
Titre : Lune l’envers
Scénariste : Blutch
Dessinateur : Blutch
Parution : Janvier 2014
Blutch reste l’un des auteurs de bande-dessinée que j’admire le plus. La variété des moyens avec lesquels il a pu me toucher en tant que lecteur m’étonne toujours. De ses histoires d’enfance (« Le petit Christian »), à l’humour grinçant (« Blotch ») en passant par le déstabilisant « Vitesse moderne », j’ai eu droit à tous les sentiments. Cependant, cette force dans la variété a fait que je suis également passé à côté de certains ouvrages… « Lune l’envers » est un nouveau one-shot publié par l’auteur chez Dargaud. Le livre se présente sous la forme d’un album classique d’une cinquantaine de pages.
Quel est le réel sujet de « Lune l’envers » ? Difficile de le dire. Profondément narcissique (plusieurs personnes sont Blutch), on peut y voir une sorte de fable surréaliste sur le milieu de la bande-dessinée (et de l’art en général). Mais les critiques sur le monde du travail sont également bien présentes. L’auteur nous montre notre société, façon futur dystopique. C’est affreux, sans aucune morale et les méchants gagnent à la fin. Et devant le côté absurde de certaines situations, il va falloir s’accrocher.
Combattre l’aseptisation
Un peu abrupte dans son début, l’ouvrage s’éclaircit au fur et à mesure des pages. Les tenants et les aboutissants se dévoilent et le puzzle se constitue. De façon générale, l’ouvrage s’attaque à l’aspect aseptisé et bien pensant qui s’installe dans notre monde. Ainsi, un jeune éditeur (qui porte le nom… Blütch !) déclare : « votre projet est conventionnel, poussif, sans élan… Parfaitement inoffensif… Bravo, mon vieux. On va vous préparer un contrat. » C’est le message qui découle de l’histoire.
Forcément, en crachant dans la soupe et en flinguant tout le monde (de l’auteur indé à l’auteur mainsteam, en passant par l’éditeur), Blutch se devait d’être cohérent. C’est le cas ! Son récit est complexe et riche, son graphisme excellent. J’ai depuis longtemps été séduit par le trait de l’auteur, mais il adopte ici une esthétique qui rappelle les années 70, impression renforcée par des couleurs originales et marquantes.

Critiquer l’univers de la BD est facile, le faire avec une telle créativité est une autre paire de manches. Blutch confirme ici, si besoin était, son grand talent et sa virtuosité. « Lune l’envers » est un ouvrage corrosif et riche. Une belle épopée surréaliste dans le monde d’édition de bande-dessinée !
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Note : 16/20





A chaque tome sa ville et son intrigue. Après New York et Paris, voilà Hollywood. Malgré tout, mieux vaut avoir lu les précédents tomes pour profiter pleinement de l’ouvrage. Mais le parallèle entre les deux univers est surtout construit autour des personnages de Fourmille et Yuri, qui sont obligés de rester groupé après avoir perturbé l’équilibre entre les deux mondes. Force est de constater qu’au troisième tome, ils sont déjà intégré au monde et rien ne semble plus les étonner. Le décalage entre notre univers et celui de fantasy est digéré. Dommage.
Le principe du monde miroir permet à Arleston de s’adonner à son jeu préféré : jouer avec les références. Hélas, tout est très appuyé. Alors que dans les tomes précédents, il détournait certains lieux (le central park sauvage, la tour Eiffel comme palais…), ici on a surtout l’impression de revoir l’histoire entre Marilyn et JFK. Et au final, le fil rouge général disparaît complètement. On n’avance pas du tout sur les mystérieux Preshauns par exemple. Après trois tomes, c’est un peu inquiétant. Arleston a trouvé un bac à sable où il peut donner libre cours à ses envies, mais il manque du coup du fond pour pouvoir nous emballer pleinement. Surtout que l’aspect « fantasy » et monde parallèle est peu fourni dans ce tome, comme si tout avait déjà été épuisé.



Les récits longs se basent aussi sur des périodes plus longues (plusieurs mois ou plusieurs semaines). Ce sont aussi les plus intéressants. Il est étonnant de voir que Zelba a encore des choses incroyables à raconter et on se demande comment elle a pu ne pas en parler avant ! Je pense notamment à cette histoire de fracture de la mâchoire qui ne laissera personne indifférent. Ou encore la naissance de l’un de ses enfants.

