ă  se trouver Ă  cet endroit Ă  ce moment. Le centre de sa narration va tourner autour d’un personnage prĂ©nommĂ© Jacky qui l’a accueilli un temps et qui a fait durant quelques temps de Mancini un sĂ©dentaire


Un personnage principal qui n’a rien de rĂ©ellement sympathique.

Cette sĂ©rie ne s’adresse pas Ă  tous les publics. Autant des sĂ©ries de Larcenet comme « Le retour Ă  la terre » ou « Nic Oumouk » utilisent un ton lĂ©ger et humoristique, autant « Blast » adopte une ambiance lourde et dure. Le personnage principal n’a rien de rĂ©ellement sympathique. Son statut de SDF devrait dĂ©clencher un sentiment d’empathie. Ce n’est pas vraiment le cas. Il a choisi sa situation et semble en revendiquer de la fiertĂ©. De plus, sa situation d’alcoolique et de droguĂ© assumĂ©e ne favorise pas la sympathie. La narration est rĂ©aliste. Elle prĂ©sente quelque part les codes du chemin initiatique. Mancini nous offre une rĂ©flexion sur sa vie.

Le scĂ©nario s’étale sur deux cents pages. C’est relativement rare dans la bande dessinĂ©e. Le risque Ă©tait que la trame souffre de quelques vides ou encore de quelques lenteurs. Ce n’est absolument pas le cas. La lecture est intense. J’ai dĂ©vorĂ© cet opus d’une seule traite. On est rĂ©ellement transportĂ© dans l’univers de Mancini. On est fascinĂ© par le parcours de cet homme qui se met sciemment Ă  l’écart de la sociĂ©tĂ© et de ses codes. Les diffĂ©rentes rencontres sont autant de rebondissements. Les moments d’introspection sont Ă©galement passionnants.

Le personnage principal possĂšde une emprise Ă©norme sur le rĂ©cit. D’une part, il en est le narrateur et d’autre part ils occupent quasiment toutes les cases de l’ouvrage. Les deux policiers qui l’interrogent ont un rĂŽle trĂšs secondaire et ont pour unique utilitĂ© de relancer la trame. Ce deuxiĂšme tome nous fait rencontrer un nouveau protagoniste qui prend une place trĂšs importante. PrĂ©nommĂ© Jacky, il s’agit d’un homme, dealer, vivant dehors et fanatique de littĂ©rature qui va hĂ©berger Mancini pendant quelques temps. On pourrait qu’ils deviennent amis. Leur cohabitation nous est contĂ©e durant une grande majoritĂ© des pages. J’ai trouvĂ© cet aspect passionnant et savamment narrĂ©. Cette rencontre entre deux auto-exclus de la sociĂ©tĂ© ne laisse pas indiffĂ©rent.

Mais la richesse de cet album ne rĂ©side uniquement dans sa narration. L’atmosphĂšre de la lecture est intense. De temps en temps touchant, trĂšs souvent mettant mal Ă  l’aise, l’ambiance ne nous laisse jamais indiffĂ©rent ni insensible. Et pour aboutir Ă  ce rĂ©sultat, les dessins jouent un rĂŽle prĂ©pondĂ©rant. Manu Larcenet nous offre une Ɠuvre de grande qualitĂ© sur le plan graphique. Les dessins sont en noir et blanc. Il nous offre une grande variĂ©tĂ© de point de vue. D’une part, les paysages sont remarquables. Que ce soit la forĂȘt ou des immeubles de banlieue. D’autre les personnages sont Ă©galement trĂšs bien nĂ©s. Certains visages sont splendides. Ils possĂšdent une rĂ©elle profondeur.

Je ne peux donc que vous conseiller la lecture de cet album. Je le trouve trĂšs rĂ©ussi. De plus, il s’avĂšre ĂȘtre original, ce qui ne gĂąche rien. Pour ceux qui avaient dĂ©jĂ  dĂ©couvert le premier opus de la sĂ©rie, ce nouveau tome est Ă  la hauteur de son prĂ©dĂ©cesseur. Quant Ă  ceux pour qui « Blast » Ă©tait un univers inconnu, n’hĂ©sitez pas Ă  vous y plonger en commençant par « Grasse carcasse ». Bonne lecture


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Note : 17/20

Bone, T1 : La forĂȘt sans retour – Jeff Smith

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Titre : Bone, T1 : La ForĂȘt Sans Retour
Scénariste : Jeff Smith
Dessinateur : Jeff Smith
Parution : Septembre 1995


Il y a des jours oĂč des circonstances particuliĂšres vous font dĂ©couvrir des pĂ©pites. Des jours oĂč l’on dĂ©couvre « Bone » et oĂč d’un coup, plus rien n’est pareil. Et pourtant, rien ne m’avait prĂ©parĂ© Ă  un pareil choc tant j’avais pris ce comics Ă  la bibliothĂšque par simple curiositĂ© et envie d’étendre ma culture des comics amĂ©ricains


« Bone » est une sĂ©rie de comics faisant intervenir les bones, des ĂȘtres mi-humains, mi-animaux tout en rondeurs. Cette sĂ©rie compte 11 tomes (ou 9 selon l’édition originale). « La forĂȘt sans retour » est le nom du premier opus.

Ils sont trois cousins, trĂšs diffĂ©rents. Fone Bone, le hĂ©ros, est naĂŻf, honnĂȘte, sensible, romantique… Il est aussi dĂ©pourvu de tout signe distinctif (et tout nu !). De quoi pouvoir parfaitement s’identifier Ă  lui ! Phoney Bone est lui irascible, malhonnĂȘte et toujours prĂȘt Ă  faire un mauvais coup. Il Ă©tait le bone le plus riche de Boneville grĂące Ă  ses nombreuses arnarques. Pour les monter, il utilise souvent Smiley Bone grand et souriant, mais un peu bĂȘte sur les bords.

L’histoire commence alors que les trois bones ont Ă©tĂ© chassĂ©s de Boneville Ă  cause d’une nouvelle malversation de Phoney Bone. Ses cousins l’aident Ă  Ă©chapper Ă  l’ire populaire. Les voilĂ  perdus dans le dĂ©sert. Une attaque de criquets va alors rapidement les sĂ©parer. On suit le pĂ©riple de Fone Bone dĂ©couvrant une vallĂ©e encaissĂ©e et sa forĂȘt. Il va alors s’y retrouver bloquĂ© pour l’hiver et va essayer de retrouver ses cousins.

Un patchwork incroyable d’influences

La force de « Bone » est de ne rien dĂ©voiler trop vite. On commence par dĂ©couvrir les bones, ne sachant trop s’ils sont une reprĂ©sentation des humains ou pas. Puis on dĂ©couvre que les bones peuvent parler avec certains animaux. Puis des monstres apparaissent. Puis des humains. Et ainsi de suite. La complexitĂ© et la fĂ©Ă©rie du monde de Jeff Smith est rĂ©vĂ©lĂ©e au compte-goutte, l’auteur prenant le temps de nous immerger petit Ă  petit dans son univers. Et quel univers ! Car sous ses aspects enfantins indĂ©niables, il y a une noirceur persistente dans cette BD. L’humour est Ă©galement omniprĂ©sent et souvent complĂštement absurde (Ă  l’image de Mamy qui fait des courses contre les vaches
). C’est un patchwork incroyable d’influences, de Disney jusqu’à Tolkien.

L’histoire est trĂšs prenante bien que dans ce premier tome, il ne se passe pas tant de choses que ça. On dĂ©couvre cette vallĂ©e en mĂȘme temps que Fone Bone. Jeff Smith n’hĂ©site pas Ă  passer des pages entiĂšres Ă  faire descendre Fone vers la vallĂ©e, mais Ă  aucun moment on ne s’ennuie.

Le dessin est largement Ă  la hauteur du propos. Etonnamment, il est dans un noir et blanc pur (pas de trames ou de niveaux de gris). Etant donnĂ© l’aspect enfantin du trait, la couleur paraissait un choix Ă©vident. Mais le noir et blanc apporte justement la noirceur qui donne toute sa force Ă  « Bone ». La forĂȘt la nuit est des plus angoissantes avec ces aplats de noir. De plus, le trait de Jeff Smith est incroyable et il aurait Ă©tĂ© dommage de l’attĂ©nuer par de la couleur. Je suis tombĂ© amoureux de ses courbes au pinceau. La souplesse et les courbes des bones, associĂ©s Ă  une expressivitĂ© incroyable des personnages m’ont sĂ©duit plus que de raison. Car Jeff Smith mĂ©lange les styles allĂšgrement pour les besoins de son histoire. Les bones font partie d’un style trĂšs cartoon, enfantin, naĂŻf, alors que Thorn est dessinĂ©e de façon rĂ©aliste. Mamy sera elle dans un style proche de la caricature, et les rat-garous appartiennent Ă  l’univers du cauchemar. Cette facultĂ© Ă  manier et mĂ©langer les styles, tant narratifs que picturaux, est unique. C’est vraiment un plaidoyer contre le cloisonnement des genres.

Au final, ce premier tome de « Bone », introduction Ă  l’univers de Jeff Smith, m’a particuliĂšrement sĂ©duit. MĂȘme s’il s’adresse Ă  des adultes par son double degrĂ© de lecture, il est Ă©vident qu’il parlera d’avantage aux grands enfants, qui ont su garder une part d’imaginaire et de magie en eux (Ă  la maniĂšre d’un Toy Story). Je suis sorti de ma lecture joyeux, Ă©mu et nostalgique. Une vĂ©ritable rĂ©vĂ©lation.

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Note : 19/20

Whaligöe, T2 – Yann & Virginie Augustin

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Titre : Whaligöe, T2
Scénariste : Yann
Dessinatrice : Virginie Augustin
Parution : Janvier 2014


 « WhaligoĂ« » est un diptyque crĂ©Ă© par le scĂ©nariste Yann et la dessinatrice Virginie Augustin. Les couleurs sont confiĂ©es Ă  Fabien Alquier. La premiĂšre partie Ă©tait parue il y a un petit peu plus d’un an. La conclusion, sujet de ma critique d’aujourd’hui, est apparue dans les rayons de librairie le quinze janvier dernier. Cet ouvrage de format classique est vendu chez Casterman au prix de 13,50 euros. La couverture nous immerge au beau milieu d’un duel Ă  l’épĂ©e. La foule qui encadre est nombreuse Ă  encadrer les deux protagonistes Ă  la lumiĂšre de torches embrasĂ©es. L’heure semble ĂȘtre au rĂšglement de compte. Le programme est ainsi clairement annoncĂ©.

La quatriĂšme de couverture nous offre la prĂ©sentation suivante : « Ecosse, dĂ©but du XIXe siĂšcle. Leur cocher Ă©gorgĂ©, notre couple sur le dĂ©clin ne peut dĂ©sormais plus refuser l’affrontement final avec Branwell, la brute qui tient sous sa coupe le village de Whaligoë  Mais pour connaĂźtre l’identitĂ© du mystĂ©rieux Ă©crivain Ellis Bell, tous les coups bas sont permis, du duel Ă  la claymore aux morsures littĂ©raires empoisonnĂ©es
 Et si la vĂ©ritĂ© ne se trouvait pas Ă  la surface des choses ? 
 Si elle se dissimulait dans des profondes et inquiĂ©tantes tĂ©nĂšbres sous la lande tourbeuse de WhaligoĂ« ? »

Le concept du diptyque est souvent utilisĂ© ses derniĂšres annĂ©es dans la bande dessinĂ©e. Il n’est pas dĂ©pourvu d’attraits. En effet, il n’a pas les inconvĂ©nients des sĂ©ries au long cours qui voient bien souvent leur qualitĂ© dĂ©cliner au fur et Ă  mesure que naissent les diffĂ©rents Ă©pisodes. De plus, il peut prĂ©senter une histoire plus dense et travaillĂ©e qu’un simple album d’une petite cinquantaine de page. MalgrĂ© le genre possĂšde des risques. Le principal est de gĂ©nĂ©rer un univers complexe, des personnages mystĂ©rieux, des enjeux forts dans l’introduction et de voir la conclusion de ne pas rĂ©pondre aux attentes enthousiastes et exigeantes du lecteur aprĂšs la dĂ©couverte du premier acte. « WhaligoĂ« » avait offert un tome initial assez rĂ©ussi. Sur bon nombre de points, il s’agissait d’un bon cru. J’espĂ©rais que cette suite allait le confirmer.

“Une atmosphĂšre riche”

La premiĂšre richesse que j’ai retenue de ma rencontre avec « WhaligoĂ« » est son atmosphĂšre. L’arrivĂ©e dans ce village perdu au beau milieu des landes Ă©tait superbement retranscrite par le trait de Virginie Augustin. Que ce soit au contact d’autochtones parfois patibulaires ou au centre d’étendues dĂ©sertiques et inquiĂ©tantes, la dessinatrice arrivait Ă  dĂ©gager de ses planches un vrai envoĂ»tement pour le lecteur. De plus, le fait que bon nombre d’évĂ©nement se dĂ©roule la nuit ajoutait encore une dimension Ă  cette sensation oppressante d’ĂȘtre enfermĂ© au milieu de nulle part. MalgrĂ© un lĂ©ger changement de ton narratif dans ce second opus, cette qualitĂ© sensorielle des pages existe toujours. C’est un vrai plaisir. Les auteurs ont accordĂ© de l’importance Ă  construire un univers et des lieux avant d’y insĂ©rer des personnages et une histoire. Je leur en suis grĂ© car le voyage Ă  WhaligoĂ« ne laisse ainsi pas indemne.

Le deuxiĂšme aspect qui m’avait beaucoup plu Ă©tait la construction des personnages. Le couple principal Ă©tait assez unique dans son genre. Lui est un auteur qui a depuis longtemps perdu toute inspiration. Elle est sa Muse qui n’est plus aussi splendide qu’elle a Ă©tĂ©. Ils sont prĂ©sentĂ©s comme des « has been » qui se reprochent rĂ©ciproquement d’ĂȘtre la cause de leur dĂ©chĂ©ance tout en ne se quittant pas, faute d’autre proposition. Leurs Ă©changes fielleux sont des petits bijoux de mĂ©chancetĂ©. Chaque dialogue est Ă©crit, rien n’est bĂąclĂ©. J’ai retrouvĂ© cette patte dans cette suite et en ai savourĂ© les fruits avec gourmandise. Mais les auteurs ne se contentent pas d’offrir un mano a mano entre les deux tourtereaux, ils font Ă©galement exister leurs personnages secondaires. Je me garderai de les lister. Cela n’a pas grand intĂ©rĂȘt et gĂącherait en partie la lecture. NĂ©anmoins, il faut savoir qu’aucun protagoniste n’est neutre tant pour l’ambiance que pour la trame.

Concernant la trame, elle est plutĂŽt prenante. Quelques doses mystĂ©rieuses sont rĂ©guliĂšrement parsemĂ©es. Le hĂ©ros se trouve un adversaire local. Les sentiments amoureux et les secrets de famille sont de sortie. Bref, les ingrĂ©dients sont classiques mais solides. La sauce prend plutĂŽt bien sans rĂ©volutionner le genre. Le scĂ©nariste offre une conclusion Ă  la hauteur des espoirs nĂ©s dans son introduction. Ce n’est dĂ©jĂ  pas si mal. Ce second album n’est pas une succession de combats ou de poursuites. Les dialogues et les intrigues ne sont pas nĂ©gligĂ©s malgrĂ© une place lĂ©gitime plus importante donnĂ©e aux scĂšnes d’action. Le diptyque peut vraiment ĂȘtre perçu comme une entitĂ© unique. C’est agrĂ©able car ce n’est pas toujours le cas.

Je vous ai dĂ©jĂ  tressĂ© les lauriers du travail graphique de Virginie Augustin sur les dĂ©cors. Je peux en faire tout autant concernant sa capacitĂ© Ă  crĂ©er des personnages. Il possĂšde chacun une vraie personnalitĂ© et dĂ©gage Ă©normĂ©ment de choses par leurs traits, leurs visages ou leurs postures. Bref, la forme est Ă  la hauteur du fond. Pour conclure, « WhaligoĂ« » est une saga plutĂŽt rĂ©ussie dans laquelle j’ai pris beaucoup de plaisir Ă  me plonger. La lecture est prenante et je me suis laissĂ© porter sans mal. Certes, je n’en garde pas d’immenses souvenirs une fois le bouquin terminĂ©, mais est-ce si grave si la dĂ©gustation fut agrĂ©able ?

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