Pyongyang

Pyongyang


Titre : Pyongyang
Scénariste : Guy Delisle
Dessinateur : Guy Delisle
Parution : Mai 2003


Guy Delisle s’est spécialisé dans la bande-dessinée façon carnet de voyage. En 2003, après avoir décrit Shenzen, il s’attaque à la Corée du Nord dans « Pyongyang ». Son travail d’animateur d’alors le pousse à aller superviser la production sur place. C’est donc parti pour plusieurs mois dans l’un des pays les plus fermés du monde. Son livre « 1984 » d’Orwell en poche, Delisle va découvrir la vie dans la capitale de la Corée du Nord. Le tout est publié en noir et blanc à l’Association et pèse pas moins de 176 pages.

Cela faisait longtemps que je voulais me lancer dans la lecture des ouvrages de Guy Delisle tant on m’en a dit du bien. Et son prix à Angoulême pour « Chroniques de Jérusalem » m’avait d’autant plus incité à m’y intéresser. J’ai donc choisi de démarrer avec le pays qui me fascine le plus, la Corée du Nord. A cette époque-là, Guy Delisle est célibataire et ne part donc que quelques mois. Il arrive seul en Corée du Nord où les activités ne sont pas légion… On découvre alors son quotidien avec les autres travailleurs de l’animation et les ONG.

Un ton léger, un sujet grave

Si l’auteur nous fait découvrir la Corée du Nord, c’est par son œil averti. Ainsi, les analyses profondes du régime ne sont pas d’actualité. Ce que vit et voit Delisle suffit amplement à nous renseigner sur ce régime. On découvre une population asservie, presque robotisée et de grands espaces vides (à l’image des hôtels). Le régime est à l’agonie. Il tente de le cacher, mais c’est beaucoup trop flagrant pour passer inaperçu. Surtout que l’auteur est quelqu’un de curieux qui ne ménage pas son guide (qui l’accompagne en permanence). Il aime rentrer à pied et visiter… Et en adoptant un ton léger, Delisle parvient à nous distraire en parlant d’un pays ultra-répressif… 

Au fond, en lisant l’ouvrage, on a l’impression de revivre l’expérience de Delisle. On découvre ce pays comme il l’a lui-même découvert : les incohérences, les violences, la peur, etc. Delisle n’est pas un idéologue. A aucun moment, il ne cherche à nous asséner un message politique. Bien sûr, cela transparait quand même au fur et à mesurer de la lecture, mais l’ensemble reste très factuel.

Concernant le dessin, Delisle a un trait simple, façon « nouvelle bande-dessinée ». C’est parfaitement adapté à l’ouvrage. Le tout est rehaussé d’une colorisation en niveaux de gris qui densifie un peu l’ensemble. C’est lisible et très efficace.

Au final, on ressort un peu sonné de « Pyongyang ». Devant tant d’absurdité, on ne peut qu’être révolté. Mais en choisissant un ton léger, Guy Delisle évite l’écueil d’un ouvrage trop politisé et orienté. Du coup, on sourit souvent avec un thème bien grave pourtant. Du beau travail !

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note4

 

Réalités obliques

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Titre : Réalités obliques
Scénariste : Clarke
Dessinateur : Clarke
Parution : Octobre 2015


Je n’ai jamais rien lu de Clarke. Et pourtant, il est le dessinateur de la bien connue « Mélusine ». C’est ainsi un changement de style radical que le dessinateur effectue en proposant « Réalités obliques », un one-shot en noir et blanc dérangeant, où fantastique et onirisme se côtoient. Paru au Lombard, l’ouvrage titille les 160 pages.

Clarke nous propose plus d’une vingtaine de petites histoires de 4 pages carrées, chaque page contenant elle-même quatre cases carrées. Chaque scène possède une composante plus ou moins fantastique (on est souvent dans l’idée du cauchemar, à la frontière du réel). Le tout se veut dérangeant et c’est plutôt réussi. Difficile de ne pas faire le rapprochement avec la démarche de Franquin et de ses « Idées noires ». Même si le contenu reste différent, on reste sur un auteur qui change de style vers des histoires plus glauques et avec un noir et blanc poussés dans ses retranchements.

4 pages carrées par histoire. 4 cases carrées par planche.

Si toutes les histoires sont loin d’atteindre le même niveau, la qualité est de mise. Clarke maîtrise son rythme de 16 cases pour faire monter la tension et aboutir sur une dernière case qui, souvent, donne le sens au reste. En cela, les histoires de Clarke ne coulent pas toujours de source et nous surprennent. Une lecture trop rapide ou en diagonal amène parfois l’incompréhension. Tout est pesé, tant dans les textes que dans le dessin. Et le résultat est réussi : on est mal à l’aise face à ces histoires qui touchent à nos phobies les plus primitives.

Concernant le dessin, difficile de ne pas penser au « Sin City » de Frank Miller. Il semble que ce soit l’influence majeure de Clarke sur cet album. Malgré tout, les cadrages, les clairs-obscurs forcent le respect et on sent un auteur en pleine possession de son art. Surtout que beaucoup de scènes possèdent peu d’action, le dessinateur change les points et angles de vue intelligemment.

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« Réalités obliques » est une œuvre qui permet à Clarke de présenter une autre palette de son talent. Si on pense beaucoup à Franquin et Miller pendant la lecture, difficile de ne pas adhérer à l’ouvrage, dont l’ambition initiale est atteinte. Un beau livre, simplement.

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note4

Okko, T7 : Le cycle du feu, première partie

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Titre : Okko, T7 : Le Cycle du Feu, première partie
Scénario : Hub
Dessin : Hub
Parution : Octobre 2011


« Okko » est une série basé sur des cycles élémentaires composés de deux tomes chacun, scénarisée et dessinée par Hub. Après le cycle de l’eau, le cycle de la terre et le cycle de l’air, voici venir le cycle du feu. Premier tome de ce cycle et donc septième de la série, celui-ci démarre sur un mariage entre deux familles très puissantes. Devant l’ampleur du phénomène (qui pourrait amener un nouvel empereur), les familles font appel à la garde blanche, composée des cent samouraïs les plus valeureux. Auquel s’ajoute un cent-unième bien connu : Okko. Bien qu’étant déshonoré et diminué (il a perdu une main lors du cycle précédent), ce qui fait de lui un ronin, ses faits d’armes le rendent indispensables. Cependant, notre héros sait prendre du recul et évite de se mélanger avec des pairs qui le renient.

La réussite d’ « Okko » tient à plusieurs facteurs. Le japon médiéval, teinté de fantastique, est à la fois terriblement exotique et sombre. Hub crée un monde d’héroïc-fantasy japonais avec ses guerriers, ses nobles, ses monstres et ses sorciers. La balance entre l’aspect historique (et documenté) et fantastique est parfaitement dosée et accouche d’un univers crédible et cohérent.

Un Japon médiéval, exotique et sombre.

Autre facteur de réussite : les personnages. Comme dans toute saga de fantasy, « Okko » est avant tout l’histoire d’un groupe. On y trouve Okko, samouraï déchu, Noburo, guerrier géant caché derrière un masque, Noshin, moine alcoolique et Tikku, jeune apprenti du moine. La galerie est pittoresque mais moins caricaturale qu’elle n’y paraît. Les relations entre les personnages sont souvent conflictuelles et les problèmes viennent souvent de l’une des personnes du groupe. Le vrai lien est Okko, qui n’hésite pas à se mettre en danger (voire à se sacrifier) pour défendre l’un de ses compagnons. C’est une vraie force dans cette BD car Okko est parfois à la limite de l’antipathique. Aigri et agressif avec le moine, Hub ne lui fait pas non plus de cadeau. Mais son personnage préfère ses amis à son honneur. L’auteur en fait donc une version nouvelle du samouraï, très intéressante.

Comme d’habitude, l’histoire se passe sur une île. Cycle du feu oblige, elle est volcanique ! Dans ce premier tome du cycle, Hub distille son atmosphère lentement sans dévoiler les vrais tenants de l’intrigue. Et à la fin du tome, un évènement avive un suspense insoutenable. L’auteur maîtrise réellement la construction en deux tomes et c’est sans doute ce qui fait tout le charme de cette œuvre. Plutôt que d’écrire une longue épopée de 8 tomes, Hub écrit des histoires denses à l’identité fortement marquée. Résultat : on a l’impression que « Okko » s’améliore de tomes en tomes.

A force de passer les tomes, on en apprend un peu plus sur les personnages. Hub nous présente un Okko en apparence vieilli et affaibli. Bien que pouvant être lu indépendamment des autres tomes, je conseille tout de même une lecture préalable des ouvrages précédents. De même, le jeune Tikku, si timide et effrayé au départ, vieillit et prend de plus en plus d’initiatives. On a vraiment l’impression de voir évoluer les personnages. Mais comme toujours, c’est très léger et subtil. Hub ménage ses informations, ses évolutions afin de créer une œuvre des plus intéressantes.

Et que dire du dessin ? Il est simplement magnifique. Détaillé et expressif, il sait se faire dynamique dans les combats. La faune et la flore sont parfaitement retranscrits et donnent de la chaleur à ce cycle ardent. De même, tous les apparats du japon médiéval donnent vraiment l’impression d’y être, facilitant notre plongée dans l’univers. Sans en faire trop, Hub sait créer des moments forts dans ses planches. Une grande réussite comme toujours ! De plus, chaque cycle a une vraie identité, que ce soit dans les tons, les couleurs et les ambiances.

« Okko » est une vraiment une œuvre majeure de la bande-dessinée. Construite selon des cycles de deux tomes, tout y est réussi. Un dessin virtuose reconnaissable immédiatement, des intrigues teintées de fantastique, un univers original et cohérent, des personnages complexes et attachants… Je ne peux que vivement la conseiller à ceux qui ne l’auraient pas encore découverte. Chaque tome est un grand moment, simplement.

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note5

 

Okko, T9 : Le cycle du vide, première partie

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Titre : Okko, T9 : Le cycle du vide, première partie
Scénariste : Hub
Dessinateur : Hub
Parution : Mai 2014


« Okko » est certainement l’une de mes séries préférées. Je la suis depuis le premier tome. Or, fait rare, cette série a eu tendance à se bonifier au fur et à mesure des tomes. Et des tomes, il y en a puisque c’est le neuvième qui sort en cette année 2014. Scindés par cycle de deux, voilà donc l’ultime cycle : le cycle du vide. C’est donc l’avant-dernier opus des aventures d’Okko qui paraît chez Delcourt. Alors, que nous propose donc ce nouveau cycle ?

Okko est un ronin qui arpente l’Empire du Pajan accompagné par de curieux acolytes. Ils sont chasseurs de démons. On retrouve Noshin le moine alcoolique, Noburo le géant masqué et Tikku, apprenti moine. Or, depuis le début, nous ne savons toujours pas qui est Noburo ni même comment le moine a pu se retrouver embarqué dans ce groupe. Quant à Okko, son passé reste trouble. Le groupe est actuellement chassé et fuit perpétuellement. Okko, usé, décidé qu’il est temps pour lui de prendre sa retraite. Et voilà l’occasion de présenter un flashback sur l’histoire du ronin.

Beaucoup d’informations restent en suspens

La force de l’univers de « Okko » est de savoir distiller les informations au compte-goutte. Hub maîtrise parfaitement son univers et ne nous laisse entrevoir les liens du passé qu’avec parcimonie. Et, enfin, avec ce dernier cycle, l’auteur va avoir les réponses à ses questions ! Et il faut bien avouer que l’on est gâté ! Sans trop s’attarder sur la narration, Hub déclenche très vite un flashback qui tiendra jusqu’à la fin du livre. Certains personnages passés apparaissent donc et le passé est révélé. L’auteur nous livre beaucoup d’informations, si bien qu’à la fin de l’ouvrage on n’a qu’une envie : relire les huit premiers tomes pour voir si certains aspects étaient déjà visibles à l’époque… Cependant, beaucoup de questions restent en suspens et l’idée d’attendre encore de longs mois pour lire l’épilogue est une véritable souffrance.

« Okko » tient sa force de l’univers nippon médiéval fantastique qu’il propose. Hub lui donne toute sa force par des dessins expressifs et des décors splendides. Les couleurs rendent hommage au trait du dessinateur sans peine et aident à la narration, utilisant de différents camaïeus pour les flashbacks. Les nombreux combats (au katana bien sûr !) sont admirablement rendus avec beaucoup de dynamisme. Bref, c’est parfaitement adapté au propos !

Si on pourra regretter l’absence de certains personnages (Noburo notamment !), cette bande-dessinĂ©e se dĂ©vore d’une traite et donne suffisamment d’informations pour rassasier lecteur. MalgrĂ© tout, on ne peut qu’attendre l’épilogue de cette sĂ©rie. L’une des plus passionnantes de ces dernières annĂ©es.

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note5

ZaĂŻ zaĂŻ zaĂŻ zaĂŻ

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Titre : Zaï zaï zaï zaï
Scénariste : Fabcaro
Dessinateur : Fabcaro
Parution : Mai 2015


Je suis un grand fan de Fabcaro. Capable d’apprécier autant ses livres d’autodérision que ses strips ou encore ses ouvrages expérimentaux, je fus en joie en voyant un nouveau bouquin sortir, intitulé « Zaï zaï zaï zaï ». Un road-movie paraît-il… Devant les bonnes critiques unanimes et son prix au festival Quai des Bulles, je me le suis procuré, prêt à apprécier cet ouvrage. Le tout est paru chez 6 pieds sous terre pour une soixantaine de pages.

« Zaï zaï zaï zaï » est une auto-fiction. On retrouve Fabcaro au supermarché. Au moment de payer, il s’aperçoit qu’il n’a pas sa carte de fidélité. Commence alors une cavale rocambolesque…

Une cavale d’un nouveau genre.

ZaiZaiZaiZai3Si ce livre est assez différent formellement des autres ouvrages de Fabcaro, il en reprend pourtant toutes les caractéristiques : l’obsession du supermarché, le fonctionnement en strips, l’absurde, l’auto-dérision, le comique de répétition… Fabcaro fusionne le tout dans une aventure complètement absurde. Ainsi, chaque page propose un gag qui fait avancer l’histoire. Le côté extrêmement absurde ferait presque pencher la balance vers l’idée d’un ouvrage expérimental. Mais l’humour développé est grand public, pour peu qu’on soit ouvert aux incohérences voulues du récit. Si voir quelqu’un menacer un vigile avec un poireau ne vous fait pas sourire, vous pouvez passer votre chemin.

La cavale est bien évidemment un prétexte pour parler de tout et de rien. On retrouve  des gags sur l’auteur en lui-même, sur les supermarchés, sur la police, sur les journalistes… L’histoire est ainsi aussi décousue qu’elle est absurde. Et ce, jusqu’à un épilogue réussi. Et si, vu l’humour proposé, on accroche plus ou moins aux situations, on sourit souvent et on rit même de bon cœur devant certains gags.

Au-delà de la qualité intrinsèque de l’ouvrage (et de savoir s’il est drôle ou non), force est de constater que Fabcaro est un auteur qui possède une véritable patte en tant que scénariste. Quand on accroche à son humour, difficile de s’en détacher. On est loin d’un humour formaté et déjà entendu.

Concernant le dessin, Fabcaro délaisse son dessin humoristique pour un trait à la fois plus réaliste et encore plus relâché. Cela donne à son road movie une apparence de sérieux qui tranche encore plus avec l’absurde de l’histoire. Le choix est clairement payant. Fabcaro fait la part belle aux répétitions dans ses pages, mettant l’accent sur les dialogues. Le trait est relevé par une bichromie à la teinte jaune/verte un peu déstabilisante (et honnêtement assez moche). La teinte mise à part, la colorisation donne du volume au trait et reste pertinente.

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« Zaï zaï zaï zaï » est un beau condensé du savoir faire de Fabcaro. Il n’est pas rare de rire devant les péripéties de ce héros du quotidien. Rien que pour cela, l’ouvrage est réussi. Mais quand il faut parler d’autodérision et tacler les angoisses du quotidien franchouillard (karaoké et carte de fidélité de supermarché en tête), il reste l’un des auteurs les plus performants.

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note4

Z comme Don Diego, T2 : La loi du marché

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Titre : Z comme Don Diego
Scénariste : Fabcaro
Dessinateur : Fabrice Erre
Parution : Octobre 2012


Zorro est le héros de mon enfance. Je me rappelle des bons moments passés avec mes parents à regarder les aventures du célèbre justicier masqué. J’avais donc jaugé avec curiosité l’apparition du premier tome d’une nouvelle série intitulée « Z comme don Diego ». La découverte s’était avérée drôle et sympathique. C’est donc en confiance que je me suis offert l’opus suivant paru au mois d’octobre. Il s’intitule « La loi du marché » et nous présente un Zorro bardé de sponsors tel un pilote de Formule 1. Son père, le sergent Garcia, la señorita Sexoualidad ou encore Bernardo l’accompagnent au second plan.

Au-delà de la présence du célèbre Zorro, cet ouvrage possédait un autre atout évident lors de notre première rencontre. Cet aspect était la présence de Fabcaro sur la couverture. J’ai découvert ce scénariste par « Jean-Louis et son encyclopédie » et « Steve Lumour ». Il faisait ici état de son talent à tourner en dérision des personnages de « loser ». Il était donc curieux de voir exploiter le mythe de Zorro dans cet esprit-là. Le premier épisode avait répondu aux attentes, j’en espérais autant du second.

Un Don Diego opposĂ© au hĂ©ros tĂ©lĂ©visuel qu’il reprĂ©sente.

On retrouvait donc avec plaisir ce Don Diego maladroit et à l’opposé du charismatique héros télévisuel qu’il représente. On a du mal l’imaginer sauver qui que ce soit tant il a déjà du mal à garder son identité secrète. Nombre sont les gags à se construire sur cette dimension-là. Le justicier pourrait être démasqué des dizaines de fois. Mais ce cher sergent Garcia ne vaut pas mieux que lui. On rit avec bon cœur de la bêtise de tout ce beau monde. Il va sans dire que Don Diego ne se révèle dans ses tentatives de séduction. Son amour et sa bonne volonté ne sont pas reconnus par la señorita Sexoualidad qui pourtant ne brille ni par ses charmes ni par sa classe. Les auteurs arrivent à offrir de nombreux gags sur ce thème sans pour autant se répéter.

Afin d’éviter le côté routinier de ce type de série, Fabcaro décide d’intégrer un nouveau personnage qui apparaît anachronique avec l’univers de Zorro. Il s’agit de Wolverino. La parenté de ce dernier avec le héros des X-Men est évidente. Apparait donc un combat digne des geeks : Zorro contre Wolverino. Rapidement, le choc apparait déséquilibré tant la maladresse de Don Diego est battue à plate couture par l’efficacité de son concurrent aux lames acérées. On découvre donc le héros chercher un emploi plus classique tant sa dimension de justicier a pris du plomb dans l’aile. Cet aspect génère une nouvelle corde l’arc du scénariste et génère ainsi d’autres gags qui pour la plupart nous ravissent. L’album nous présente environ quatre-vingts strips dont la grande majorité fait mouche. On sourit souvent, on rigole de temps à autre. Bref, cet album est un condensé de bonne humeur qui chatouille sans effort nos zygomatiques.

Les dessins de Fabrice Erre collent parfaitement à l’esprit déluré du propos. Les traits tout en rondeur se prêtent au côté « cartoon » des situations. Les expressions graphiques des personnages sont caricaturales et excessives et participent ainsi au plaisir de la lecture. Les pages dégagent une bonne humeur évidente. On apprécie de suivre les courses effrénées du justicier dans ce village du Nouveau Mexique. Les décors sont suffisamment travaillés pour que le dépaysement soit réussi.

En conclusion, « La loi du marché » est un ouvrage des plus honnêtes. Rares sont les albums humoristiques à s’approprier de manière aussi réussie un univers existant. Rien n’est bâclé. Les auteurs montrent une affection certaine pour Zorro et lui rendent un bel hommage en le parodiant ainsi. Les rumeurs laissent entendre que cette série ne connaitra pas de troisième opus par la faute de nombre de ventes décevant. J’en suis triste. Mais cela ne m’empêche d’espérer que ce cher don Diego aura d’autres occasions de nous faire rire. Mais cela est une autre histoire… 

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Astérix, T35 : Astérix chez les Pictes

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Titre : Astérix, T35 : Astérix chez les Pictes
Scénariste : Jean-Yves Ferri
Dessinateur : Didier Conrad
Parution : Octobre 2013


Cette année marquera une date importante de la bande dessinée française. C’est en effet la première fois que les aventures des deux plus célèbres gaulois ne sont nés ni de la plume de René Goscinny ni de celle d’Albert Uderzo. C’est à Jean-Yves Ferri et Didier Conrad qu’a été confiée la mission d’offrir un second souffle à des mythes du neuvième art. Tout le monde était quasiment d’accord sur le fait que la magie de la série avait disparu avec son scénariste original. Son acolyte n’a jamais eu le talent d’écriture suffisant pour faire perdurer la qualité des premiers opus. La parution de Astérix chez les Pictes le vingt-quatre octobre dernier générait donc une curiosité certaine. D’ailleurs, cela a fait que je me suis offert mon premier album de la saga depuis des années.

Le site Bd Gest’ propose le résumé suivant : « Les Pictes ? Oui, les Pictes ! Ces peuples de l’ancienne Ecosse, redoutables guerriers aux multiples clans, dont le nom, donné par les Romains, signifie littéralement « les hommes peints ». Astérix chez les Pictes promet donc un voyage épique vers une contrée riche de traditions, à la découverte d’un peuple dont les différences culturelles se traduiront en gags et jeux de mots mémorables. » 

J’associe le nom de Jean-Yves Ferri à la série Le retour à la terre dont les différents épisodes m’ont procuré moult fous rires. Je trouvais donc ce choix judicieux de lui confier le scénario de ce nouvel album. La qualité de son écriture, son sens de la répartie et la drôlerie de ses dialogues me laisser croire en sa capacité à s’inscrire dans la lignée de son illustre prédécesseur, René Goscinny. Par contre, je ne connaissais le travail de Conrad que de réputation. Je n’avais jusqu’alors jamais eu l’occasion de le découvrir. Néanmoins, le fait qu’Uderzo soit encore à ses côtés garantissait une continuité dans le dessin.

Jouer sur les coutumes locales

Les auteurs ont choisi un squelette narratif classique pour leur grande première. En effet, offrir un voyage à Astérix et Obélix dans une contrée étrangère n’est pas original. Néanmoins, ce n’est pas une mauvaise idée. Les pérégrinations de nos deux gaulois en Hispanie, Corse, Belgique, Helvétie ou en Grande-Bretagne font partie de mes préférées. Cette option permet de jouer sur les coutumes locales. Les Pictes étant les écossais actuels, on pouvait supposer que le kilt ou encore le monstre du Loch Ness seraient de sortie. La lecture offre de bonnes surprises dans le domaine. Certains clichés des autochtones sont exploités. Je me suis laissé porter malgré le côté répétitif de certains d’entre eux. Certaines blagues font sourire même si on ne retrouve pas la densité des meilleurs épisodes de la série. Par contre, je trouve plutôt bien construite la relation toujours décalée entre Obélix et les us et coutumes étrangères.

L’histoire ne dénote pas non plus par son originalité. Un Picte exilé se doit d’aller reconquérir sa belle pour éviter la prise de pouvoir d’un chef manipulateur et vil. Les événements s’enchainent à un rythme régulier et toutes les étapes prévisibles sont respectées. A aucun moment, je n’ai été pris par surprise. Les auteurs naviguent sur des rails bien tracés. Ils ne cherchent pas à révolutionner le genre. Au contraire, ils se montrent très respectueux de l’institution. Bon nombre de scènes rappellent certains moments vécus en lisant les albums précédents. Je ne leur reproche pas du tout cette démarche dans le sens où il me paraissait impossible de révolutionner le genre.

Le nouveau duo était également attendu sur ses textes. Goscinny est célèbre pour ses jeux de mots et ses calembours. Ferri fait de gros efforts sur ce plan-là. Rares sont les pages sans second degré. Certains sont plus réussis que d’autres mais le bilan reste très positif par rapport aux récentes parutions de la série. Ma deuxième lecture m’a d’ailleurs permis de profiter davantage de cet aspect. Néanmoins, les blagues de cet opus font davantage sourire que rire. C’est toujours mieux que les derniers albums rédigés par Uderzo qui en devenaient pathétiques dans le domaine.

Au final, Astérix chez les Pictes réussit correctement sa mission. Il avait pour objectif d’arrêter la terrible chute opérée depuis une petite dizaine d’album. Il est atteint. Néanmoins, il faudra attendre le prochain opus pour savoir si Ferri et Conrad peuvent redonner entièrement ses lettres de noblesse à ce mastodonte du neuvième art. C’est tout le mal que je leur souhaite…

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Astérix, T36 : Le papyrus de César

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Titre : Astérix, T36 : Le papyrus de César
Scénariste : Jean-Yves Ferri
Dessinateur : Didier Conrad
Parution : Octobre 2015


Même si aucun de ses deux créateurs n’est à l’origine de son écriture, le nouveau tome des aventures d’Astérix reste un événement majeur du neuvième art. Le dernier date du mois dernier et s’intitule Le Papyrus de César. Le binôme formé de Jean-Yves Ferri et Didier Conrad a été une nouvelle fois missionné pour faire naître de leur imagination les nouvelles aventures des gaulois les plus célèbres du monde. Les deux auteurs avaient su offrir une suite correcte et respectueuse à l’œuvre de René Goscinny et Albert Uderzo avec l’épisode précédent Astérix chez les Pictes. Je fais partie des lecteurs ayant trouvé plutôt apprécié cet album historique. Sans atteindre la qualité des premiers opus, il marquait un progrès énorme par rapport aux derniers ouvrages nés de la seule plume d’Uderzo. J’espérais donc que ce trente-sixième acte prolonge cette évolution positive.

Le papyrus qui donne son titre au livre n’est pas le moindre des écrits : il s’agit d’un chapitre de la célèbre Guerre des Gaules contée par César. Ce chapitre n’est pas n’importe lequel : il s’agit de celui qui évoque les irréductibles gaulois et la partie de la Gaule qui n’est pas dominée par Rome. Le conseiller de l’empereur lui propose de faire disparaître ces pages permettant ainsi à l’Histoire de retenir que César a conquis toute la Gaule. Le souci apparait lorsqu’un colporteur gaulois met la main sur une mouture complète du papyrus et décide de rendre publique cette manipulation de la réalité…

Le journalisme version Jules César

Asterix36aJ’ai trouvé l’idée de départ originale et intéressante. Les enjeux apparaissent réels et créent un lien évident avec notre époque contemporaine. Ne dit-on pas que l’Histoire est toujours écrite par les vainqueurs ? De plus, cela permet aux auteurs d’intégrer le concept de liberté de la presse dans leur histoire. Tous ces thèmes sont plutôt bien exploités tout au long de la narration. Sans jamais tomber dans un excès regrettable, Jean-Yves Ferri arrive à faire rire avec ses vannes évoquant l’univers du journalisme.

Concernant le méchant, il prend ici les traits de Bonus Promoplus, conseiller et éditeur de l’empereur. L’éthique n’est pas sa qualité première et il se trouve bien embêté lorsqu’il apprend la disparition du papyrus. Il doit mettre la main dessus tout en empêchant César d’être informé de la situation. Il reprend beaucoup de caractéristiques des traditionnels adversaires des héros irréductibles. Sa personnalité s’inscrit dans la tradition de la série et ce n’est pas désagréable pour le lecteur. J’ai pris beaucoup de plaisir à rire de ses mésaventures et sa nervosité permanente. Son travail avec les légionnaires de Babaorum. Découvrir les soldats blasés par les irréductibles gaulois devant ce petit excité fait aisément sourire.

Evidemment, l’attrait réside aussi de retrouver nos gaulois adorés. Les auteurs s’en approprient les codes avec talent. Cétautomatix, Ordralphabetix, Agecanonix, Abraracourcix, Bonemine ou Assurancetourix jouent leur rôle à merveille. Ils ont chacun leur petit fil conducteur personnel qui densifie la trame général. Concernant Obélix, il est nouvelle fois la grande star de l’album avec sa volonté ponctuelle d’éviter les conflits et les sangliers. Bref, les auteurs offrent un album qui respecte les codes de la série avec talent. Les dessins de Didier Conrad sont dans une lignée parfait d’Albert Uderzo.

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Pour conclure, je trouve que Le Papyrus de César est un cru honnête. Il n’a aucun mal à accompagner les précédents épisodes de la saga. Je le trouve plus réussi qu’Astérix chez les Pictes. Cela me rend optimiste. Les auteurs semblent plus à l’aise dans ce costume prestigieux. Surtout, j’ai bon espoir que Astérix retrouve les lettres de noblesse que certains épisodes récents avaient tendance à effriter sérieusement…

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note3

Narcisse, T2 : Terra Nullius

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Titre : Narcisse, T2 : Terra Nullius
Scénariste : Chanouga
Dessinateur : Chanouga
Parution : Septembre 2015


Le premier tome de « Narcisse » m’avait un peu laissé sur ma fin. Malgré un dessin de haut niveau, la narration souffrait d’un rythme mal maîtrisé et d’une histoire qui ne se lançait vraiment qu’en toute fin d’album. Avec ce deuxième tome, Chanouga entre dans le cœur de son ouvrage : l’expérience d’un naufragé sur une île de cannibales. Le tout est publié chez Paquet pour soixante pages.

Narcisse, jeune mousse embarqué pour l’Australie, est échoué sur une île où sévissent des cannibales. Une expédition cherche à lui venir en aide (et à récupérer leur main d’œuvre chinoise), mais ils le considèrent comme mort. Pourtant, Narcisse va survivre et vivre parmi les autochtones pendant de nombreuses années.

Une vie parmi les cannibales.

Narcisse2aAprès un premier tome qui s’éternisait sur les premières expériences de Narcisse, on entre ici dans le vif du sujet. « Terra Nullius » s’intéresse exclusivement à la vie du jeune homme sur l’île. Ses débuts difficiles (et contestés) parmi la tribu, jusqu’à son départ. Le lieu unique permet à Chanouga de mieux maîtriser sa narration. En cela, la série s’améliore. Mais on sent l’auteur encore très attaché à ne relater que les faits dont il a connaissance. L’histoire reste parcellaire et on aborde plusieurs années en un seul tome. Là encore, certains événements restent peu traités en terme psychologique (on pense notamment au cannibalisme).

L’histoire prend un tour plus spirituel avec ce deuxième tome. C’est plutôt une réussite, Chanouga maîtrisant parfaitement ce genre de sujet et le mettant en image avec maestria. Car au-delà de l’esthétisme des pages de l’auteur, c’est son découpage qui est marquant. Ne cherchant jamais la facilité, il sait produire des planches marquantes.

Difficile de ne pas parler du dessin de Chanouga. Son choix d’absence d’encrage met en valeur son crayonné (dont on voit les traits de construction). Sa gestion des couleurs et des lumières est un modèle du genre. Son bleu-vert couplé à l’orange des cheveux de Narcisse fait des merveilles. Pleinement à l’aise avec la mer et la végétation luxuriante de l’île, on ne peut que s’extasier devant son dessin.

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Si les choix de narration et de scénario restent discutables, ce deuxième tome est plus réussi que le premier. Doté d’une unité de lieu (à défaut de temps), on reste un peu étonné de voir Narcisse si peu expressif face aux événements. Mais sans doute est-ce aussi l’originalité de cet ouvrage. Le jeune homme adopte pleinement la vie des autochtones et laisse véritablement de côté son ancienne vie. C’est cela qui perturbe le lecteur. À voir comment Chanouga clôturera cette série avec le troisième et dernier tome traitant du retour de Narcisse à la vie occidentale.

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note3

Narcisse, T1 : MĂ©moires d’outre-tombe

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Titre : Narcisse, T1 : MĂ©moires d’outre-tombe
Scénariste : Chanouga
Dessinateur : Chanouga
Parution : Avril 2014


J’avais été subjugué par le premier album de Chanouga. Son univers maritime et onirique m’avait beaucoup plus, soutenu par un graphisme personnel parfaitement adapté au sujet. Il revient cette fois avec une biographie sous forme de série, « Narcisse ». Prévue en trois tomes de 60 pages, elles font entre l’auteur dans un travail bien plus classique et réaliste. Le tout est publié chez Paquet.

Au rayon des constances, Chanouga reste dans l’univers de la mer. Il raconte l’histoire de Narcisse, un jeune garçon qui ressent l’appel de la mer. Contre l’avis de ses parents, il s’embarque comme mousse. Et de bateaux en bateaux, il finit par partir pour l’Australie. Mais c’est un naufrage qui l’attend…

Le difficile exercice de la biographie.

Narcisse1aSi la série doit avant tout parler de l’expérience de naufragé de Narcisse (vu les notes de fin d’ouvrage), ce premier tome s’attarde sur le personnage. Comment en est-il arrivé là, pourquoi veut-il naviguer… Tout cela est très classique et, honnêtement, peu passionnant. Tout va trop vite (ou pas assez, c’est selon) et la narration manque de fluidité. Quand on comprend à la fin du livre qu’on a affaire à une biographie, on comprend mieux le rythme un peu hâché du l’ouvrage. Chanouga manque un peu d’expérience pour le coup, n’arrivant pas à se détacher du sujet pour faire les coupes nécessaires dans la réalité ou, à l’inverse, pour broder et remplir les inconnues.

Malgré tout, l’histoire touche à la mer et cela ne laisse pas indifférent. Narcisse vieillit au long de l’ouvrage, devenant un jeune homme. Si les faits relatés sont suffisamment classiques, la montée en tension est réelle et la dernière partie, concernant le naufrage, ne laisse pas indifférent.

En revanche, le dessin de Chanouga, immédiatement reconnaissable, est une pure merveille. Même s’il est plus puissant dans les représentations abstraites et fantastiques que dans le réalisme pur, son trait non-encré est splendide et admirablement mis en couleur (avec un contraste de couleurs froides et chaudes maîtrisé). Certaines cases, certaines pages, sont particulièrement marquantes et nous laissent sans voix.

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Ce « Narcisse », bien plus terre-à-terre que « De profundis », nous laisse un peu sur notre faim. On a l’impression d’une narration et d’un rythme mal maîtrisé. Un peu de concision d’un côté, afin de s’attarder sur certains points ailleurs aurait été les bienvenus. Reste un graphisme enivrants qui sait nous faire oublier, un peu, ces écueils.

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