Titre : Ralph Azham, T6 : L’ennemi de mon ennemi
Scénariste : Lewis Trondheim
Dessinateur : Lewis Trondheim
Parution : FĂ©vrier 2014
Lors de sa naissance, « Ralph Azham » sâest vu reprochĂ© dâĂȘtre un sous-« Donjon ». En effet, le fait que Lewis Trondheim crĂ©e une sĂ©rie humoristique inscrite dans un univers de fantasy incitait naturellement Ă faire un parallĂšle avec la saga tentaculaire « Donjon ». Cette derniĂšre possĂšde une place particuliĂšre dans le neuviĂšme art des deux derniĂšres dĂ©cennies. Ces afficionados dont je fais partie lui vouent une affection certaine. Les premiĂšres aventures de ce nouvel hĂ©ros prĂ©nommĂ© Ralph donnaient lâimpression dâutiliser les mĂȘmes ficelles que celles de ces prĂ©dĂ©cesseurs Herbert et Marvin sans atteindre leurs auras. NĂ©anmoins, au fur et Ă mesure que les annĂ©es passent, les tomes paraissent et permettent Ă cette nouvelle sĂ©rie de voir sa propre identitĂ© prendre de lâĂ©paisseur. La rarĂ©faction des parutions dâĂ©pisodes de « Donjon » facilite la chose. « Ralph Azham » se compose maintenant de six tomes dont le dernier est paru le six fĂ©vrier dernier chez Dupuis. Vendu au prix de douze euros, il nous offre une couverture nous immergeant au beau milieu dâune bataille de grande ampleur dans laquelle notre hĂ©ros nâa pas lâair au mieux. Il ne restait plus quâĂ sây plonger pour en savoir davantageâŠ
Le site BDGestâ propose le rĂ©sumĂ© suivant des enjeux de cet opus : « Les oracles, ça ne raconte pas de bobards : conformĂ©ment Ă leurs prĂ©dictions, Ralph a bel et bien dĂ©capitĂ© le terrible Vom Syrus. Ou plutĂŽt son sosie empaillĂ©, utilisĂ© par le roi pour entretenir la lĂ©gende⊠PrivĂ© de lâalliance quâil voulait nouer avec cet homme de paille et de retour sur les terres dâAstolia, Ralph va devoir trouver son pĂšre, une nouvelle stratĂ©gie, et un pantalon agrĂ©able ! Car lâaventure ne sâarrĂȘte pas pour la petite bande qui va dĂ©couvrir que les ennemis de nos ennemis ne sont souvent que dâautres⊠ennemis ! »
Jouer avec humour des codes de la fantasy
Je dĂ©conseille Ă tout lecteur de dĂ©couvrir cet album sans avoir lu les cinq prĂ©cĂ©dents de la sĂ©rie. Les tomes sâenchainent comme les chapitres dâun roman. Nous sommes bien loin de notre rencontre avec le hĂ©ros quand il Ă©tait un paria dans son propre village, perdu au milieu de nulle part. Depuis, il a fait bien des rencontres et a vu sa cĂ©lĂ©britĂ© grandir au grĂ© des Ă©vĂ©nements. « Ralph Azham » sâadresse Ă un public large. Lâauteur joue avec humour des codes de la fantasy.
Le cinquiĂšme tome sâest conclu par une vraie rĂ©vĂ©lation imprĂ©vue. Elle remettait en cause beaucoup des enjeux et des repĂšres jusquâalors mis en place. Le grand mĂ©chant Von Syrus nâexistait pas. Le roi semblait avoir crĂ©Ă© un mĂ©chant de toute piĂšce. Câest donc pour cela que nous assistons au retour de notre petit groupe vers leur lĂ©gendaire ennemi pour obtenir des explications. Sur ce plan-lĂ , le lecteur sâinterroge tout autant. Notre curiositĂ© est mĂ©caniquement attisĂ©e tant cette dĂ©couverte scĂ©naristique. La trame du tome se dĂ©compose grossiĂšrement en deux parties. La premiĂšre dĂ©crit le retour Ă Astolia, la seconde sâavĂšrera ĂȘtre une grande bataille avec Ralph dans le rĂŽle principal.
Cette intrigue ne sâavĂšre pas trĂšs intense. Le trajet vers la capitale nâest quâune succession de rencontres et dâĂ©vĂ©nements sans grand intĂ©rĂȘt. Certes, ils sont autant dâoccasion pour lâauteur de distiller une ou deux vannes bien senties. Je ne vous dis que je nâai pas souri quelques fois au cours des pĂ©rĂ©grinations de Ralph et ses amis. NĂ©anmoins, lâensemble manque de rythme et a un cĂŽtĂ© presque « encroĂ»tĂ© ». Trondheim a beau donnĂ© une place intĂ©ressante au pĂšre du hĂ©ros et son projet de rĂ©sistance, il nâarrive rĂ©ellement Ă gĂ©nĂ©rer une montĂ©e en puissance vers le combat final. Câest dommage.
Comme je lâĂ©voque prĂ©cĂ©demment, Ă la maniĂšre de bon nombre de blockbuster, cet opus se termine sur une grande guerre. Je nâai rien contre ce choix. Par contre, dans le sens oĂč cette scĂšne finale sâĂ©tale sur une vingtaine de pages, il est indispensable quâelle soit originale, cadencĂ©e et spectaculaire. Je ne trouve pas que cela soit le cas dans « Lâennemi de mon ennemi ». MalgrĂ© tout lâaffection que jâai pour lui, je ne trouve pas que Trondheim arrive Ă structurer sa scĂšne dâaction finale. Les combats ne rebondissent pas, lâenchainement des diffĂ©rents duels ou assauts est brouillon. Bref, jâai Ă©tĂ© assez déçu. Alors que cet album avait les ingrĂ©dients pour se conclure sur un feu dâartifice plein dâespoir pour la suite, il se conclue sur un sentiment mitigĂ©. Jâavais lâimpression que les vingt derniĂšres pages auraient pu ĂȘtre synthĂ©tisĂ©es en moins de dix, ce qui aurait permis de construire davantage le dĂ©nouement.
Pour conclure, ce tome est loin dâĂȘtre mon prĂ©fĂ©rĂ© de la sĂ©rie. Je trouve quâil ne laisse pas beaucoup de place Ă lâhumour tant dans les situations que dans les dialogues. ParallĂšlement, lâintrigue nâavance pas non plus Ă un rythme effrĂ©nĂ©. Lâensemble apparaĂźt brouillon et diluĂ©. Lâattrait est prĂ©servĂ© par lâempathie pour les personnages et par quelques moments trĂšs rĂ©ussis, fruits du talent de son auteur. De plus, les dessins de Trondheim sont simples et sympathiques et rendent ainsi aisĂ© et agrĂ©able la lecture. Le travail sur les couleurs de Brigitte Findakly nâest pas rĂ©volutionnaire mais participe Ă lâatmosphĂšre graphique de lâensemble. Je pense donc que « Lâennemi de mon ennemi » nâest pas lâĂ©pisode le plus marquant de la saga. Mais cette lĂ©gĂšre dĂ©ception ne mâempĂȘchera pas dâattendre la parution du prochain tome. Je reste toujours curieux de savoir vers oĂč tout cela nous mĂšneâŠ
Note : 11/20