
Titre : Uchronie(s), New Beijing, T3
Scénariste : Eric Corbeyran
Dessinateur : Aurélien Morinière
Parution : Octobre 2014
« Uchronie(s) » est un des projets les plus ambitieux de la dernière décennie dans le l’univers fantastique du neuvième art. Eric Corbeyran a fait naître trois trilogies se rejoignant dans un dixième opus. La particularité de ces histoires est qu’elles faisaient intervenir les mêmes personnages dans trois réalités parallèles. L’idée était originale et la réalisation s’est montrée à la hauteur de la force scénaristique supposée.
Alors que l’aventure apparaissait conclue avec la sortie en librairie de « Epilogue » il y a presque quatre ans. C’était donc une surprise quand j’ai vu naître une suite il y a un petit peu plus de deux ans. Le célèbre auteur créait trois nouvelles réalités intitulées « New Beijing », « New Moscow » et « New Delhi ». La critique d’aujourd’hui porte sur la conclusion de la première citée.
Le troisième épisode de « New Beijing » est apparu en octobre dernier. Sa couverture était originale car elle présentait deux versions du même protagoniste, chacun étant extrait de son propre monde. Il s’agit de Zack Kosinski, personnage central, de chaque trame quelle que soit leur origine. Comme son nom l’indique, le monde est ici sous domination chinoise. Les dirigeants politiques ont emprisonné Charles et Veronika Kosinski, parents du héros. Ils sont de brillants scientifiques dont la plus belle découverte est la fusion noire. Leur création permet de transition d’une réalité à l’autre. Ce pouvoir donne libre cours à toutes les imaginations.
Pas aussi enthousiasmant que la série originelle.
Comme l’indique son titre, la série exploite pleinement le concept de l’uchronie. Très à la mode actuellement, cette mécanique narrative offre des résultats assez inégaux en termes de résultat. Autant « Block 109 » est une belle réussite à mes yeux, autant « Jour J » est moins enthousiasmant. « New Beijing » est un cru à la qualité correcte. Sans dégager le même enthousiasme que la décalogie originelle, elle présente une intrigue sérieuse et plutôt prenante.
La première réussite de l’album est de créer de manière crédible une Chine régnant sur le monde. Le fait de voir les parents Kosinski prisonniers permet de s’immerger dans les arcanes des dirigeants du Parti. L’ensemble apparaît crédible. Le réalisme facilite notre entrée dans ce monde cousin du notre. Le côté « documentaire » de la lecture est intéressant et fait partie des atouts de la trilogie.
Les enjeux de l’histoire sont clairement établis depuis l’épisode précédent. Nous ne pouvons pas dire qu’ils évoluent énormément dans ce nouvel album. Le déroulement du film conducteur se fait davantage à un train de sénateur car qu’au rythme d’une course effrénée. Je ne renie pas le fait que les événements avancent et que les rapports de force évoluent un petit peu. Malgré tout, je ne peux pas affirmer non plus que nous assistons à un grand chamboulement et à un feu d’artifice de révélation. La trilogie terminée, bon nombre de questions restent en suspens. Les réponses arriveront peut-être dans les réalités parallèles ou dans l’épilogue…
Sur le plan graphique, le travail de d’Aurélien Morinière est correct. Il permet une lecture aisée sans pour autant sublimer les textes. Les personnages sont aisément reconnaissables malgré une densité de casting assez importante. Par contre, que ce soit le découpage ou la mise en scène des cases, rien de révolutionnaire n’est à signaler. Les couleurs de Johann Gorgié est dans cette lignée-là. Le choix semble avoir été fait de privilégier le scénario aux illustrations. Pourquoi pas…

Au bilan, cet album conclut honorablement « New Beijing ». Les trois tomes sont d’une qualité assez constante. J’ai retrouvé avec plaisir des personnages que j’avais appris à apprécier durant les dix tomes précédents. Je pense que cette première nouvelle trilogie à trouver son dénouement offre une suite honorable à la décalogie initiale sans néanmoins en retrouver la magie et l’originalité. Il ne me reste plus qu’à découvrir l’achèvement de « New Moscow » et « New Delhi ». Mais cela est une autre histoire…
Note : 12/20

Le dernier épisode en date est le cinquième de la série. Il s’intitule « Le classement » et est apparu dans les librairies il y a quelques mois. Depuis la reprise de l’entreprise familiale par Alex, les épreuves se sont enchainées. Pour faire simple, chaque tome nous présente un souci majeur dans la mission que s’est fixée la néo-propriétaire. Ce nouvel opus est centré autour de l’appartenance du « Chêne Courbe » à un prestigieux classement de 1855 des vins du Médoc.


Châteaux Bordeaux s’inscrit dans la lignée de grandes sagas familiales telles que Les Maîtres de l’orgepar exemple. La différence est qu’elle ne traverse pas les générations et se concentre sur le destin d’un seul protagoniste. Néanmoins, à travers l’histoire, l’auteur arrive à nous faire découvrir le passé du domaine viticole et de la famille Beaudricourt. La structure narrative fait qu’il est indispensable d’avoir lu les trois premiers épisodes pour ne pas se sentir perdu en découvrant Les millésimes. L’intrigue se déroule de manière classique et s’adresse à un public large.


L’histoire démarre par l’apparition d’un nouveau personnage. Il prend les traits d’un américain prénommé Logan. Il se présente comme étant photographe et rencontre l’héroïne au cours de son travail artistique. Il est intrigant. On se doute que le Bostonien ne nous dit pas tout et possède quelques secrets. Cet apport est attrayant et amène une nouvelle corde à l’arc narratif. Le nouveau venu apparaît tout au long de l’album et s’avère être un fil conducteur des pérégrinations d’Alexandra.

« Châteaux Bordeaux » entre la catégorie de ces grandes sagas familiales. Bon nombre de séries de bandes dessinées nous ont immergés à travers les méandres de célèbres familles sur plusieurs générations. On peut citer « Les maitres de l’orge » en est un célèbre exemple. Néanmoins, la série que j’évoque aujourd’hui n’a pas fait tout à fait le même choix. On retrouve l’unité de lieu et la notion de domaine familial. Par contre, on ne navigue à travers les époques. Le premier tome démarrait par le décès du patriarche et se concluait par le choix de sa fille de reprendre le domaine malgré sa non connaissance de cet univers. Cet opus reprend donc où le précédent nous avait laissé. On retrouve donc avec plaisir cette chère Alexandra pour qui on avait ressenti très vite de l’empathie.

« Le domaine » étant le premier tome de la série, il ne nécessite donc aucun pré-requis avant de s’y plonger. Comme on pouvait s’en douter, l’histoire nous immerge dans la région bordelaise. On y suit les pas d’Alexandra, venue assister à l’enterrement de son père. Mais à peine la cérémonie terminée, les guerres de succession se déclenchent. Ses deux frères veulent vendre le domaine viticole dont ils héritent. La propriété est criblée de dettes et un acheteur est intéressé. Le souci apparaît quand Alexandra, pas œnologue pour deux sous, décide de reprendre en main l’affaire et de lui donner à nouveau le prestige qu’elle possédait jadis. Mais tout n’est pas si simple et beaucoup de gens ne semblent pas se satisfaire de sa décision…
Du fait de la trame scénaristique, on découvre une grande galerie de personnages. Le protagoniste principal est donc Alexandra. Exilée jusqu’alors aux Etats-Unis, elle décide changer de vie en s’installant au domaine. Très rapidement, on ressent de l’empathie pour elle. On sent une jeune femme accompagnée d’un idéal se plonger dans un milieu difficile dans lequel les règles paraissent rares et obscures. Son côté « chevalier blanc » et « seule contre tous » déclenche forcément la sympathie du lecteur. Je ne vais pas lister les autres intervenants de la trame car ce serait alors bien trop vous la divulguer. Mais sachez qu’ils sont nombreux et plutôt bien amenés.


Concernant l’avancée de la trame, j’avais noté un ralentissement du rythme dans le tome précédent. J’espérais donc que ce nouvel acte reprenne la vitesse de croisière qui habitait les trois opus initiaux. Hélas, je dois dire que l’heure était plus à la décélération qu’à l’accélération. Le déroulé des événements m’apparaît dilué. Certaines planches auraient gagné à être raccourcies. Elles n’apportent pas grand-chose à l’atmosphère de la narration et ne font pas du tout avancer le propos. En poussant à l’extrême mon sentiment, j’ai tendance à croire que les deux derniers tomes n’auraient pu en faire qu’un sans que l’histoire soit édulcorée. Cela aurait densifié le scénario et aurait ainsi maintenu mon attention plus concentrée sur la durée.
Les dessins sont l’œuvre de Michel Suro. Comme je l’ai dit précédemment, il avait déjà illustré « Le clan des chimères ». A l’époque, je n’étais pas tombé sous le charme de son trait auquel j’étais peu sensible. Ce sentiment peut s’expliquer par la rupture graphique qu’il offrait à l’univers par rapport au style de Richard Guérineau en charge des planches de « Le chant des stryges ». A priori, mes goûts artistiques ont évolué car son travail sur « Le siècle des ombres » et particulièrement « La trahison » ne m’a pas dérangé. Au contraire, je trouve qu’il accompagne agréablement la lecture. Je ne peux pas dire que je sois tombé sous le charme de certaines de son œuvre mais je lui reconnais un vrai talent pour créer des décors et des personnages. De plus, il est autant à l’aise dans des scènes de dialogues que d’action. C’est appréciable car cette série alterne les deux de manière équivalente.

Avant d’entrer pleinement dans la critique de cet album, je vais expliquer rapidement aux néophytes ce qu’est un stryge. Il s’agit de grandes bêtes ailées qui vivraient dans l’ombre de l’humanité depuis toujours. Elles sont le garant de toutes les connaissances de l’univers. Elles ont été amenées à confier une partie de leur savoir à Sandor Weltman. Devenu immortel, ce dernier s’exonère de leur domination. On découvre donc Cylinia et Abeau, découverts dans « Le clan des chimères » partir à sa recherche en tant qu’alliés des Stryges…
Il s’est déroulé quinze ans depuis le dénouement du tome précédent. Weltman est obsédé par la révélation que lui a faite Cylinia. Elle attendait un enfant de lui et suite à son accouchement, elle a confié le petit au monde des fées. On découvre également davantage la jolie Donessa, dévoué à Weltman et à peine entrevue jusqu’alors. L’attrait de la narration réside également dans une quantité relativement importante de flashback. Ce n’est pas désagréable car cela désassombrit certaines choses. Cela densifie également le propos. A contrario, cela nous donne l’impression de peu voir avancer l’histoire. De plus, l’intrigue voit naître un sentiment brouillon. On voit les scènes se succéder de manière quasiment indépendante. Je regrette un certain manque de liant entre tout cela. Par contre, la quantité d’informations contenues dans cet ouvrage laisse présager une accélération de l’histoire au cours des prochains épisodes.

L’histoire se déroule au dix-huitième siècle. Il s’agissait d’un des attraits de la série car j’ai rarement lu des aventures se déroulant à cette époque-là. L’originalité est d’autant plus forte que rare est l’insertion du fantastique dans cet univers. Cet apport est savamment dosé et offre une intrigue bien construite. Il me parait assez intéressant d’avoir lu au moins « Le chant des stryges » pour maîtriser les tenants et les aboutissants de la trame. Quelques prérequis m’apparaissent nécessaires pour maîtriser les sous-entendus entre certains des personnages principaux.
pour une raison simple. D’Holbach est un personnage obscur dans « Le chant des stryges ». Il existe parce qu’il est évoqué mais on ne le voit jamais. On a été frustré de ne jamais le croiser pendant des pages et des pages. Le fait de le côtoyer aussi aisément dans « Le Siècle des ombres » fait qu’on est vraiment curieux de tout ce qu’il peut nous apprendre. La richesse du personnage prend une réelle ampleur dans ce troisième ouvrage. On le découvre en bienfaiteur des sciences vivant pour un idéal humaniste. On partage bon nombre de ses pensées et de ses réflexions. On est curieux de se sentir de son côté après l’avoir considéré comme un méchant depuis des années. Ce revirement est original et subtilement dosé.
Comme dit précédemment, cet ouvrage s’inscrit dans une œuvre assez importante tournant autour de personnage ailés mystérieux : les Stryges. Pour ceux qui voudraient découvrir cet univers, je vous conseille de commencer vos lectures par « Le chant des stryges » qui est la série au centre de tout l’ensemble. Cela vous permettra de profiter pleinement de « Le siècle des ombres ». Ce prérequis n’est pas indispensable mais néanmoins recommandé pour maitriser tous les tenants et les aboutissants de certains personnages. Cylinia et Abeau naissent dans « Le clan des chimères » et réapparaissent dans « Le chant des stryges ». D’Holbach est un personnage central bien que longtemps mystérieux de « Le chant des stryges ».
immenses et angoissantes. On ressent sincèrement l’impression de ne pas être où on devrait être. La peur générée par ses lieux obscurs dont chaque recoin semble cacher un gros problème est bien transmise et participe à notre plaisir de lecture.