
Titre : De cape et de crocs, T11 : Vingt mois avant
Scénariste : Alain Ayroles
Dessinateur : Jean-Luc Masbou
Parution : Novembre 2014
« De cape et de crocs » est une série exceptionnelle. Dotée d’un univers original, les tomes s’enchaînaient tout en gardant une qualité scénaristique et graphique incroyable. Après dix opus, Ayroles (au scénario) et Masbou (au dessin), avait clôt leur épopée au grand dam des fans. Mais déjà ils annonçaient un spin-off sur le personnage d’Eusèbe. Croyant voir venir un one shot, quelle ne fut ma surprise de voir que ce nouveau livre est considéré comme le onzième de la série. Bien nommé « vingt mois avant », il revient sur les raisons qui menèrent Eusèbe aux galères où l’on le retrouvait dans l’histoire. Le tout est publié chez Delcourt.
Eusèbe est de loin le personnage le plus attachant de la série. Petit lapin blanc dont la naïveté n’a d’égal que le courage, il est le spécialiste des petites bêtises. Son histoire était devenue un running-gag de la série. On apprenait par bribes son passé. Et quand il avait commencé à s’exprimer, apprenant qu’il avait été garde du cardinal, Lope ne pouvait s’empêcher de lui répliquer un cinglant « Eusèbe, ce n’est pas bien de mentir ! » Il y était question également d’un jumeau maléfique qui l’avait fait condamné à sa place… Voilà désormais l’occasion de savoir comment Eusèbe va se retrouver aux galères !
Nouveaux enjeux, de nouveaux personnages et nouveaux lieux.
Continuer la série en ne récupérant qu’un seul personnage est un défi à la hauteur d’Ayroles et Masbou. En effet, « De cape et de crocs » développaient de nombreux personnages attachant qui évoluaient beaucoup dans leurs relations au fil des pages. Malgré la dénomination de onzième tome, on a bien le début d’une nouvelle série ici. On découvre de nouveaux enjeux, de nouveaux personnages et de nouveaux lieux. C’est donc en chemin pour Paris que nous retrouvons Eusèbe qui part se faire engager chez les gardes du cardinal.
Malgré tout, on reste connecté ! On retrouve quelques allusions au premier tome de « De cape et de crocs ». On y voit Eusèbe apprendre à faire le rat ou on croise également Montmorency, le fameux basset que Lope dit avoir occis dans les premières pages de la série… Sentant ces références, je me suis empressé de relire les dix tomes pour profiter pleinement de l’ouvrage. Clairement, l’indépendance de ce spin-off envers la série originelle est toute relative.
Concernant le scénario, on retrouve la même ambiance. Eusèbe est naïf et il lui arrive plein de malheurs. Mais il rebondit toujours et sait s’en sortir car, après tout, il est tellement mignon… Le scénario est dense et vise avant tout à nous présenter une galerie de personnages qui seront, on l’imagine, développés par la suite. On sourit beaucoup, on rit parfois. Ayroles et Masbou n’ont rien perdu de leur superbe.
Le dessin est toujours splendide. Masbou est en pleine possession de ses moyens et présente un Paris crédible et vivant. Son travail sur les couleurs lui permet d’asseoir différentes ambiances sans problème. « De cape et de crocs » tient clairement son rang de série culte également grâce à son dessin personnel et virtuose. Les détails s’accumulent et une deuxième lecture est nécessaire pour pleinement profiter de tous.

Ce onzième tome relance une nouvelle intrigue avec talent. Même si on se retrouve bien devant un livre d’introduction, les qualités de la série sont bien là. C’est avec un bonheur évident que j’ai parcouru ce tome, avant de le relire au plus vite pour profiter de toutes ses subtilités. Et on n’attend qu’une seule chose : la suite !

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Note : 17/20

« De la Lune à la Terre » a pour mission, entre autre, de fermer un certain nombre de portes qui avaient été précédemment ouvertes. Certaines révélations étaient prévisibles, d’autres restent obscures. Les auteurs ne nous offrent pas une réponse à chacune de nos interrogations. Ce n’était pas pour autant gênant car chaque page nous fait sentir qu’il faut profiter des derniers moments passés avec les différents personnages qui sont pour la plupart très sympathiques. D’ailleurs la dernière page nous offre un sourire enthousiaste qui nous fait fermer l’album accompagné d’une émotion prenante. L’avancée vers le dénouement est subtilement dosée. On n’est pas dans la brutalité de certaines séries qui offrent deux pages de monologue contenant toutes les révélations accumulées. Ce n’est ici pas le cas. On est accompagné par notre lecture vers la fin en douceur.

Le synopsis de ce nouvel épisode proposé par la quatrième de couverture est le suivant : « Les légions du sinistres Mendoza ont investi la capitale sélénite. L’infâme prince Jean est désormais le maître absolu de la Lune. Pour les rares rescapés de l’armée royale, tout espoir semble anéanti. Tout espoir ? Voire. Car il est une chose que Monsieur de Maupertuis et ses amis ont su conserver intacte dans le désastre : leur panache. »
Concernant le scénario, il est une nouvelle fois dense et habilement construit. Le premier tiers nous présente un état des lieux assez piteux de nos héros. On y découvre l’essence qui fera naitre la rébellion. Dans un second temps, plus optimiste, on voit la marche en avant de ceux qu’on croyait vaincu. La dernière partie marque la bataille irrémédiable pour la fin de l’oppression. Tout cela est classique dans les grandes lignes. Mais le talent d’écriture d’Ayroles fait que chaque scène est mémorable et que nombre de répliques sont amenés à être cultes. La capacité de l’auteur à écrire des dialogues de cette qualité est un véritable hommage au théâtre qui habite chaque page de la série. De plus, le côté épique que génère le panache permanent des héros font de notre voyage littéraire une véritable épopée mythologique !

Cette célèbre série du neuvième art touche à sa fin. « Le maître d’armes » est l’antépénultième de ses épisodes et nous mène inexorablement vers son dénouement. Pourtant, la lassitude ne nous guette toujours pas et la qualité est toujours au rendez-vous. Au contraire, cet ouvrage est, à mes yeux, le meilleur de tous. Il possède tant d’atouts qu’on ne saurait tous les lister. Sa densité et sa capacité à gérer les détails offrent une lecture en tout point passionnante. Néanmoins, pour en profiter pleinement, il est indispensable d’avoir lu les tomes précédents. Dans le cas contraire, je pense que vous auriez du mal à saisir les tenants et les aboutissants de cette mythique épopée.
Mais notre plaisir ne réside pas uniquement dans l’éloquence des personnages. On se prépare également aussi à une bataille homérique qui doit décider de l’avenir de la Lune. Ce n’est pas rien et les auteurs arrivent à faire monter la sauce avec un dosage parfait. Au fur et à mesure que les pages défilent, l’intensité augmente. La gravité de la situation prend de plus en plus de place. La nuit précédant le grand combat est touchante et nous fait vivre des moments touchants. La cause apparait perdue car déséquilibrée. Les gentils sont bien moins nombreux que les méchants et nos seuls espoirs apparaissent désespérés. On est vraiment possédé par l’intrigue et notre empathie à l’égard des différents héros va en grandissant.

La série a pris un tournant important depuis l’album précédent. Nos héros sont maintenant sur la Lune. Ils se sont vus confier une mission par le roi local : trouver le Maître d’Armes. Ce dernier dont on chante les louanges autant guerrières que verbales aux quatre coins du pays. En les suivant dans ces territoires inconnus, on découvre cette planète à travers leurs yeux. « Chasseurs de chimères » est pleinement dans cette lignée. En effet, leurs aventures vont les mener vers des territoires que même les sélénites préfèrent éviter.

Cet opus marque le début d’un nouveau cycle. En effet, nos héros partent maintenant dans l’inconnu sur la Lune. On se retrouve donc plongé dans une épopée dont la dimension fantastique prend de l’épaisseur. Voilà un attrait certain qui redonne un souffle à une saga qui n’en manquait déjà pas ! On est donc curieux de connaitre ce nouveau monde. Cherche-t-il à être « réaliste » et « cohérent » ou au contraire se montre-t-il féérique et épique ? « Luna Incognita » allait nous poser les premiers jalons de la réponse. Parallèlement, le fait de retrouver tous les protagonistes regroupés sur ce nouveau « terrain de jeu » ouvrait l’appétit à l’égard de leurs aventures à venir.
l’objet cherché. En arrivant sur la Lune, on découvre un conflit politique à grande échelle opposant le roi local à son frère. Nos héros choisissent rapidement leur cas du fait de leur premier rencontre avec le frère dans les épisodes précédents. Pour rendre la victoire possible, il faut retrouver le maître d’armes. Intrigué par ce curieux et légendaire personnage, nos deux amis préférés décident de se charger de sa recherche. Parallèlement, on voit chacun des protagonistes, bons comme méchants, chercher à trouver sa place dans ce nouveau monde. Chacun n’est pas évidemment pas habité de louables volontés.

La quatrième de couverture nous offre une présentation succincte de ce cinquième acte : « Où l’on verra Messieurs de Maupertuis et Villalobos percer enfin le secret des îles Tangerines et de leurs hôtes mystérieux, affronter le lunatique prince Jean, élaborer d’improbables machines, retrouver l’ombrageux Raïs Kader, l’infâme Mendoza, le fourbe Cenile, la belle Séléné et le fougueux Eusèbe, avant d’embarquer pour un fabuleux voyage… »
Les premières pages de l’album nous présentent les « habitants » des îles Tangerines. Ils sont des habitants de la Lune ayant été banni de leur planète. Ils avaient besoin d’une pierre de lune pour rentrer chez eux. Pour l’obtenir, ils décidaient de disséminer à travers le monde des fausses cartes au trésor dont la seule requête était de venir accompagné du précieux bijou. C’est ainsi que nos amis permettront à l’insu de leur plein gré à ces sélénites de rentrer chez eux. Mais cette aventure ne s’arrête pas là. Nos héros voient dans ce merveilleux voyage l’occasion de vivre une épopée légendaire. C’est cet objectif dont on suit l’avancée tout au long de cet ouvrage au rythme de la conception de leur nouveau vaisseau.

La quatrième de couverture nous présente le résumé suivant : « Les anthropophages qui hantent les forêts des îles Tangerines tremblent à la seule évocation du volcan sacré dont les flancs abritent, dit-on, un fabuleux trésor. Faisant fi des admonitions indigènes, Messieurs Maupertuis et Villalobos s’aventureront pourtant à travers une lagune infestée de monstres, dans les tréfonds de ce cratère, qui s’avèrera fort riche en coups de théâtre… »
L’attrait de la lecture augmente quand on se découvre l’entrée d’une espèce de temple taillé dans la roche. On y retrouve nos chers pirates et leurs prisonniers. Mais surtout, on s’interroge sur la communauté qui habite ce lieu curieux. Je ne vais pas vous en révéler davantage les concernant. Il est sûr qu’on est intrigué par ces personnes dont on ne connait rien et qui semblent obéir à des codes différents de ceux qu’on connait. Cela nous offre un troisième tiers d’album pleins de surprises et de questions qui se clôt par une révélation dans la dernière page qui nous donne envie de courir lire le tome suivant.

La quatrième de couverture nous présente le résumé suivant : « Acte III. Où l’on verra nos héros voguer à bord du Hollandais Volant vers les îles Tangerines et leur trésor, s’emparer d’un navire pirate, délivrer une belle captive, essuyer une tempête, subir l’ire d’un monstre marin, faire naufrage, explorer une île étrange, assister à un exposé, participer à une expérience et affronter de féroces cannibales. »
En plus de se montrer dense, le scénario est également plein de surprises. Même si trésor, île déserte, pirates ou jeune fille en détresse sont des thématiques classiques du récit d’aventure, cela n’empêche pas les auteurs de nous étonner régulièrement. Il va sans dire que je n’ai pas vous les révéler ici. En effet, le plaisir réside aussi en partie dans la découverte. Mais très souvent on est conquis par l’originalité qui accompagne notre lecture. L’aisance avec laquelle le scénariste joue avec ses ingrédients pour nous offrir un moment succulent est impressionnante. C’est d’autant plus agréable que les trois premiers opus sont d’une même qualité. Cela tend à confirmer que cette série est d’une qualité rare. Concernant les choses qui ne changent pas et qu’on apprécie, il faudrait parler des dialogues. Le travail sur les textes est impressionnant. Je n’ai pas souvenir d’avoir autant succombé aux charmes littéraires d’un album de bande dessinées.

Le fil conducteur de l’histoire est la recherche de ce fameux trésor en suivant une carte découverte dans une bouteille. Cet aspect est habilement construit dans le scénario d’Alain Ayroles. Les événements se succèdent à un rythme soutenu et les surprises sont nombreuses. Notre attention est en permanence relancée pour notre plus grand plaisir. Mais la richesse de cette saga réside dans les nombreuses trames secondaires qui accompagnent notre lecture. Il y a des histoires d’amour contrariées, des vengeances sous-jacentes, des manigances, etc. Chaque moment modifie bon nombre de variable et nous oblige à nous impliquer pleinement dans l’histoire. L’album ne souffre d’aucun temps mort. A l’image de l’opus précédent, la qualité est au rendez-vous et c’est agréable de voir que les auteurs ne se sont pas endormis sur leurs lauriers.
