Titre : Habibi
Scénariste : Craig Thomson
Dessinateur : Craig Thomson
Parution : Octobre 2011
Craig Thomson avait marqué les esprits avec la sortie de « Blankets », un récit autobiographique fleuve où il abordait entre autres son enfance et le fondamentalisme religieux. Changement d’ambiance ici avec « Habibi » sorti en 2011. C’est toujours aussi long (plus de 600 pages), mais c’est une fiction se passant dans un pays imaginaire tiré des mille et une nuits à une époque également indéterminée. Les références à la Bible laissent place au Coran. Le tout est publié chez Casterman dans la collection Écritures.
« Habibi » est l’histoire d’un petit noir, Habibi (aussi appelé Zam) et de Dodola, une jeune femme arabe. Cette dernière recueille Zam alors qu’il est encore un petit garçon. Elle-même n’est même pas encore vraiment une jeune fille, bien qu’elle ait été mariée. Elle est surtout une esclave en fuite. « Habibi » raconte donc leur destinées, sous forme d’une grande fable où le pire leur arrive mais où l’Amour finit toujours par triompher.
Deux personnages au lien unique.
L’intérêt du livre est basé sur une relation très particulière qui unit les deux êtres. Dodola est à la fois une mère, une grande sœur, une amie… Puis, elle devient une source d’excitation pour Zam qui a bien du mal à supporter ses coupables pensées. La dureté de l’histoire (prostitution, viol, mutilation et j’en passe) donne de la force au propos, sur tout qu’il n’y a rien de vraiment gratuit dans la violence, tout sert l’histoire. Le tout s’englobe dans un milieu où le désert est roi et où l’eau vaut de l’or.
A côté de tout ça, Craig Thomson ajoute des passages sur le Coran, les carrés magiques, l’écriture arabe… Ces passages servent à faire des parallèles entre l’histoire des protagonistes et les légendes du Coran et de l’Ancien Testament. Cela donne un aspect onirique à l’ouvrage, mais pour ma part cela m’a profondément gêné. Cela coupe régulièrement la lecture et la narration et on finit par les lire en diagonales pour revenir à l’histoire. L’auteur veut montrer qu’il connaît la culture musulmane visiblement, mais à vouloir être érudit, on en devient pompeux. Surtout que ces pages sont des prétextes à une surenchère graphique (souvent magnifique) qui ne sert guère la narration. Et comme on est devant un pavé de plusieurs centaines de pages, on aurait apprécié quelques coupes.
Concernant le graphisme, c’est simplement splendide. Le trait au pinceau est une merveille et la narration est maîtrisée au plus haut point. Certaines planches sont classiques, d’autres beaucoup plus dynamique. Craig Thomson a l’intelligence de ne pas surcharger en permanence mais avec parcimonie, rendant les passages les plus forts d’autant plus impressionnants. Une vraie révélation graphique, dans un noir et blanc des plus remarquables.
« Habibi » est clairement un ouvrage à lire. Puissant par son texte, doté de personnages attachants aux liens si particuliers et parfaitement maîtrisé graphiquement, il vous captivera à coup sûr. Il est dommage que les passages oniriques et les nombreuses digressions n’alourdissent l’ensemble déjà bien fourni en pagination.
Note : 16/20