Buzz-moi – Aurélia Aurita

BuzzMoi


Titre : Buzz-moi
Scénariste : Aurélia Aurita
Dessinatrice : Aurélia Aurita
Parution : Septembre 2009


En 2006, Aurélia Aurita publie « Fraise et chocolat ». L’ouvrage présente sa vie sentimentale et sexuelle. Très explicite, l’album finit par faire un buzz plusieurs mois après, bien au-delà de la sphère BD. C’est donc la presse généraliste qui s’intéresse à elle. Absolument pas préparée à ce déferlement médiatique et à toutes ces sollicitations, l’auteure nous explique ici comment elle a vécu les choses.

Je précise dès lors que je n’avais pas aimé du tout « Fraise et chocolat ». Malgré tout, la lecture préalable de l’ouvrage est nécessaire pour pleinement saisir ce « Buzz-moi ». Dans le cas inverse, on ne comprend pas forcément tous les tenants et les aboutissants.

BuzzMoi1L’ouvrage développe plusieurs aspects. D’un côté, la relation aux journaux, aux magazines et à la télévision. La jeune femme découvre ce monde décrit de façon péjorative. Pour simplifier, on l’interviewe sans avoir lu son livre. De l’autre côté, il y a les séances de dédicaces et les rencontres avec les lecteurs. Clairement, cet aspect est peu intéressant car déjà traité mille fois par d’autres auteurs et Aurélia Aurita, malgré le côté sulfureux de son livre, n’a finalement pas grand-chose de nouveau à apporter (à la limite, c’est rassurant).

On découvre donc une auteure qui a droit à un portrait dans Libération et qui est invitée au Grand Journal. L’interrogation demeure : comment ne pas être ridicule face à ça ? De même, Aurélia Aurita semble d’autant plus sensible aux critiques. C’est plutôt bien expliqué. Cela commence par un article de blog, puis dans un journal, puis une pleine page, etc. Et viennent alors les adorateurs et les haineux.

Un manque de profondeur dans l’analyse

Ce qui me gêne dans son livre, c’est que l’on est avant tout devant une succession d’anecdotes. Il manque une analyse, une profondeur qui donnerait du sens à l’ensemble. C’est plaisant de découvrir les coulisses, mais un peu plus de fond n’aurait pas fait de mal. L’auteure joue beaucoup de sa sensibilité pour nous émouvoir. On sent quelqu’un d’honnête et de sincère. Et c’est souvent le but d’une autobiographie que de se dévoiler et de créer de l’empathie. Mais vu le sujet du livre, on n’est pas loin du documentaire. Surtout que l’auteure sait bien préserver sa vie privée justement.

Le dessin d’Aurélia Aurita est relâché et nerveux, soutenu par des aplats de gris. Le trait est vif et cela correspond bien au propos. Bien que la plupart des scènes soient assez statiques, l’auteure sait rendre l’ensemble vivant et finalement varié dans la mise en scène.

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« Buzz-moi » n’est pas dénué d’intérêt. Il présente les conséquences d’un buzz sur un artiste qui ne l’a pas vu venir. Cependant, l’auteure se confine beaucoup dans les faits et laisse une part à l’analyse qui me paraît un peu trop ténu. On retrouvera le même choix dans « LAP ! ». Mais si vous vous intéressez aux coulisses de la BD et des médias, jetez un coup d’œil à ce « Buzz-moi » sans hésiter !

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Note : 12/20

LAP ! – Aurélia Aurita

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Titre : LAP !
Scénariste : Aurélia Aurita
Dessinatrice : Aurélia Aurita
Parution : Janvier 2014


Les précédents livres d’Aurélia Aurita ne m’avaient pas laissé un souvenir forcément positif. Mais en voyant son livre « LAP ! » (sous-titré « un roman d’apprentissage »), je n’ai pu m’empêcher de retourner lire un livre de cette dessinatrice. En effet, le LAP est l’acronyme du Lycée Autogéré de Paris. C’est un lycée particulier où les profs et les élèves sont (théoriquement) à égalité et où chacun s’occupe du fonctionnement du lycée (ménage, cuisine…). C’est aussi et surtout un endroit expérimental où une autre façon d’enseigner est testée depuis maintenant trente ans. Étant enseignant, j’étais curieux de connaître un peu mieux le fonctionnement du LAP. Le tout est édité aux Impressions Nouvelles et pèse environ 140 pages pour un format A5.

Le parallèle avec « Retour au Collège » de Riad Sattouf s’impose immédiatement. Aurélia Aurita est lâchée en cours et parmi les élèves et un lien se crée rapidement. Difficile d’être objective, surtout que l’auteure est encore jeune et que les élèves ont, par essence même, un rapport aux adultes particuliers. Après une mise en situation classique sous forme d’assemblée générale, on découvre peu à peu le fonctionnement du LAP avec ses votes, ses embrouilles, ses cours originaux. Le tout est décrit assez objectivement, dans le sens où les aspects négatifs sont signalés régulièrement. Cependant, l’auteure n’hésite pas à se représenter très perturbée par ce qu’il se passe au lycée. C’est le syndrôme du jeune prof : l’envie que tout le monde réussisse, la difficulté de mettre une barrière et ne pas trop tomber dans l’affectif avec les élèves. Clairement, au LAP, c’est encore plus fort ! Il n’est même pas caché que des relations prof/élève ont régulièrement éclaté.

La partie gestion mise en avant

Aurélia Aurita semble avoir été traumatisée par l’enseignement puisqu’elle est très mal à l’aise quand il faut assister à un cours. Du coup, elle n’en parle que de façon anecdotique et c’est bien dommage. C’est avant tout la partie gestion qui est mise en avant. Alors certes, le lycée est autogéré et sa partie gestion est bien évidemment au cœur du projet. Mais les enseignements font également la part belle aux expérimentations. Finalement, c’est un grand recueil de témoignages qui nous est présenté. Pour rester objective, la dessinatrice analyse finalement peu ce qu’elle voit. On la sent séduite par le lieu et les gens (d’autant plus qu’elle n’est qu’observatrice, ce qui est un rôle plus confortable). Mais il y a un vrai manque de recul, de comparaison avec les lycées classiques.

Concernant le dessin, je trouve qu’Aurélia Aurita fait du beau travail. Je n’étais pas fan de son trait, mais elle a progressé et propose un dessin expressif et pertinent, surtout que le livre est fait à 90% de dialogues. Le lavis accompagne bien le trait dynamique de l’auteure.

Mi-figue, mi-raisin pour ce « LAP ! ». Si ce qui nous est présenté est intéressant et la lecture est plaisante, on sent quand même que tout un pan de ce lycée n’est pas traité. Ainsi, on n’est presque jamais en salle de classe. Repaire de gauchistes pour les uns, établissement novateur pour les autres, il y a peu de chance que la lecture du livre vous fasse changer d’avis. Cela risque plus de confirmer vos a priori. A lire si vous aimez les documentaires en bande-dessinée.

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Note : 13/20

Fraise et Chocolat, T1 – Aurélia Aurita

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Titre : Fraise et chocolat
Scénariste : Aurélia Aurita
Dessinatrice : Aurélia Aurita
Parution : Mars 2006


L’autobiographie en bande-dessinée s’est fortement développée ces dernières années. Genre à la mode, il a vu aussi les auteurs casser les barrières de l’intimité à des niveaux plus ou moins importants. Aurélia Aurita, toute jeune auteure à l’époque des faits, publie « Fraise et chocolat » en 2006, histoire d’une rencontre avec un homme et de leur passion commune. C’est parti pour 140 pages d’ébats sexuels passionnés…

L’ouvrage démarre alors qu’Aurélia arrive au Japon. Elle a été invitée par Frédéric, avec qui elle entretient une correspondance depuis quatre mois. Elle espère faire mentir les voix qui s’élèvent contre elle, comme quoi elle aurait été invitée pour que Frédéric « puisse [la] sauter ». En effet, elle est la seule auteure débutante invitée dans le projet…

Une avalanche de confidences sans aucun tabou.

Le ton est donné d’entrée. Le récit des coucheries, sans aucun tabou, est primordial dans l’ouvrage. Les termes « fraise et chocolat » sont d’ailleurs de savoureuses métaphores que je vous laisse deviner… La passion entre les deux amants est particulièrement forte mais très sexuelle. Rien ne nous est épargné : fellation, cunnilingus, sodomie et d’autres fantasmes qu’il serait cruel de révéler. Cependant, cette avalanche de confidence aboutit à un sentiment de malaise évident : le lecteur se sent voyeuriste. Si certains apprécieront de découvrir la vie sexuelle d’un jeune couple, d’autres seront peut-être gênés que dans le fond, on frise l’indigestion. Certes, Aurélia Aurita ajoute de multiples réflexions sur sa passion, mais la surabondance de sexe noie le poisson.

J’ai trouvé également l’ouvrage finalement très vulgaire. Je n’ai aucun problème avec la représentation de la sexualité, même crue. Je lis beaucoup d’ouvrages qui sont très explicites visuellement et cela ne me gêne pas. Mais ici, ça m’a vraiment dérangé. Quand Aurélia Aurita essaye de se voir dans la glace avec un gode dans le cul, j’avoue avoir du mal à comprendre l’intérêt de le raconter. Je reste dubitatif devant sa fierté quand « Frédéric Boilet a joui dans [son] cul ». Je pense que l’on atteint là une des limites des récits autobiographiques. Lâcher son intimité sans garde-fou, sans humour, sans recul n’est pas forcément intéressant. Et pourtant, l’auteure multiplie les réflexions sur le couple histoire d’apporter autre chose, mais cela ne nous intéresse pas plus que ça : faire l’amour tout le temps est-il un problème ? Doit-on partager autre chose ? On ne peut pas dire qu’on touche ici à l’originalité.

Au niveau du dessin, je connaissais déjà le style d’Aurélia Aurita et on ne peut pas dire qu’il m’avait séduit. Le style très relâché (c’est un euphémisme) est franchement gênant dans ses imperfections. Son dessin est très inégal. Le noir et blanc, rehaussé de gris manque un peu de profondeur mais il faut avouer que le trait, dynamique et expressif, s’adapte plutôt bien aux ébats amoureux. Il est cependant dommage que l’érotisme de l’ensemble passe avant tout par le traitement explicite plus que par le dessin en lui-même.

Profondément exhibitionniste, « Fraise et chocolat » m’a laissé au mieux indifférent et au pire mal à l’aise. J’ai manqué d’empathie pour ce couple pourtant atypique. N’étant pas sensible à l’humour de l’auteure, ni aux émotions qu’elle souhaite véhiculer, je suis passé complètement à côté de l’ouvrage.

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Note : 6/20