Titre : Pierre Tombal, T28 : L’amour est dans le cimetiĂšre
Scénariste : Raoul Cauvin
Dessinateur : Marc Hardy
Parution : Avril 2012
Il y a quelques semaines je me suis offert le vingt-huitiĂšme des aventures de « Pierre Tombal ». Il sâagit du dernier opus des aventures du plus cĂ©lĂšbre fossoyeur apparu dans les rayons des librairies. Jâai dĂ©couvert cette sĂ©rie il y a une vingtaine dâannĂ©es quand certains de ses albums se trouvaient dans la bibliothĂšque de mes parents. Jâai toujours pris plaisir Ă mây plonger et me suis donc fait ce petit plaisir de dĂ©couvrir de nouvelles anecdotes se dĂ©roulant dans le cimetiĂšre de ce cher Pierre. Cauvin sâoccupe toujours du scĂ©nario et Hardy des dessins. EditĂ© chez Dupuis, cet ouvrage coĂ»te environ onze euros et se compose de presque cinquante pages.
Pierre Tombal est fossoyeur. Il travaille donc dans un cimetiĂšre et nous fait partager son quotidien. On y suit les enterrements, lâentretien des tombes ou les visites des proches venus se recueillir. Mais cet album possĂšde deux stars qui prennent le premier rĂŽle aux vivants : la Mort et Ă la Vie. Ces deux-lĂ ont Ă©videmment bien du mal Ă sâentendre particuliĂšrement dans tel lieu qui marque le passage de lâune Ă lâautreâŠ
Une thématique des plus originales.
Comme je le signalais en introduction, cela fait trĂšs longtemps que je suis le quotidien de Pierre Tombal. La thĂ©matique de cette sĂ©rie est quand mĂȘme originale. Alors que les sagas centrĂ©es sur un mĂ©tier poussent comme des champignons dans le neuviĂšme art, Cauvin Ă©tait assez avant-gardiste avec « Pierre Tombal » ou « Les femmes en blanc ». Mais au-delĂ de ce cĂŽtĂ© historique, le choix du mĂ©tier de gardien de cimetiĂšre Ă©tait loin dâĂȘtre Ă©vident. On y a associe le deuil, la tristesse, le noir, le silence ou lâangoisse. Et pourtant, cette sĂ©rie est Ă lâopposĂ© de tout cela. Et ça commence Ă durer !
Le bouquin se dĂ©compose en plusieurs gags. Dans la majoritĂ© des cas, ils se composent dâune seule page. Certains en nĂ©cessitent deux ou trois. Ce format fait que cet album peut se feuilleter Ă tout moment. On nâest pas obligĂ© de tout lire dâune traite. On peut sâoffrir cinq minutes de rigolade Ă tout moment. La quasi-totalitĂ© des histoires se dĂ©roulent dans le cimetiĂšre. Il y a deux schĂ©mas narratifs principaux. Le premier voit Pierre Tombal vivre une anecdote du quotidien. On le voit donc gĂ©rer une situation surprenante, originale et parfois ubuesque. La seconde voie scĂ©naristique voit Pierre conter une histoire qui a dĂ©jĂ eu lieu Ă une tierce personne et au lecteur en parallĂšle. Le ton ressemble davantage Ă une fable quâon raconterait Ă un enfant. NĂ©anmoins, ces deux optiques utilisent les mĂȘmes ingrĂ©dients. Une situation nous est prĂ©sentĂ©e au dĂ©but sans quâon sache rĂ©ellement comment elle doit Ă©voluer. On suit son avancĂ©e pour aboutir Ă dĂ©nouement surprenant et souvent drĂŽle. La recette est plus que classique. NĂ©anmoins, quand elle est bien exĂ©cutĂ©e, elle est redoutable dâefficacitĂ©.
Lors des premiers tomes de la sĂ©rie, lâessentiel des albums se concentrait sur le monde des vivants. On dĂ©couvrait les soucis du quotidien de Pierre. On rigolait de sa concurrence avec son collĂšgue du crĂ©matorium et avec celui qui organisait les immersions. Au fur et Ă mesure que la sĂ©rie se dĂ©veloppait, il faisait parler les morts. On commençait donc Ă voir le cimetiĂšre comme une immense rĂ©sidence dont Pierre Tombal Ă©tait le gestionnaire et les personnes dĂ©cĂ©dĂ©es les locataires. Cette idĂ©e a donnĂ© une ampleur humoristique Ă©norme Ă mes yeux. Ensuite, au bout dâun moment, la Mort sâest matĂ©rialisĂ©e. Elle offre Ă son tour une autre corde Ă lâarc du scĂ©nariste. Voir cette derniĂšre faire son boulot comme nâimporte quel employĂ© est drĂŽle. Elle possĂšde des Ă©tats dâĂąmes et sâavĂšre de temps Ă autre maladroite. Bref, elle est bien plus humaine quâon pouvait le penser. Puis câest adjoint la Vie qui prend les traits dâune petite fille qui sautille en permanence. Elle est Ă©videmment lâennemie intime de la Mort. Câest cette derniĂšre recette qui est particuliĂšrement exploitĂ©e dans « Lâamour est dans le cimetiĂšre ». Elle est souvent utilisĂ©e Ă bon escient. Lâimagination de Cauvin fait souvent mouche. NĂ©anmoins, je regretterais presque que le scĂ©nariste mette de cĂŽtĂ© les autres aspects de son univers. En effet, la diversitĂ© des gags fait partie de la rĂ©ussite de cette sĂ©rie. Câest dommage.
Concernant les dessins, le trait est reconnaissable. Pierre Tombal a subi relativement peu dâĂ©volution Ă ce niveau-lĂ depuis sa naissance. Ce nâest pas dĂ©sagrĂ©able car cette dimension graphique fait partie intĂ©grante de lâunivers de « Pierre Tombal ». MalgrĂ© un aspect assez brouillon, le style de Hardy sâavĂšre dynamique. Les personnages ne sont jamais statiques et sont particuliĂšrement expressifs. Les personnages masculins ont parfois des visages « cartoonesques » alors que les femmes sont  plutĂŽt classiques. Cet aspect excessif participe Ă la bonne humeur qui se dĂ©gage de cet album.
En conclusion, je nâai pas regrettĂ© de mâĂȘtre procurĂ© « Lâamour est dans le cimetiĂšre ». Jây ai trouvĂ© tout ce que jâĂ©tais venu y chercher. La qualitĂ© est la mĂȘme que dans les premiers tomes. Ce nâest pas toujours le cas dans ces sĂ©ries au long cours et je tenais Ă le signaler. Je pense mĂȘme que je craquerai pour le vingt-neuviĂšme opus dĂšs son apparition dans les bacs. Mais cela est une autre histoireâŠÂ