Ce n’est pas toi que j’attendais – Fabien ToulmĂ©

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Titre : Ce n’est pas toi que j’attendais
Scénariste : Fabien Toulmé
Dessinateur : Fabien Toulmé
Parution : Octobre 2014


Fabien ToulmĂ© vit au BrĂ©sil avec sa femme Patricia et sa fille Louise. Un deuxiĂšme enfant est en route. Le futur pĂšre craint pour la trisomie 21, sans trop savoir pourquoi. Il faut dire que leur retour en France en pleine grossesse a compliquĂ© le suivi de l’enfant. Et, en effet, sa fille Julia nait trisomique.

Difficile sujet que celui de la trisomie 21. Fabien ToulmĂ© nous propose un ouvrage autobiographique sur cette expĂ©rience. Plus que sur le regard des autres (qui est souvent l’angle choisi), son livre est basĂ© sur le ressenti du pĂšre qui dĂ©couvre un enfant qui n’est pas celui qu’il attendait (et voulait). Le tout pĂšse quand mĂȘme plus de 150 pages et est paru aux Ă©ditions Delcourt.

CeNEstPasToiQueJAttendais2L’autobiographie, de part son aspect « vrai », est toujours plus touchante. L’auteur ne cherche pas Ă  se glorifier, faisant preuve d’une sincĂ©ritĂ© louable. On voit le mal qu’il a Ă  aimer sa fille (ou mĂȘme simplement Ă  la considĂ©rer comme sa fille). ParallĂšlement Ă  cette relation pĂšre-fille, le parcours du combattant du nouveau parent d’enfant handicapĂ© est aussi dĂ©crit en dĂ©tail.

Comment accepter la naissance de sa fille trisomique ?

L’histoire s’arrĂȘte assez tĂŽt pour ne pas traiter les soucis de dĂ©veloppement de l’enfant. Elle se concentre avant tout sur la naissance et l’acceptation. Une fois que c’est fait, le livre s’arrĂȘte. Ainsi, si les notions de dĂ©pendance Ă  l’ñge adulte sont Ă©voquĂ©es, c’est pas les mĂ©decins.

Fabien ToulmĂ© trouve le ton juste pour traiter le sujet. AutocentrĂ©, faisant la part belle Ă  la narration en voix-off, son propos est riche et bien structurĂ©. L’émotion est bien Ă©videmment prĂ©sente, mais l’humour Ă©galement, apportant un peu de respiration au milieu d’un sujet difficile.

Le dessin de Fabien ToulmĂ© n’a rien de trĂšs original, mais il est adaptĂ© au propos par sa simplicitĂ©. La colorisation se concentre sur l’essentiel, une couleur correspondant Ă  un chapitre. Il y a quelques bonnes idĂ©es de composition, mais globalement la bande-dessinĂ©e se contente de relater des faits sans beaucoup d’action et beaucoup de dialogue. NĂ©anmoins, le tout fonctionne plutĂŽt bien.

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« Ce n’est pas toi que j’attendais » est un livre touchant. Outre un aspect documentaire sur ce qu’il faut faire lorsqu’un enfant naĂźt trisomique, on dĂ©couvre un pĂšre complĂštement perdu face Ă  la naissance de sa fille et son long chemin pour l’accepter telle quelle est. Un beau tĂ©moignage.

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L’arabe du futur, T2 : Une jeunesse au Moyen-Orient (1984-1985) – Riad Sattouf

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Titre : L’arabe du futur, T2 : Une jeunesse au Moyen-Orient (1984-1985)
Scénariste : Riad Sattouf
Dessinateur : Riad Sattouf
Parution : Juin 2015


Riad Sattouf s’est lancĂ© dans une importante autobiographie de jeunesse avec « L’arabe du futur ». Le premier tome Ă©tant reparti du festival d’AngoulĂȘme avec le Fauve d’Or, ce deuxiĂšme opus Ă©tait attendu au tournant. Se concentrant sur une annĂ©e de Riad en Syrie (contre 5-6 ans dans le tome prĂ©cĂ©dent), il prend le temps de dĂ©velopper le propos. Il faut dire que Riad vieillit et les souvenirs se font aussi plus prĂ©cis. Le tout est toujours volumineux (140 pages) et publiĂ© chez Allary Editions.

LArabeDuFutur2bOn avait quittĂ© Riad en Bretagne alors qu’il devait retourner en Syrie et commencer l’école. Cette derniĂšre prend une place non-nĂ©gligeable dans l’ouvrage et les Ăąmes sensibles sont priĂ©es de rester fortes : brimades et violences physiques sont de la partie dans les classes surpeuplĂ©es. L’auteur n’hĂ©site pas non plus Ă  questionner l’enseignement qui est fourni aux Ă©lĂšves (apprendre une sourate du Coran, certes, mais pourquoi ne pas en expliquer le sens ?). Il apprend donc aussi l’arabe en classe et, parallĂšlement, le français avec sa mĂšre.

Un pÚre lùche et menteur, une mÚre passive qui se réveille un peu.

CĂŽtĂ© famille, le petit frĂšre de Riad semble inexistant. Choix Ă©trange de la part de l’auteur qui n’en parle presque jamais. Quand il est mentionnĂ©, on se surprend Ă  se rappeler son existence. Le pĂšre, adulĂ© dans le premier tome par le petit Riad, est moins apprĂ©ciĂ© par son fils. Il paraĂźt toujours aussi lĂąche et menteur. Il passe son temps Ă  annoncer plein de choses et rien ne se concrĂ©tise. Ainsi, il est censĂ© devoir construire une grande villa pour sa famille qui continue Ă  vivre dans un appartement Ă  moitiĂ© vide et dĂ©labré  On est presque rassurĂ© de voir sa mĂšre, trĂšs passive auparavant, perdre patience, exigeant une cuisiniĂšre par exemple
 Cependant, elle protĂšge Riad de bien loin, empĂȘchant quand mĂȘme son pĂšre d’utiliser Ă  tout escient l’adage « c’était comme ça pour moi et, regarde, je suis docteur. »

L’ouvrage dĂ©crit donc de maniĂšre consciencieuse, par les yeux d’un petit garçon, la sociĂ©tĂ© syrienne des annĂ©es 80. On sent que le piston et les trafics en tous genres sont les seuls moyens de s’en sortir. Son pĂšre essaye bien de copiner, mais il ne fait pas partie du beau monde et n’arrive pas Ă  monter dans l’échelle sociale. AprĂšs des dĂ©buts de vie un peu mouvementĂ©s, la famille s’installe durablement en Syrie et on sent poindre les tensions. Ce deuxiĂšme livre dĂ©veloppe donc plus en longueur les relations entre les personnages.

Le dessin de Riad est toujours adaptĂ© au propos, les expressions des personnages faisant des merveilles. Le choix de la bichromie est pertinent. L’ouvrage est rose, teintĂ© de vert et de rouge. Seul le passage en France (qui paraĂźt du coup complĂštement dĂ©calĂ© dans ses atmosphĂšres !) est bleu afin d’accentuer les contrastes entre les deux pays.

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Riad Sattouf confirme tout le bien que l’on pouvait penser de son autobiographie. Si on retrouve la noirceur, l’humour et l’aspect documentaire de son premier tome, cet opus possĂšde sa propre identitĂ© en se concentrant plus longuement sur la Syrie.

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Note : 15/20

Dans l’atelier de Fournier – Nicoby & Joub

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Titre : Dans l’atelier de Fournier
Scénario : Joub & Nicoby
Dessin : Nicoby
Parution : Mars 2013


A l’occasion des 75 ans de Spirou, de nombreux livres sortent cette annĂ©e pour tĂ©moigner de cet anniversaire. Ainsi est paru aux Ă©ditions Dupuis (Ă©videmment !) « Dans l’atelier de Fournier » qui raconte la rencontre entre Nicoby, Joub et Fournier. Les deux premiers, fans du troisiĂšme, vont le voir chez lui afin qu’il leur narre son histoire, de ses dĂ©buts laborieux jusqu’aux derniers projets, en passant bien sĂ»r par les annĂ©es Spirou.

Mieux vaut connaĂźtre un minimum l’Ɠuvre de Fournier pour apprĂ©cier pleinement cet ouvrage. Celui qui est connu pour avoir pris « Spirou » Ă  la suite de Franquin a Ă©videmment eu d’autres vies. Cependant, il ne faut pas se limiter qu’à l’auteur breton. Car Ă  travers son histoire, c’est aussi une histoire de la bande-dessinĂ©e qui se dessine. Le rapport entre la publication en magazine et en albums, les festivals, les Ă©diteurs, les collĂšgues
 Fournier a Ă©tĂ© assez rejetĂ© par le milieu pour pouvoir en parler sans concession.

Un témoignage sur le métier de dessinateur.

Le tout passe par l’Ɠil admiratif de Nicoby et Joub. Leur cĂŽtĂ© fan est parfaitement adaptĂ© Ă  l’ouvrage. Connaissant sur le bout des doigts l’Ɠuvre de l’auteur, ils le questionnent sur ses ouvrages les moins connus. Du coup, inutile de chercher une quelconque critique de Fournier, le livre n’est pas lĂ  pour ça.

Quelques documents sont insĂ©rĂ©s au milieu de la conversation (comme des calques de Franquin oĂč il distille des conseils Ă  son protĂ©gĂ©) et Ă  la fin (planches, illustrations, synopsis
). Sous la forme de ce livre, c’est un vrai tĂ©moignage sur le mĂ©tier de dessinateur. L’approche par la discussion entre les personnages est trĂšs dynamique et fluide, si bien que l’on dĂ©vore l’ouvrage sans peine. 

J’aime beaucoup le trait de Nicoby et le fait qu’il dessine cet ouvrage m’a convaincu de l’acquĂ©rir. Ici, il fait mouche une nouvelle fois en dessinant des personnages trĂšs expressifs. Cela donne une vraie convivialitĂ© Ă  l’ensemble. Si bien que nous aussi on a l’impression d’ĂȘtre dans l’atelier de Fournier !

Ce livre est Ă  prendre pour ce qu’il est : un tĂ©moignage sur la carriĂšre de Fournier. Evidemment, ce dernier en sort grandi et dĂ©gage une indĂ©niable sympathie. Mais les critiques sous-jacentes de certaines pratiques dans la bande-dessinĂ©e (d’une Ă©poque du moins, mĂȘme si ça n’a pas du changer tant que ça) donne Ă  l’ouvrage un sujet plus large. Si vous aimez lire sur l’histoire de la bande-dessinĂ©e et sur ses auteurs, « Dans l’atelier de Fournier » est pour vous !

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Note : 14/20

Manuel de la jungle – Nicoby & Joub

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Titre : Manuel de la jungle
Scénaristes : Nicoby & Joub
Dessinateurs : Nicoby & Joub
Parution : Mai 2015


Joub et Nicoby avait plutĂŽt bien rĂ©ussi leur biographie « Dans l’atelier de Fournier ». Ils s’y prĂ©sentaient, interviewant l’auteur sur son passĂ©. Cela est en train de devenir une de leur spĂ©cialitĂ©. Au point qu’ils partent rĂ©aliser un livre sur la jungle, en Guyane. Joub vivant Ă  Cayenne, ils ont l’idĂ©e de retrouver deux instituteurs baroudeurs et de partir quelques jours dans l’Enfer vert afin de voir combien ce terme est galvaudĂ©. Le tout est donc scĂ©narisĂ© par Nicoby et Joub. Le premier dessine, le second colorise le tout. C’est paru chez Dupuis pour 140 pages de bande-dessinĂ©es au prix de 19 euros.

ManuelDeLaJungle1Le rĂ©cit prĂ©sente donc deux citadins emportĂ©s par deux baroudeurs. Évidemment, les premiers ont trĂšs peur des bestioles : serpent, araignĂ©es, crocodiles, etc. MĂȘme si cette menace n’est pas la plus importante
 Le livre dĂ©marre donc par un vĂ©ritable manuel, les expĂ©rimentĂ©s expliquant aux nouveaux le fonctionnement de la survie dans ce milieu, entre chasse et binouze.

Un titre trompeur.

Mais l’histoire finit par tourner vers autre chose : la dĂ©nonciation des orpailleurs clandestins. Du coup, le livre est un peu scindĂ© en deux et manque de cohĂ©rence. De mĂȘme, les anecdotes nombreuses abondent dans le livre et coupent le rythme. On sent une forme de fourre-tout, intĂ©ressant certes, mais qui manque de travail de fond pour en faire un bouquin en tant que tel. Ainsi, le titre « Manuel de la jungle » est trompeur, mais c’est ce que devait ĂȘtre le livre au dĂ©part.

MalgrĂ© tout, la vie dans la jungle a un intĂ©rĂȘt rĂ©el et on apprend beaucoup de choses. La deuxiĂšme partie, plus militante, donne aussi Ă  rĂ©flĂ©chir. Le tout se dĂ©vore d’une traite, l’humour est prĂ©sent et on apprend Ă©normĂ©ment sur la jungle. Dommage que les auteurs se reprĂ©sentent toujours comme apeurĂ©s, voulant mettre fin Ă  l’expĂ©rience au plus vite. Finalement, on se dit que ce voyage de quelques jours ne les aura pas changĂ©s. Surtout, ils paraissent encore plus terrorisĂ©s Ă  la fin. Peut-ĂȘtre est-ce la rĂ©alitĂ©, mais le tout ne va pas trĂšs loin dans l’analyse. Joub et Nicoby ont choisi un rĂ©cit de voyage sans trop chercher Ă  approfondir le propos en aval.

Concernant le dessin, j’aime beaucoup le trait de Nicoby, sublimĂ© par les aquarelles de Joub. Les ambiances sont posĂ©es, aussi bien dans la jungle, sur la pirogue, la nuit
 Une vraie rĂ©ussite. En revanche, on ressent relativement peu le cĂŽtĂ© « paradis des sens » vantĂ© par la quatriĂšme de couverture. Ce n’est pas Ă©vident avec du dessin de faire ressentir cela, mais dans les faits, la jungle est jolie mais on ne la ressent pas.

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« Manuel de la jungle » est un ouvrage qui dĂ©vie de son intention premiĂšre. HĂ©sitant entre un apprentissage par des citadins de la jungle et une dĂ©nonciation des clandestins du lac, il manque un peu de cohĂ©rence. De mĂȘme, il cĂšde Ă  la mode actuel en prĂ©sentant une pagination excessive. Ainsi, la scĂšne du restaurant, au dĂ©part, n’a aucun intĂ©rĂȘt et rallonge artificiellement l’ouvrage. Mais si vous ĂȘtes un amateur des livres de Joub et Nicoby, ne boudez pas votre plaisir, on retrouve l’humour des deux compĂšres et ce trait rond qui va si bien avec.

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Note : 13/20

Blankets – Craig Thomson

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Titre : Blankets
Scénariste : Craig Thomson
Dessinateur : Craig Thomson
Parution : Mars 2004


Une fois lu « Habibi », j’avais bien envie de continuer de dĂ©couvrir Craig Thomson. AprĂšs une incursion (dispensable) en carnet de voyage, je rĂ©cupĂ©rais enfin « Blankets », proclamĂ© chef d’Ɠuvre par de nombreuses critiques. « Blankets » est un ouvrage autobiographique sur la jeunesse de l’auteur. On y trouve un peu de son enfance et beaucoup de son adolescence. Au centre de cet Ă©pais bouquin (pas loin de 600 pages quand mĂȘme
), sa premiĂšre relation amoureuse. Le tout est publiĂ© chez Casterman dans la collection Ă©critures.

Blankets1Craig Thomson nous met tout de suite dans un certain misĂ©rabilisme. Enfant, il dort avec son petit frĂšre et ils ont froid quand bien mĂȘme. Quelques anecdotes se succĂšdent, montrant une Ă©ducation Ă  la dure oĂč mieux valait filer droit. HĂ©las, la plupart des pages traitant de l’enfance n’ont pas vraiment d’intĂ©rĂȘt pour la suite. On pourrait bien sĂ»r penser que cela forge le caractĂšre de Craig, mais tout cela est quand mĂȘme bien dĂ©cousu. On rentre rĂ©ellement dans le vif du sujet quand il rencontre son premier amour.

Peu d’empathie pour le personnage.

Les amourettes, quand on est a vĂ©cues, c’est trĂšs touchant. Mais ici, l’histoire entre Craig et Raina n’a pas beaucoup d’intĂ©rĂȘt. Tout cela est trĂšs plat et manque cruellement de recul. Et pourtant il y aurait de quoi dire : Raina a pour frĂšre et sƓur deux enfants handicapĂ©s et adoptĂ©s. Il ne reste plus qu’à ajouter des parents en plein divorce pour parfaire le tout. Du coup, les pistes de dĂ©veloppement se multiplient (on peut ajouter la religion qui saupoudre le tout en permanence) sans vraiment nous intĂ©resser. Et au fur et Ă  mesure de la lecture, on se fatigue un peu de tout ça. Le personnage de Craig est trĂšs passif, peureux et on n’a finalement que peu d’empathie pour lui.

Au niveau du dessin, j’aime le trait de Craig Thomson. DessinĂ© au pinceau, il a beaucoup de force. C’est vraiment le point fort du livre. Le noir et blanc permet de bien traiter la neige (le livre n’est-il pas sous-titrĂ© « manteau de neige » aprĂšs tout ?) et convient au propos. MalgrĂ© tout, il n’y a pas l’incroyable force des planches de « Habibi ». Le sujet s’y prĂȘte moins, certes.

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Quelle dĂ©ception que ce « Blankets ». C’est long, lent, peu passionnant et pas touchant pour un sou. On sent l’intention derriĂšre de traiter de nombreux sujets « graves », mais c’est finalement une amourette banale Ă  laquelle on a droit. Les thĂšmes annexes, survolĂ©s, auraient peut-ĂȘtre mĂ©ritĂ© plus d’attention et non pas quelques pages rapides entre deux coups de tĂ©lĂ©phone Ă  sa chĂ©rie.

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Note : 10/20

Route 78

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Titre : Route 78
ScĂ©nariste : Éric Cartier & Audrey Alwett
Dessinateur : Éric Cartier
Parution : FĂ©vrier 2015


En 1978, Éric Cartier et sa copine Pat partent aux Etats-Unis. ArrivĂ©s Ă  New-York, ils veulent traverser le pays en stop et repartir de San Francisco. Ils viennent retrouver l’univers de Kerouac et tracer la route. Mais Ă©videmment, tout cela est bien plus compliquĂ© que ce qu’ils avaient imaginĂ©. Rapidement sans le sou, le road trip va s’avĂ©rer ĂȘtre une vĂ©ritable Ă©preuve. Continuer la lecture de « Route 78 »

Le Petit Christian, T2 – Blutch

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Titre : Le Petit Christian, T2
Scénariste : Blutch
Dessinateur : Blutch
Parution : Octobre 2008


AprĂšs avoir relatĂ© son enfance dans le premier tome de « Le Petit Christian », Blutch remet le couvert pour aborder le thĂšme de l’adolescence. Plus prĂ©cisĂ©ment, on dĂ©marre ici avec l’entrĂ©e en 6Ăšme de Christian jusqu’à son passage en 3Ăšme. On a va ainsi le voir Ă©voluer du petit garçon qu’il Ă©tait jusqu’à un grand ado tĂ©nĂ©breux et rĂąleur. Comme il part dans un collĂšge privĂ© de Strasbourg, on ne retrouvera pas les personnages rĂ©currents du premier tome.

Le fil rouge de cette BD s’appelle Catie Borie. C’est la fille d’amis de la famille et elle a le mĂȘme Ăąge que Christian. Il en est fou amoureux, mais 1000 km les sĂ©pare. En s’intĂ©ressant Ă  une fille, Christian renie certains principes de son enfance (« quand on est un desperado, on se garde des femmes.») et glisse inexorablement vers d’autres prĂ©occupations bien lĂ©gitimes.

Inventivité et sensibilité

Ce nouveau tome aborde avec beaucoup de sensibilitĂ© et d’inventivitĂ© le thĂšme d’un amour a mi-chemin entre les amours d’enfance (Christian restant trĂšs naĂŻf) et des amours plus adultes. L’éveil des sens du narrateur est bien sĂ»r prĂ©sent, liĂ© Ă  un romantisme extrĂȘme qui le torture jusqu’au dĂ©nouement imprĂ©visible. TĂ©moin, cette scĂšne de traversĂ©e du dĂ©sert oĂč le narrateur se voit pris dans une tempĂȘte de sable reprĂ©sentant les autres filles du collĂšge qui essaient de le dĂ©tourner de sa Catie
 Et Christian ne vit que pour les lettres qu’il reçoit de sa bien-aimĂ©e


Une nouvelle fois, l’intervention de personnages de fiction apporte beaucoup Ă  l’ensemble. Christian a un dieu : Steve Mac Queen, qu’il prie avant les contrĂŽles
 De mĂȘme, les rĂ©fĂ©rences Ă  la BD ou au cinĂ©ma sont lĂ©gions. La traversĂ©e du dĂ©sert est une rĂ©fĂ©rence Ă©vidente Ă  « Tintin au pays de l’or noir ». De mĂȘme les stars du cinĂ©ma ont encore une place importante et toujours en situation (« Oh ! Marlon Brando dans un tango Ă  Paris.»). Petite nouveautĂ©, Christian parle aussi Ă  son double enfant, dĂ©guisĂ© en cowboy. Le dialogue avec son double montre la premiĂšre mutation de Christian, de par l’apparition de son amour pour Catie Borie. Son dialogue avec Marlon Brando en fin d’ouvrage montre sa deuxiĂšme mutation (je vous laisse dĂ©couvrir pourquoi). Les apparitions de ces personnages et les rĂ©fĂ©rences constantes aux mondes du cinĂ©ma et de la bande-dessinĂ©e sont clairement le pivot de cet ouvrage. Il montre combien ils ont une influence majeure sur l’imagination des enfants et des adolescents et combien ils forgent la personnalitĂ© par leurs propos.

On retrouve le dessin de Blutch tout en hachures. Petite nouveauté : de la couleur a Ă©tĂ© ajoutĂ©e. En effet, l’auteur ajoute des touches de rouge et de rose afin de densifier son dessin. Le tout est assez rĂ©ussi, mĂȘme si ça a un coĂ»t : le deuxiĂšme tome de « Le Petit Christian » est 4 euros plus cher.

Sous un aspect faussement naĂŻf (le personnage de Christian a un dessin assez simple), Blutch marque une fois de plus de son talent cet ouvrage. Ainsi, le dessin trĂšs rĂ©aliste des personnages cĂ©lĂšbres marque un contraste toujours intĂ©ressant avec le reste des personnages. De mĂȘme, la scĂšne oĂč Christian part pour la premiĂšre fois au collĂšge est saisissante. S’imaginant dans une prison, l’auteur applique un style noir et inquiĂ©tant qui tranche avec le reste de l’ouvrage.

J’ai une nouvelle fois Ă©tĂ© saisi par le talent de Blutch dans la suite de son autobiographie. Son inventivitĂ© pour raconter ces moments de la jeunesse est incroyable. En utilisant de nombreuses rĂ©fĂ©rences extĂ©rieures, il parvient Ă  crĂ©er une connivence avec le lecteur. La scĂšne du dĂ©sert est simplement Ă  mourir de rire, mais est Ă©galement pleine de vĂ©ritĂ© sur l’adolescence. En dĂ©tournant les codes propres Ă  ce genre de rĂ©cit (les premiers amours, les dĂ©buts au collĂšge
), Blutch parvient Ă  nous surprendre sur un sujet pourtant maintes fois abordĂ©s. Une rĂ©fĂ©rence !

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Note : 19/20

Le Petit Christian – Blutch

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Titre : Le Petit Christian
Scénariste : Blutch
Dessinateur : Blutch
Parution : Mars 2003


 AprĂšs avoir marquĂ© de son empreinte la bande-dessinĂ©e avec des Ɠuvres telles que « Blotch » ou « Peplum », Blutch s’attaque Ă  l’autobiographie avec « Le Petit Christian ». Ou plutĂŽt, c’est ce que l’on est en droit de croire. Car Blutch nie l’aspect autobiographique de cet ouvrage bien que le personnage ait le mĂȘme prĂ©nom et soit alsacien
 Quoiqu’il en soit, on suit Christian, un jeune garçon, dans sa vie d’enfant.

La BD enfantine n’est pas nouvelle. On peut citer « Le petit Spirou »,« CĂ©dric », « Boule et Bill » ou plus rĂ©cemment « Titeuf » pour s’en convaincre. Difficile alors de se dĂ©marquer. Blutch le fait sans peine en adoptant un ton rĂ©solument rĂ©tro qui ne pourra simplement pas parler Ă  des enfants. En s’adressant clairement Ă  des adultes (ne serait-ce que par l’absence de couleurs), Blutch Ă©vite l’écueil de faire une nouvelle BD de plus sur l’enfance.

Télévision & bande-dessinée

La vision de l’enfance de Blutch est toujours liĂ© Ă  deux mĂ©dias essentiels Ă  l’époque : la tĂ©lĂ©vision et la bande-dessinĂ©e. Le tout se passant il y a quelques dĂ©cennies en arriĂšre (on retrouve des rĂ©fĂ©rences Ă  Steve Mac Queen, Rahan ou Placid et Muzo !), ces deux Ă©lĂ©ments sont traitĂ©s de façon complĂštement diffĂ©rents et contribue Ă  la nostalgie du lecteur (ou l’étonnement pour les plus jeunes d’entre nous). En effet, on parle d’une Ă©poque oĂč les enfants sont obligĂ©s d’aller se coucher tĂŽt (sans regarder la tĂ©lé !), ou les BD paraissaient avant tout sur magazine et Ă©taient censurĂ©es par les parents. Ainsi, son personnage passe son temps Ă  se projeter sur ses personnages. La plupart du temps, il se transforme en eux, soit il converse avec eux. Si le procĂ©dĂ© n’est pas nouveau, il est trĂšs rĂ©ussi ici.

La grande rĂ©ussite de Blutch est sans conteste l’écart qu’il crĂ©e entre les adultes et les enfants. Quand les enfants parlent entre eux, ils sont enthousiastes, bavards, ça gueule, ça crie
 Mais dans leurs rapports aux adultes, c’est trĂšs diffĂ©rents. Les parents, les profs, le curĂ© sont tout puissants, souvent durs et sĂ©vĂšres et font partie d’un autre monde. Ce temps est clairement rĂ©volu car de nous jours l’enfant est roi. En cela, l’ouvrage prend d’autant plus de sens. Cette distanciation est accentuĂ©e par le dessin. LĂ  oĂč les adultes sont reprĂ©sentĂ©s de façon rĂ©aliste (et grave), les enfants sont dessinĂ©es dans un style naĂŻf. L’écart paraĂźt ainsi encore plus grand. Le dessin est tout en hachures et en noir et blanc. Le dessin des acteurs est particuliĂšrement soignĂ© et toujours en situation (John Wayne en militaire, Steve Mac Queen en cowboy
), ce qui ajoute au cĂŽtĂ© dĂ©calĂ© de l’enfance.

« Le Petit Christian » est une ode Ă  l’enfance et Ă  son imaginaire. Son cĂŽtĂ© dĂ©suet renforce d’autant plus son propos. A cette Ă©poque, lire « Rahan » Ă©tait interdit par les parents (parce qu’il y a des morts et des amazones peu habillĂ©es). On est bien loin de la pornographie et des images violentes auxquelles sont tĂ©moins les enfants aujourd’hui. En adoptant clairement une vision adulte et tendre de l’enfance, Blutch tape juste. A lire d’urgence !

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Note : 17/20

Lune l’envers – Blutch

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Titre : Lune l’envers
Scénariste : Blutch
Dessinateur : Blutch
Parution : Janvier 2014


Blutch reste l’un des auteurs de bande-dessinĂ©e que j’admire le plus. La variĂ©tĂ© des moyens avec lesquels il a pu me toucher en tant que lecteur m’étonne toujours. De ses histoires d’enfance (« Le petit Christian »), Ă  l’humour grinçant (« Blotch ») en passant par le dĂ©stabilisant « Vitesse moderne », j’ai eu droit Ă  tous les sentiments. Cependant, cette force dans la variĂ©tĂ© a fait que je suis Ă©galement passĂ© Ă  cĂŽtĂ© de certains ouvrages
 « Lune l’envers » est un nouveau one-shot publiĂ© par l’auteur chez Dargaud. Le livre se prĂ©sente sous la forme d’un album classique d’une cinquantaine de pages.

LuneLenvers2Quel est le rĂ©el sujet de « Lune l’envers » ? Difficile de le dire. ProfondĂ©ment narcissique (plusieurs personnes sont Blutch), on peut y voir une sorte de fable surrĂ©aliste sur le milieu de la bande-dessinĂ©e (et de l’art en gĂ©nĂ©ral). Mais les critiques sur le monde du travail sont Ă©galement bien prĂ©sentes. L’auteur nous montre notre sociĂ©tĂ©, façon futur dystopique. C’est affreux, sans aucune morale et les mĂ©chants gagnent Ă  la fin. Et devant le cĂŽtĂ© absurde de certaines situations, il va falloir s’accrocher.

Combattre l’aseptisation

Un peu abrupte dans son dĂ©but, l’ouvrage s’éclaircit au fur et Ă  mesure des pages. Les tenants et les aboutissants se dĂ©voilent et le puzzle se constitue. De façon gĂ©nĂ©rale, l’ouvrage s’attaque Ă  l’aspect aseptisĂ© et bien pensant qui s’installe dans notre monde. Ainsi, un jeune Ă©diteur (qui porte le nom
 BlĂŒtch !) dĂ©clare : « votre projet est conventionnel, poussif, sans Ă©lan
 Parfaitement inoffensif
 Bravo, mon vieux. On va vous prĂ©parer un contrat. » C’est le message qui dĂ©coule de l’histoire.

ForcĂ©ment, en crachant dans la soupe et en flinguant tout le monde (de l’auteur indĂ© Ă  l’auteur mainsteam, en passant par l’éditeur), Blutch se devait d’ĂȘtre cohĂ©rent. C’est le cas ! Son rĂ©cit est complexe et riche, son graphisme excellent. J’ai depuis longtemps Ă©tĂ© sĂ©duit par le trait de l’auteur, mais il adopte ici une esthĂ©tique qui rappelle les annĂ©es 70, impression renforcĂ©e par des couleurs originales et marquantes.

LuneLenvers1

Critiquer l’univers de la BD est facile, le faire avec une telle crĂ©ativitĂ© est une autre paire de manches. Blutch confirme ici, si besoin Ă©tait, son grand talent et sa virtuositĂ©. « Lune l’envers » est un ouvrage corrosif et riche. Une belle Ă©popĂ©e surrĂ©aliste dans le monde d’édition de bande-dessinĂ©e !

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Note : 16/20

États dame – Zelba

EtatsDame


Titre : États dame
Scénariste : Zelba
Dessinatrice : Zelba
Parution : Octobre 2013


Zelba est une auteure de bande-dessinĂ©e allemande. Son blog BD est rĂ©guliĂšrement adaptĂ© au format papier aux Ă©ditions Jarjille, le tout Ă©tant assorti pour moitiĂ© d’inĂ©dits. « États dame » est donc une sĂ©rie d’histoires autobiographiques, le troisiĂšme paru Ă  ce jour. Le tout pĂšse prĂšs de 130 pages pour le prix de 15€.

La particularitĂ© des rĂ©cits autobiographiques de Zelba, c’est qu’ils sont constituĂ©s Ă  la fois d’anecdotes contemporaines comme de souvenirs d’enfance. Ils peuvent durer une seule page ou plus d’une dizaine de pages. Souvent, les rĂ©cits trĂšs courts concernent ses deux enfants qui, comme tous enfants qui se respectent, sortent parfois des remarques trĂšs drĂŽles. Les souvenirs d’enfance sont souvent plus tristes, faisant appel Ă  ses rapports avec sa mĂšre et sa grand-mĂšre notamment, qui sont dĂ©cĂ©dĂ©es. L’aspect nostalgique y est bien plus fort et le rire moins frĂ©quent.

Un Ă©quilibre entre humour et nostalgie.

La particularitĂ© de l’autobiographie version Zelba est donc un Ă©quilibre entre tendresse, humour, nostalgie et tristesse. Le tout est parfaitement illustrĂ© par la couverture, montrant son personnage divisĂ© en trois. Cet Ă©quilibre est bien gĂ©rĂ©. En premiĂšre lecture, il m’a semblĂ© que l’ouvrage Ă©tait moins drĂŽle que les prĂ©cĂ©dents et bien plus nostalgique. En relecture, ce n’est pas le cas finalement. Il faut dire que les enfants vieillissent et leurs petites phrases dĂ©calĂ©es se font plus rares !

EtatsDame2Les rĂ©cits longs se basent aussi sur des pĂ©riodes plus longues (plusieurs mois ou plusieurs semaines). Ce sont aussi les plus intĂ©ressants. Il est Ă©tonnant de voir que Zelba a encore des choses incroyables Ă  raconter et on se demande comment elle a pu ne pas en parler avant ! Je pense notamment Ă  cette histoire de fracture de la mĂąchoire qui ne laissera personne indiffĂ©rent. Ou encore la naissance de l’un de ses enfants.

La grande capacitĂ© de Zelba, c’est qu’elle prĂ©sente un personnage attachant, avec ses dĂ©fauts et ses qualitĂ©s. L’autodĂ©rision est bien prĂ©sente, mais contrairement Ă  d’autres rĂ©cits, mais elle n’est pas au centre des histoires, loin de lĂ . Ce cĂŽtĂ© « vrai » fait que l’on est d’autant plus touchĂ© par les rĂ©cits qu’elle nous propose.

Au niveau du dessin, Zelba adopte des planches construites façon blog. Pas de dĂ©limitations de case et un trait relĂąchĂ© parfaitement adaptĂ©. Le tout est maĂźtrisĂ© et n’est pas avare en dĂ©cors lorsque c’est nĂ©cessaire. Mais l’ouvrage est beaucoup centrĂ© sur l’humain, et cela se retrouve dans les planches. Les dialogues sont Ă©crits en noir et la narration en gris, facilitant la lecture sans alourdir les pages. Enfin, la colorisation en niveaux de gris est trĂšs rĂ©ussi et donne de la matiĂšre Ă  l’ouvrage.

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Si beaucoup de dessinateurs (et notamment blogueurs BD) font des autobiographies sans vraiment s’ouvrir, on ne pourra pas reprocher ça Ă  Zelba. Ses histoires nous touchent, car elles savent aborder des sujets graves, voire tabous, comme la maladie et la mort. Sans sentimentalisme excessif, sachant apporter des touches d’humour qui Ă©quilibrent toujours parfaitement le tout, on dĂ©vore le tout et Ă  la fermeture du livre, on ne peut qu’avoir de la sympathie pour l’auteure. Un beau travail qui continue Ă  toucher le lecteur au fur et Ă  mesure des ouvrages.

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Note : 15/20