De père en FIV – William Roy

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Titre : De père en FIV
Scénariste : William Roy
Dessinateur : William Roy
Parution : Juin 2014


Le livre témoignage est une forme d’autobiographie de plus en plus utilisé. Alors quand cela touche un sujet de société, difficile de ne pas être un tant soit peu intéressé. William Roy se découvre stérile et doit se lancer dans la difficile épreuve de la fécondation in vitro, ou FIV pour les intimes. Le tout est paru aux éditions de la Boîte à Bulles, dans la collection Contre Cœur, pour un total de plus de 150 pages.

Lorsque l’on propose un témoignage sur un sujet difficile, il faut savoir se découvrir. Ici, William Roy nous présente sa stérilité (ou oligoasthénotératozoospermie), qui le touche dans sa virilité. De plus, être la personne de sa famille qui coupe la lignée le frappe durement. Mais pas de panique : de nos jours, la FIV existe et permet aux couples en difficulté d’avoir un enfant quand bien même.

Une autobiographique qui manque cruellement d’empathie.

DePereEnFIV2On découvre donc toutes les étapes que l’on peut imaginer : comment William apprend la nouvelle, comment il la vit, comment il l’annonce à ses proches, comment se passent les analyses, puis les FIV, etc. En cela, l’histoire manque un peu de surprise. Tout est très classique et on n’apprend finalement pas beaucoup de chose. Le tout se lit rapidement, entre passages intimes et passages didactiques. La narration hésite d’ailleurs entre le documentaire et le récit intimiste. À ne pas faire de choix, il perd en force.

Ce qui est le plus gênant est certainement le manque d’émotion qui se dégage de l’ensemble. Les moments difficiles existent, se veulent puissants, mais ça ne fonctionne pas vraiment (pour ceux qui ne l’ont pas vécu bien entendu. Pour les autres, cela doit être différent). Tout est trop convenu, cela manque de personnalité pour créer une empathie supplémentaire pour les personnages. Et quand au bout de 120 pages un médecin demande (enfin !) à sa femme d’arrêter de fumer pour enfanter, on croit rêver. Le détail est certainement « vrai », mais il a bien du être abordé bien. Cela laisse le lecteur dubitatif.

Ce manque d’émotion vient certainement du dessin, un peu grossier. Très inégal, il manque d’expressivité. Il n’est pas évident de dessiner des gens qui passent leur temps devant des médecins, mais les personnages sont trop froids pour un sujet pareil. De même, l’utilisation de la bichromie est très inégale. On est plus ou moins sur « une couleur = une scène » mais parfois d’autres couleurs sont ajoutées sans que l’on comprenne pourquoi.

Le trait épais de William Roy serait moins gênant si l’auteur ne prenait pas le soin, par moments, de nous dessiner des décors très précis. Ces derniers tombent comme un cheveu sur la soupe, modifiant le graphisme général d’une planche ou d’une case, sans que l’on comprenne pourquoi. Alors que les décors sont habituellement suggérés ou à peine esquissé (ce qui est plutôt adapté), certaines cases semblent avoir été décalquées. Un choix peu pertinent pour le coup.

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« De père en FIV » est un témoignage intéressant à défaut d’être vraiment touchant. Si ce livre ne parlait pas d’un sujet fort (qui plus est sous forme d’autobiographie), son inconstance tant narrative que graphique sauterait aux yeux. Alors on lit le livre d’une traite, s’intéressant à la vie de ce couple en se demandant s’ils parviendront à avoir un enfant. Mais c’est tout.

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note2

Ce n’est pas toi que j’attendais – Fabien ToulmĂ©

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Titre : Ce n’est pas toi que j’attendais
Scénariste : Fabien Toulmé
Dessinateur : Fabien Toulmé
Parution : Octobre 2014


Fabien Toulmé vit au Brésil avec sa femme Patricia et sa fille Louise. Un deuxième enfant est en route. Le futur père craint pour la trisomie 21, sans trop savoir pourquoi. Il faut dire que leur retour en France en pleine grossesse a compliqué le suivi de l’enfant. Et, en effet, sa fille Julia nait trisomique.

Difficile sujet que celui de la trisomie 21. Fabien Toulmé nous propose un ouvrage autobiographique sur cette expérience. Plus que sur le regard des autres (qui est souvent l’angle choisi), son livre est basé sur le ressenti du père qui découvre un enfant qui n’est pas celui qu’il attendait (et voulait). Le tout pèse quand même plus de 150 pages et est paru aux éditions Delcourt.

CeNEstPasToiQueJAttendais2L’autobiographie, de part son aspect « vrai », est toujours plus touchante. L’auteur ne cherche pas à se glorifier, faisant preuve d’une sincérité louable. On voit le mal qu’il a à aimer sa fille (ou même simplement à la considérer comme sa fille). Parallèlement à cette relation père-fille, le parcours du combattant du nouveau parent d’enfant handicapé est aussi décrit en détail.

Comment accepter la naissance de sa fille trisomique ?

L’histoire s’arrête assez tôt pour ne pas traiter les soucis de développement de l’enfant. Elle se concentre avant tout sur la naissance et l’acceptation. Une fois que c’est fait, le livre s’arrête. Ainsi, si les notions de dépendance à l’âge adulte sont évoquées, c’est pas les médecins.

Fabien Toulmé trouve le ton juste pour traiter le sujet. Autocentré, faisant la part belle à la narration en voix-off, son propos est riche et bien structuré. L’émotion est bien évidemment présente, mais l’humour également, apportant un peu de respiration au milieu d’un sujet difficile.

Le dessin de Fabien Toulmé n’a rien de très original, mais il est adapté au propos par sa simplicité. La colorisation se concentre sur l’essentiel, une couleur correspondant à un chapitre. Il y a quelques bonnes idées de composition, mais globalement la bande-dessinée se contente de relater des faits sans beaucoup d’action et beaucoup de dialogue. Néanmoins, le tout fonctionne plutôt bien.

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« Ce n’est pas toi que j’attendais » est un livre touchant. Outre un aspect documentaire sur ce qu’il faut faire lorsqu’un enfant naît trisomique, on découvre un père complètement perdu face à la naissance de sa fille et son long chemin pour l’accepter telle quelle est. Un beau témoignage.

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note4

L’arabe du futur, T2 : Une jeunesse au Moyen-Orient (1984-1985) – Riad Sattouf

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Titre : L’arabe du futur, T2 : Une jeunesse au Moyen-Orient (1984-1985)
Scénariste : Riad Sattouf
Dessinateur : Riad Sattouf
Parution : Juin 2015


Riad Sattouf s’est lancé dans une importante autobiographie de jeunesse avec « L’arabe du futur ». Le premier tome étant reparti du festival d’Angoulême avec le Fauve d’Or, ce deuxième opus était attendu au tournant. Se concentrant sur une année de Riad en Syrie (contre 5-6 ans dans le tome précédent), il prend le temps de développer le propos. Il faut dire que Riad vieillit et les souvenirs se font aussi plus précis. Le tout est toujours volumineux (140 pages) et publié chez Allary Editions.

LArabeDuFutur2bOn avait quitté Riad en Bretagne alors qu’il devait retourner en Syrie et commencer l’école. Cette dernière prend une place non-négligeable dans l’ouvrage et les âmes sensibles sont priées de rester fortes : brimades et violences physiques sont de la partie dans les classes surpeuplées. L’auteur n’hésite pas non plus à questionner l’enseignement qui est fourni aux élèves (apprendre une sourate du Coran, certes, mais pourquoi ne pas en expliquer le sens ?). Il apprend donc aussi l’arabe en classe et, parallèlement, le français avec sa mère.

Un père lâche et menteur, une mère passive qui se réveille un peu.

Côté famille, le petit frère de Riad semble inexistant. Choix étrange de la part de l’auteur qui n’en parle presque jamais. Quand il est mentionné, on se surprend à se rappeler son existence. Le père, adulé dans le premier tome par le petit Riad, est moins apprécié par son fils. Il paraît toujours aussi lâche et menteur. Il passe son temps à annoncer plein de choses et rien ne se concrétise. Ainsi, il est censé devoir construire une grande villa pour sa famille qui continue à vivre dans un appartement à moitié vide et délabré… On est presque rassuré de voir sa mère, très passive auparavant, perdre patience, exigeant une cuisinière par exemple… Cependant, elle protège Riad de bien loin, empêchant quand même son père d’utiliser à tout escient l’adage « c’était comme ça pour moi et, regarde, je suis docteur. »

L’ouvrage décrit donc de manière consciencieuse, par les yeux d’un petit garçon, la société syrienne des années 80. On sent que le piston et les trafics en tous genres sont les seuls moyens de s’en sortir. Son père essaye bien de copiner, mais il ne fait pas partie du beau monde et n’arrive pas à monter dans l’échelle sociale. Après des débuts de vie un peu mouvementés, la famille s’installe durablement en Syrie et on sent poindre les tensions. Ce deuxième livre développe donc plus en longueur les relations entre les personnages.

Le dessin de Riad est toujours adapté au propos, les expressions des personnages faisant des merveilles. Le choix de la bichromie est pertinent. L’ouvrage est rose, teinté de vert et de rouge. Seul le passage en France (qui paraît du coup complètement décalé dans ses atmosphères !) est bleu afin d’accentuer les contrastes entre les deux pays.

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Riad Sattouf confirme tout le bien que l’on pouvait penser de son autobiographie. Si on retrouve la noirceur, l’humour et l’aspect documentaire de son premier tome, cet opus possède sa propre identité en se concentrant plus longuement sur la Syrie.

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Note : 15/20

Dans l’atelier de Fournier – Nicoby & Joub

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Titre : Dans l’atelier de Fournier
Scénario : Joub & Nicoby
Dessin : Nicoby
Parution : Mars 2013


A l’occasion des 75 ans de Spirou, de nombreux livres sortent cette année pour témoigner de cet anniversaire. Ainsi est paru aux éditions Dupuis (évidemment !) « Dans l’atelier de Fournier » qui raconte la rencontre entre Nicoby, Joub et Fournier. Les deux premiers, fans du troisième, vont le voir chez lui afin qu’il leur narre son histoire, de ses débuts laborieux jusqu’aux derniers projets, en passant bien sûr par les années Spirou.

Mieux vaut connaître un minimum l’œuvre de Fournier pour apprécier pleinement cet ouvrage. Celui qui est connu pour avoir pris « Spirou » à la suite de Franquin a évidemment eu d’autres vies. Cependant, il ne faut pas se limiter qu’à l’auteur breton. Car à travers son histoire, c’est aussi une histoire de la bande-dessinée qui se dessine. Le rapport entre la publication en magazine et en albums, les festivals, les éditeurs, les collègues… Fournier a été assez rejeté par le milieu pour pouvoir en parler sans concession.

Un témoignage sur le métier de dessinateur.

Le tout passe par l’œil admiratif de Nicoby et Joub. Leur côté fan est parfaitement adapté à l’ouvrage. Connaissant sur le bout des doigts l’œuvre de l’auteur, ils le questionnent sur ses ouvrages les moins connus. Du coup, inutile de chercher une quelconque critique de Fournier, le livre n’est pas là pour ça.

Quelques documents sont insérés au milieu de la conversation (comme des calques de Franquin où il distille des conseils à son protégé) et à la fin (planches, illustrations, synopsis…). Sous la forme de ce livre, c’est un vrai témoignage sur le métier de dessinateur. L’approche par la discussion entre les personnages est très dynamique et fluide, si bien que l’on dévore l’ouvrage sans peine. 

J’aime beaucoup le trait de Nicoby et le fait qu’il dessine cet ouvrage m’a convaincu de l’acquérir. Ici, il fait mouche une nouvelle fois en dessinant des personnages très expressifs. Cela donne une vraie convivialité à l’ensemble. Si bien que nous aussi on a l’impression d’être dans l’atelier de Fournier !

Ce livre est à prendre pour ce qu’il est : un témoignage sur la carrière de Fournier. Evidemment, ce dernier en sort grandi et dégage une indéniable sympathie. Mais les critiques sous-jacentes de certaines pratiques dans la bande-dessinée (d’une époque du moins, même si ça n’a pas du changer tant que ça) donne à l’ouvrage un sujet plus large. Si vous aimez lire sur l’histoire de la bande-dessinée et sur ses auteurs, « Dans l’atelier de Fournier » est pour vous !

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Note : 14/20

Manuel de la jungle – Nicoby & Joub

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Titre : Manuel de la jungle
Scénaristes : Nicoby & Joub
Dessinateurs : Nicoby & Joub
Parution : Mai 2015


Joub et Nicoby avait plutôt bien réussi leur biographie « Dans l’atelier de Fournier ». Ils s’y présentaient, interviewant l’auteur sur son passé. Cela est en train de devenir une de leur spécialité. Au point qu’ils partent réaliser un livre sur la jungle, en Guyane. Joub vivant à Cayenne, ils ont l’idée de retrouver deux instituteurs baroudeurs et de partir quelques jours dans l’Enfer vert afin de voir combien ce terme est galvaudé. Le tout est donc scénarisé par Nicoby et Joub. Le premier dessine, le second colorise le tout. C’est paru chez Dupuis pour 140 pages de bande-dessinées au prix de 19 euros.

ManuelDeLaJungle1Le récit présente donc deux citadins emportés par deux baroudeurs. Évidemment, les premiers ont très peur des bestioles : serpent, araignées, crocodiles, etc. Même si cette menace n’est pas la plus importante… Le livre démarre donc par un véritable manuel, les expérimentés expliquant aux nouveaux le fonctionnement de la survie dans ce milieu, entre chasse et binouze.

Un titre trompeur.

Mais l’histoire finit par tourner vers autre chose : la dénonciation des orpailleurs clandestins. Du coup, le livre est un peu scindé en deux et manque de cohérence. De même, les anecdotes nombreuses abondent dans le livre et coupent le rythme. On sent une forme de fourre-tout, intéressant certes, mais qui manque de travail de fond pour en faire un bouquin en tant que tel. Ainsi, le titre « Manuel de la jungle » est trompeur, mais c’est ce que devait être le livre au départ.

Malgré tout, la vie dans la jungle a un intérêt réel et on apprend beaucoup de choses. La deuxième partie, plus militante, donne aussi à réfléchir. Le tout se dévore d’une traite, l’humour est présent et on apprend énormément sur la jungle. Dommage que les auteurs se représentent toujours comme apeurés, voulant mettre fin à l’expérience au plus vite. Finalement, on se dit que ce voyage de quelques jours ne les aura pas changés. Surtout, ils paraissent encore plus terrorisés à la fin. Peut-être est-ce la réalité, mais le tout ne va pas très loin dans l’analyse. Joub et Nicoby ont choisi un récit de voyage sans trop chercher à approfondir le propos en aval.

Concernant le dessin, j’aime beaucoup le trait de Nicoby, sublimé par les aquarelles de Joub. Les ambiances sont posées, aussi bien dans la jungle, sur la pirogue, la nuit… Une vraie réussite. En revanche, on ressent relativement peu le côté « paradis des sens » vanté par la quatrième de couverture. Ce n’est pas évident avec du dessin de faire ressentir cela, mais dans les faits, la jungle est jolie mais on ne la ressent pas.

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« Manuel de la jungle » est un ouvrage qui dévie de son intention première. Hésitant entre un apprentissage par des citadins de la jungle et une dénonciation des clandestins du lac, il manque un peu de cohérence. De même, il cède à la mode actuel en présentant une pagination excessive. Ainsi, la scène du restaurant, au départ, n’a aucun intérêt et rallonge artificiellement l’ouvrage. Mais si vous êtes un amateur des livres de Joub et Nicoby, ne boudez pas votre plaisir, on retrouve l’humour des deux compères et ce trait rond qui va si bien avec.

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Note : 13/20

Blankets – Craig Thomson

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Titre : Blankets
Scénariste : Craig Thomson
Dessinateur : Craig Thomson
Parution : Mars 2004


Une fois lu « Habibi », j’avais bien envie de continuer de découvrir Craig Thomson. Après une incursion (dispensable) en carnet de voyage, je récupérais enfin « Blankets », proclamé chef d’œuvre par de nombreuses critiques. « Blankets » est un ouvrage autobiographique sur la jeunesse de l’auteur. On y trouve un peu de son enfance et beaucoup de son adolescence. Au centre de cet épais bouquin (pas loin de 600 pages quand même…), sa première relation amoureuse. Le tout est publié chez Casterman dans la collection écritures.

Blankets1Craig Thomson nous met tout de suite dans un certain misérabilisme. Enfant, il dort avec son petit frère et ils ont froid quand bien même. Quelques anecdotes se succèdent, montrant une éducation à la dure où mieux valait filer droit. Hélas, la plupart des pages traitant de l’enfance n’ont pas vraiment d’intérêt pour la suite. On pourrait bien sûr penser que cela forge le caractère de Craig, mais tout cela est quand même bien décousu. On rentre réellement dans le vif du sujet quand il rencontre son premier amour.

Peu d’empathie pour le personnage.

Les amourettes, quand on est a vécues, c’est très touchant. Mais ici, l’histoire entre Craig et Raina n’a pas beaucoup d’intérêt. Tout cela est très plat et manque cruellement de recul. Et pourtant il y aurait de quoi dire : Raina a pour frère et sœur deux enfants handicapés et adoptés. Il ne reste plus qu’à ajouter des parents en plein divorce pour parfaire le tout. Du coup, les pistes de développement se multiplient (on peut ajouter la religion qui saupoudre le tout en permanence) sans vraiment nous intéresser. Et au fur et à mesure de la lecture, on se fatigue un peu de tout ça. Le personnage de Craig est très passif, peureux et on n’a finalement que peu d’empathie pour lui.

Au niveau du dessin, j’aime le trait de Craig Thomson. Dessiné au pinceau, il a beaucoup de force. C’est vraiment le point fort du livre. Le noir et blanc permet de bien traiter la neige (le livre n’est-il pas sous-titré « manteau de neige » après tout ?) et convient au propos. Malgré tout, il n’y a pas l’incroyable force des planches de « Habibi ». Le sujet s’y prête moins, certes.

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Quelle déception que ce « Blankets ». C’est long, lent, peu passionnant et pas touchant pour un sou. On sent l’intention derrière de traiter de nombreux sujets « graves », mais c’est finalement une amourette banale à laquelle on a droit. Les thèmes annexes, survolés, auraient peut-être mérité plus d’attention et non pas quelques pages rapides entre deux coups de téléphone à sa chérie.

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Note : 10/20

Route 78

Route78


Titre : Route 78
Scénariste : Éric Cartier & Audrey Alwett
Dessinateur : Éric Cartier
Parution : Février 2015


En 1978, Éric Cartier et sa copine Pat partent aux Etats-Unis. ArrivĂ©s Ă  New-York, ils veulent traverser le pays en stop et repartir de San Francisco. Ils viennent retrouver l’univers de Kerouac et tracer la route. Mais Ă©videmment, tout cela est bien plus compliquĂ© que ce qu’ils avaient imaginĂ©. Rapidement sans le sou, le road trip va s’avĂ©rer ĂŞtre une vĂ©ritable Ă©preuve. Continuer la lecture de « Route 78 »

Le Petit Christian, T2 – Blutch

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Titre : Le Petit Christian, T2
Scénariste : Blutch
Dessinateur : Blutch
Parution : Octobre 2008


Après avoir relaté son enfance dans le premier tome de « Le Petit Christian », Blutch remet le couvert pour aborder le thème de l’adolescence. Plus précisément, on démarre ici avec l’entrée en 6ème de Christian jusqu’à son passage en 3ème. On a va ainsi le voir évoluer du petit garçon qu’il était jusqu’à un grand ado ténébreux et râleur. Comme il part dans un collège privé de Strasbourg, on ne retrouvera pas les personnages récurrents du premier tome.

Le fil rouge de cette BD s’appelle Catie Borie. C’est la fille d’amis de la famille et elle a le même âge que Christian. Il en est fou amoureux, mais 1000 km les sépare. En s’intéressant à une fille, Christian renie certains principes de son enfance (« quand on est un desperado, on se garde des femmes.») et glisse inexorablement vers d’autres préoccupations bien légitimes.

Inventivité et sensibilité

Ce nouveau tome aborde avec beaucoup de sensibilité et d’inventivité le thème d’un amour a mi-chemin entre les amours d’enfance (Christian restant très naïf) et des amours plus adultes. L’éveil des sens du narrateur est bien sûr présent, lié à un romantisme extrême qui le torture jusqu’au dénouement imprévisible. Témoin, cette scène de traversée du désert où le narrateur se voit pris dans une tempête de sable représentant les autres filles du collège qui essaient de le détourner de sa Catie… Et Christian ne vit que pour les lettres qu’il reçoit de sa bien-aimée…

Une nouvelle fois, l’intervention de personnages de fiction apporte beaucoup à l’ensemble. Christian a un dieu : Steve Mac Queen, qu’il prie avant les contrôles… De même, les références à la BD ou au cinéma sont légions. La traversée du désert est une référence évidente à « Tintin au pays de l’or noir ». De même les stars du cinéma ont encore une place importante et toujours en situation (« Oh ! Marlon Brando dans un tango à Paris.»). Petite nouveauté, Christian parle aussi à son double enfant, déguisé en cowboy. Le dialogue avec son double montre la première mutation de Christian, de par l’apparition de son amour pour Catie Borie. Son dialogue avec Marlon Brando en fin d’ouvrage montre sa deuxième mutation (je vous laisse découvrir pourquoi). Les apparitions de ces personnages et les références constantes aux mondes du cinéma et de la bande-dessinée sont clairement le pivot de cet ouvrage. Il montre combien ils ont une influence majeure sur l’imagination des enfants et des adolescents et combien ils forgent la personnalité par leurs propos.

On retrouve le dessin de Blutch tout en hachures. Petite nouveauté : de la couleur a été ajoutée. En effet, l’auteur ajoute des touches de rouge et de rose afin de densifier son dessin. Le tout est assez réussi, même si ça a un coût : le deuxième tome de « Le Petit Christian » est 4 euros plus cher.

Sous un aspect faussement naïf (le personnage de Christian a un dessin assez simple), Blutch marque une fois de plus de son talent cet ouvrage. Ainsi, le dessin très réaliste des personnages célèbres marque un contraste toujours intéressant avec le reste des personnages. De même, la scène où Christian part pour la première fois au collège est saisissante. S’imaginant dans une prison, l’auteur applique un style noir et inquiétant qui tranche avec le reste de l’ouvrage.

J’ai une nouvelle fois été saisi par le talent de Blutch dans la suite de son autobiographie. Son inventivité pour raconter ces moments de la jeunesse est incroyable. En utilisant de nombreuses références extérieures, il parvient à créer une connivence avec le lecteur. La scène du désert est simplement à mourir de rire, mais est également pleine de vérité sur l’adolescence. En détournant les codes propres à ce genre de récit (les premiers amours, les débuts au collège…), Blutch parvient à nous surprendre sur un sujet pourtant maintes fois abordés. Une référence !

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Note : 19/20

Le Petit Christian – Blutch

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Titre : Le Petit Christian
Scénariste : Blutch
Dessinateur : Blutch
Parution : Mars 2003


 Après avoir marqué de son empreinte la bande-dessinée avec des œuvres telles que « Blotch » ou « Peplum », Blutch s’attaque à l’autobiographie avec « Le Petit Christian ». Ou plutôt, c’est ce que l’on est en droit de croire. Car Blutch nie l’aspect autobiographique de cet ouvrage bien que le personnage ait le même prénom et soit alsacien… Quoiqu’il en soit, on suit Christian, un jeune garçon, dans sa vie d’enfant.

La BD enfantine n’est pas nouvelle. On peut citer « Le petit Spirou »,« Cédric », « Boule et Bill » ou plus récemment « Titeuf » pour s’en convaincre. Difficile alors de se démarquer. Blutch le fait sans peine en adoptant un ton résolument rétro qui ne pourra simplement pas parler à des enfants. En s’adressant clairement à des adultes (ne serait-ce que par l’absence de couleurs), Blutch évite l’écueil de faire une nouvelle BD de plus sur l’enfance.

Télévision & bande-dessinée

La vision de l’enfance de Blutch est toujours lié à deux médias essentiels à l’époque : la télévision et la bande-dessinée. Le tout se passant il y a quelques décennies en arrière (on retrouve des références à Steve Mac Queen, Rahan ou Placid et Muzo !), ces deux éléments sont traités de façon complètement différents et contribue à la nostalgie du lecteur (ou l’étonnement pour les plus jeunes d’entre nous). En effet, on parle d’une époque où les enfants sont obligés d’aller se coucher tôt (sans regarder la télé !), ou les BD paraissaient avant tout sur magazine et étaient censurées par les parents. Ainsi, son personnage passe son temps à se projeter sur ses personnages. La plupart du temps, il se transforme en eux, soit il converse avec eux. Si le procédé n’est pas nouveau, il est très réussi ici.

La grande réussite de Blutch est sans conteste l’écart qu’il crée entre les adultes et les enfants. Quand les enfants parlent entre eux, ils sont enthousiastes, bavards, ça gueule, ça crie… Mais dans leurs rapports aux adultes, c’est très différents. Les parents, les profs, le curé sont tout puissants, souvent durs et sévères et font partie d’un autre monde. Ce temps est clairement révolu car de nous jours l’enfant est roi. En cela, l’ouvrage prend d’autant plus de sens. Cette distanciation est accentuée par le dessin. Là où les adultes sont représentés de façon réaliste (et grave), les enfants sont dessinées dans un style naïf. L’écart paraît ainsi encore plus grand. Le dessin est tout en hachures et en noir et blanc. Le dessin des acteurs est particulièrement soigné et toujours en situation (John Wayne en militaire, Steve Mac Queen en cowboy…), ce qui ajoute au côté décalé de l’enfance.

« Le Petit Christian » est une ode à l’enfance et à son imaginaire. Son côté désuet renforce d’autant plus son propos. A cette époque, lire « Rahan » était interdit par les parents (parce qu’il y a des morts et des amazones peu habillées). On est bien loin de la pornographie et des images violentes auxquelles sont témoins les enfants aujourd’hui. En adoptant clairement une vision adulte et tendre de l’enfance, Blutch tape juste. A lire d’urgence !

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Note : 17/20

Lune l’envers – Blutch

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Titre : Lune l’envers
Scénariste : Blutch
Dessinateur : Blutch
Parution : Janvier 2014


Blutch reste l’un des auteurs de bande-dessinée que j’admire le plus. La variété des moyens avec lesquels il a pu me toucher en tant que lecteur m’étonne toujours. De ses histoires d’enfance (« Le petit Christian »), à l’humour grinçant (« Blotch ») en passant par le déstabilisant « Vitesse moderne », j’ai eu droit à tous les sentiments. Cependant, cette force dans la variété a fait que je suis également passé à côté de certains ouvrages… « Lune l’envers » est un nouveau one-shot publié par l’auteur chez Dargaud. Le livre se présente sous la forme d’un album classique d’une cinquantaine de pages.

LuneLenvers2Quel est le réel sujet de « Lune l’envers » ? Difficile de le dire. Profondément narcissique (plusieurs personnes sont Blutch), on peut y voir une sorte de fable surréaliste sur le milieu de la bande-dessinée (et de l’art en général). Mais les critiques sur le monde du travail sont également bien présentes. L’auteur nous montre notre société, façon futur dystopique. C’est affreux, sans aucune morale et les méchants gagnent à la fin. Et devant le côté absurde de certaines situations, il va falloir s’accrocher.

Combattre l’aseptisation

Un peu abrupte dans son début, l’ouvrage s’éclaircit au fur et à mesure des pages. Les tenants et les aboutissants se dévoilent et le puzzle se constitue. De façon générale, l’ouvrage s’attaque à l’aspect aseptisé et bien pensant qui s’installe dans notre monde. Ainsi, un jeune éditeur (qui porte le nom… Blütch !) déclare : « votre projet est conventionnel, poussif, sans élan… Parfaitement inoffensif… Bravo, mon vieux. On va vous préparer un contrat. » C’est le message qui découle de l’histoire.

Forcément, en crachant dans la soupe et en flinguant tout le monde (de l’auteur indé à l’auteur mainsteam, en passant par l’éditeur), Blutch se devait d’être cohérent. C’est le cas ! Son récit est complexe et riche, son graphisme excellent. J’ai depuis longtemps été séduit par le trait de l’auteur, mais il adopte ici une esthétique qui rappelle les années 70, impression renforcée par des couleurs originales et marquantes.

LuneLenvers1

Critiquer l’univers de la BD est facile, le faire avec une telle créativité est une autre paire de manches. Blutch confirme ici, si besoin était, son grand talent et sa virtuosité. « Lune l’envers » est un ouvrage corrosif et riche. Une belle épopée surréaliste dans le monde d’édition de bande-dessinée !

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Note : 16/20