Donjon Crépuscule, T110 : Haut Septentrion

DonjonCrepuscule110


Titre : Donjon crépuscule, T110 : Haut Septentrion
Scénaristes : Lewis Trondheim & Joann Sfar
Dessinateur : Alfred
Parution : Mars 2014


« Donjon » est une sĂ©rie qui a marquĂ© le neuviĂšme art. Lors de sa naissance, le projet de Lewis Trondheim et Joann Sfar paraissait irrĂ©aliste. Il souhaitait conter l’histoire des habitants d’un Donjon au cours de trois Ă©poques diffĂ©rentes. « Donjon Potron-Minet » devait suivre la construction du Donjon, « Donjon ZĂ©nith » son apogĂ©e et « Donjon CrĂ©puscule » sa chute. D’autres sĂ©ries telles que « Donjon Monsters » ou « Donjon Parade » agrĂ©mentaient Ă©galement cet univers. Depuis de nombreuses annĂ©es, les tomes paraissent Ă  un rythme effrĂ©nĂ© pour le plus grand plaisir des lecteurs. La fantasy et l’humour sont les deux caractĂ©ristiques de cette grande Ă©popĂ©e. Chaque cycle possĂšde sa propre identitĂ© tout en respectant la cohĂ©rence narrative. Mais ces derniĂšres annĂ©es, les nouveaux Ă©pisodes ont Ă©tĂ© plus rares. En mars dernier, sont apparus dans les rayons Ă  ma grande surprise deux nouveaux tomes. J’eus la dĂ©sagrĂ©able surprise de voir qu’ils marquaient la fin de l’aventure. Ces opus marquaient-ils la derniĂšre touche des auteurs Ă  leur crĂ©ation ou pensaient-ils un jour combler les nombreuses zones d’ombre que leur chronologie possĂšde encore ? C’est sans rĂ©ponse Ă  ses interrogations que je me suis plongĂ© dans « Haut Septentrion », tome 110 de « Donjon CrĂ©puscule ».

Le site BDGest’ propose le rĂ©sumĂ© suivant des enjeux de cet album : « Tremblement sur Terra Amata. Alors que tous les Ăźlots s’éloignent du noyau de magma et de l’atmosphĂšre respirable, le Roi PoussiĂšre pense qu’il est temps pour lui de mourir de façon hĂ©roĂŻque. Marvin Rouge s’accroche toujours, bon grĂ©, mal grĂ© et va devoir le sauver de cette idĂ©e fixe tout en trouvant un moyen de respirer. »

Des scÚnes de combat et de batailles. 

Trondheim et Sfar n’en sont pas Ă  une fantaisie prĂšs. En effet, cet ouvrage doit ĂȘtre lu en parallĂšle du tome 111 intitulĂ© « La fin du Donjon ». Chacun dĂ©crit les Ă©vĂ©nements qui mĂšnent au dĂ©nouement de l’intrigue en axant sa narration sur des angles et des personnages diffĂ©rents. Ma critique porte sur « Haut Septentrion » qui se centre sur le duo formĂ© de Marvin Rouge et Zakutu. Le premier est un guerrier hystĂ©rique assoiffĂ© de sang ou de sexe au grĂ© de ses humeurs. La seconde est une princesse hĂ©ritiĂšre au caractĂšre trempĂ©. Les alĂ©as de leurs parcours respectifs les mĂšnent au centre d’un combat dont l’issue sera dĂ©finitive pour le Monde. Je me dois rapidement prĂ©ciser qu’il est indispensable d’avoir une connaissance minimale des enjeux et des protagonistes de la sĂ©rie pour se plonger dans cette lecture. Dans le cas cadre contraire, il me semble impossible d’y comprendre quoi que ce soit.

La nature mĂȘme de l’histoire fait que la majoritĂ© des planches sont des scĂšnes de combat et de batailles. Je ne suis pas trop fan de ce type de construction parce que bien souvent certaines planches sont du remplissage. Occuper trois planches Ă  dessiner des explosions et des duels Ă  l’épĂ©e Ă©vite trop frĂ©quemment de construire une intrigue et de rĂ©diger des dialogues travaillĂ©s. Mais les deux auteurs ne tombent pas dans cette facilitĂ©. Chaque page est agrĂ©mentĂ©e de plusieurs vannes bien senties que ce soit entre les hĂ©ros ou envers leurs ennemis. Le cĂŽtĂ© testostĂ©rone des derniers opus de « Donjon CrĂ©puscule » est une nouvelle fois bien transcrit. On pourrait regretter un dĂ©but un petit peu brouillon. Le fait que la sĂ©rie ait sautĂ© deux ou trois tomes a pour consĂ©quence de nĂ©cessiter pour le lecteur un temps d’adaptation Ă  la nouvelle situation Ă  Terra Amata. La mise en route manque un petit peu de clartĂ© et de finesse. NĂ©anmoins, l’affection ressentie Ă  l’égard de cette sĂ©rie fait rapidement oubliĂ© ce dĂ©faut au dĂ©marrage une fois que les deux tourtereaux au sang chaud se retrouvent en amoureux pour sauver le monde.

La relation entre Marvin et Zakutu est un des points forts de ce cycle. Les deux personnages sont individuellement trĂšs rĂ©ussis et ils prennent une ampleur explosive quand ils sont mis en contact. Ce tome accentue ce phĂ©nomĂšne dans le sens oĂč ils ne sont que tous les deux lors de leurs pĂ©rĂ©grinations. Personne ne leur fait de l’ombre et cela leur permet de ne fixer aucune limite Ă  leurs excĂšs. Cela offre des moments trĂšs drĂŽles et surtout aucun temps mort. Une fois la machine narrative enclenchĂ©e, elle ne cesse pas de s’emballer sans jamais ralentir. MĂȘme la derniĂšre planche est rĂ©ussie sur ce plan-lĂ  alors que l’issue laissait la porte ouverte Ă  quelque chose de plus classique et traditionnel.

Les auteurs ont pris l’habitude de changer bien souvent de dessinateurs d’un album Ă  l’autre. C’est Alfred qui se voyait confier l’illustration de ce combat final. Il s’en sort correctement et reste globalement fidĂšle Ă  l’identitĂ© graphique de la saga. MalgrĂ© tout, il ne s’agit pas de l’artiste dont j’ai prĂ©fĂ©rĂ© le travail sur la sĂ©rie. Son trait manque de finesse et de prĂ©cision Ă  mes yeux. C’est dommage car les scĂšnes sont rythmĂ©es et denses. Il m’apparaĂźt donc important de se montrer soignĂ© et appliquĂ© pour permettre au lecteur Ă  la fois de s’immerger dans des dĂ©cors en changement permanent tout en comprenant dans les moindres dĂ©tails les Ă©vĂ©nements qui s’y dĂ©roulent. Par contre, je n’ai rien Ă  dire sur le travail des couleurs qui correspondent parfaitement aux attentes gĂ©nĂ©rĂ©es.

Pour conclure, cet opus conclut honorablement le cycle. C’est d’ailleurs plus dans l’évolution des deux personnages principaux que dans l’issue du combat final que rĂ©side l’attrait de la lecture. Il est Ă©vident que certains moments concernant Herbert sont nĂ©buleux dans cet album. Mais je ne doute pas que « La fin du Donjon » Ă©claircira tout cela. Mais c’est une autre histoire


gravatar_eric

Note : 14/20


 

Bone, T2 : La grande course – Jeff Smith

bone02


Titre : Bone, T2 : La grande courses
Scénariste : Jeff Smith
Dessinateur : Jeff Smith
Parution : Avril 1996


 « Bone » est certainement l’une des sĂ©ries que j’ai le plus apprĂ©ciĂ©es. De part son cĂŽtĂ© transatlantique, c’est aussi l’un des rares comics qui peuple ma bibliothĂšque. Le premier tome nous avait prĂ©sentĂ© les trois Bone : Fone, le rĂȘveur sentimental, Smiley qui sourit tout le temps mais fait preuve d’un QI limitĂ© et Phoney, irascible et toujours prĂȘt Ă  arnaquer le monde. Perdus en plein dĂ©sert, ils avaient dĂ©couvert la vallĂ©e et ses habitants. Le deuxiĂšme tome fait honneur Ă  la grande course de vaches
 Le tout est publiĂ© chez Delcourt.

Nous retrouvons donc Thorn, la jolie fille et Fone, son soupirant en plein marchĂ©. C’est la foire et leurs aventures semblent terminĂ©es. Les Bone doivent retourner Ă  Boneville dans deux jours. C’était sans compter sur Phoney qui espĂšre truquer les paris de la course avec une vache mystĂšre. Cette vache serait capable de concurrencer Mamie Ben (qui court avec les vaches
). On voit tout de suite que l’humour est bien prĂ©sent dans cette sĂ©rie. Cette derniĂšre a le mĂ©rite de mĂ©langer plein de styles : aventure, hĂ©roĂŻc-fantasy et humour. Ce deuxiĂšme tome est certainement l’un des plus lĂ©gers de la sĂ©rie. Tous les personnages sont prĂ©sents au mĂȘme endroit, ce qui laisse la place Ă  de succulentes situations. Et bien Ă©videmment, Ă  la fin de l’ouvrage, les Bone ne sont toujours pas rentrĂ©s


Un mélange improbable

« Bone » est un mĂ©lange assez improbable qui permet Ă  l’auteur de crĂ©er une Ɠuvre originale et pleine de personnalitĂ©. Ainsi, nous ne savons pas vraiment ce que sont ces Bone, aux traits ronds et au nez Ă©norme. Et visiblement, ça ne choque personne. Ces derniers discutent avec les animaux ou les humains indiffĂ©remment. Et au milieu de tout cela, un dragon apparaĂźt rĂ©guliĂšrement
 C’est la magie de « Bone » ! Les personnages sont vraiment bien Ă©crits, Ă  l’image de ces deux rat-garous qui se disputent pour savoir s’il faut manger Fone Bone en ragoĂ»t ou
 en quiche !

Ce tome est certainement l’un des plus brillants que Jeff Smith ait Ă©crit. Il se situe Ă  un moment critique. Le ton reste lĂ©ger, mais dĂ©jĂ  les zones d’ombres commencent Ă  se dĂ©gager. Les piĂšces du puzzle s’emboĂźtent sans que l’on sache vraiment vers oĂč tout cela va nous mener.

Concernant le dessin, je mets un point d’honneur Ă  lire la version en noir et blanc (colorisĂ©e depuis). Le trait tout en rondeur de Jeff Smith est une vraie splendeur. On ressent le pinceau glisser sur la feuille ! Le traitement du noir et blanc est splendide et le mĂ©lange des styles (rĂ©aliste et cartoon) fonctionne parfaitement. Du grand art !

Ce tome est une vĂ©ritable merveille. Difficile de ne pas tomber amoureux de cet univers, tant il nous rappelle notre enfance sans nous traiter pour autant comme des enfants. A ce stade, Jeff Smith tient dĂ©jĂ  son chef d’Ɠuvre et il confirmera pas la suite tout son talent.

coupdecoeur_new

avatar_belz_jol

Note : 19/20

Bone, T1 : La forĂȘt sans retour – Jeff Smith

bone1


Titre : Bone, T1 : La ForĂȘt Sans Retour
Scénariste : Jeff Smith
Dessinateur : Jeff Smith
Parution : Septembre 1995


Il y a des jours oĂč des circonstances particuliĂšres vous font dĂ©couvrir des pĂ©pites. Des jours oĂč l’on dĂ©couvre « Bone » et oĂč d’un coup, plus rien n’est pareil. Et pourtant, rien ne m’avait prĂ©parĂ© Ă  un pareil choc tant j’avais pris ce comics Ă  la bibliothĂšque par simple curiositĂ© et envie d’étendre ma culture des comics amĂ©ricains


« Bone » est une sĂ©rie de comics faisant intervenir les bones, des ĂȘtres mi-humains, mi-animaux tout en rondeurs. Cette sĂ©rie compte 11 tomes (ou 9 selon l’édition originale). « La forĂȘt sans retour » est le nom du premier opus.

Ils sont trois cousins, trĂšs diffĂ©rents. Fone Bone, le hĂ©ros, est naĂŻf, honnĂȘte, sensible, romantique… Il est aussi dĂ©pourvu de tout signe distinctif (et tout nu !). De quoi pouvoir parfaitement s’identifier Ă  lui ! Phoney Bone est lui irascible, malhonnĂȘte et toujours prĂȘt Ă  faire un mauvais coup. Il Ă©tait le bone le plus riche de Boneville grĂące Ă  ses nombreuses arnarques. Pour les monter, il utilise souvent Smiley Bone grand et souriant, mais un peu bĂȘte sur les bords.

L’histoire commence alors que les trois bones ont Ă©tĂ© chassĂ©s de Boneville Ă  cause d’une nouvelle malversation de Phoney Bone. Ses cousins l’aident Ă  Ă©chapper Ă  l’ire populaire. Les voilĂ  perdus dans le dĂ©sert. Une attaque de criquets va alors rapidement les sĂ©parer. On suit le pĂ©riple de Fone Bone dĂ©couvrant une vallĂ©e encaissĂ©e et sa forĂȘt. Il va alors s’y retrouver bloquĂ© pour l’hiver et va essayer de retrouver ses cousins.

Un patchwork incroyable d’influences

La force de « Bone » est de ne rien dĂ©voiler trop vite. On commence par dĂ©couvrir les bones, ne sachant trop s’ils sont une reprĂ©sentation des humains ou pas. Puis on dĂ©couvre que les bones peuvent parler avec certains animaux. Puis des monstres apparaissent. Puis des humains. Et ainsi de suite. La complexitĂ© et la féérie du monde de Jeff Smith est rĂ©vĂ©lĂ©e au compte-goutte, l’auteur prenant le temps de nous immerger petit Ă  petit dans son univers. Et quel univers ! Car sous ses aspects enfantins indĂ©niables, il y a une noirceur persistente dans cette BD. L’humour est Ă©galement omniprĂ©sent et souvent complĂštement absurde (Ă  l’image de Mamy qui fait des courses contre les vaches
). C’est un patchwork incroyable d’influences, de Disney jusqu’à Tolkien.

L’histoire est trĂšs prenante bien que dans ce premier tome, il ne se passe pas tant de choses que ça. On dĂ©couvre cette vallĂ©e en mĂȘme temps que Fone Bone. Jeff Smith n’hĂ©site pas Ă  passer des pages entiĂšres Ă  faire descendre Fone vers la vallĂ©e, mais Ă  aucun moment on ne s’ennuie.

Le dessin est largement Ă  la hauteur du propos. Etonnamment, il est dans un noir et blanc pur (pas de trames ou de niveaux de gris). Etant donnĂ© l’aspect enfantin du trait, la couleur paraissait un choix Ă©vident. Mais le noir et blanc apporte justement la noirceur qui donne toute sa force Ă  « Bone ». La forĂȘt la nuit est des plus angoissantes avec ces aplats de noir. De plus, le trait de Jeff Smith est incroyable et il aurait Ă©tĂ© dommage de l’attĂ©nuer par de la couleur. Je suis tombĂ© amoureux de ses courbes au pinceau. La souplesse et les courbes des bones, associĂ©s Ă  une expressivitĂ© incroyable des personnages m’ont sĂ©duit plus que de raison. Car Jeff Smith mĂ©lange les styles allĂšgrement pour les besoins de son histoire. Les bones font partie d’un style trĂšs cartoon, enfantin, naĂŻf, alors que Thorn est dessinĂ©e de façon rĂ©aliste. Mamy sera elle dans un style proche de la caricature, et les rat-garous appartiennent Ă  l’univers du cauchemar. Cette facultĂ© Ă  manier et mĂ©langer les styles, tant narratifs que picturaux, est unique. C’est vraiment un plaidoyer contre le cloisonnement des genres.

Au final, ce premier tome de « Bone », introduction Ă  l’univers de Jeff Smith, m’a particuliĂšrement sĂ©duit. MĂȘme s’il s’adresse Ă  des adultes par son double degrĂ© de lecture, il est Ă©vident qu’il parlera d’avantage aux grands enfants, qui ont su garder une part d’imaginaire et de magie en eux (Ă  la maniĂšre d’un Toy Story). Je suis sorti de ma lecture joyeux, Ă©mu et nostalgique. Une vĂ©ritable rĂ©vĂ©lation.

coupdecoeur_new

avatar_belz_jol

Note : 19/20