Le goût du chlore

LeGoutDuChlore


Titre : Le goût du chlore
Scénariste : Bastien Vivès
Dessinateur : Bastien Vivès
Parution : Mai 2008


« Le goût du chlore » est l’une des premières bande-dessinées de Bastien Vivès. Parue en 2008, elle a permis à l’auteur de prendre son envol depuis avec de nombreux projets couronnés de succès. Dans cet ouvrage paru chez KSTR, on retrouve deux jeunes gens qui se rencontrent à la piscine. Le tout pèse pas moins de 135 planches.

Dans la BD, on suit un jeune homme qui a un problème de dos. Son kiné le pousse alors à aller nager, ce qu’il n’a pas vraiment envie. Il faut dire qu’il ne nage pas bien et qu’il a bien du mal à motiver des amis pour l’accompagner. Il découvre alors le « milieu » de la piscine municipale, avec des hommes en représentation, des vieilles femmes et… Une fille.

LeGoutDuChlore1« Le goût du chlore » est une romance. Si pudique qu’elle en perd un peu d’intérêt. Il y a très peu de dialogues dans l’ouvrage et une grande partie concerne la natation. En effet, la jeune fille enseigne au garçon comment mieux nager. L’intérêt de l’un pour l’une est évident, l’inverse semble plus long à se déterminer.

Si on enlève les scènes chez le kinĂ©, plutĂ´t anecdotiques, tout se passe dans la piscine municipale. Les personnages sont presque tout le temps en train de nager ou de barboter. Cela permet Ă  Bastien Vivès de laisser parler son obsession des corps (que l’on retrouvera plus tard dans « Polina »). Un corps sportif et attirant d’un cĂ´tĂ©, plus ingrat et chĂ©tif de l’autre. L’auteur dĂ©cide d’adopter le rythme rĂ©el du lieu. Ainsi, on nage plus qu’on parle dans l’ouvrage. Et au bout d’un moment, la lassitude nous atteint Ă  force de voir chaque mouvement dĂ©composĂ©, que ce soit pour la nage ou toute autre chose. Mais on n’est pas loin de l’exercice de style. Bastien Vivès fournit donc un travail intĂ©ressant qui ne plaira pas Ă  tout le monde.

Au niveau dessin, on retrouve le trait dynamique de Bastien Vivès. J’ai trouvé l’ensemble assez inégal. Certaines cases sont très réussies et puissantes. D’autres sont vraiment limites, même si elles sont liées au parti pris de l’auteur. Ce dernier écrit en fin d’ouvrage avoir réalisé l’album à l’été 2007, ce qui expliquerait ce côté inégal. La colorisation en vert/bleu de les décors mais en valeur les corps couleur chair des protagonistes. Mais l’ensemble reste assez froid.

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On peut souvent lire que « Le goût du chlore » retranscrit parfaitement l’ambiance d’une piscine municipale où des gens très différents vont nager et où le temps est rythmé par les longueurs. Mais c’est bien là le problème. Quand on va nager, le temps est souvent long et on s’ennuie un peu. Voilà l’effet que m’a fait cet ouvrage.

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note2

L’Ă©chappĂ©e – GrĂ©gory Mardon

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Titre : L’Ă©chappĂ©e
Scénariste : Grégory Mardon
Dessinateur : Grégory Mardon
Parution : Avril 2015


« L’échappée » est un pavé de plus de 200 pages scénarisé et dessiné par Grégory Mardon. Le livre narre l’histoire d’un homme qui s’échappe de sa vie pour aller voir la mer. C’est le point de départ d’une aventure surprenante… Le tout est publié chez Futuropolis pour un prix de 27 €.

« L’échappée » a la particularité d’être entièrement muet. On pourrait prendre cela pour un exercice de style, mais cette absence de parole à un véritable sens. Cela explique le nombre important de pages, le dessin devant exprimer beaucoup d’actions et de sentiments.

Le dessin remplace les mots.

LEchappee2L’histoire est découpée en plusieurs chapitres, chacun étant représenté par une couleur. Le dessin est bichromique, ce qui permet de bien définir les différentes ambiances. L’histoire commence en ville, alors que l’homme mène une vie des plus modernes : métro, boulot, dodo. Mais l’appel de la mer va briser cet enchaînement (la cassure est parfaitement représenté par la couverture). Difficile d’en dire plus sans spoiler la suite, mieux vaut laisser la surprise.

Le dessin est bien dans l’air du temps. Le trait au pinceau, épais, est élégant et dynamique. Le travail de Grégory Mardon est avant tout dans le mouvement et l’expression que dans le détail. Ainsi, la BD se lit vite une première fois. On s’attarde un peu plus en deuxième lecture, mais on s’aperçoit qu’on n’est pas passé à côté de détails particuliers. La lecture est donc très premier degré.

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« L’échappée » est une belle réussite. À la fois remarquable de par sa contrainte initiale, l’histoire est finalement plus originale que ce que le pitch initial laissait penser. Dommage que son prix, excessif, puisse bloquer l’achat chez de nombreux lecteurs et empêcher un plus ample succès.

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note4

Tu mourras moins bête, T4 : Professeur Moustache étale sa science

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Titre : Tu mourras moins bête, T4 : Professeur Moustache étale sa science
Scénariste : Marion Montaigne
Dessinatrice : Marion Montaigne
Parution : Septembre 2015


Après avoir explosé sur la blogosphère, Marion Montaigne a reçu un succès mérité pour « Tu mourras moins bête », ses recueils de vulgarisation scientifique. Outre l’humour omniprésent, l’auteure aime remplir ses pages de références cinémas, séries ou simplement people. Le tout est publié chez Delcourt pour 250 pages.

Depuis son changement d’éditeur, Marion Montaigne ne s’impose plus de thème général. On aborde donc tout et n’importe quoi, l’auteure se faisant plaisir avec ses sujets de prédilection. On retrouve donc beaucoup les explications geek (« Jurassic Park », « Le Seigneur des Anneaux », « Star Wars »…) et le pipi caca. Ainsi, on sent que Montaigne prend un plaisir infini à nous parler des pets…

Rire de la science par l’absurde.

TuMourrasMoinsBete4bToutes les explications démarrent par une fausse carte postale dessinée par nombre d’invités. Chacun pose une question, à laquelle répond la dessinatrice. Si certains thèmes sont très généraux, d’autres partent un peu dans tous les sens. Au final, ce n’est pas plus mal, les notes ne suivant pas non plus un schéma systématique qui ennuierait le lecteur. Car force est de constater qu’après quatre tomes bien fournis, Marion Montaigne continue à être aussi drôle et didactique à la fois. Même si ce que l’on apprend a, dans ce tome, finalement peu d’intérêt. Comme un symbole, le livre se ferme sur la sexualité des dinosaures, une façon de mixer deux grands sujets traités dans ses livres…

Au niveau du dessin, on retrouve le trait particulièrement relâché de Marion Montaigne et colorisé à l’aquarelle. C’est clairement ce qui peut rebuter le plus au premier abord, mais son efficacité est évidente. C’est là le plus important.

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Ce tome confirme (si besoin était) tout le talent de Marion Montaigne pour la vulgarisation. Et plus que pour apprendre des choses, on lit avant tout « Tu mourras moins bête » pour rire avec l’auteure de la science et de tous les questionnements que cela peut apporter. Et si c’est absurde, c’est encore meilleur !

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note5

Panique organique

PaniqueOrganique


Titre : Panique organique
Scénariste : Marion Montaigne
Dessinatrice : Marion Montaigne
Parution : Octobre 2007


Marion Montaigne est une auteure qui s’est créé un nom dans la vulgarisation scientifique. Mêlant bande-dessinée, sciences et humour, elle a su capter l’attention du public avec son blog « Tu mourras moins bête » (parfaitement mis sur papier ensuite). Depuis, elle a sorti « Riche, pourquoi pas toi ? » qui lui permettait de toucher aux sciences sociales. Mais dès 2007, l’auteure sortait déjà un livre intitulé « Panique organique » qui proposait une histoire déjanté dans le corps humain. Publié chez Sarbacane, le tout pesant une petite centaine de pages.

Nous démarrons donc dans le corps d’un enfant qui mange ses céréales. L’une de bactéries de l’estomac, fatigué de cette existence répétitive, décide de s’échapper. En effet, le petit garçon a eu le malheur d’avaler le jouet qui était dans la boîte de céréales. C’est une fusée… C’est parti pour une aventure au plus profond du corps…

Une aventure d’humour didactique

Si le début de l’aventure laisse présager une aventure d’humour didactique (le rein est bien présenté par exemple), le tout devient vraiment barré au fur et à mesure. Alors certes on apprend des choses régulièrement, mais l’aspect didactique laisse souvent la place à l’aventure et à l’action débridée. 

On a clairement affaire ici à un ouvrage plutôt jeunesse. Les explications sont plutôt simples et l’action est non-stop. Le double discours existe quand même (le passage à l’adolescence est vraiment destiné à être drôle pour des adultes me semble-t-il…), mais il n’est pas omniprésent. Les dernières pages, complètement débridées manquent ainsi un peu de consistance. Malgré tout, on sourit à plusieurs reprises. Mais on est tellement habitué à rire devant un livre de Marion Montaigne que l’on en devient très exigeant !

Concernant le dessin, on retrouve un trait simple et dynamique de l’auteure, colorisé à l’informatique. C’est moins relâché et moins personnel que ses dernières productions, mais la lecture est très agréable et lisible. Le découpage est plus classique avec un gaufrier et des cases tracées. Bref, c’est finalement assez différent de ce que peut nous proposer Marion Montaigne actuellement.

« Panique Organique » confirme l’intérêt de Marion Montaigne pour les ouvrages didactiques. Paru en 2007, juste avant « La vie des bêtes » (où clairement elle est plus percutante au niveau de l’humour), c’est un ouvrage jeunesse de bonne qualité. La partie didactique n’est pas lourde et peut même passer derrière l’aspect purement aventure. Et il faut bien avouer que les ados adorent ce livre. Une lecture sympathique. avatar_belz_jol

note3

Riche, pourquoi pas toi ?

RichePourquoiPasToi


Titre : Riche, pourquoi pas toi ?
Scénariste :
Marion Montaigne
Dessinatrice : Marion Montaigne
Parution : Octobre 2013


Marion Montaigne s’est fait connaître avec son blog « Tu mourras moins bête », qui traitait en bande-dessinée et avec humour de la science. Edité sous format papier (deux tomes parus à ce jour), ces ouvrages ont pleinement mérité leur succès. Malgré tout, Marion Montaigne fait une pause dans la vulgarisation scientifique pour aborder ce nouveau livre : « Riche, pourquoi pas toi ? ». Plus que « comment devenir riche ? », c’est plutôt une bande-dessinée qui explique pourquoi, justement, on n’est pas riche ! Deux auteurs sont associés à Marion Montaigne : Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot. C’est sur les travaux de ces deux sociologues que se base ce nouveau livre. Le tout est édité chez Dargaud pour 133 pages.

Outre se baser sur les ouvrages du couple Pinçon / Pinçon-Charlot, Marion Montaigne les fait même intervenir ! Ces derniers s’occupent d’une famille qui va alors gagner au Loto et devenir riche. De nombreuses questions sont alors abordées lors de l’ouvrage composé de chapitres : qu’est-ce qu’un riche ? Comment devient-on bourgeois ? etc.

Marion Montaigne dĂ©laisse donc la vulgarisation scientifique pour la vulgarisation sociologique (mĂŞme si en soit, la sociologie est une science). C’est clairement ce qu’elle fait de mieux, puisqu’elle le fait Ă©galement pour la jeunesse (« La Vie des BĂŞtes »). Ceux qui connaissent l’auteure sont donc en terrain connu. L’humour sert ici Ă  apprendre. Comme toujours, Marion Montaigne aime garnir ses ouvrages de rĂ©fĂ©rences actuelles, au risque de voir ses ouvrages mal vieillir. La plupart des rĂ©fĂ©rences sont ici particulièrement simples d’accès, donc cela ne pose pas de problème en lecture. Cependant, le sujet permet un peu moins de dĂ©lire que la science. Bref, n’espĂ©rez pas trouver exactement la mĂŞme chose que le blog que Marion Montaigne. Mais on n’y perd pas au change.

Une conclusion déprimante

Malgré le nombre important de pages et la densité des informations, le tout se dévore sans peine et les idées fortes font mouche. Outre l’aspect sociologique, l’aspect psychologique est très important ici. Et la conclusion assénée par l’auteure est avant tout déprimante pour tout un chacun. Mais hélas tellement vraie…

Au niveau du dessin, le trait relâché de Marion Montaigne est toujours aussi dynamique et adapté à sa narration. La couleur est faite de simples aplats numériques. C’est un peu dommage lorsque l’on connaît les capacités à l’aquarelle de l’auteure. Sans doute fallait-il aller vite.

« Riche pourquoi pas toi » confirme si c’était encore nécessaire les capacités didactiques de Marion Montaigne. Assorti d’une bonne dose militante (sous couvert d’études sociologiques quand même !), cet ouvrage a donc un accent différent que les « Tu mourras moins bête ». Clairement, ici on rit, mais on n’est pas là que pour rire…

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note4

Canardo, T22 : Piège de miel

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Titre : Canardo, T22 : Piège de miel
Scénariste : Benoît Sokal
Dessinateurs : Benoît Sokal & Pascal Regnauld
Parution : Octobre 2012


« Canardo » est une série que j’apprécie énormément. Suivre les enquêtes de ce détective au physique de palmipède et à l’allure de Colombo procure un plaisir certain. Je suis assez admiratif de la capacité de son auteur, Sokal, à conserver une qualité d’écriture toujours élevée plus de trente ans après les premières aventures de son héros. J’étais donc confiant et impatient de me plonger dans cette nouvelle épopée intitulée « Piège de miel ». Sa parution date du mois de septembre dernier. Le père historique de la saga s’associe une nouvelle fois à Pascal Regnauld pour faire naitre cet opus.

Comme dans une grande partie de ses histoires récentes, Canardo se trouve proche du plat pays. La Belgique est le nouveau lieu star des pérégrinations du célèbre enquêteur. Cela permet de faire apparaitre une ambiance grise et triste. On a le sentiment que le soleil n’est jamais de sortie. On ne peut pas dire que Sokal milite pour l’office de tourisme belge. Je me garderais de toute comparaison avec la réalité sur les plans géographiques et météorologiques mais je tiens à préciser que j’apprécie toujours d’être envouté par cette atmosphère. Le travail sur les couleurs participe activement à la force de cette dernière. Le dépaysement est immédiat. On ressent un vrai plaisir à retrouver cet univers qui nous est familier et qui ne nous laisse pas insensible.

Une partie de Cluedo des plus passionnantes.

Le héros étant détective, il lui faut donc trouver une affaire pour expliquer sa charismatique présence sur les lieux. Il est ici en mission. On apprend rapidement qu’il surveille de près un ministre au physique peu avenant. Une parenté avec notre cher ancien-futur président de la France ne serait qu’un hasard malencontreux. Canardo arrange une rencontre entre ce ponte et une femme splendide qui s’avère être une prostituée de luxe. Tout cela sent le guet-apens. Mais l’intrigue prend vite une tournure différente quand tout ce beau monde est pris par une tempête de neige. La solution de repli pour passer la nuit est une curieuse résidence isolée et habitée par une famille noble à défaut d’être riche.

Tout est donc réuni pour nous plonger dans une partie de Cluedo des plus passionnantes. Il n’y a pas de crime mais tous les autres ingrédients sont présents. L’unité de lieu est imposée par la météo. De plus, ce lieu possède un charme certain. C’est un château perdu au milieu de la forêt. On retrouve une galerie de personnages importante. Chacun donne lieu à des interrogations. Les secrets semblent nombreux et les cadavres doivent inonder les placards. Notre ami palmipède semble vouer à arbitrer tout ce petit monde et les différentes interactions qui vont lier les uns avec les autres. Cet état des lieux attise donc notre curiosité et fait que notre immersion est immédiate. Dès les premières pages, par les décors, les personnages et l’atmosphère, on est conquis.

Notre plaisir ne diminuera jamais au fur et à mesure que les pages défilent. A aucun moment, notre attention et notre attrait ne s’atténuera. La narration ne souffre d’aucun temps mort. Bien au contraire, l’intensité ne cesse d’augmenter. Chaque personnage, par son apparition dans l’intrigue, relance la trame. Le dénouement est à la hauteur du chemin qui y mène. Il n’y a aucune déception. La dernière page est un modèle de conclusion tant sur le plan graphique que du texte. Ce nouvel opus ravira les adeptes du célèbre détective. Ils y retrouveront tous les ingrédients qu’ils ont l’habitude de savourer. Pour ceux qui n’ont encore jamais rencontré Canardo, je ne peux que vous conseiller de découvrir « Piège de miel ». Il s’agit d’un excellent cru pour un premier rendez-vous avec le célèbre palmipède…

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note5

Canardo, T23 : Le vieux canard et la mer – BenoĂ®t Sokal, Pascal Regnauld & Hugo Sokal

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Titre : Canardo, T23 : Le vieux canard et la mer
Scénariste : Hugo Sokal
Dessinateurs : Benoît Sokal & Pascal Regnauld
Parution : Octobre 2013


Canardo et moi, c’est une grande et vieille histoire d’amour. J’ai d’abord découvert les premiers ouvrages, noirs, sales et désabusés… Une vraie révélation ! Le tout a désormais bien changé, sans pour autant me déranger. Lassé du dessin, Sokal a acquis l’aide de Pascal Regnauld afin de se concentrer sur le scénario. Car c’est avant tout les dialogues qui intéressent l’auteur. On a donc désormais un Canardo très ancré dans la Belgique et une bande-dessinée qui est avant tout une satire sociale à l’humour bien trempé. Ici, c’est Hugo Sokal qui s’occupe du scénario. Il avait déjà co-scénarisé les précédents opus. Les rôles sont un peu flou dans « Canardo », même s’il semble acquis que Pascal Regnauld assure la majorité du dessin, bien que son nom ne soit crédité qu’en terme de « collaboration » dans l’ouvrage… Passés ces considérations sur qui fait quoi, voyons si ce millésime, intitulé « Le vieux canard et la mer », vaut la lecture. Le tout est toujours publié chez Casterman sous la forme d’un album tout ce qu’il y a de plus classique.

Dans cet ouvrage, l’inspecteur Canardo fait la nounou… Sa sœur est à la clinique et il doit s’occuper de son petit neveu. Ce dernier, comme tous les petits de son âge, est fan de Momo le Mérou (dont le parallèle avec Némo est évident) dont le merchandising fonctionne à plein tubes. Si bien que la pêche au mérou à pois rouges est déclarée interdite… Hélas, le Koudouland a une économie qui dépend entièrement de cette pêche. Et le Belgambourg, ancienne puissance coloniale, ne l’entend pas de cette oreille… Elle missionne Canardo sur place.

Une grande densitĂ© de rĂ©flexions sociĂ©tales et d’humour.

Cette histoire fait la part belle au neveu de Canardo qui devient un personnage central de cette bande-dessinée. A travers lui, il critique vertement les nouvelles générations et les conflits inhérents à la culture et consommation de masse. D’autres termes se mêlent comme la célébrité facile et factice dans notre univers mondialisé… La densité des réflexions et l’humour avec lequel tout cela est traité est la vraie force de l’ouvrage. J’ai trouvé cette partie particulièrement réussie. On sourit beaucoup, il y a des idées à foison… Car à côté de cela, on suit également la grande duchesse, un des personnages les plus réussis de la série, qui vient rendre visite à son « ami » président. Bonjour le néocolonialisme et tout ce qui va avec… « Canardo » sait vraiment ici capter l’air du temps et mettre le doigt sur les dérives de nos sociétés.

Au niveau du dessin, Pascal Regnault fait le travail. On est en terrain connu. Je trouve cependant la gestion des phylactères un peu hasardeuse. Ce n’est pas nouveau, mais l’aspect « photoshop » des bulles en est parfois gênant. Je trouve aussi les couleurs un peu trop criardes. Clairement, le passage à l’informatique de certains aspects de la série n’a pas été une franche réussite. Cependant, cela ne gêne pas la lecture pour autant, loin de là. L’univers animalier de Canardo est un modèle du genre.

J’ai été très enthousiaste à la lecture de ce « Canardo ». Le cru 2013 est un bon cru, avec beaucoup d’humour et d’allusion à notre monde. C’est toujours étonnant de voir qu’après tant d’années et d’évolutions, je puisse être autant heureux de lire cette série qui, clairement, ne se repose par sur ses lauriers. Un exemple à suivre !

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note4

Atar Gull, ou le destin d’un esclave modèle – Fabien Nury & BrĂĽno

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Titre : Atar Gull, ou le destin d’un esclave modèle
Scénariste : Fabien Nury
Dessinateur : BrĂĽno
Parution : Octobre 2011


J’ai eu le plaisir que l’on m’offre dernièrement la bande-dessinée « Atar Gull, ou le destin d’un esclave modèle ». Non seulement le scénario est tenu par Fabien Nury, qui m’a déjà convaincu avec ses séries « Je suis légion » et « Il était une fois en France », mais le dessin est réalisé par Brüno, dont le travail m’a été loué de nombreuses fois. Avec cet ouvrage, j’espérais découvrir le travail de cet auteur en vogue. Ce livre est un one-shot d’un peu plus de 80 pages et est inspiré d’un roman d’Eugène Sue. N’ayant pas lu ce roman, j’éviterai toute comparaison entre l’œuvre originale et son interprétation en BD.

Atar Gull est fils de chef de la tribu des petits Namaquas en Afrique. La guerre avec les grands Namaquas fait rage et des hommes sont faits prisonniers. Toute la tribu pleure sauf lui. Atar Gull déclare alors que jamais il ne pleurera… La BD est articulée selon deux livres : « La traversée » et « La plantation » auxquels s’ajoutent un prologue et un épilogue. Comme on parle ici d’un esclave, il va sans dire Atar Gull va se faire capturer par les grands Namaquas. Au lieu de manger leurs prisonniers, ils ont depuis appris à les vendre aux blancs…

Aucun manichĂ©isme : chaque personnage a ses raisons d’agir.

Le propos développé ici est particulièrement sombre. L’esclavage n’est pas un sujet facile et Nury le traite ici sans manichéisme. L’armateur qui procède au commerce du bois d’ébène est animé par des intentions simples : pouvoir gagner assez d’argent pour rejoindre sa femme. C’est une des caractéristiques fortes de Fabien Nury : ses personnages ont souvent des bonnes raisons d’agir. Le tout commence donc par la traversée de l’Atlantique où les auteurs développent une vraie histoire de pirates. Le rôle d’Atar Gull est ainsi très mineur. Il est seulement la plus belle pièce de la marchandise, un « Mandingo ».

L’arrivée aux Amériques change le tout. Atar Gull est vendu et travaille dans une plantation aux ordres du maître Wil. C’est vraiment à ce moment-là que l’on perçoit toute la force du scénario. En effet, les évènements avancent, souvent terribles, et les motivations d’Atar Gull nous sont toujours inconnues. On ne le comprend pas vraiment. Cependant, derrière toute cette cruauté, présente à tous les instants, on arrive à être ému. Du grand art…

Au niveau du dessin, j’avoue que le style de Brüno m’a un peu gêné au départ. Son trait est épais, sans concession, avec des aplats noirs importants, notamment dans ses visages. D’apparence simple, son dessin se révèle bien plus complexe et intéressant une fois que l’on est habitué. « Atar Gull » est aussi une bande-dessinée marquante graphiquement. Dans les moments forts, Brüno sait donner à son dessin la construction et le style qui fera réagir le lecteur. Un très bon dosage dans l’intensité. Le tout est colorisé par aplats très simples, sans ombre. Le tout renforce le style de Brüno, très brut. Les couleurs sont bien utilisées, renforçant l’atmosphère de chaque lieu ou moment.

« Atar Gull » est clairement dans le haut du panier de la bande-dessinée actuelle. Avec un scénario original et surprenant, des personnages hauts en couleur et un dessin exigeant et marquant, on sent qu’aucune concession n’a été faite. Les auteurs accouchent d’un ouvrage avec une personnalité forte. A découvrir absolument.

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note5

Tyler Cross, T2 : Angola – Fabien Nury & BrĂĽno

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Titre : Tyler Cross, T2 : Angola
Scénariste : Fabien Nury
Dessinateur : BrĂĽno
Parution : Août 2015


Avec deux one shots exceptionnels (« Tyler Cross » et « Atar Gull »), Fabien Nury et Brüno se sont imposés comme une des doublettes les plus talentueuses de la bande-dessinée. Et c’est avec plaisir que l’on les voit rempiler avec un deuxième tome de « Tyler Cross », intitulé « Angola ». Le tout pèse 100 pages et est publié c’est Dargaud. Même s’il serait dommage de ne pas avoir lu le premier tome, ils sont parfaitement indépendants.

« Angola » est le nom d’une prison. Tyler Cross y est enfermĂ© suite Ă  un coup foireux. Évidemment, il va tenter d’en sortir. Le premier tome Ă©tait un polar teintĂ© de western. Ici, on prend les rĂ©fĂ©rences en plein univers carcĂ©ral des annĂ©es 50 : mafia sicilienne, esclavage des prisonniers, chasse Ă  l’homme, corruption… Du petit lait pour Tyler !

Un héros froid, violent et doté d’une morale minimale.

TylerCross2bLa force de cette série est de présenter un héros particulièrement froid et violent, doté d’une morale minimale. Pourtant, notre empathie pour lui est bien réelle puisqu’on espère qu’il s’en sortira. La violence est omniprésente, portée par une narration parfaitement maîtrisée. C’était déjà un des points forts du premier album, on le retrouve ici. Les textes sont un véritable plaisir de lecture, sublimés par la mise en image. Les cases longues et grandes donnent une vraie dimension cinématographique à l’ensemble. Mais qu’on ne s’y trompe pas : « Tyler Cross » s’inspire du cinéma, mais utilise au mieux les codes de la bande-dessinée.

Les cent pages de l’ouvrage permettent aux auteurs de développer leur propos. Car l’histoire n’est pas uniquement centrée sur Tyler Cross. Les autres personnages ont droit aussi à leurs chapitres qui développent leur histoire. Et à la fin, Tyler est souvent là pour les accueillir… Cette narration multiple, parfaitement maîtrisée, est au cœur du plaisir de lecture.

Le trait de Brüno, tout en noirs, et sa mise en scène sont assez incroyables. Non seulement il possède un dessin assez unique, mais il est parfaitement au service de l’histoire. Les deux auteurs sont au diapason. Les couleurs enrichissent les ambiances, jouant sur les teintes avec beaucoup d’intelligence. La pluie, la nuit, la douleur, la violence… Brüno parvient à tout exprimer avec beaucoup d’économie dans son trait et c’est assez remarquable. Quant au découpage, il est un véritable modèle du genre. Quelle maîtrise !

« Tyler Cross » s’impose une nouvelle fois comme une bande-dessinée majeure. En quittant les atmosphères western du premier tome, les auteurs proposent un ouvrage à l’ambiance différente. Le fond reste le même : violence, immoralité et références cinématographiques. Mais dans sa narration et son dessin, « Tyler Cross » reste une série assez unique, autant dans son genre que par sa qualité exceptionnelle.

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Le rĂ©vĂ©rend, T2 : Chasse Ă  l’homme – Lylian & Augustin Lebon

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Titre : Le rĂ©vĂ©rend, T2 : Chasse Ă  l’homme
Scénariste : Lylian
Dessinateur : Augustin Lebon
Parution : Avril 2015


Le premier tome du « Révérend » avait marqué les esprits par une histoire ménageant ses surprises (scénarisé par Lylian) et son dessin très réussi (réalisé par le novice Augustin Lebon). On avait craint que la deuxième partie du diptyque ne montre jamais le bout de son nez, mais voilà que la fin de l’intrigue débarque enfin en librairie. Le tout pèse une cinquantaine de pages et est publié chez Emmanuel Proust Media.

« Le révérend » est une histoire de vengeance. Le cadre du western est choisi pour mettre en place l’intrigue. Angus cherche à se venger des personnes responsables de la mort de sa mère. On l’avait laissé abattu à la fin du premier tome. Deborah et Angus, on les retrouve alors qu’ils sont encore jeune, au moment où le garçon devient le révérend. Deborah lui intime alors de renoncer à sa vengeance. Pas si simple…

Vengeance au far west.

LeReverend2bCe tome se révèle rapidement décevant par rapport au premier. Ce second opus narre une histoire de vengeance classique et donc sans surprise. Le scénario se contente donc d’une chasse à l’homme, comme l’indique si bien le titre. Le livre se lit alors avec plaisir, mais sans retenir notre attention plus que ça. Les gimmicks du genre s’accumulent sans passionner. L’ouvrage est plein de référence. Mais si le premier tome proposait son lot de surprises, il n’y en a plus ici. Dommage.

Au-delà de ce défaut, « Le révérend » semble hésiter entre violence et tout public. Car le scénario oscille entre les deux. On dirait que les auteurs appuient sur le frein en permanence. Là où « Bouncer » assume pleinement l’horreur, « Le révérend » est bien plus sage. Derrière une dureté de façade, on voit bien que le tout reste finalement plus lisse qu’il n’y paraît.

Augustin Lebon confirme en revanche ses aptitudes de dessinateurs. Son dessin est un plaisir pour les yeux. Le trait est classique et classieux, tant dans les personnages que dans les lieux et décors visités. Les cases sont larges, laissant la place aux grands espaces de l’ouest sauvage. Les couleurs sont réussies et mettent bien en valeur le trait de l’auteur. Malgré tout, ces couleurs assez vives manquent un peu d’ambiance. Sur ce point-là également, le choix a été fait de ne pas assombrir l’ouvrage.

LeReverend2a

Ce deuxième tome du « Révérend » ne convainc pas réellement. Trop référencé et sans surprise, il se lit comme une bonne bande-dessinée et nul doute que vous y prendrez du bon temps. Mais il n’est pas dit qu’il vous laissera un souvenir impérissable. Un bilan mitigé, donc.

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