Titre : Fraise et chocolat
Scénariste : Aurélia Aurita
Dessinatrice : Aurélia Aurita
Parution : Mars 2006
Lâautobiographie en bande-dessinĂ©e sâest fortement dĂ©veloppĂ©e ces derniĂšres annĂ©es. Genre Ă la mode, il a vu aussi les auteurs casser les barriĂšres de lâintimitĂ© Ă des niveaux plus ou moins importants. AurĂ©lia Aurita, toute jeune auteure Ă lâĂ©poque des faits, publie « Fraise et chocolat » en 2006, histoire dâune rencontre avec un homme et de leur passion commune. Câest parti pour 140 pages dâĂ©bats sexuels passionnĂ©sâŠ
Lâouvrage dĂ©marre alors quâAurĂ©lia arrive au Japon. Elle a Ă©tĂ© invitĂ©e par FrĂ©dĂ©ric, avec qui elle entretient une correspondance depuis quatre mois. Elle espĂšre faire mentir les voix qui sâĂ©lĂšvent contre elle, comme quoi elle aurait Ă©tĂ© invitĂ©e pour que FrĂ©dĂ©ric « puisse [la] sauter ». En effet, elle est la seule auteure dĂ©butante invitĂ©e dans le projetâŠ
Une avalanche de confidences sans aucun tabou.
Le ton est donnĂ© dâentrĂ©e. Le rĂ©cit des coucheries, sans aucun tabou, est primordial dans lâouvrage. Les termes « fraise et chocolat » sont dâailleurs de savoureuses mĂ©taphores que je vous laisse deviner⊠La passion entre les deux amants est particuliĂšrement forte mais trĂšs sexuelle. Rien ne nous est Ă©pargnĂ©Â : fellation, cunnilingus, sodomie et dâautres fantasmes quâil serait cruel de rĂ©vĂ©ler. Cependant, cette avalanche de confidence aboutit Ă un sentiment de malaise Ă©vident : le lecteur se sent voyeuriste. Si certains apprĂ©cieront de dĂ©couvrir la vie sexuelle dâun jeune couple, dâautres seront peut-ĂȘtre gĂȘnĂ©s que dans le fond, on frise lâindigestion. Certes, AurĂ©lia Aurita ajoute de multiples rĂ©flexions sur sa passion, mais la surabondance de sexe noie le poisson.
Jâai trouvĂ© Ă©galement lâouvrage finalement trĂšs vulgaire. Je nâai aucun problĂšme avec la reprĂ©sentation de la sexualitĂ©, mĂȘme crue. Je lis beaucoup dâouvrages qui sont trĂšs explicites visuellement et cela ne me gĂȘne pas. Mais ici, ça mâa vraiment dĂ©rangĂ©. Quand AurĂ©lia Aurita essaye de se voir dans la glace avec un gode dans le cul, jâavoue avoir du mal Ă comprendre lâintĂ©rĂȘt de le raconter. Je reste dubitatif devant sa fiertĂ© quand « FrĂ©dĂ©ric Boilet a joui dans [son] cul ». Je pense que lâon atteint lĂ une des limites des rĂ©cits autobiographiques. LĂącher son intimitĂ© sans garde-fou, sans humour, sans recul nâest pas forcĂ©ment intĂ©ressant. Et pourtant, lâauteure multiplie les rĂ©flexions sur le couple histoire dâapporter autre chose, mais cela ne nous intĂ©resse pas plus que ça : faire lâamour tout le temps est-il un problĂšme ? Doit-on partager autre chose ? On ne peut pas dire quâon touche ici Ă lâoriginalitĂ©.
Au niveau du dessin, je connaissais dĂ©jĂ le style dâAurĂ©lia Aurita et on ne peut pas dire quâil mâavait sĂ©duit. Le style trĂšs relĂąchĂ© (câest un euphĂ©misme) est franchement gĂȘnant dans ses imperfections. Son dessin est trĂšs inĂ©gal. Le noir et blanc, rehaussĂ© de gris manque un peu de profondeur mais il faut avouer que le trait, dynamique et expressif, sâadapte plutĂŽt bien aux Ă©bats amoureux. Il est cependant dommage que lâĂ©rotisme de lâensemble passe avant tout par le traitement explicite plus que par le dessin en lui-mĂȘme.
ProfondĂ©ment exhibitionniste, « Fraise et chocolat » mâa laissĂ© au mieux indiffĂ©rent et au pire mal Ă lâaise. Jâai manquĂ© dâempathie pour ce couple pourtant atypique. NâĂ©tant pas sensible Ă lâhumour de lâauteure, ni aux Ă©motions quâelle souhaite vĂ©hiculer, je suis passĂ© complĂštement Ă cĂŽtĂ© de lâouvrage.
Note : 6/20