Titre : Chroniques de JĂ©rusalem
Scénariste : Guy Delisle
Dessinateur : Guy Delisle
Parution : Novembre 2011
Guy Delisle a imposĂ© son style dans ses livres de voyage. AprĂšs la Chine, la CorĂ©e du Nord et la Birmanie, le voilĂ qui arrive en IsraĂ«l, Ă JĂ©rusalem. PubliĂ© comme le prĂ©cĂ©dent aux Ă©ditions Delcourt, dans la collection Shampooing, lâauteur canadien a su bonifier son trait et sa narration au point que ce « Chroniques de JĂ©rusalem » obtienne le prix du meilleur album au Festival International de Bande-DessinĂ©e dâAngoulĂȘme en 2012 ! Alors, quâen est-il ? Ce prix est-il mĂ©ritĂ©Â ?
Le terme de « chroniques » est parfaitement adaptĂ© car nous allons avoir droit ici Ă de nombreuses anecdotes et morceaux de vie. Pas question de crĂ©er une longue narration. Si bien que malgrĂ© le nombre de pages importants (plus de 300 !), le livre se lit trĂšs agrĂ©ablement, la lecture pouvant sâarrĂȘter Ă tout moment sans problĂšme. Guy Delisle suit donc sa femme, qui travaille Ă MĂ©decins Sans FrontiĂšres, en IsraĂ«l. Ils sâinstallent Ă JĂ©rusalem Est (cĂŽtĂ© arabe) et lâauteur reprend son activitĂ© de pĂšre au foyer. Pendant que sa femme sâactive, il sâoccupe de son enfant. LâidĂ©e est de trouver de quoi tromper lâennui. Le jardin dâenfant est, entre autres, une des grandes quĂȘtes du canadien.
Un regard plus affûté
Ăvidemment, lâaspect touristique est vite prĂ©sent. Guy Delisle visite le pays (ou du moins les environs) avec sa candeur habituelle. Il Ă©vite tout jugement (mĂȘme si celui-ci transparaĂźt) et note avant tous les incohĂ©rences et ce qui le choque de visu. Ainsi, voir des fusils dâassaut rĂ©guliĂšrement le laisse perplexe⊠Lâappel Ă la priĂšre le fait sursauterâŠÂ Tout est racontĂ© de façon chronologique. Ainsi, dans la seconde moitiĂ©, la surprise est moins prĂ©sente chez lâauteur. Le regard se fait plus affĂ»tĂ©, bien que toujours sans prĂ©senter ses opinions.
Si Delisle avait lâhabitude des pays assez fermĂ©s, ce nâest pas le cas ici. IsraĂ«l est une dĂ©mocratie et il est donc beaucoup plus libre de ses mouvements. Du coup, il pĂ©nĂštre bien plus dans lâesprit du pays que dans les autres livres. Son autonomie lui permet de toucher du doigt plus dâincohĂ©rences. Car câest le vĂ©ritable sujet du livre : IsraĂ«l est prĂ©sentĂ© comme un pays complĂštement absurde. Câen est souvent risible, mais malheureusement aussi inquiĂ©tant. Lâauteur met le doigt sur des comportements et des usages complĂštement improbables. Il y prĂ©sente un pays oĂč des populations vivent ensemble sans se croiser ou se parler. Câest un vĂ©ritable apartheid en pleine dĂ©mocratie. A cela sâajoute les communautĂ©s religieuses les plus orthodoxes du monde⊠On devine alors une JĂ©rusalem multiple, mais surtout divisĂ©e.
Au niveau du dessin, Guy Delisle a affinĂ© son trait. Câest simple mais efficace et la narration se fait avec beaucoup de fluiditĂ©. Cette fois-ci, la couleur a plus dâimportance. Le tout est souvent colorisĂ© de façon monochrome, mais chaque couleur a un sens. Cela facilite la lecture. Quelques touches de couleurs sont ajoutĂ©s afin dâenrichir le tout (souvent en renforçant un effet, comme une explosion par exemple). Clairement, graphiquement, lâauteur progresse et propose un rĂ©sultat de plus en plus abouti.Â
« Chroniques de JĂ©rusalem » est une grande rĂ©ussite. Difficile dâĂȘtre indiffĂ©rent Ă ce qui y est racontĂ©. Et en prĂ©sentant le tout de façon factuel, Guy Delisle donne Ă son ouvrage une certaine universalitĂ©, si bien que lâon dĂ©vore le livre, allant de surprise en surprise. Un must du carnet de voyage !