Musée


Titre : Musée
Scénariste : Christophe Chabouté
Dessinateur : Christophe Chabouté
Parution : Avril 2023


Les grands musées nationaux ont compris depuis quelques années combien la bande-dessinée pouvait les aider à se diffuser. Orsay et le Louvre ont depuis développé leur collection en demandant à des grands noms de la BD de proposer des ouvrages. Pour ma part, je n’ai pas toujours été convaincu par ces livres, parfois engoncés dans leur carcan. Mais en croisant les dessins magnifiques de Chabouté, je n’ai pu m’empêcher d’acquérir ce bouquin publié en co-édition entre le Musée d’Orsay et Vents d’Ouest. Le tout pèse 190 pages.

Une vitrine pour le Musée d’Orsay

Voilà un véritable roman graphique qui prend son temps pour poser son propos. Les journées vont et viennent. Pendant la partie jour, le public regarde et commente les œuvres. Pendant la nuit, ce sont ces œuvres qui s’animent. Le premier dialogue n’arrive qu’à la quarante-cinquième planche et la majorité d’entre elles sont muettes. Ainsi, c’est une lecture très contemplative qui nous est proposée.

Au départ, le lecteur est un peu perturbé par l’absence d’histoire proposée. Les plans s’enchaînent sans qu’il ne se développe quoi que ce soit. En réalité, différentes « histoires » apparaissent au fur et à mesure et chaque journée qui passe les fera avancer. Tout se fait par séquence de jours et de nuits. À chaque intrigue son moment. On retrouve ainsi différents enjeux : romance, observations du monde extérieur, cancans de musée… Le tout est assez inégal hélas. Si on aime écouter les bustes déblatérer sur les gardiens ou les œuvres commenter ce qu’ils voient par la fenêtre, les amours et rivalités ont moins d’intérêt. On a l’impression que certaines scènes finissent nulle part…

À l’inverse, il est très agréable de suivre les visiteurs. On se croirait quasiment dans un documentaire. On observe leurs pieds, leurs regards, leurs commentaires… C’est assez réussi, diversifié dans les approches. Le fil rouge de « L’origine du monde » est particulièrement bien pensé, puisqu’on ne voit jamais le tableau, mais on le devine étant donné les expressions des observateurs. Hélas, ce lien entre nuit et jour ne fonctionne qu’à moitié, trop différents dans leur concept et n’ayant que peu de liant les uns avec les autres. De plus, il y a vraiment trop de pages muettes d’observation pure, ce qui alourdit l’ouvrage. Il y avait sans doute moyen de densifier l’ouvrage, comme si l’auteur n’avait pas voulu faire de choix entre l’observation des visiteurs et l’animation des œuvres.

Le dessin reste ainsi le principal attrait de l’ouvrage. Et quel attrait ! Tout y est dessiné dans un noir et blanc pur de toute beauté. Chaque case est un bijou de composition. On a droit à tous les types de plans. L’auteur n’a pas peur des répétitions quand les pages s’y prêtent (à l’image de ces planches où l’on ne voit que les jambes des visiteurs !). Difficile de ne pas noter combien les œuvres sont parfaitement représentées, même quand elles se mettent en mouvement. Un travail d’orfèvre qui vaut à lui seul l’achat du livre.

« Musée » est clairement une vitrine du Musée d’Orsay. En cela, le travail est effectué sans nul doute : l’ouvrage met en valeur le lieu et les œuvres avec beaucoup de grâce (et ce, sans utiliser la couleur !). Concernant l’histoire et les fils rouges, c’est beaucoup moins évident. Certaines vous titilleront un peu, certaines situations cocasses vous feront sourire, mais mieux vaut ne pas s’attendre à davantage.

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