Titre : Punk rock Jesus
Scénariste : Sean Murphy
Dessinateur : Sean Murphy
Parution : Septembre 2013
Jâavais lu beaucoup de bien de « Punk rock Jesus » et câest avec joie que jâai pu me le procurer dans ma bibliothĂšque. Il faut dire que le titre est particuliĂšrement accrocheur (voir racoleur, puisquâil ne correspond que peu au contenu de lâalbum) et la couverture, toute en noir et blanc, puissante. Le tout est dessinĂ© et scĂ©narisĂ© par Sean Murphy, dans la tradition du comics indĂ©pendant. Le tout est publiĂ© chez Urban Comics pour plus de deux cents pages de lecture.
Le pitch de cet ouvrage est le suivant : une sociĂ©tĂ© de production tĂ©lĂ©visuelle crĂ©e un (supposĂ©Â ?) clone de Jesus Christ Ă partir dâADN prĂ©levĂ© sur le Saint Suaire. Elle construit une Ă©mission de tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ©, baptisĂ© J2, autour de cette naissance et de ce nouveau messie. Ce dernier est isolĂ© sur une Ăźle en compagnie de sa mĂšre, de la scientifique qui a permis sa naissance et dâun garde du corps ancien de lâIRA.
Religion, puritanisme & punk rock
Sean Murphy sâattaque essentiellement Ă trois sujets : le premier est une critique de la religion et du fondamentalisme. Plus prĂ©cisĂ©ment, il attaque les Ă©vangĂ©listes amĂ©ricains. Sa deuxiĂšme victime est donc le puritanisme amĂ©ricain, que Chris (et pas Jesus !) fera exploser en chantant dans un groupe de punk rock. Enfin, le dernier thĂšme est bien Ă©videmment la tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© en tant que tel, avec isolement des personnes et toute puissance de la production sur leurs vies.
Si les sujets de ce comics sont des plus intĂ©ressants, le traitement laisse Ă dĂ©sirer. Le tout est souvent manichĂ©en (seul le personnage Thomas possĂšde une vraie profondeur) et excessif. Ainsi, la sociĂ©tĂ© de production est isolĂ©e sur une Ăźle oĂč elle contrĂŽle tout, les fondamentalistes chrĂ©tiens font des actions commandos⊠Bref, câest une analyse proche de la crise dâadolescence que fait Chris pendant la BD. Il se rebelle et rejette tout, sans analyse vraiment poussĂ©e. Si bien quâon est un peu déçu devant le traitement de lâhistoire. Surtout, le passage de Chris dans le punk rock paraĂźt complĂštement forcĂ© et est amenĂ© par : « Thomas a laissĂ© des disques de punk, tiens je vais les Ă©couter. »
Ainsi, le message est trop appuyĂ©, soit par les discours, soit par une violence excessive. De mĂȘme, la durĂ©e du bouquin est inutile. On finit par sâennuyer un peu devant les multiples tentatives dâĂ©vasion de la prison. Une impression de redondance sâinstalle et, au final, en fermant lâouvrage, on reste sur un goĂ»t dâinachevĂ©. MalgrĂ© tout, le livre rĂ©serve son lot de surprise et de coups de thĂ©Ăątre. Dommage que cela ne soit pas amenĂ© de façon plus subtil, encore une fois. Finalement, lâouvrage vaut pour son personne de Thomas, le garde du corps. On ouvrait dâailleurs le livre sur lui. Son histoire nous est pleinement racontĂ©e, en commençant par son enfance et sa jeunesse Ă lâIRA. Du coup, ses rĂ©actions sont moins prĂ©visibles et ses ressentis bien plus intĂ©ressants. Spectateur avant tout de lâexpĂ©rience, il en deviendra un acteur essentiel par la force des choses.
Au niveau graphique, Sean Murphy impressionne par son dessin en noir et blanc magnifique. Câest expressif, bourrĂ© dâinfluences diverses et variĂ©es et câest maĂźtrisĂ© de bout en bout. Câest vraiment le gros point fort du bouquin. Les cases sont souvent chargĂ©es, mais dans les scĂšnes dâaction, les planches font preuve dâun dynamisme incroyable. Bref, câest beau et stylisĂ©Â !
« Punk rock Jesus » mâa vraiment laissĂ© sur ma faim. Le pitch de dĂ©marre en fait immanquablement un ouvrage intĂ©ressant, mais le traitement ne mâa pas paru Ă la hauteur. Trop centrĂ© sur les Etats-Unis dâAmĂ©rique (prĂ©sentĂ© comme LE pays chrĂ©tien par excellence), il se perd un peu Ă enlever le caractĂšre Ă©minemment universel dâun nouveau Messie. Dommage.
Note : 11/20